VOYAGE AUTOUR DU MONDE. TOME I. VOYAGE AUTOUR DU MONDE, PENDANT LES ANN&ES 1790,1791 ET 1792, Par Etienne MARCHAND, PRECEDE D'UME INTRODUCTION HISTORIQUE; Auquel on a joint des Recherches sur les Terres australes de Drake, et un Examen critique du Yoyage de Roggeween j orn& de cartes et figures : Par C. P. CLARET FLEURIEU, De l'lnstitut national des Sciences et des Arts ? et du Bureau des Longitudes, etc. TOME PREMIER. PARIS, Chez COURCIER, Imprimeur-Libraire pour les Sciences, quai des Augustins, n° 5j. \ 1809. DIVISION DE L'OUVRAGE. TOME L i.° Introduction, ou Histoire abre'gee de la Decouverte progressive de la Cote du Nord- Ouest de PAmerique, depuis I'Annee 1537, que Cortes de'couvrit par mer ia Californie , jusqu'en 1791 , que le capitaine Marchand aborda a cette Cote par le cinquante- troisieme Parallele \. 2.0 Relation du Voyage autour du Monde , fait en 1790 , 1791 et 1792 par. Etienne Marchand. Chapitres I, II et III. TOME IT. Suite de la Relation du Voyage. Du Chapitre IV au Chapitre IX et dernier. 1 Cette INTRODUCTION conduit i'Histoire des Decouvertes. dans cette partre du Monde jusqu'a la derniere Expedition que le Gouvernement Britan-nique a ordonnee pour faire une Reconnoissance complete de la Cote du Nord - Ouest de VAtneriqite ; car nous savons- que c'est vers le milieu du mois d'Avril de I'Annee 1792 , que les Batimens employes dans cette graifde entreprise ont aborde a la Cote de New-Albion, <Fbu ils ont du s'elever jusqu'au soixantieme Parallele : cette Reconnaissance completera la Decouverte. _£« i) DIVISION TOME III i.° Resultat des Observations de Latitude et de Longitude faites sur ie Navire le Solide , dans Ie cours de son Voyage autour du Monde , servant a determiner les chan- gemens qu'ont apportes les CoURANS a la Direction et a la Vitesse apparentes du Vaisseau , dans les differens Parages qu'il a traverses , ainsi que 1'E R R E u R du calcul de I'E STI ME, dans 1'intervalle des Observations , et a I'epoque de chaque Attetage. 2.0 Additions a la Relation du Vo Y AGE. 3.0 Additions aux Resultats des Obse rvat 1 on s. TOME IV. IIistoire naturelle des Oiseaux , des Poissons , des Ce'tace'es , des Amphibies , et des Plantes et autres Productions marines, que le Solide a rencontres a Ia mer dans sa CiRCON- NAVIGATION DU GLOBE. TOM V. 1.° Suite de PHistoire naturelle. 2..0 Additions al'HiSTOiRE naturelle. 2.0 Recherch es sur les iles et ie Port DE L'OUVRAGE. iij decouverts par Sir Francis Drake, en i 578 j dans le Grand Ocean Austral; et identite de ces Terres et de la partie Occidentale-JVieri- dionale de la Tierra del Fuego (la Terre de Feu ); avee des Notes relatives a ces Recherches. 4.0 Ex-am EN critique des Relations du Voyage autour du Monde , fait, en 172 1 et 1722^ par PAmiral hollandais ROGGEWEEN : pour parvenir a determiner la Position geographique de chacune des De'couvertes de cet Amiral ; et demeler quelles de ces De'couvertes ont ete re- connues par les Navigateurs de notre temps j et quelles autres restent encore a chercher : Auquel on a joint un Tableau comparatif des Positions dirTerentes que divers Geographes ont donne'es aux Decouvertes de RoggeweeN; avee des Notes relatives a cet ExaM-EN. j.° Liste des Auteurs cites dans rOuvrage , et Table Alphabetiq.ue des Matieres j communes aux Tomes I, II, III, IV et V. TOME VI1. i.° Observations sur la Division jHhrDROGRAPHlQUE du Globe \ et changemens Le Tome VI, imprime sur papier Grand - Raisin, est commun a I'Edition in-S.° et a I'Edition in-4..0 iv DIVISION DE L'OUVRACE. proposes dans la Nomenclature generate et particuiiere de i'HYDROGRAPHlE. 2.0' Application du Systeme metrique DECIMAL aTHYDROGRAPHIEetauxCALCULS de la Navigation; moyens proposes pour en faciliter Fetablissement ; et Tables a cet usage. 3.0 Quinze Cartes et une Planche de FIGURES, savoir : deux Cartes app ar tenant a ITntroduction 'y une Carte generate, dix Cartes particulieres et une Planche de Figures pour le Voyage de Marchand; une Carte pour lesRECHERCHES SUR LESTERRES AUSTRALES de Drake ; une autre pour FExamen, des Decouvertes de Roggeween. AV E RT IS S EM E NT. Le Lecteur est prie de jeter un coup-d'ceil sur I'ErrATA de chaque Volume avant la lecture de t'Ouvrage , et de noter en marge du Texte , par des renvois aux Corrections , les Flutes qui pourroient 1'induire en erreur , et qui sont distin- guees dans les ERRATA par un Asterisque. AVIS AU RE LI EUR. Toutes les Cartes doivent etre placees a la fin du Tome VI, suivant 1'ordre des Numeros, et se tirer a droite : il sera mis des Onglets de fond a ceiles qui, sans cette addition, ne pourroient pas sortir en entier hors du Livrc INTRODUCTION. Fortes > Annee 1537 Page ii; CORONADO et AlAR^ON,. I54.O V Cabrillo , 154-2 vii; Drake ,1578 ix Juan de Fuca , 15 92 . . x Viscaino et Aguilar , 1602 xvj L'Amiral de FUENTE , 164.0 xxj Bering etTscHiRicow.-1-.^ Voyage, 1728.. xlij Les memes, II.c Voyage, 1729 xlviij Les mimes. IILe Voyage ,- -174,1 ......... ibid. Vicente Vila et Gaspar de Portola, 1769 Iv Expedition des EsPAGNOLS par Terre, 1771. Jxij Voyage presume des EsPAGNOLS en 1774.. . Ixv Ayala et la Bodega , 1775 Md. ■ Arteaga , 1779 Ixxx Cook , 1778 xci; La Perouse, 1786. cv DiversesReconnoissances partielles entre . Ie 48.me et le j6,me Parallele cxxij Voyage projete par W. Bolts , en 1781. , cxxiij Hanna , i.er Voyage, 1785 cxxiv Le meme , zA Voyage, 1786 cxxv Peters, 1786 cxxvj v) TABLE Lowrie et Guise , 1786 Page cxxvij Meares et Tipping , 1786 — 87 cxxxij Portlock et Dixon , 1786 — 87....... cxxxiij Berklei , 1787 cxI Colnett et Duncan , 1787 — 80* cxlj Meares et Douglas, 1788 — 89. ..... cxlviij Grey ( Americain ) , 1788. — 89 clij' Nouveaux Voyages des EsPAGNOLS. D. Martinez et- D. Haro , 1788 dxij D. Martinez , 1789 clxvij MALESPINA ; 1790 et annees-' suivantes ( on sait seuje,nje4n.t.que le Voyage a ete fait ).. . clxxlj Resume des Decouvertes clxxvj PreliminAIRES du Voyage du capitaine Marchand clxxxiv De divers Objets que Ton s'est proposes en publiant ce Voyage cxc VOYAGE DE MARCHAND. CHAPITRE I. Depart de Marseille. —Relache a PortQ-. Praya ide Hie Sant-Yago. — Le Cap de, Horn double. —i Relache aux iles' las Marquesas, de. Mendoca.'-— Sejour et Commerce avee les Naturels dans la Baie de la Madre de Dios de File Santa-Christina ou WaMtandiOL. ( Du 14- Decembre 1790 au 2 1 Juin 179 1. ).., 1 1 Chapitre II. Description generate des iles las Marquesas de MendocA, et particuliere de File Santa Christina ou WaKitaho ., DES MA TIE RES. M d'apres les Espagnols , les Anglais et les Francais. — Description de Ia Baie de la Madre de Dios. — Terrain, productions, animaux et climat de File. — Description des Habitans : Ieur physique, leurs habille- inens et ornemens , leurs alimens , Ieur Industrie, leurs mceurs, Ieur caractere, leurs usages , leurs exercices-, &c. — Idee^dealeur Gouvernement. — Population presumee des cinq iles du Groupe. ■— Vocabulaire de WaKitahb. — Les Naturels de cette ile compares a ceux de Ta'iti. Page 81 Chapitre III. Du Mouillage de la Baie de la Madre de Dios on aperc/rit, dans FOuest-Nord-Ouest et Nord-Ouest quart d'Ouest, une Terre qui n'est pas indiquee sur les Cartes hydrographiques. — On se dirige sur cette Terre; on decouvre un nouveau Groupe d'iles qui ne forme qu'un meme Archipel avee les iles de Mendoga. — Description de ce Groupe. —Description particuliere d'une des iles principales et de ses habitans. — Conjectures sur d'autres Terres qui doivent etre situees dans FOuest du nouveau Groupe. — Les habitans des iles de laSociete avoient connoissance du Groupe des Mendoca et de celui qu'a decouvert le capitaine Marchand, avant que les Naviga- teurs de notre temps eussent penetre dans Ie Grand Ocean, — Opinion sur Fexistence d'une autre Terre sous Ie vent de ces Iks. vii) TABLE DES MATIERES, — Traversee depuis ies iles nouvelks jus- qu'a Ia. Cote du Nord-Ouest de YAmerique, ( Du 2fi Jjuin au 12 Aout 179 1. ) . * . . .Page 224, E R KAT-M'i &9% Fi h de la. Table des Matieres du Tome I INTRODUCTION. introduction. [ Lue dans les Seances de Flnstitut National des Sciences et des Arts, Classe des Sciences morales et politiques, le 17 et Ie zi Messidor , an V de I'Ere Fran9aise. ] JLi ES COTES du Nord- Ouesl de V Amerique} separees de YEurope par une vaste Mer, et par un grand Continent qu'il faut prolonger du cote de rOrient jusqu'a cinquante-sept ou cinquante-huit degres de latitude Australe, pour Ie remonter ensuite, du cote de FOccident, jusqu'a soixante degres de latitude Boreale, ne furent connues que long - temps apres que ses cotes du Nord- Est situees sur les memes Paralleles que ceiles du Nord- Ouest, eurent ete soumises au joug europeen, et me me eurent subi plusieurs revolutions qui les ont seulement fait changer de Maitres, sans jamais y retablir la Nature dans ses droits. Trois siecles e'coule's n'ont pas encore suffi a nous farre connoitre toutes les cotes Occidentales de YAmerique du Nord*; la decouverte s'en est faite par parties, et a des epoques eloignees les unes des autres. Une interruption de cent annees avoit fait oublier le succes des premieres tentatives ; ii a fallu de'- couvrir de nouveau ce qui deja avoit ete decouvert* «. A I INTRODUCTION. Ce n'est que vers le milieu de notre siecle que Fon I repris la trace des premieres Expeditions ; et Fon pent dire qu'avant cette e'poque, nous savions seu- lement que les Cotes du Nord-Ouest de Y Amerique devoient terminer sur te Grand-Ocean Y Amerique septentrionale ; mais nous n'avions pas meme la certitude que FAncien et Ie Nouveau Monde ne formoient pas au Nord une Terre continue , et que chaque Continent etoit une grande ile. Avant que de rendre compte du Voyage autour du Monde j fait en 1790 , 9 1 et 92 par te capitaine Etienne Marchand, commandant Ie navire le Solide, te premier que te Commerce de France ait hasarde vers ces Cotes lointaines, je vais rappeler som- maifement les De'couvertes anciennes qui nous procurement les premieres notions de cette partie du Nouveau Continent. Je tacherai, en me repor- tant.au temps de chaque De'couverte, de demeler quel motif decida chaque Expedition ; et j'arriverai graduellement aux Voyages de notre temps, dont Ie succes a determine de nouvelles speculations de commerce. La grandeur et les difficultes de Fentreprise ont du y attacher une sorte d'attrait; mais ces operations , avantageuses dans te de'but, et tant qu'elles ne furent pas traversees par une concurrence de'sordonnee , ne promettroient pas pour Favenir un benefice capable de balancer les risques et de compenser la depense , si elles introduc«on.: p n'etolent combinees avee sagesse, et contenues dans des limites qui ne peuvent &tre franchies , san's s'exposer volontairement a des pertes inevitables. £'£$& *$tist Cortes avoit conqhis et soumisale Mexique 1537* par la puissance de son.genie, peut-etre plu$:&n- Cortes. core que parla superiorite des armesie«(§©peennei^ ip&i$ Charles-Quint, saipfait rjj pour Ie moment, des tresors que lui assuroit celtp premiere conquete, ou trop prudent pour co'nfier. hi&tg&ksunjjgjsind pouvoir dans Ie noui^fEmpire .-*gj^. 3<?noii de donner hjgjfLspagne, .voi&fu't le rendre inutilagpour qu'il ne fut pas dangereux. En Iii^accordani de grands titres d'honneur , ii limita son raiitQike: au commandement oiseux de Troupes reduites a Finactipn, lui interditctoute Expedition. miHtaire sur Ie Continent, et Fautorisa seutemecfcta tenter au dehors un nouveau genre de gloire dans des Expeditions; maritimess;;Cette ame ardente , que de grandes conceptions jusqu'alors avoient oc- cupee , accoutumsffna ces succes i^yjioariet ines- peres que Ia For^to^^ieaat toujours hor$ isle la portee des hommes vufgairjesgj) s'agita dans les entATesqu'un mop&rque ombrageux votjloitmettre a son ambition : de noweaux projets furent aussi- tot executes que concus ; et ii se Ian^a avee ardeur dans Punique carriere^ qu'une autorite jalouse A 2 ■ *537« Cortes. iv INTRODU CTION. laissoit ouverte a son activite. Deja , par ses Lieu- tenans , ii avoitfast visiter Ie Darien t pour s'assurer s'il ne seroit pas possible de triompher des obstacles que la Nature pouvoit opposer a. la jonc- tion des deux Oceans; de'ja ii avoit fait reconnoitre la cote Orientate de Yahmdhjue du Nord&et re- chejofoer si quelque Detroit n/offriroit pas* Utt| libre passageoa.ia Navigation; mais ses esperances ayant e'te JDZHnpeescdlpns Puneeej: Pautre tentativesA ii se borna. aux ExpMitkmsi'qui pouvoient se faire desuPeents. du Mexique situes sur le Gfknfa 0beam De petjtes e^cadres-furent successivef$e^| equipees^-Mais^^tiex^^uience des Chefs perdit les lines*, et tesrautres rentrteseftjrsans qu'aucune De- couVe»t6rimportante eiit satisfait son ambition* Hu- HiilM, en quelque sortepde cette suite de mauvais stfctfes auxqueis ii n'etoit pas accounting post qu'il imputoit a Pinhabilete et au defaJut de cohstance dahs?ia conduite des..operations , ii orckmriei? en 1537, un irouvel AmSment qu'il met sous les ordres du chevalier Francisco de Ulloa a-qui de longs Services aVoient acquis unerreputation. Mais qiiaiad les Vaisseaux' s&B$niequipes et prets a faire voile , las enfin de confleav a d'autres Fefcecution de ses projets et les interetsr^nsa gloire p M3|sfbKl Je conirtta&Eaement en personne , monte la 6fop& tane; et, confiant a la Mer Cortes et sa fortune , ii dirige $a course vers Ie Nord. Une longiie suite INTRODUCTION. v de fatigues et des dangers dignes de lui se parta- gerent les premiers temps de sa Navigation : so& courage bouillant.trouvoit enfin des obstacles qu'il ne pouvoit surmonter; ii y opposa te courage froid de la perseverance, et , apres avoir lutti long- temps contre une mer courroucee que des Vais* seaux sillonnoient pour la premiere fois, ii decou- vrit enfin la grande Peninsula de la Califorme qui eut e'te honoree de porter son nom , et ii reconnut la plus grande partie de ce Golfe long et etroit qui est aujourd'hui connu sous te nom de Mer VermeiUe. La decouverte d'un pays aussi etendu eut pu suffire a la gloire de tout autre; mais elle n'ajouta rien a celle de Cortes, et ne satisfit pas les grandes esperances qu'il avoit concues *. 1 5 37- Cortes. Antonio de Mendoc/a qui, peu de temps i 540. Coronacte Voyez Hery Decad. V, Liv. 8 , Chap. 9 , 10. Alarjon. Decad. VIII, Liv. 6 , Chap. 14. =z Venegas, Hist, de la. California, ii^.zzz. Loren^anu, Hist, page ^zi.zzz Robertson s Hist, of America , Liv. V» Reinold Forster, en parlant de 1'expedition de Cortes, dit {juMI revint sans avoir rien fait [ without having done any thing ] .- il me semble que c'est trop la deprimer ; car enfin la Californie fut decouverte ; et la connoissance qu'on acquit de I'existence de ce pays, fq£ un acheminement a des Decouvertes plus importantes. Voyez Voyages and Discoveries made in the North. By R, Forster, Translated from the German* London t ijj6% zs-4.0, page 448. A k i 540- Coronado et Alar$on, vj INTRODUCTION. apres, reunit, avee Ie titre de Vice-roi \ la plenitude des pouvoirs, qui entre ses mains ne parut pas dangereuse , s'occupa de poursuivre les Decouvertes au Nord. Les Expeditions avoient moins pour objet de decouvrir de nouvelles Terres , que de chercher un Passage, une communication de POcean Atlantique a la Mer de POuest , a. travers YAmerique; et ces recherches etoient excitees par la croyance qu'on accordoit a une fable. En i 500 ou 1 501 , Caspar de Cortereal, Portugais, homme de naissance, partit de Lisbone, arriva a Terre-Neuve, en visita la cote Orientate, se pre- senta a Pembouchure du fleuve Saint - Laurent, decouvrit, au-dessus du cinquantieme Parallele , une Terre qu'il nomma Terra de Labrador, parce qu'il la jugea propre au labourage et a. la culture , parvint enfin, en remontant vers Ie Nord , a Fentree d'un Detroit auquel il imposa Ie nom de Detroit d'Anian j , et qui , plus de cent ans apres , fut appele Detroit de Hudson , du nom du Navigateur anglais qui, en 1610, penetra par ce Passage dans la Baie qui egalement a retenu son nom. Cortereal, supposant de bonne foi que te Detroit dont ii avoit decouvert Fentree , devoit conduire dans la Mer des Ijides Orientates, se hata de revenir a Lisbone pour y<* apporter la C'etoit le nom de deux freres, compagnons de Cortereal, INTRODUCTION. vn Gorpnado et Alar^on, nouvelle de sa grande Decouverte. II en repartit i 540. Fannee suivante pour se rendre aux Indes par son pretendu Passage ; mais , depuis, on n'a jamais entendu parter ni de lui, ni de son Vaisseau : en 1 502 , Miguel de Cortereal entreprit Ie meme Voyage , pour alter a Ia recherche de son frere , et eut la meme destinee : enfin , Paine de la famille , Vasco de Cortereal, qu'une grande charge attachoit a la Cour , voulut equiper un Vaisseau- et s'exposer lui-meme aux hasards de la Navigation, dans Pespoir de retrouver- Caspar et Miguel; mais te Roi de Portugal qui Paffectionnoit particuliere- ment, et qui jugeoit que cette entreprise, peril- leuse pour lui, seroit sans utilite pour ceux qu'il regrettoit, s'opposa , par un ordre de defense, a ce devouement fraternel \ L'idee de cette communication des deux Mers par le Nord, avoit pris faveur chez les Espagnols qui, non contens de la possession jusqu'alors exclusive d'un Monde nouveau , ambhionnoient toujours de partager avee les Portugars , les richesses que versaient en Europe, par Ieur canal, ces fameuses Contrees situees a POrient de Fan- cien Continent : Mendofa occupe, comme son predecesseur , du projet d'y parvenir , pensa que, Hakluytus-posthumus, or Purchas his Pilgrimes, Lond, 162$. f> T. I V, pages 809 et 8 to, A 4. i5 4°- Coronado et Alar^on. viij INTRODUCTION, si, en effet, te Detroit d'Anian existoit, ii pour- roit, en le faisant chercher sur la Cote du Nord- Ouest de YAmerique, decouvrir sa sortie dans la Mer de FOuest. C'est dans cette vue qu'en 1540, ii expedia Francis co-Vas ques Coronado par terre, et Francisco Alarfon par mer, pour alter a la recherche du pretendu Detroit. Alarfon ne s'eleva pas plus haut que Ie trente-sixieme Parallele. Son Vaisseau avoit essuye des avaries; les maladies commencoient a faire des progres parmi PEquipage ; et la terre , a cette hauteur , lui ayant paru se porter au Nord- Ouest, ii craignit de se trop eloigner des troupes qui faisoient les recherches par terre sous la con- duke de Coronado; ii rebroussa chemin, et revint au Port d'ou ii etoit parti \ j 542. Cabiillo. Le meme projet fut repris, en 1542, par Rodrigues de Cabrillo, Portugais au service de PEspagne. II n'alla pas au-dela du quarante-qua- trieme degre de Latitude. Le tres-grand froid qu'il eprouva a. cette hauteur , les maladies , te manque de provisons , te mauvais etat et les mau- vaises qualites d'un Batiment peu propre a la Navigation de cette Mer , Ie forcerent au retour avant que de s'etre eleve jusqu'au Parallele que Herr era, Descript. de las Indias, rr: Lact. Novus Or bis, INTRODUCTION. ix ses Instructions lui avoient fixe. II n'avoit fait i 542. aucune Decouverte : seulement a la hauteur de Cabriib. 42 degres (ou plus exactement de 41 degres et demi)., il avoit apercu une Pointe de terre, a Iaquelle , en Phonneur du Vice-roi, ii donna Ie nom de Capo Mendocino ; et depuis ce Cap , en redescendant jusqu'au Port de la Natividad, situe vers 19 degres 3 quarts , d'ou ii avoit ete expedie, ii reconnut que la Cote formoit une ligne continue , sans aucune interruption, aucune ouverture qui put ihdiquer un Detroit '. Les Espagnols sembloient avoir perdu de 1578. vue les Decouvertes au Nord, lorsqu'en 1 578 , un Drake. Navigateur anglais, que son Voyage autour du Monde et ses exploits ont egatement rendu celebre, Sir Francis Drake, apres avoir, te premier de sa Nation, passe par te Detroit de Magellan, a peine encore connu, et traverse, en ravageant les Possessions espagnoles , Ie Grand- Ocean du Sud au Nord, atterit a la Cote Nord-Ouest de YAmerique, ala hauteur de 48 degres, a Iaquelle aucun Navigateur espagnoi n'etoit encore parvenu ; cotoya la terre , en redescendant, jusqu'a 3 7 degres ; a 3 8 degres et demi de Latitude , decouvrit Ie Port ou ii sejourna, et qui a conserve son nom ; imposa la'et, Novus Orbis, Lib, VI, Cap. 19. x INTRODUCTION. celui de New Albion [ Nouvelle Albion] a toute la contre'e dont ii prit possession solennellement au nom d'Elizabeth, reine d'Angleterre x : et pour la premiere fois , Y Amerique avoit vu Hotter sur ses cotes Occidentales , te Pavilion de la Grande-Bret agne, qui, si souvent depuis, y porta Fepouvante. Nous ARRIVONS | des Decouvertes qui long-temps ont ete regardees comme des fictions : et si les recherches des Voyageurs de notre temps ont fait connoitre qu'elles ne sont pas de'pourvues de re'alite ; elles ont aussi prouve que souvent la verite s'y trouve confondue avee Ie mensonge : je veux parler des Expeditions de Fuca, de Viscaino et de Famiral de Fuente. Juan de Fuca, Grec de Pile de Cephalonie , dont Ie vrai nom e'toit Apostolos Valerianos, avoit ete employe plus de quarante ans au service de YEs- pagne, en qualite de Matelot et de Pilote. A son * The World encompassed , by Fletcher, London, 1653 , in-4..0 r page 64. et suiv. On lit dans cette Relation du Voyage de Drake , qu'il donna au pays qu'il decouvrit , le nom de Nouvelle-Albion pour deux raisons : la premiere , parce que, par la nature des Bancs et des Rochers' biancs dont la Cote est bordee, elle presente le meme aspect que celfe d'Angleterre ; fa seconde, parce qu'il etoi't raisonnable et juste que cette Terre , jusqu'alors inconnue , portat le nom de la patrie du premier Navigat.eur qui y eut aborde. INTRODUCTION. xj retour de ses Voyages , se trouvant a Venise en 159: I 596 , ii fit te recit de sa derniere Expedition a F"ca« un Anglais, Michael Lock ( ou Lok ), qui consigna ce recit dans un ecrit que Samuel Purchas nous a conserve dans sa Collection de Voyages. Fuca, suivant te rapport qu'il fit, avoit e'te expedie du Port cYAcapulco , en 1 592 , par Ie Vice-roi du Mexique, avee une petite Caravelle et une Pinasse, pour decouvrir Ia communication, par te Nord de I'Amerique, entre Ie Grand-Ocean et YOcean Atlantique. II vit, entre Ie quarante- septieme et te quarante-huitieme Parallele, que la terre couroit au Nord-Est, et presentoit une large Ouverture qui pouvoit etre un Detroit : ii s'y engagea et y navigua Pespace de vingt jours. En des endroits, est-ii dit, la terre s'etendoit vers Ie Nord-Est; dans d'autres, vers te Nord-Ouest; et te Passage qui devenoit beaucoup plus large qu'il ne Petoit a son ouverture, contenoit plusieurs iles. Fuca mit souvent a terre, et vit nombre d'habi- tans vetus de peaux de betes : Ie pays lui parut tres- fertile, et ii abonde en or, en argent et en pedes. II parvint ainsi jusqu'a YOcean Atlantique, II avoit reconnu que Ie Detroit, sur toute sa longueur, est d'une Iargeur suffisante pour la Navigation ; et Pembouchure par Iaquelle ii y etoit entre, lui avoit paru avoir trente ou quarante iieues de large. Deux motifs Ie deciderent alors a faire son retour xij INTRODUCTION. par Ie meme Passage : d'une part, Pobjet de sa mission etoit rempli; la Communication des deux Mers , a travers Ie Continent de YAmerique, etoit decouverte : de Pautre, ii craignoit que, s'il venoit a etre attaque par les Sauvages , ses forces ne fussent pas suffisantes pour resister a Ieur nombre. II revint done a Acapulco ou ii sollicita vaine- ment, pendant deux ans , la recompense due lui sembloit meriter une Decouverte qui ouvroit a FEspagne une nouvelle source de richesse et de prbsperite \ Tel est te recit abrege qui nous a ete conserve de FExpedition de Juan de Fuca ; et Fon est assure que tout ce qui en est rapporte n'est pas apocryphe, depuis qu'en 1787, Ie capitaine Berclay, et, en 1788, Ie capitaine Duncan avee son Vaisseau, et Je capitaine Meares par sa Chaloupe, ont, Fun et Fautre, reconnu vers 48 degres et demi de latitude, une Entree dont une partie a ete visite'e, et dont on a trouve les bords habites par des hommes semblables a ceux dont Ie Navigateur espagnol a fait la description : on doit meme croire, sur Ie temoignage de M. Meares, qui a figure cette Voyei dans la Collection anglaise de Purchas, Tom. Ill r pag. 849-852 , plusieurs pieces relatives a cette Expedition. •— 'VI le Traite des Tartar es par Bergeron, chap, ai, pag. 125 et suiv. ztf-4/ INTRODUCTION. xiij Decouverte1 sur les Cartes qui accompagnent la i 592. Relation de ses Voyages z, qu'en 1789 , te Sloop Fuc3t americain Ie Washington., commande par te capitaine Grey, etant. "entre par te Detroit de Fuca, a contourne par PEst un grand ArcMpel dont Petendue est de plus de cent soixante lieues sur une Iigne Nord-Nord-Ouest et Sud-Sud-Est, et qui comprend dans sa partie mericjionale Nootka- Sound, si connu par Ie troisieme Voyage du capitaine Cook. La meme Relation et la meme Carte indiquent aussi qu'en naviguant Ie long de la cote Orientate, de cet Archipel , dans une grande Merlibre, te Washington a.eu constamment la vue des hautes terafes du Continent qui lui restoient dans PEst. En admettant que la Route du Sloop americain soit bien constatee, on de- vtQU une sorte de reparation a. Juan de Fuca, et ii seroit juste de lui faire honneur de ce qu'il y a de vr.ai dans Ia Relation que Purchas a publiee. On pourroit done accorder que ce Navigateur a de'eouvert PEntree ou Ie Detroit qui porte son nom, non pas uh Detroit de 30 ou 40 lieues de Iargeur , mais de 4 ou 5 lieues ; qu'apres Pavoir ' Voyez la Planche II. Vbyages made in the years iyS8 et ijBp , from China to fWWorm-ivVesi Coast of America , &c. By John Meares. London, 179° > *>4.° xiv INTRODUCTION. traverse , ii a penetre dans la Mer inte'rieure ou le Bassin qu'on annonce avoir ete decouvert dans ces derniers temps, par le Washington ; qu'ayant parcouru 150 ou 160 lieues dans ce Bassin, ii n'a pas mis en doute qu'il ne dut Ie conduire a YOcean Atlantique; et que, sur cette presomption qu'il aura regardee comme une certitude, ii s'est hate de revenir sur ses pas pour annoncer sa De'couverte, ainsi que Favoit fait Ie Portugais Cortereal pour son Detroit d'Anian, aujourd'hui Ie Detroit de Hudson, II est probable que la verite de sa Relation se borne a FEntree qui porte Ie nom de Fuca, et peut- etre a un grand Bassin, ou une Mer interieure, qui separe un grand Archipel des hautes terres du Continent : mais rien ne semble moins prouve , et, on peut te dire, rien n'est moins probable que sa pre'tendue Communication du Grand- Ocean avee YOcean Atlantique ; car si elle existoit, te Canal ne pourroit deboucher a I'Est que sur quelque point de la cote Occiden- tale de la Baie de Hudson ; et cette Cote a ete visitee si soigneusement, et a. plusieurs reprises , par les Angla% qui, depuis long-temps, ont dfesl Etablissemens fixes sur les Cotes de cette Mer interieure, et qui avoient connoissance de la Relation de Fuca, qu'il n'est pas permis de supppser que la Communication eut e'ehappe a leurs re- cherches. Mais est-il bien certain que ce soit a INTRODUCTION. xv Fuca que doit etre fait Ie reproche d'avoir ajoute a sa Decouverte I Je ne serois pas eloigne de croire que quelque ardent partisan ^#u Passage par le Nord de YAmerique, se sera permis , par une fraude officieuse, de proclamer la decouverte de ce Passage, afin d'entretenir Fopinion regnante , qu'il devoit exister dans cette partie une Communication entre les deux Mers , et par ce moyen exciter les Navigateurs anglais a multiplier les efforts et les recherches qui pouvoient les conduire a cette Decouverte. Quant a. For, a Fargent et aux pedes qui doivent se trouver dans te pays que Fuca dit avoir decouvert, ii paroit que les Espagnols eux-memes n'ajouterent pas plus de foi a cette seduisante an- nonce , que nous ne lui en accordons aujourd'hui, puisqu'ils ne donnerent aucune suite a la Decouverte. A Fepoque ou elle fut faite, toutes les tetes etoient si remplies de Fide'e des richesses ine'pui- sables que te Nouveau Monde devoit verser dans FAncien , que les Aventuriers se figuroient que, sur cettek Terre nouvelle, tout etoit Or , et que toutes les coquilles de la mer devoient donner des Perles. On a bien retrouve, dans ces derniers temps, les hommes vetus de peaux de betes que Fuca y avoit vus ; mais, jusqu'a present, les pedes et les metaux precieux ne se trouvent que dans la Relation de Purchas ; et ii se pourroit bien que i 592 Fuca. xvj INTRODUCTION, la meme main qui y a ouvert un Passage d'un Ocean a Fautre , y eut aussi seme les richesses qui pouvoient presenter a ceux qui voudroient s'occuper de Ia recherche du Passage , Passurance ou du moins Fespoir de se dedommager sur la route, des avances qu'ils auroient faites. La SECONDE Expedition sur Iaquelle, ou du moins sur une circonstance de Iaquelle on peut elever des doutes qui paroitront fondes, est celle de Famiral Viscaino : des considerations politiques Favoient de'terminee. L'arrivee de Famiral Drake, en i 578 , sur les Cotes Occidentales de FAmerique, ainsi que Pen- tree de Cavendish en 1 587, et celle d'Olivier van Noort, en 1 598 , dans Ie Grand-Ocean, impropre- ment appele Mer Pacifque, avoient appris aux Espagnols que la porte de cette Mer dont, jus- qu'alors , ils se regardoient comme les uniques proprie'taires et les Souverains, etoit desormais ouverte a toutes les Nations. Cette certitude etoit faite pour alarmer des usurpateurs : en effet, PEspagne pouvoit craindre que des Navigateurs, aussi entreprenans que les Anglais , aussi accou- tumes aux longues Navigations, ne vouiussent renouveler sur les cotes Occidentales de YAmerique, ces scenes de-devastation qui avoient signale Fapparition des Drake et des Cavendish; ^ekUque bientot. INTRODUCTION. evij bientot, encouragee par les premiers succes que Fantique valeur des CasijIIans n'avoit pas meme tente de disputer, YAngleterre ne concjut et n'exe- cutat Ie projet de former des Etablissemens dans les parties du Nord qui n'etoient pas encore occupees par les Espagnols, et n'avoient pas meme ete re- connues par leurs Navigateurs. Ces Etablissemens, a la vcrite, les Anglais ne pouvoient se les procurer que par des envahissemens, qu'en violant envers les Naturels du pays, tous les droits de la Nature et des Gens; mais Pexempte des Espagnols eut semble peut-etre justifier cette entreprise; et, COrnme eux , les Anglais pouvoient se creer des motifs pour s'autoriser a opposer a ces droits, trop souvent meconnus ou eludes, Ie seul droit que reconnoissent les Conquerans, celui de la Force , qui ne legitime pas les usurpations aux yeux de la Raison et de la Justice, mais qui, malheureu- sement, sufiit pour operer les conquetes et les consoJWer. Ces considerations , et Ie desir de trouver dans Ie voisfoage du Cap^ Mendocino , un Port qui put ofFrir, a la fois, aux Galions revenant des Philippines un abri contre les vents et un refuge contre les Croiseurs ennemis , deciderent sans doute Philippe III a ordonner a. son Vice-roi du Mexi- que, D. Gaspar de Zuniga, Comte de Monterey, de faire faire la Reconnoissance exacte des Cotes ;. B i 60: xviij INTRODUCTION, situees sur les Paralleles voisins de celui du Cap Mendocino, decouvert, en 1542, par Rodriguis Cabrillo, Sebastian Viscaino fut charge de cette mission, et fit voile d'Acapulco, Ie 5 de Mai 1602, avee deux Vaisseaux, une Fregate et une Chaloupe pontee. II visita les havres et les iles auxquels ii put aborder, et eut souvent a lutter contre les vents de Nord-Ouest qui sont les vents dominans sur cette Cote. II parvint, enfin , a de'couvrir vers 36 degres deux tiers de latitude, un excellent Port auquel, en Phonneur du Vice-roi, ii imposa Ie nom de Puerto de Monterey, et qui, depuis , est devenu Ie principal Etablissement des Espagnols a la Cote du Nord-Ouest. Viscaino remonta ensuite jusqu'a la hauteur du Cap Mendocino, par 41 degres et demi de latitude , dont ii prit connois- sance; mais les maladies commencant a se declarer sur ses Vaisseaux, ii ne poussa pas ses recherches plus loin, et se hata de faire son retour au Port d'Acapulco, Le Port de Monterey est aujourcj'hui trop connu , pour que cette partie des De'couvertes de Viscaino puisse donner lieu a aucune observation x ; mais Torquemada qui nous a conserve On trouvera de grands details sur le Port et le Preside de Monterey, dans la Relation du Voyage de la Perouse actueliement sous presse. ■*m introduction, xix le rdcit de cette Expedition , daris sa* Monarquia Indiana l , ajoute que Martin de Aguilar, qui commandoit un des Batimens legers , ayant ete separe de I'Escadre par la violence des vents , parvint a doubter Ie Cap Mendocino qui, jus- qu'afors, avoit ete seulement apercu; que, Ie 19 Janvier 1603, a trente lieues plus Nord que ce Cap , par 43 degre's de latitude, ii de'couvrit un second Cap ou une Pointe a Iaquelle ii donna te nom de Capo Blanco ; qu'au-dela de celui-ci, la Cote commence a decliner plus a. PEst; qu'en- fin , pres de Capo Blanco, ii decouvrit une Entre'e sure et navigable qu'il prit pour Pembouchure d'une grande Riviere; mais que cette Entree est un De'troit qui conduit a une grande Ville, nommee Quivira; que la rapidite du courant em- pecha qu'il ne put remonter la Riviere; et que, force de renoncer a cette tentative , se rappeiant d'ailleurs que la mission de Viscaino n'avoit d'autre objet que de chercher et reconnoitre un Port, et cet objet etant rempli, ijfjavoit pris Ie parti de retourner a Acapulco. Les Navigations de ces derniers temps ne nous ont procure aucune lumiere , rii sur cette Entree Lib. V , chap. 45 et 55-= Voye^ aussi les Considerations" ge'ographiques et physiques, par Philippe Buache, Paris, 1753 , S 2 I 602. Viscaino et Aguilar, xx INTRODUCTION. de Martin 'de Aguilar, ni sur cette grande Ville de Quivira, Les Espagnols assurent que, dans un Voyage fait en 1775 x, ils ont vainement cherche PEntree entre 450 27' et 450 50' de latitude; mais ii semble qu'ils eussent eu plus d'espoir de la retrouver, si ieur recherche se fut porte'e sur les environs de Capo Blanco, situe vers 43 degres. Le capitaine Cook , dans la Reconnoissance qu'il a faite , en 1778, de la cote Nord-Ouest de YAmerique, a atte'ri par une latitude plus Nord que celle de Capo Blanco, et n'a pu qu'apercevoir de loin cette partie de la Cote; ses De'couvertes ne commencent qu'a Nootka-Sound, situe' vers 49 degre's deux tiers de latitude, c'est-a-dire , 5 ou 6 degre's au Nord de Capo Blanco. D'un autre cote, la Perouse qui, en 1786, a pris connois- sance de ce Cap et des parties de cote qui en sont voisines au Nord et au Sud , n'a point apercu FEntree d'Aguilar : mais comme ii se trouvoit alors a une assez grande distance de la terre, et qu'il n'a point fait une recherche particuliere de cette Entree, on n'en peut rien conclure contre son existence. Je n'ai pas connoissance que , plus re'cemment , aucun Naviofateur ait cherche' a. eclaircir ce point de Geographic : et ce seroit porter, ce me semble , un jugement pre'cipite , de 1 Voyei ci-apres a Fannee 1775. INTRODUCTION. xxj decider, comme Font fait quelques Savans, qu'on ne doit point ajouter foi, sur ce point, a la Relation de Torquemada, La plupart des Cartes geo- graphiques et hydrographiques placent PEntree ou Riviere d!Aguilardans Ie Sud de Capo Blanco; mais Thomas Lope-?, dans sa Carte ge'nerale de YAmerique, publiee en 1772 , la place a vingt lieues dans Ie Nord de ce Cap , par 44 degres de latitude, avee cette simple indication : Rio que corre a I'Oeste [Riviere qui courj a POuest]; et ii n'y est point fait mention de la grande Ville de Quivira, llfti 1 602. Viscaino et Aguilar. Quoique la Decouverte de Fuca et celle d'Aguilar ne fussent pas generalement admises , on les voyoit cependant indiquees sur toutes les Cartes. II n'en est pas de meme de celles de Famiral de Fuente ; elles ne se trouvoient tracees que sur quelques Cartes systematiques; on croyoit meme ne devoir plus s'occuper d'une Expedition dont on n'avoit entendu parler que long-temps apres Pepoque a Iaquelle elle est rapportee. Mais comme ii est aujourd'hui de'montre qu'elle n'est pas fa- buleuse dans tous les points; que ce n'est pas un roman totalement invente pour exciter Pardeur et les recherches des Aventuriers; qu'il est done probable que les Espagnols ont cru avoir un grand interet a Pensevelir dans Ie plus profond oubli; 1 1 1 640. L'Amiral de Fuente. 1 640. L'Amiral de Fuente. xxij INTRODUCTION, ii convient de la presenter avee quelque detail. Vers Ie commencement de notre siecle, se re- pandit en Europe la Relation d'une Expedition faite en 1 640 , par un amiral Bartolomeo de Fuente ou de Fonte, suivant que son origine est espa- gnole ou portugaise , et de Fonta, selon quelques Auteurs. Cette Relation, dont on ignore la source, et qui est sous la forme d'une Letne ecrite par FAmiral lui-meme , parut, pour ia premiere fois, a Londres, en 1708 , dans un Ouvrage periodi- que, intitule Memoirs ofthe Curious [ Memoires des Curieux ] , feuilles des mois d'Avril et de Juin. Elle a long-temps occupe les Geographes anglais, allemands et francais; et parmi ces derniers, .Guil- laume de VIsle et Philippe Buache ont publie, vers Ie milieu de ce siecle, de savantes Dissertations et des Systemes ingenieux pour concilier les De'couvertes de Fuente a la Cote Nord-Ouest de VAmerique, avee ce que nous connoissions d'ail- leurs de cette partie Septentrionale du nouveau Continent \ D'autres Geographes , et quelques Savans ont regarde la Relation de Famiral de 3 Voyez Explication de la Carte des nouvelles Decouvertes du Nord de la Mer du Sud, par Guillaume de lisle. Paris, 1752 , in-j^.° ~ Considerations g/ographiques et physiques sur les nouvelks De'couvertes au Nordde la grande Mer du Sud, par Philippe Buache, Paris, 1753 , in-4..0 =: Voye^ aussi plusieurs. Memoires du Baron d*Engel sur ies memes sujets. INTRODUCTION; xxnj Fuente comme supposee et apocryphe : et du nambre de ceux-ci est Ie docteur Reinold Forster qui, avee George Forster, son fils , aecompagna Ie capitaine Cook dans son second Voyage , et a qui nous devons une ^xcellente Histoire des Decouvertes et des Voyages fails dans le Nord1. LEnumeration des raisons sur lesquelles les adversaires ont appuye, de part et d'autre, cette longue et savante discussion qui a perdu, beaueoup de son int.eret, me paro-itroit ici superfine; je me bornerai a presenter un extrait des De'couvertes de Famiral de Fuente, tel qu'on les lit dans la Lettre qu'on suppose e'erite par lui-meme ; et je me permettrai settlement d'y joindre quelques observations. luEspagne ne cessoit d'avoir les yeux ouverts sur les recherches que les Anglais multiplioient depuis 1607 , epoque du premier Voyage de Hudson, pour s'ouvrir, par YAmerique, un Passage- des Mers cY Europe a. celles cY Asie: instruite qu'en 1639, d'habiles Navigateurs de Boston, dans la Nouvelle-Angleterre ', avoient fait de nouveltes ten-^ tatives pour parvenir a cette Decouverte , elfe or donna, en 1 640, Parmement, au Port du Calla.a de Lima, d'une Escadre de quatre Vaisseaux, composee de-Y Espiritu-Santo, que montoit Famiral 640. ReinoldForsters's Northers. Voyages and Discoveries, &c,., page 454. B 4. 1-040. L'Amiral Fuente. xxiv INTRODUCTION. de Fuente, commandant en chef FExpedition ; de la Santa-Lucia, montee par te vice-amiral Don Diego de Penelossa ; de el Rosario , par Pedro Bernardo; de el Re Felipe, par Felipe de Ronquillo, L'Escadre mit a. Ia voile te 3 Avril de la meme annee. Je passe sous silence les premiers temps de sa Navigation, pour me porter tout de suite a celui de ses De'couvertes. Avant que d'etre parvenu a la hauteur ou elles commencent, PAmiral avoit detache Penelossa pour une mission particuliere, et ii poursuivit sa route avee les trois autres Vaisseaux. II ne s'etoit encore eleve qu'a 20 degres de latitude Septentrionale, lorsqu'il fut favorise par un vent frais du Sud - Sud - Est x , qui souffla constamment du 26 Mai au 14 Juin, et Ie porta jusqu'a 53 degres de latitude Nord, ou ii decouvrit Pembouchure d'une Riviere qu'il nomma Rio de los La latitude de 20 degres est moins septentrionale que celle de la Pointe la plus Sud de la Californie ; et de cette hauteur, fuente, suivant la Relation, s'est eleve jusqu'a 53 degres avee un vent du Sud-Sud-Est qui a souffle constamment pendant un mois. Rien n'est phis extraordinaire que ce vent constant de Sud-Sud-Est; car on sait que les Vaisseaux qui veulent remonter au Nord de la Californie, eprouvent les plus grandes difficultes et les plus longs retards dans Ieur route, parce que les vents , sur toute cette Cote , soufHent assez constamment du Nord ou du Nord-Ouest.' INTRODUCTION. xxv Reyes, et une autre qui fut nominee Rio de Haro, Apres avoir donne Fordre au capitaine Bernardo de reconnoitre et remonter la seconde Riviere ; te 22 Juin, ii s'engagea dans la premiere. II avoit ete embarque sur te Vaisseau commandant deux M||Sionnaires jesuites qui pre'tendoient s'etre avances, dans leurs Missions, jusqu'a 66 degre's de latitude Nord, et avoir fait des observations tres-curieuses sur Cette partie de YAmerique : uil de ces deux Missionnaires fut de'tache pour accompagner Bernardo , et lui servir d'interprete aupres des Peuples qu'il visiteroit. Avant que d'etre parvenu a Rio de los Reyes, I'Amiral avoit parcouru environ 260 lieues dans les canaux tortueux que laissent entre elles les lies qui composent un grand Archipel auquel ii donna te nom d'Archipel de San - La-raro : ses chaloupes precedoient Ie Vaisseau a. un mille de distance et sondoient les canaux. Quand ii eut traverse FArchipel, ii fit voile dans la riviere de los Reyes qu'il trouva tres - navigable : son cours est, en general, Nord-Est et Sud-Ouest; mais elle change plusieurs fois de direction sur un espace de 60 lieues : a 20 lieues de son embouchure , est un Port qui fut nomme Puerto del Arena, En remontant Rio de los Reyes, on parvint, Ie 22 Juin, a Lago Bello, ou Ie Beau Lac. Au Midi de ce Lat, est une belfe Ville indienne 1 640. L'Amiral de Fuente.. I 64.0.. L'Amirat «ie Fuente, xxvj INTRODUCTION, appelee Conasset ; c'est ( dit Ia Relation ) un endroit fart agre'able ou les deux Missionnaires je'suites avoient sejourne pendant deux an-s durant te cours de Ieur Mission. Le 1." Juillet, I'Amiral ayant laisse ses Vaisseaux dans un tres-beau Port du Lago Bello, devant cette ville de Conasset, fit voile ( sans doute avee une chaloupe ) vers une seconde Riviere a Iaquelle ii donna Ie nom de Parmentiers ou Par- mentire \ un de ses compagnons de voyage. If franchit fa.uit Cataractes qui, prises ensemble, ont une hauteur perpendiculaire de trente-deux pieds au-dessus du niveau du Lac. Cette riviere Ie fit aboutir, te 6 de Juillet, a un autre grand Lac de 1 60 lieues de longueur, dans la direction Est- Nord-Est et Ouest-Sud - Ouest, et de 60 de large, sur une profondeur d'eau de 20 a 3 o brasses, et de 60 dans quelques endroits. Ce Lac, qui fut nomine Lago de Fuente, renferme un grand nombre d'ltes grandes et petites , et une entre autres qui se fait remarquer par son etendue et par sa nombreuse population : toutes sont tres - fertiles. Le 14 Juillet, I'Amiral fit voile de la Pointe Est-Nord-Est du Lac de Fuente, et traversa un autre Lac de 34 lieues de longueur et de 2 ou 3- delargeur, sur 20, 26 et 28 brasses d'eau r ce Lac recut Ie nom d'Estrecho de Ronquillo [Detroit deRonquil/o], Ce Detroit fut trav^fee* dans Pespaee INTRODUCTION. xxvij de 10 heures, avee Ie vent et la maree favorables. A mesure que I'Amiral s'avancoit plus a. FEst, ii remarqua que Ie pays devenoit insensiblement plus mauvais. II arriva, Ie 17 Juillet, devant une seconde Ville indienne ; et ii apprit des habitans , qu'a peu de distance de la Ville, etoit mouille un grand Vaisseau, dans un endroit ou jamais Vaisseau ne s'etoit montre. II fit voile vers ce Navire ou ii ne trouva qu'un homme age et un jeune homme ; mais, te 3 o Juillet, Ie Proprie'taire du Vaisseau et tout PEquipage se rendirent a. bord.; et I'Amiral sut par te capitaine Shapely qui Ie commandoit, que Ie Proprie'taire du bailment, Saimour Gibbons, etoit Ie Major general de la plus grande Colonie de la Nouvelle - Angleterre, de Matechusets ( sans doute Massachuset) ; et que Ie Vaisseau avoit ete expedie d'un Port appele Boston. Quoique les Instructions de I'Amiral portassent expressement de s'emparer de tout Navire qui seroit employe a la recherche d'un Passage a travers Ie Nord de YAmerique; comme celui-ci ne lui parut occupe que de la traite des Pelleteries, sans aucune vue de Decouvertes , ii ne jugea pas a propos de s'en saisir ; et au contraire , ii combla de presens Ie Proprie'taire, Ie Capitaine et tout PEquipage. Voila done, suivant la Relation , une Communication des deux Mers bien etablie ; du cote de PEst, Ie capitaine Shapely yenoit de Boston; et Famiral 1 640. L'Amiral de Fuente. xxviij INTRODUCTION. de Fuente} du cote de POuest, venoit du Cdllao de Lima. Le 6 Aout, I'Amiral se mit en route pour faire son retour. II traversa, du Nord-Est au Sud-Ouest, Ie Lac et te De'troit de Ronquillo et te Lac de Fuente, redescenditla Riviere Parmentiers, et, le i 6 Aout, rejoignit ses Vaisseaux devant la belle Ville de Conasset, ou ii trouva toutes choses en bon e'tat. II paroit que te capitaine Bernardo, de'tache' pour PExpedition du Nord, avoit cependant en- tretenu une correspondance suivie avee son Amiral ; car on voit d'abord que Bernardo avoit remonte la Riviere de Haro dont te courant est peu rapide et Peau profonde de 4, 5 , 6, 7 et 8 brasses ; qu'en la remontant, ii avoit commence par faire route au Nord; qu'ensuite ii s'e'toit dirige au Nord- Nord-Ouest, puis au Nord-Ouest; qu'alors ii etoit entre dans un Lac rempli d'iles, dans tequel est une grande Peninsule, nominee Conibasset et tres-peuple'e, et qu'il imposa au Lac Ie nom de Velasco ; qu'ayant laisse la son Vaisseau, il avoit fait usage , pour faire voile sur ce Lac , des cha- loupes indiennes, appelees Periagos dans la langue des Naturels ; qu*il y avoit parcouru 140 lieues a POuest, et ensuite 436 a PEst-Nord-Est, et que cette Route Favoit porte a 77 degre's de latitude. INTRODUCTION. xxix Par une Lettre datee du 27 Juin , Bernardo donne a I'Amiral de plus amples details de sa Navigation dans Finte'rieur de YAmerique ; ii lui mande qu'ayant laisse son Vaisseau dans Ie Lac Velasco, entre Yile Bernarda ( que nous ne connois- sions pas encore ) et la Presqu'ile Conibasset, if a descendu une Riviere qui sort du Lac, a trois Cataractes sur un espace de 80 lieues, et tombe dans la Mer de Tartaric a 61 degres ; et que Ia Cote s'etend au Nord-Est : ii ajoute qu'il a e'te^ accompagne' dans ce Voyage, parte Missionnaire je'suite, par 3 6 Natuueisdu Pays dans leurs Periagos, et 20 Matelots espagnols \ $Sb£:2G Aout, un Indien apporta a I'Amiral qui, a son retour , avoit mouille devant sa belie V'ilio de Conasset, une seconde Lettre de Bernardo} date'e du 1 1 du meme mois, par Iaquelle ce Capitaine lui mandoit qu'il etoit revenu de son Expedition au Nord , et Passuroit qu'il n'existe point de On est etonne que i'Editeur anglais de la Lettre de I'amiral de Fuente, auquel ii est vraisemblable que nous sommes redevables de la partie romanesque dont, sans doute par un motif louable , il a cru devoir embellir son recit, ail: une imagination si sterile : assurement, il n'est pas fecond en moyens; et 1'on voit que son Voyage de Fuente, et son Voyage de Bernardo, dans 1'interieur de Y Amerique, sont ^alfjtoes sur un meme plan , et ne presentent, I'un et I'autre , que les memes inci^ens et les memes particularites. L'Amiral de Fuente, xxx INTRODUCTION, i 640. Communication entre les deux Mers par Ie Detroit de Davis : il en donnoit pour preuve, que les Naturels du pays ayant conduit un de ses Matelots a la tete de ce Detroit, il Pavoit vu termine, k 80 degres de latitude, par un Lac d'eau douce d'environ 30 miiles de circuit; que, vers Ie Nord, s'elevent des montagnes d'une hauteur prodigieuse ; et qu'au Nord-Ouest du Lac, sont des glaces qui paroissent aussi anciennes que Ie Monde* II ajoutoit que, d'une ile nominee Basset, il avoit fait voile au Nord-Est, a PEst-Nord-Est et au Nord - Est quart d'Est, jusqu'a j<^ degres de latitude ; et qu'a. cette hauteur , il avoit observe que la terre s'e'tend au Nord, et que la glace y est perpetuelle. Enfin , une derniere Lettre de Bernardo, e'crite de Minhauset, autre Ville indienne situee au- dessous de Conasset , et sur la rive opposee , annoncoit a PAmiral qu'il etoit arrive Ie 29 Aout au Port del Arena, et qu'ayant remonte la Riviere de los Reyes jusqu'a vingt lieues au-dessus de son embouchure , il y attendoit ses ordres. L'Amiral ne tarda pas a les lui porter lui- meme. Le 2 de Septembre , les Vaisseaux ayant embarque le gibier et Ie poisson que Ie capitaine Ronquillo avoit fait saler , en Pabsence de PAmiral, pour Papprovisionnement de PEscadre , ainsi que cent tonne.au x % Mais 2 Fuente fit voile de INTRODUCTION. xxxj Conasset, et Ie 5 du meme mois, il laissa tomber 16*40. Fancre entre Alinhauset et Ie Port del Arena. Tous L'Amiral les Vaisseaux re'unis descendirent la Riviere , dc Fucnte* eurent bientot gagne la haute mer, et se rendirent au Perou; ayant trouve ( dit PAmiral, en termi- nant sa lettre ) qu'il n'existe point de Communication tntre les deux Oceans, par le Passage designe sous la denomination de Passage du Nord-Ouest. Cette conclusion de la Lettre de I'Amiral semble detruire tout ce qui y est rapporte de sa Navigation interieure; car si, en efiet, apres etre entre dans une Riviere situe'e a. 53 degres de latitude , et en tenant constamment une Route qui Ie portoit vers PEst, il est parvenu , par d'autres Rivieres et des Lacs d'une grande etendue, jusqu'a rencontrer Ie Vaisseau du capitaine Shapely qui venoit de Boston, et consequemment de PEst; il est certain qu'il y auroit une Communication ouverte entre les deux Oce'ans par te Nord de I'Amerique, On pourroit croire , si tous tes details de cette Navigation interieure se trouvent reellement dans la Lettre originate , . qu'en disant que Ie Passage cherche n'existe pas, PAmiral a entendu que la partie septentrionale du Continent americain n'est pas partage'e par un Detroit ou Canal continu et navigable par tes Vaisseaux sur toute sa longueur, comme la partie rnerjdionale est divisee par Ie Detroit de Magellan j xxxij INTRODUCTION, et que la communication des Mers par Ie Nord est interrompue par les Cataractes de la Riviere Parmentiers, lesquelles exigent ou un portage ou un transversement dans des Embarcations qui puissent franchir tes Cataractes. Mais si, comme plusieurs motifs portent a Ie croire , quelque zele' promoteur de la recherche du Passage, instruit qu'en 1640, un Amiral espagnol avoit de'couvert, a 53 degre's de latitude, un grand Archipel, et une grande Riviere navigable dont le lit se prolonge sur la direction du Nord-Est, a bati sur cette base un edifice fantastique, a trace sur Ie papier des Rivieres et des Lacs imaginaires , qui etablissent une Communication courte et facile entre les deux Mers; ne seroit-il pas possible que cet Editeur d'une preten.due Lettre de Fuente, apres avoir intercale dans une Relation vraie tout ce qui pouvoit faire croire au Passage x, tout ce qui devoit exciter le zele et les efforts de ses compa- triotes a rivaliser une decouverte supposee des Espagnols , eut eu une distraction, et ne se fut pas apercu que les derniers mots qu'il fait ecrire J'ai supprime de la Relation tout ce qui a rapport aux productions naturelles du pays, aux animaux terrestres, aiix oiseaux, aux poissons , aux descriptions des lieux et des habitans, et une infinite de details nautiques et de diverses jparticularites qui donnent a I'ensemble i'apparence de la veyite. INTRODUCTION. xxxiij a PAmiral, et qu'il est probable qu'il a ecrits, savoir, qu'// n existe.point de Passage , suffisent pour faire suspecter la realite' de la Relation , et pour enve- lopper dans une proscription commune te roman et la verite. Le docteur Reinold Forster veut que la Relation de Famiral de Fuente soit rele'guee dans la classe des Voyages imaginaires; il n'hesite meme pas a la comparer a une Relation anglaise de Daniel Foe, connue sous te titre de Nouveau Voyage autour du Monde par une route qui, jusqu'a present, n'a ete pratiquee par aucun Navigateur \ J'avoue cependant que \ si les raisons par les- quelles ce Savant cherche a se fortifier dans son incredulite , etoient les seules qu'on put opposer a la lettre publiee sous Ie nom de Fuente , je ne croirois pas que Fon fut fonde a conclure que la Lettre est apocryphe. <x Nous ne nous en rappor- terons, dit M. Forster |] a. aucun des Auteurs qui ont attaque Pauthenticite de la Relation ; mais, apres qu'en 1775 , les Espagnols ont re- connu avee soin la Cote-'dn Nord de YAmerique 3; Foe's new Voyage round the World, by a course never sailed before. Reinold Forster's NorthernVoy ages and Discoveries. Page 454' 3 On' verra ci-apres, a sa date , comment fut fait ce Voyage de 1775 , et ce qu'il etoit possible d'en attendre, de Fuente. xxxiv INTRODUCTION, apr£s que Pimmortel Cook a visits la meme Cote ; apres que les Aventuriers russes se sont adonnes a la frequenter et Pont fouillee plus que jamais ; enfin, apres que la Compagnie de Hudson, tres- recemment encore, a fait faire un Voyage par terre , de la Baie de Hudson a Ia Mer Glaciate ; il est difficile de concevoir dans quelles parties on pourra placer PArchipel de San-La7a.r0, la Riviere de Los Reyes, te Lac Bello , la Riviere Parmentiers, te Lac de Fuente ,Ae De'troit de Ronquillo , de'couverts par PAmiral , ainsi que la Riviere de Haro, Ie Lac Velasco, et la Peninsule Coni- basset de son capitaine Bernardo , qui tous se trouvent nommes et decrits dans la Relation, ou plutot dans la reverie de Famiral de Fuente ^. Quelque estime que j'aye pour la grande erudition , te genie observateur et la sagacite de M. Forster, je ne puis me dissimuler la foiblesse de ces objections: elles s'e'vanouissent si elles sont rapprochees des faits. K| On verra ci-apres dans les Voyages des Espagnols , du capitaine Cook et des Russes, sur tesquels M. Forster s'appuie : i.° Que les Espagnols, dans Ieur Voyage de 1775 , en remontant de 47 degre's 2 tiers jusqu'a 57 degre's de latitude Nord , ont navigue a une trop grande distance de Ia terre pour jamais en avoir la vue ; et qu'en redescendant, ce ne fut que par 47 degres de Fuente. INTRODUCTION. xxxv qu'ils commencerent a distinguer et reconnoitre 1640. tes Anses,Ies Caps, &c. : 2.0 Que te capitaine L'Amiral Cook a e'te prive de la vue de Ia terre depuis te 5o.me jusqu'au $6.me Parallele : 3.0 Que tes Russes, dans ceux de leurs Voyages que nous connoissons , ne sont jamais descendus au-dessous du 5 6\me degre de latitude x : ainsi, ni tes Russes, ni Cook, ni tes Espagnols, n'ont jamais ete a portee de verifier une De'couverte que la Relation de Fuente place a 5 3 degres. Quant a. Fobjection que fournit a M. Forster te Voyage par terre de la Baie de Hudson a la Mer Glaciale, elle ne me paroit pas plus solide. Les Voyages de M. Hearnes et autres, qui tous sont partis des Paralleles de 59 ou de 60 degres, et se sont eleves dans te Nord tant que la Terre les a pu porter , .ne prouvent rien contre la realite d'une Decouverte qui doit etre placee au 5 3.me Parallele. On pourroit bien plutot argumenter d'apres les recherches qui ont ete faites dans te pays situe a FOccklent de la partie meridionale 1 Quand je dis que les Russes ne sont pas descendus au- dessous de 56 degres de latitude , je n'entends pas parler des iles Aleutiennes qui sont une dependance de YAmerique et dont les plus meridionales s'etendent sous le $i.e Parallele : il ne s'agit ici que de la grancie Cote occidentale du Continent , eloignee d'environ trois cents lieues dans I'Est des plus orientales des Aleutiennes, C 2 I 6*40. L Amirdt de Fuente* xxxvj INTRODUCTION; de la Baie de Hudson vers te Parallele de 53 degres; mais cette Reconnoissance qui, jusqu'a present, ne paroitpas s'etre portee au-dela de 300 ou 350 lieues a FOccident, pourroit seulement prouver qu'il n'existe pas dans cette partie une Communication des deux Mers ; mais non pas qu'a 200 ou 300 lieues a. POuest du terme de cette Reconnoissance , I'Amiral de Fuente n'a pas de'couvert sur la Cote Occidentale de P Amerique, un grand Archipel, une grande Riviere navigable et des Lacs ou les chaloupes peuvent entrer. II me semble que , d'apres tes connoissances que nous ont procure'es sur cette partie les Navi- gateurs qui Pont visitee en 1786-87-88 et 89 , il est possible de de'meler dans la Lettre de Famiral de Fuente, ce qui est la verite de ce qui appar* tient a la fiction; et rien n'est plus commun que les fictions dans les anciennes Relations des Espagnols. Certainement, je ne croirai pas que I'Amiral, avee te seul secours de la Mare'e montante, ait franchi, dans sa chaloupe, des Cataractes de 3 2 pieds de hauteur perpendiculaire : je ne croirai pas a ce grand Lago de Fuente, rempli de grandes iles habitees; je ne croirai pas a. ces grandes Villes dans un pays ou Fon n'en a jamais vu; ni a ces Naturels si humains, si hospitaliers qui approvi- sionnent abondamment PEscadre et pourvoient a tous ses besoins, et qui, quoique devant parler INTRODUCTION. xxxvij des langues differentes, sont tous egalement en- tendus par tes Espagnols : je ne croirai pas non plus a. ce grand Lac Velasco, danslequelle capitaine Bernardo , apres avoir fait 140 lieues a. POuest, en parcourt ensuite 436 a FEst-Nord- Est, direction qui, du point d'ou il part, auroit du Ie faire arriver a 60 degres de latitude, et qui Ie transports, comme par enchantement, a 77 et meme a 7 c) degres : je ne croirai pas a la rencontre du Vaisseau bostonien du capitaine Shapely, que PAmiral va visiter avee sa chaloupe , sans doute a Ia cote Occidentale de la Baie de Hudson : enfin, je ne croirai pas que , dans un pays inconnu, a travers des Lacs , des Detroits, des Rivieres , des .Cataractes, on puisse terminer dans Fespace de deux mois une Navigation de six cents lieues pour alter et six cents lieues pour revenir. Tout cet amas de merveilles et d'absurdite's est, si je puis Ie dire, la fable du Poeme; c'est,~ si Fon veut, Pamorce que PEditeur anglais de la Lettre de Fuente a presentee a Pavidite des Aventuriers qu'il veut engager a poursuivre la recherche d'un Passage par Ie Nord de YAmerique; mais voyons si, au milieu de toutes ces exage'rations , au milieu de tout ce qui n'est pas vrai, nous ne demelerons pas un fait, une verite. Les Historiens espagnols n'ont fait aucune mention du Voyage de Fuente , je ne sais mem* 1 640* L'Amiral tie Fuente". [ 640. L'Amiral de Fuente. xxxviij INTRODUCTION, si cet Amiral est seulement nomme dans tes His- toires de YAmerique; mais Ieur silence sur cet evenement ne seroit pas une preuve que te Voyage n'a pas ete fait. Les Decouvertes des Voyageurs modernes des autres Nations, moins reserves que ne te furent, dans les temps passes , ceux de VAmerique espagnote a qui Ie secret etoit com- mande , et qui, en general, Pont trop bien garde, peuvent jeter un grand jour sur tes De'couvertes des anciens Navigateurs. On est assure que, dans Fintervalle de 1786 a 1789,/tf Perouse, et, apres lui, tes Navigateurs Anglais et les Americains des Etats-Unis, que Ie commerce des. Peileteries a fait affluer a la Cote Nord-Ouest de YAmerique, ont decouvert etvisite, entre Ie 47.me etle $6.me Parallele, pres de 200 lieues de Cotes, ou Ie capitaine Cook , avant ces e'poques, avoit deja decouvert dans la partie meridionale, Ie Point de Nootka-Sound. Tout cet espace , qui comprend au Sud YEntree ou Ie Detroit de Fuca, et au Nord, d'autres Entrees, dont plusieurs ont ete reconnues et ou des Vaisseaux ont mouille , ne presente , sur toute sa longueur, qu'une suite d'iles groupees qui forment entre elles des canaux sans nombre; et Fon en voit plusieurs a la hauteur de 5 3 degre's a Iaquelle Fuente place son Archipel de San- La7a.r0 et son Rio de los Reyes. Si Fon admet. que cet Amiral, apres avoir traverse FArchipel, INTRODUCTION. xxxix soit parvenu dans cette grande Mer ou te capitaine Meares assure qu'en 1789, Ie Sloop americain , te Washington, a navigue , laissant PArchipel a. POuest, et voyant lesTerres du Continent a PEst , on peut croire que Fuente apercevantde- vant lui la grande Terre , a dirige sa route sur elle; que parvenu a. la Cote , il y a decouvert , a 53 degres-de latitude, une grande Riviere ou il a fait entrer ses Vaisseaux ; et que ses chaloupes, en la remontant, ont pu se porter jusqu'au Lac ou est situe'e la source de Ia Riviere1. On concoit 1 640. L'Amiral de Fuente. 1 Je dirai ici, en anticipant sur les temps, qu'en 1786, la Perouse decouvrit, a une assez grande distance a 1'Ouest du Continent, une suite de Terres, oud'iles, dont le milieu est situe vers 53 degres de latitude : il s'assura qu'elles sont separees de la grande Terre par un Canal, ou un long Golfe d'environ 20 lieues de largeur ; et apres avoir traverse ce Canal, de i'Ouest a 1'Est, il decouvrit dans I'E&t des premieres Terres, vers 52 degres et demi, un grand Archipel qui n'est pas encore Ie Continent , mais au-deia duquel ii distinguoit les hautes Terres qui y appartiennent. En 1788 , Ie capitaine Duncan a visite la cote orientale des premieres Terres qu'avoit decouvertes la Perouse, et la cote occidentale de PArchipel situe a I'Est de ces Terres; il a trouve que cet Archipel presentoit un nornbue considerable d'Ouvertures, d'Entrees , de Passages, &c* Enfin, en. 1789 , le capitaine Grey du Sloop des Etats-Unis Ie Washington., apres avoir traverse Ie Detroit de Fuca qui termine au Sud \e grand Archipel, entra (dit-on ) dans, une Mer libre , cotoya la bande orientale de cet Archipel, et eut constamment dans i'Est et. a un C 4 I 640. L'Amiral de Fuente xl INTRODUCTION, ensuite que PAmiral ou PEditeur de sa Lettre, a pu accompagner ces faits vraisemblables , et peut - etre vrais , de tous tes accessoires roma- nesques qui ont decide quelques Savans a rejeter cette relation dans la classe des Voyages imagi-" naires : mais il pourra n9en etre pas moins vrai que , a 5 3 degres de latitude , I'Amiral a navigue a travers un Archipel, qu'au-dela, il a trouve une Mer libre , une Cote habite'e , une grande Riviere et des Lacs; et que, tandis que lui, en grand eloignement , la vtie des hautes Terres du Continent. En comparant avee ces Decouvertes de notre temps (dontje suppose les rapports exacts), ce qu'on lit dans la Relation de Fuente, on pourroit peut-etre supposer que I'Amiral, porte au large par des vents contraires, auroit d'abord reconnu la cote occidentale des premieres Terres, les plus eloignees du Continent, et dont Ie milieu est situe vers 53 degres de latitude ; qu'ayant traverse ces Terres qui presentent plusieurs Canaux, dans lesquels un Courant etabli peut donner a un long Detroit 1'apparence d'une Riviere, il se sera trouve dans Ie Golfe qui separe ces premieres Terres ou iles du grand Archipel de I'Est ; que parvenu, en faisant route a I'Est, a ce second Archipel, qu'il aura pris pour Ie Continent, il y aura ab or de, vers 53 degres de latitude, aquel- qu'une de ces nombreuses Ouvertures que Ie capitaine Duncan y a decouvertes ; qu'engage dans cette Ouverture qu'il aura prise pour 1'embouchure d'une Riviere, il I'aura remontee vers Ie Nord-Est; que cette route 1'aura %it parvenir a cette mer interieure que le Washington a decouverte; et que, la prenant pour un grand Lac, et i'ayant traversee de I'Ouest a I'Est, il sera parvenu a la cote du Continent, ou il aura trouve quelque INTRODUCTION. xlj sortant de PArchipel, se dirigeoit vers FEst, son capitaine Bernardo s'est porte dans Ie Nord de ce meme bassin, ou il a pu trouver quelque Riviere, quelque Entre'e, quelque Lac , qui lui auront permis de pousser sa course vers te Nord, assez avant dans les terres. Tout ce que , dans ces der- niers temps, nous avons retrouve des anciennes Decouvertes dont on nioit la realite , parce que, en les niant, on etoit dispense de les chercher , les iles de Salomon, de Mendana, la Sagittaria et i 640. L'Amiral le Fuente. embouchure de Riviere, par Iaquelle il aura pu penetrer, jusqu'a une certaine distance, dans 1'interieur des terres, &c. Ces suppositions, sans doute, n'ofrrent rien d'invraisemblable; mais il ne se presente aucun moyen de verifier les faits. Cependant, j'incline plutot a croire que PArchipel auquel Fuente a impose le nom d'Archipel de San-La7a.r0 , est celui qui se trouve le plus voisin du ' Continent, celui qui s'y rejoint par ses Extremites du Nord et du Sud, et dans I'Est duquel est situee cette grande Mer libre qui le separe du Continent. Ce qui me porte a Ie penser, c'est que suivant la Relation , Fuente a parcouru 260 lieues espagnoles , ou pres de 300 lieues marines , dans les canaux tortueux de son Archipel de San-Laip.ro ; et que nous Savons que I'Archipel que la Perouse a decouvert a vingt lieues au large du Continent, n'a pas plus de 20 lieues marines dans sa plus grande largeur. J'invite le Lecteur a jeter les yeux "sur la Carte qui lappartient aux Voyages de Meares, et a relire cette Note quand il aura pris connoissance des Voyages de la Perouse, de Duncan, de Grey et autres , qui se trouvent ici a la suite de i'Histoire des Navigations des Espagnols, (Voye^Pl, IL) xlij INTRODUCTION. i 640. autres iles de Quiros, sa Tierra Austral del Espiritu mira »gjj£i , les iles Sandwich, &c., nous imposent Fobligation d'etre tres-reserves a prononcer que ce que nous n'avons pas encore retrouve n'existe pas. On ne peut douter que te Gouvernement espagnol n'en sache beaucoup plus sur la partie du Nord-Ouest de Y Amerique, que nous n'en pouvons deviner; mais il n'est pas moins certain qu'il est peu dispose a. permettre que ce qu'il en connoit soit connu des autres Nations \ j 728. L'ExAMEN auquel je me suis livre , du Bering Voyage de Famiral de Fuente, m'a mis dans te cas et Tschiricow. d'indiquer > par anticipation, des Decouvertes qui I." Voyage, appartienneiit a des e'poques tres-recentes ; mais je reprends Fordre chronologique des Voyages. La derniere Expe'dition dont FHistoire nous ait 1 LEspagne a semble affecter jusqu'a present de regarder comme apocryphe la Relation de Fuente, et de confirmer I'opinion qui s'etoit etablie, que sa Decouverte est une Fable. On lit dans un Ouvrage espagnol, ayant pour titre, Noticia de California, dedie a Sa Majeste Catholique, publie sous I'approbation du Conseil de las Indias, et avee toutes les Permissions et les Censures exigees [Aladrid, 1757. In-^.° page 436) •* qu'a I'egard des Decouvertes de Fuca et de Fonta ( ou Fuente) tous les motifs d'honnetete et de bonne fai obligent a declarer qu'on ne doit pas faire fond sur les Relations qui nous les ont annoncees. « Si Ton me demande a present, ajoute 1'Auteur , quelles Rivieres > quels Lacs, quelles INTRODUCTION. xliij transmis les details authenticities, etoit, comme on 1728. Fa vu, celle de Viscaino en 1602 ; et j'ai exposd BerinS et ce qu'on pouvoit presumer de celle de Fuente, Tschiricow, en 1 640. A compter de celle-ci, un siecle entier 1." Voyage. s'est ecoule sans qu'aucune Nation ait paru s'oc- cuper des Cotes Occidentales de YAmerique du. Nord. On doit croire neanmoins que, si YEspagne n'a fait aucune Expedition maritime , elle n'a pas neglige de pousser par terre ses De'couvertes au Nord; mais ses Historlens se taisent sur te succes de ces entreprises : on sait seulement que les excursions qu'elle ordonna, a differentes epoques, conduisirent d'abord a decouvrir , a J I'Est de ia Californie, tes Provinces de Sonora et Cinaloa, la plus riche portion de cette Terre en malheurs si feconde, Qui produit les tresors et les crimes du Monde r. Nations, &c., a 1'exception de ce qui est connu par les Decouvertes des Russes, doivent se trouver sur la cote de I'Amerique, a partir de ia Californie et du Nouveau Mexique, vers le Nord , sur un espace de cinquante degres [ mille lieues] en latitude ; je n'ai pas honte de repondre sans hesiter, et d'un seul mot : Yo no lo se ; je I'ignore , je n'en sais rien. » Le soin d'accrediter cette opinion a pu avoir son motif dans une politique dont la marche n'est pas nouvelle: YEspagne, en declarant qu'elle ne croyoit pas aux Decouvertes de Fuca et de Fuente, a voulu que les autres Nations n'y crussent pas non plus, et ne fissent aucune tentative pour les retrouver. 1 Voltaire, Tragedie d'Abjre, Tschiricow. I." Voyage. xliv INTRODUCTION. Cependant la Rumie qui cherchoit a e'tendre vers FOrient le territoire deja trop etendu sur lequel son Tzar faisoit peser sa domination, poussa ses De'couvertes de ce cote jusqu'a Fextreme frontiere de YAsie, et ne renoncoit pas a. Pespoir de joindre un jour a ses vastes Domaines de FAncien Monde quelque portion du nouveau Continent. Ses esperances ne paroissoient pas denuees defondement: ses Coureurs, ses Cosaques ne pouvoient a la fin manquer d'atteindre YAmerique ; soit que tes deux Continens fussent unis par te Nord et formassent une Terre continue ; soit qu'ils fussent separes par un De'troit : car, dans cette derniere hypothese, on pouvoit croire que les deux grandes Divisions de la Terre se rappro- choient assez des dimensions que Ieur assignoient tes combinaisons des Ge'ographes , pour que Ie Detroit, s'il existoit, ne presentat qu'un espace de mer peu conside'rable , et tel qu'il put etre franchi par tes embarcations du pays, sur-tout avee la certitude de rencontrer, a peu de distance, les Terres Occidentales de YAmerique. Mais on avoit peu d'espoir, il en faut convenir, que des Aventuriers , sans aucune connoissance de FArt de la Navigation , et qui, Chasseurs par e'tat, tentoient de temps a autre la fortune sur la JV^er, pour etendre Ieur chasse sur les iles voisines du Kamtschatka, pussent procurer des eclaircissemens INTRODUCTION. xiv qui ne Iaissassent aucun doute sur la situation 1728* relative de YAsie et de YAmerique : naviguant Ber,nS d'une ile a Fautre, dans ie Bassin forme par tes Tschiricow. Cotes Nfird-Est de Ia premiere, et les Cotes i.er Voyage. Nord-Ouest de la seconde , il eut e'te possible que, sans s'en douter, ils eussent aborde a quelque Pointe avancee du Continent ame'ricain ; et qu'y trouvant les memes animaux qu'ils poursuivoient sur les iles , il ne Ieur vint pas en la pensee qu'ils avoient passe d'un Monde dans un autre. On ne pouvoit done obteiiir des conrvoissances cer- taines a cet e'gard , que par une Expedition concerte'e qui devoit n'etre confiee qu'aux Marins les plus experimentes. Pierre I, a qui la moitie d'un grand Continent, echue dans son lot, ne sembloit pas encore suflisante , traca de sa propre main, peu de temps avant sa mort, tes Instructions d'un Voyage dont I'objet, qui Foccupoit depuis j)lusieurs annees,'etoit de s'assurer si YAsie etoit separe'e de YAmin^ue par un Detroit : bien determine, sans ddtttei,a ne pas regarder ce Detroit, s'il exrstoit, comme une borne que Ia Nature eut mise a. son ambition et a son Empire. ' Mais toute la Marine du Kamtschatka xYitoit pas capable de fournirles vaisseaux et les hommes propres a. cette Expedition : il fallut ordonner d'avance Ie r^ssemblement de tous les materiaux ne'eessaires pour la construction et Fequipement INTRODUCTION. 1728. des Vaisseaux, et envoyer de Russie , des Capi- taines, des Officiers et des Gens de mer. Vitus . Bering I, Danois d'origine , et te Russe Alexoi J schincow. £> ' o 7 l." Voyage. Tschiricow, furent choisis pourexe'cuter cette partie du testament de Pierre le Grand, dont la volonte derniere , plus respectee que celle de notre Louis le Grand, survecut a un pouvoir qui n'etoit plus, mais dont te souvenir commandoit encore Pobeis- sance. Bering etoit Capitaine Commandant, ou Commodore, dans la Marine de Russie ; Tschiricow avoit le grade de Capitaine : te Danois, employe depuis long-temps au service du Tzar, avoit donne des preuves d'une grande habilete ; Ie Russe etoit digne de Ie seconder. Les deux Vaisseaux destines pour FExpe- dition projetee , les premiers qui eussent ete constants a une des extremites de la Terre a peine connue, ne purent etre prets a. prendre la mer avant Pannee 1728 ; et Ie 20 Juillet, Bering fit:voile de FEmbouchure de la Riviere de Kamtschatka, II dirigea sa route vers Ie Nord- Est suivaiit la direction de la Cote d'Asie dont ne per/Iit jamais Ia vue. Le 1 5 d'Aout, il e'toit irenu, par 67 degres 18 minutes de latitude Quelques Auteurs ecrivent Beerings, les Anglais Be bring■; Midler ( clans la traduction francaise) ecrit Bering; et j'aicru devoir suivre son orthographe. INTRODUCTION. xlvij Nord, a Ia vue d'un Cap au Nord duquel la 1728. Cote couroit a POuest. II n'eut point connoissance Bering dans ce premier Voyage, de la Cote de YAmerique, xscnr]cow. et revint au Port d'ou il etoit parti §j 1." Voyage. • 'WUtiam Coxe , dans son Histoire des nouvelks Decouvertes des Russes, dit que cc Bering, parvenu a la hauteur de 67° 18', conclut trop tot qu'il avoit de'passe Fextre'mite* Orientate de YAsie ; et que , s'il eut continue de suivre la Cote, il eut reconnu que ce qu'il avoit pris pour YOcean du Nord, n'etoit qu'une grande Baie profonde z ». M. Coxe commet ici une erreur que , sans doute, il eut rectifiee, si, au temps ou il ecrivoit ( avant Pannee 1780 ) , il eut pu connoitre les Decouvertes du capitaine Cook dans cette partie. Les Observations de ce celebre Navigateur ont fixe la latitude du Cap Ie plus Oriental de YAsie a 66° 5'3 : et si Bering s'est en effet eleve jusqu'a 670 18'4, il etoit. parvenu a. une latitude plus 1 Voyez les Voyages et Decouvertes des Russes, par Muller, trad, de I'allemand. Tom. I.er, pages 147 et suiv. * Russian Discoveries, by W. Coxe, London, 1780. In-^.°, page-323 , Note *. 3 Voyez the Original Astronomical Observations made in a Voyage to the Northern Pacific Ocean, &c. By W. Bayly, London, 1782. In-^.° , page 350. i*~RcWbtcT'Forster dit que Bering s'eleva, dans ce premier voyage , jusqu'a j6 degr.& de latitude ( Northern Voyages and Discoveries, p. 481): je presume que c'est une raute d'impression. 1728. Bering et TschiricoAf. I." Voyage. xlviij I N T R OD U C T I O N. Nord d'environ un degre un quart que celle de la partie Ia plus orientate de Pancien Continent: il etoit done entre dans Y Ocean Boreal; et, sans te savoir, il avoit passe par Ie De'troit qui separe tes deux Mondes ; Ie probleme etoit resolu. La posterite equitable a impose a ce Detroit Ie nom de Detroit de Bering; et sa re'alite a remplace Ia fable du Detroit d'Anian. 1729. Un second Voyage fut entrepris , en Les memes. 1729, par les memes Navigateurs ; mais il ne IJ.'Voyage. lf procura aucune nouvelle connoissance. IIi.e Voyag 1741. Ce NE FUT qu'en 1741 que Bering et Les memes. Tschirikow, pour la troisieme fois , firent voile du b ■ Kamtschatka, Ie 4 de Juin, avee Fintention, apres s'etre eleves jusqu'a 50 degres de latitude Nord, de pousser Ieur route a PEst jusqu'a la rencontre du Continent de YAmerique. Mais, des Ie 20 du meme mois, les-Vaisseaux furent -se'pare's par un coup de^vent; et la brume ne permit pas qu'apr.es la tempete ils se rejoignissent. Le 1 8 Juillet , BWing decouvrit Ie Continent de YAmerique a 58° 28' de latitude ; et,, suivant son Estime , a 50 degre's l a i'Est du Meridien 1 On sait aujourd'hui que cette difference de Meridien est dc 62 degree d' Aw at s cha , INTRODUCTION. xlix d'' Aw ats cha, aujourd'Jiui Petropawlowska, ou Saint- 1741. Pierre et Saint-Paul. Le 20, il laissa tomber Bering Fancre pres d'une assez grande ile , a peu de ^ T • • * > o ? r 1 schincow. distance du Continent ; et, en cet endroit, une W.a Voyage, Pointe de terre qui s'avance dans la mer , fut nominee Cap Elie, du Saint du jour : un autre Cap qui se montroit dans Peloignement, a POuest du premier, recut Ie nom de Saint - Hermogene. La terre paroissoit former un grand Golfe entre ces deux Caps. Bering communiqua avee tes Naturels du pays. Le 21 , il remit a la voile, avee Ie projet de s'elever dans Ie Nord, en suivant la direction de la Cote, jusqu'a 65 degres de latitude; mais te gisement des terres qui se portoient dans Ie Sud- Ouest, s'opposa a la route qu'il se proposoit de tenir. II navigua a ftavers une suite d'iles qui bordent la grande Pe'ninsule, connue aujourd'hui sous te nom cY Alaska : tout Ie mois d'Aout fut employe dans cette navigation. Le 29, il mouilla, a 550 25', au milieu d'un groupe d'iles qu'il nomma Schumagin : elles sont habitees ; et tes Russes communiquerent avee les Naturels. On lutta contre les vents contraires jusqu'au 24 de Septembre, que Fon revit la terre au Nord ; une montagne assez haute, situee sur la Pointe Sud- Ouest de la Peninsule d:Alaska, vers 5 1 degres et demi de latitude, fut nominee- Mont de Saint-Jean. j, D I I INTRODUCTION. 1^41. Dans Ie courant d'Octobre, on decouvrit une Bering partie des iles que nous connoissons aujourd'hui L M sous Ie nom d'Aleutiennes, et qui dependent du Tschiricow. y r &i.e Voyage, Continent de YAmerique, Bering, depuis long-temps, etoit dans un etat de maladie et de depe'rissement qui ne lui per- me'ttoit plus de s'occuper de la conduite du Navire; et la plus grande partie de PEquipage etoit atteinte du scorbut. On navigua a Paventure , jusqu'a ce que les vents et la mer ponerent enfin Ie Vaisseau sur une ile dont on ignoroit la position a. Pe'gard or o des deux Continens , et sur jaquelle Ie B aliment fit naufrage. Bering mouru't, Ie 8 de Decembre, sur cette ile qui, avee raison, a pris Ie nom du premier Navigateur qui se soit hasarde dans ces parages et qui ait decouvert le Continent de YAmerique Occidentale a une hauteur a Iaquelle, avant lui, aucun Voyageur connu ne s'etoit eleve. Quelques homines de PEquipage , les seuls qui purent resister a la rigueur de Phiver et a Pexces des fatigues et de la misere , parvinrent, apres des peines infinies , a. construire, avee les debris du Vaisseau, une Chaloupe qui*, Panne'e suivante, les transporta au Kamtschatka. L'ile ou repose Bering est situe'e entre 55 et 56 degres de latitude, a. environ 50 lieues de la Cote du Kamtschatka. Le Voyage de Tschirikow fut moins malheureux INTRODUCTION, Ij que celui de son Chef; mais il n'eut guere moins 17 a souffrir. Apres sa separation du Vaisseau com- Be niandant, qu'il chercha' jusqu'au 2 5 de Juin, se Tsch trouvant sur le Parallele de 48 degres , il dirigea i|L# ' sa course a. PEst. II paroit par la Carte que Midler a jointe a. ses Decouvertes des Russes, que Tschirikow qui decouvrit la Cote de Y Amerique vers Ie mifieu de Juillet, y atte'rit entre Ie cin* quaiil^-cinquieme et Ie cinquante-sixieme Parallele; mais d'autres le font atterir a 58 degres. La Cote qui se presentoit devant lui, etoit escarpee, aride , -defendue par des rochers , et sans une seuie ile qui p&t oflrir un abri. II mouilla'au large , et detacha sa grande chaloupe pour prendre terre ou elle pourroit aborder. Plusieurs jours s'ecou- lerent sans qu'elle reparut : il expedia Ie caribt pour en avoir des nouveltes ; mais cette seconde embarcation eprouva sans doute te meme sort que la premiere; et on ignore quel fut celui de Fune et de Pautre. Des canots, monies par des Americains, se presentere'nt, quelques jours apres, pour reconnoitre Ie Vaisseau ; mais ils n'oserent en approe-her, et il ne restoit a. bord aucun Bati- ment a. rames qu'on put detacher pour alter a Ieur rencontre ou a Ieur poursuite, et les engager a venir au Vaisseau ou on les eut retenus comme otages. TschirikoiV desesperant de revoir les hommes qu'il avoit envoyes 1 terre,'prit le parti D 2 '74i- Bering lij INTRODUCTION. d'abandonner la Cote, et revint au Kamtschatka1, Tel fut Ie succes de la premiere expedition $ Sfi des Russes a la Cote Nord-Ouest de YAmerique : la Ischincow. 1 ijg Voyage. Decouverte de cette partie du nouveau Continent Ieur cout.a la perte du plus habile de leurs-^Navi- gateurs ; mais ce premier Voyage, en les eclairant sur la situation relative de YAmerique et de YAsie, Ieur ouvrit la voie a toutes les Decouvertes qui ont ete faites successivement, soit par des Aven- turiers, aux frais des Armateurs et Negoc$%is du Kamtschatka, soit par des Officiers de la Marine impe'riale j aux frais du Gouvernement: en 1745 , par Michel Navodtsikoff; en 1750, par Emilien Yagoff; de 1753 a 17 5 6 , par Cholodiloff, Serebra- nikoff et Ivan Krassilnikoff; de 1758 a 1760, par Demetrius Paikoff, Pushkareff, Pierre Wasyntinskoi et Maxime Lasarojf; en 1762 , par Drusinin, Medvedeff, Korovin et Etienne Glotoff; en 1764, par Solovioff et Ie lieutenant Synd; en 1766, par Aphanassei Otcheredin ; et de 1768 a 1769, par Ie capitaine KrenitTin et Ie lieutenant Levasheffz. Tous ces Voyages ont eu pri-ncipalement pour objet la Reconnoissance de ce long Archipel, Voyez Multer, Decouv. des Russes, Tome l.cr, page 240 et suiv. 2 W. Coxe a publie les Relations de ces divers voyages dans ses Russian Discoveries. Wkii^ INTRODUCTION. liij connu sous le nom collectif d'iles Aleoutes, Aleu- 1741. tiennes, ou des Renards , que les Cartes russes BerinS et partagent en plusieurs Archipels sous des iroms Tschiricow. difFerens ; de toute la partie de Cote quv s'etend Hi.e Voyage. Est et Ouest sous Ie Parallele de 60 degres, et comprend un grand nombre d'iles situees au Sud de Ia grande Terre , dont quelques - unes avoient e^e visite'es , et d'autres seulement apercues par Bering ; enfin de la Presqu'ile cYAlaska, et de$ Terres situees au Nord de cette Peninsule jusqu'au 70.m€ degre. C'est sur les iles Aleutiennes, et sur plus de trois cents lieues de Cotes qui se pro- longent jusque par-dela Ie Cercle Polaire, que tes Russes infatigables ont forme' ces Etablissemens o multiplied, ces Factoreries qui alimententle commerce de Pelleteries dont PEmpire de Russie tire de si grands avantages dans ses relations comfnerciafes et ses echanges avee PEmpire de la Chine. Je dois faire remarquer que tes Francais n'ont pas e'te totalement etrangers a Ia premiere decouverte que tes Russes ont faite de Ia Cote Occi- dentale de YAmerique du Nord. Le frere de nos celebres Delisle , Fun Astronome, Fautre Geo- graphe , Delisle de la Croyere, etoit embarque, en qualite de Savant, sur te Vaisseau de Tschirikow, comme Steller , Medecin de profession et verse dans toutes tes parties de PHistoire naturelle, Pe'toit liv INTRODUCTION, sur celui de Bering. Les maladies qui firent taut Bering je raVapfes sur Ie Vaisseau de Tschirikow, n'epar- Tschiricow. gpiffeSt pas la Croyhe ; sa vie finit avee I'Expe- Voyage. dition. Le capitaine Gierke qui , apres la mort tra^ique ou capitaine Cook, dans son troisieme Voyage , lui avoit succe'de dans Ie comman- dement en chef de PExpedition, decouvrit, au Kamtschatka, le lieu de la sepulture d'un Francais que Pamour des Sciences avoit pousse jusqu'a Fextremite Orientate de YAsie ; et il s'occupa avee interet de signaler par une inscription honorable, te coin de terre oublie ou les cendres de la Croyere reposent si loin de sa terre natale. La Perouse, dans Ie sejour qu'il fit a Petropawlowska, eut occasion d'acquitter la dette des Francais en vers la Nation anglaise : Ie capitaine Clerke qui termina sa carriere, lorsque , apres une seconde course au Nord, il venoit, une seconde fois , relacher dans te meme Havre, y fut inhume : Ie temps , ou la curiosite des Kamtschadales, avoit detruit i'inscription que portoit sa tombe; la Perouse donna tous ses soins a la retablir, telle qu'on la lit dans la Relation originate du troisieme Voyage de Cook; et, afin d'en prolonger la dure'e, il la fit graver sur Ie cuivre. Ces egards mutuels de Navigateurs etrangers Pun aPautre, ces actes de Famitie et de la fraternite, pourront etonner les habitans sedentaires et apathiques de nos INTRODUCTION. Iv Cite's , qui, n'ayant jamais ete tentes de s'exposer 1741. aux dangers de la Mer, ignoreht ce que peut Bering Tschiricow. inspirer la communaute de ces dangers , a ceux qui, sans se connoitre, saveht qu'ils les ont par- w.e Voyage. tages. Au Kamtschatka, a. sept mille lieues de YEurope, tous les Europeens, et sur-tout les Eu- rope'ens Marins, sont compatriotes et freres : et Fhomme qui, par ses De'couvertes ou ses tra'vaux, a bien me'rite du Genre-humain, n'appartient-il pas, par la reconnoissance, a tous les Peuples de la Terre ! Tandis que tes Russes, dans leurs courses multipliees, s'empressoient de de'couvrir la partie Vi. du Nord de YAmerique, voisine de leurs Domaines d'Asie, qu'il Ieur importoit de connoitre; les Espagnols, pour qui cette connoissance n'etoit pas moins importante, sembloient, depuis long-temps, ne pas s'occuper de poursuivre leurs premieres Decouvertes. Depuis 1640 , crest-a-dire, depuis FEpedition , en partie vraie, en partie fabuleuse, de Famiral de Fuente, ou plut6t depuis 1602 , epoque de PExpe'dition authentique de Viscaino, jusqu'en 176^9, tes Historiens espagnols gardent te silence sur les tentative? successives que les Vice-rois du Mexique ont du ordonner pour accroitre te territoire de YAmerique espagnote, e$ ppusser les envahissemens dans Ie Nord de D .+ ;nte V i de Portofa." iv} INTRODUCTION. 1760. la Californie, On.ne peut douter cependant que, Vicente Vila Jurant cette periode de 167 ans, tes Espagnols Gaspar rPayent gagne du terrain, pied a pied , dans Fin- «ie Portoia. terieur des terres; mais il paroit qu'aucune Expedition par mer , entreprise dans cette vue, n'a merite que FHistoire nous en transmit les derails, ou meme en conservat te souvenir. Ce ne fut qu'en 1769 , qu'e'veille' par les De'couvertes des Russes que Fattrait d'un climat plus doux pouvoit attirer des Cotes glaciates du Nord, vers tes Cotes moins septentrionales de YAmerique , et decide par la crainte que quelque autre Nation, plus entreprenante , ne fut appelee par te commerce , et ne voulut prendre pied dans ces , Contre'es qui , quoique voisines ou limitrophes des Provinces soumises a la Couronne d'Espagne, sembloient ne lui pas appartenir, Ie Gouverne- ment espagnol voulut enfin realiser d'anciennes Prises de possession , quoiqu'il dut bien savoir que, de tout temps, ces sortes d'Actes furent conside're's par toutes tes Puissances de la Terre, comme de vaines formalite's , comme des titres caducs que Ie temps a frappe's de prescription ; il voulut se mettre en mesure de soutenir par la force , si les circonstances Pexigeoient , des pretentions qui n'avoient de fondement que Ie hasard d'une premiere De'couverte, et tout au plus un pro jet d'occupation, dont Pexecuiion avoit ete Gaspar <Ie Portola. INTRODUCTION. Ivij renvoyee a un avenir incertain. Alors on se rap- 1769- pela qu'en 1602, un amiral Viscaino avoit de- Vjcente ViIa couvert un excellent Port , situe a 3 6 degre's deux tiers de latitude septentrionale. Cette position qui devenoit interme'diaire entre les Places fortes du Mexique et Ia limite des Decouvertes des Russes , parut rneriter qu'avant de pousser tes Reconnoissances plus au Nord, on s'occupat de se faire un point d'appui, de se menager un Port de refuge. II fut done resolu qu'on etabliroit un Presidio a Monterey, anciennement de'eouvert par Viscaino; et qu'en marchant vers ce Port, on commenceroit par etablir un premier Preside a c^elui de San-Diego , situe a 3 3 degres deux tiers de latitude, a la hauteur de ITsthme de la Californie. Mais, en projetant un nouvel envahisse- ment sur les Naturels de YAmerique, il falloit bien se faire illusion a soi-meme, se dissimuler Pinjustice d'une usurpation; et Ie Gouvernement crut etre justifie aux yeux du Genre-humain, et aux siens propres, s'il associoit, en quelque sorte, PEtre supreme a un projet d'iniquite : comme si Ie Dieu de paix etoit Ie Dieu des conquetes et de la destruction ! On ne parla que de la propagation de la Foi, de la conversion des Infidelles; et la Religion qu'on mettoit en avant, couvrit d'un voile respecte , les veritables motifs et te but de I'entreprise : des Pretres missionnaires furent Iviij INTRODUCTION. 1769. destine's pour marcher avee I'Annee , et e'tablir une Vicente Vila Mission dans chaque lieu ou Fon se proposoit r d'e'tablir un Pre'side ; ainsi, par-tout, FEtendard de Portola. de i'Usurpateur devoit etre plante a cote de la Croix des Chre'tiens. Mais YEspagne de'eidoit, sans te vouloir , une question que son interet peut-etre eut demande qu'elle Jaissat toujours inde'eise; celle de savoir si la simple De'couverte d'une terre, ou meme la vaine formalite de la Prise de possession , sans etre suivie de Peffet \ pouvoit tenir lieu d'un titre re'el de Proprie'te et du droit d'occupation. Avoit- elle oublie qu'en 1 578 , Famiral Drake qui decouvrit la Nouvelle Albion, comprenant plus de deux cents lieues de Cotes, entre ^7 et 48 degres de latitude , avoit pris solennellement possession de toute la Contree j au nom de la Reine Elisabeth / et si, aujourd'hui; YAngleterre se proposoit de faire revivre cette'ancienne Prise de possession , cette pretendue Proprie'te, YEspagne ne se croi- roit-elle pas fondee a soutenir que te temps en a efface Ie titre! Mais, je Ie demande, celui que YEspagne avoit pour occuper San-Diego , Monterey, etles pays adjacens, est-il mieux conserve, parce qu'il a vingt-quatre annees de moins d'an- ciennete! Je ne suis qu'Historien , et je dois laisser aux Publicistes a decider la question : peut-etre jugeroient - ils , apres avoir consulte te droit INTRODUCTION. lix primitif de tout habitant de la Terre , qu'il y a eu 1769. d'un cote , et qu'il y auroit de Pautre, usurpation Vicente \r et et abus de Ia force. Gaspar Quoi qu'il en soit, Ie projet d'e'tablir des Pre- de P°rt°la' sides au Nord de la Californie avoit ete concu par j > tr ie Gouvernement espagnol ; et le Vice-roi de la Nouvelle-Espagne, le Marquis de Croix, ordonna un armement compose des Paquebots te San- Carlos et le Sant - Antonio, Pun commande par Don Vicente Vila, premier Pilote de la Marine royale; Pautre par Don Juan Pere^, Pilote pour la Navigation des Philippines : et un Detachement de troupes sous Ie commande men t de Don Gaspar de Portola, Gouverneur de la Peninsule de Californie , fut destine' pour suivre la Cote par terre, tandis que les Paquebots la prolongeroient par' mer. Mais te Marquis de Croix jugeant que le petit nombre d'Europeens dont il pouvoit dis- { poser, ne seroit pas suffisant pour reduire les Peuples du Nord de la Californie, qui, sans doute s'armeroient contre les Envahisseurs de Ieur pays , se decida, a Pexemple du Conque'rant du Mexique, a opposer un Peuple de Y Amerique a un autre : et des Californiens , arme's a Ieur maniere, furent contraints de se joindre a la Troupe europeeime, pour aider a soumettre leurs compatriotes au joug etranger qu'eux - memes avoient subi. .-■■., '7^9' Gaspar le Portola. Ix INTRODUCTION. Le 10 de Janvier 1769 l , Don Vicente Vila fit Vicente Vila vojje ju port de la Pa-?, situe a la cote Occi- dentale de la Californie, vers -24 degres et demi de latitude. Les Paquebots eurent a iutter contre tes vents du Nord qui dominent sur cette Cote; et la Troupe de Terre eprouva les plus grandes fatigues. Ce ne fut que Ie 29 d'Avril qu'on put atteindre te Port de San-Diego, te premier bu Yqn devoit former un Etablissement; et on te quitta Ie 14 de Juin suivant. De plus diffi eultes s opposerent encore a Farrivee au Port de Monterey. Quoiqu'il ne soit e'loigne du premier que d'environ 72 lieues dans te Nord-Ouest, et que sa latitude eut ete de'ter- minee avee exactitude dans te Voyage de Viscaino , dont Torquemada avoit ecrit et publie la Relation ; ce ne fut qu'apres les recherches les plus penibles par mer et par terre , que Ie 3 1 mai 1770, une annee apres Ieur etablissement a x La Relation espagnole de ce Voyage a ete imprimee a I'lmprimerie du Gouvernement de la Nouvelle Espagne, sous le titre de Diario historico de los Viages de Mary Tierra hechos al Norte de la California, &c. L'Ouvrage se trouve tres-diffici- lement en Espagne; mais je suis parvenu a m'en procurer , de Madrid, une copie manuscrite qui, par son exactitude, equivaut a 1'imprime. On trouvera un Extrait plus d^taille de ce Voyage, dans les Notes geographiques qui etorent jointes aux Instructions donnees a la Perouse* INTRODUCTION. Ix) San-Diego, tes Espagnols parvinrent enfin a. re- 1769. trouver Ie Port de Monterey sur Ie meme Parallele Vicen*e \it* et que celui qui etoit indique dans la Relation de Gaspar Viscaino \ Je ne puis me dispenser de remarquer de Portda. que, lorsqu'en 1786, la Perouse revenant de la cote du Nord-Ouest , voulut relacher a ce Port, qu'il ne connoissoit , comme Vicente Vila, que par sa latitude, il y atterit avee la meme pre'eision, et te trouva avee Ia meme facilite , qu'un Vaisseau francais, revenant du large, retrouve Pile d'Oues- sant et Ie Port de Brest. On est etonne , en lisant Ie JoiiiRnal du Voyage des Espagnols , qu'en 1770 , ils en fussent encore a connoitre un pays si voisin de celui qu'ils occupent depuis trois cents ans : il paroit cepen- dant, d'apres ce qui est dit dans la Relation, que les homines et les choses etoient egalement nou- veaux pour eux ; et cette observation peut faire croire que si, dans Finitervalle de 1602a. 1769, ils ont fait des progres au Nord du Mexique, dans Pinterieur des Terres , ils avoient neglige la connqi$sance des Cotes : on sait qu'en gene'ral, Torquemada place ce Port a 3 6° 4.°' '• Ies Espagnols, dans Ieur Voyage de 1769, observerent la meme latitude ; mais,, dans un second voyage , en 1775 , ils la fixent a 3 6° 44^ Suivant les Observations faites par la Perouse en 1786, la latitude doit etre de 360 38' 25", et la longitude, a J'Ouest du Meridien de Paris , de ia4° 2'. IxiJ INTRODUCTION. 1769. ce n'est pas dans te voisinage de la mer que la Vicente Vifa Nature prepare , par Ie travail des siecles , ces <~ me'taux precieux et funestes , dont la recherche Caspar r ' de Portola, pouvoit seule exciter les efforts et les entreprises d'une Nation a qui tous tes moyens ont paru legitimes pour en acquerir Pexclusive possession. On lira avee plaisir , dans Ie Journal de la Perouse, des details interessans sur ie Port de Mon^ terey , sur Ie pays qui en depend , et sur Pespece de Gouvernement que les Conquerans y ont etabli: on doit dire , a. Peloge des Religieux Mission- naires , employes pour en maintenir Ia conquete , que , s'ils font plier la saintete de Ieur ministere a servir la politique et la cupidite , du moins ils s'occupent avee un zele vraiment chretien d'adoucir par toutes les consolations que la Religion peut apporter, Ie fardeau de Fesclavage , qui a du paroitre insupportable a. des hommes qui jouissoient de toute la Iiberte de la Nature. 1771. L'ExPEDlTiON de 1769 se borna a la se- Expedition conde Decouverte du Port de Monterey>-, et a par ferre. J? J , ,. ,, r» ' • t i t>> S &3 i etablissement d un Preside : les Decouvertes~ar faire par des latitudes plus elevees furent renvoyees a un autre temps. Un objet plus important, et pour Fexecution duquel Don Joseph Galve^ avoit. e'te envoye oYEspagne , en qualite de Visiteur general du Mcxiqus, devoit absorber tous tes soins et tous INTRODUCTION. ixrrf tes efforts du Gouvernement. Les Provinces de 1771. Sonora et de Cinaloa , situe'es a FEst de la Mer Expedition par terre. Vermeille, avoient ete' anciennement soumises , mais n'etoient point encore occupe'es; et Ie peu de forces qu'on y entreienoit, avoit engage', en 176 j , quelques tribus sauvages qui les avoisinent a y faire de frequentes incursions : Ie Marquis de Croix voulut y re'tablir la tranquillite ; et les moyens ordinaires aux Conquerans de FAmerique furent mis en usage pour y parvenir. Cinq anrie'es avoient deja ete employees a poursuivre les Sauvages dans des montagnes et des defile's presque impraticables; mais il s'agissoit de posse'der paisi- blement les Mines les plus abondantes du Nouveau Monde , et rien ne parut impossible : enfin PEx- pedition fut terminee en 1771 , par la destruction de ces Americains qu'on appeloit Sauvages et rebelles : et ce furent encore les plus heureux ; car la servitude enveloppa de sa chaine tous ceux qui surve'curent a Penvahissement de Ieur pays T. Les VoYAGESirepe'te's'des Anglais dans te 1774. Grand- Ocean , lesquels ne pouvoient plus avoir, et comme les premiers, pour objet ou pour pretexte, 177'5 • d'y faire observer Ie Passage de Venus devant te x?^s disque du Soleif, devoient naturellement re'veiller Espagnol * Voyez Robertsons History of Ameri Lib. VII. 3 774 et *775- Expedition des Espagnols. Ixiv INTRODUCTION, tes inquie'tudes du Cabinet de Madrid, et ne tarderent pas a y porter de nouveau Falarme. F.e Gouvernement jugea qu'il n'avoit pas de temps a perdre pour faire poursuivre tes De'couvertes au Nord de la Californie, et s'etablir sur la c6te du Nord-Ouest, ou du moins annoncer que YEspagne en avoit pris possession, avant que les Navigateurs anglais , a. Fexemple de Ieur compatriote Drake, ne vinssent y planter te Pavilion de la Grande- Bretagne. Par ces Prises de possession, toutillusoires qu'elles sont, YEspagne se pre'paroit les moyens de defendre le terrain , de gagner du temps , et d'engager dans sa cause, ses Allies a qui il impor- toit indirectement que les Anglais, qui occupent deja la plus grande partie des cotes Orientates et du territoire de FAmerique du Nord, ne parvinssent pas a. former de meme, sur ses cotes Occidentales, des Etablissemens aux quels la perseverance d'une Nation infatigable, et jamais rebutee quand il s'agit de son commerce, pourroit, par la suite, ouvrir des communications promptes et faciles avee ses Etablissemens de la partie Orientate. Les Anglais , occupant ainsi YAmerique Septentrionale, du Levant au Couchant, de cette position eussent menace sans cesse YAmerique Espagnole ; et , quelque jour , sur quelqu'un de ces pretextes que la politique tient toujours en reserve au service de Pambition , Feffet eut pu suivre la menace, avant mp) INTRODUCTION. Ixv avant que YEspagne eut fait passer d'Europe les 1774 forces necessaires pour defendre ses Possessions et d'au-dela des Mers. l' 7S> Les Expeditions au Nord de Ia Californie furent xPe IK" * J des done reprises par les Espagnols. II paroit qu'un Espagnols, premier Voyage eut lieu en 1774 ; mais nous n'avons connoissance que de celui qui fut fait en 177 5 , et dans lequel on se proposoit de faire pousser les Decouvertes jusqu'au soixaiite - cinquieme Parallele , sans doute dans la vue de reconnoitre tout ce que les Navi ratio. is des Russes avoient pu Ieur faire decouvrir dans cette partie. L'Honorable Daims Barrington a traduit en an- glais, et a fait imprimer dans ses Miscellanies l , la Relation du Voyage que Don Antonio-Maria de Bucarelli y Ursua, alors Vice-roi du Mexique, avoit ordonne' , en 1775 , pour remplir I'objet que Ie Gouvernement s'e'toit propose. M. Barrington e'toit parvenu a se procurer d'Espagne une copie du Journal manuscrit de Don Francisco-Antonio Maurelle, premier Pilote dans {'Expedition ; mais il n'avoitpu, par aucun moyen, obtenir une copie de la Carte des De'couvertes : on n'bbtient jamais des Espagnols une communication entiere. Nous n'avons plus a, regretter cette Carte , depuis que Cook, la Perouse, et posferieurement a eux , *775- Ayala et Bodega, Londoi J. ?8i. In Ixvj INTRODUCTION. 1775. P*usteurs Navigateurs, Anglais, Americains et Ayda Francais, apres avoir reconnu Ia Cote du Nord- *a Bode a Ouest de Y Amerique, ont publie sans reserve, leurs Observations de tous les genres, et tes Cartes generates et particulieres des parties qu'ils ont visitees. II ne nous reste, plus a acquerir que des connoissances de detail,.que peut-etre nous ne devons jamais attendre des Espagnols , mais que tes Navigateurs des autres Nations , qui sauront se les procurer sur les lieux , s'empresseront de communiquer a. ceux meme qui s'obstinent a laisser tes leurs enveloppees dans les ombres impene- trables du mystere. L'armement des deux Batimens legers , la Goilette la Sonora et un Paquebot, qui devoient etre employes dans cette nouvelle Expedition , fut fait au Port de San-Blas, situe a. Ia Cote de Galicia , une des Provinces du Mexique; et te commandement en fut confie a Don Juan de Ayala qui eut sous ses ordres Don Juan-Francisco de la Bodega y Quadra. 1 lis appareillerent de San-Bias te 17 Mars 1775. Le 7 Juin, a 41 degres et demi de latitude , ils reconnurent, a. une assez grande distance , une 1 On trouvera un Extrait plus detaille de ce Voyage des Espagnols dans le Recueil des Notes geographiques qui avoient «te jointes aux Instructions donnees a la Perouse, INTRODUCTION. fxvij longue suite de Cotes s'etendant Sud-Est et Nordic Ouest: cette partie comprend te Cap Mendocino. Le 9, ils mouillerent dans un Port situe a 41 degres 7 minutes de latitude, et a 19 degre's 4 minutes a f Occident de San-Bias; etils lui impo- serent Ie nom de Puerto de la Trinidad: te Pilote Maurelle vante beaucoup Ie pays et ses habitans. Le 9 de Juillet, ils s'estimoient a 47 degres 40 minutes de latitude; et ils eurent des indices du voisinage de la terre. Elle fut apercue Ie 1 1 , a douze lieues de distance, et Ie 12 au soir, on n'en etoit pas eloigne de plus d'une lieue. On distinguoit plusieurs Caps, plusieurs ilots , et des montagnes couvertes de neige; et Fon remarqiia une petite ile sterile, d'environ une demi-lieue de tour , qui fut nominee Isla de los Dolores. La latitude etoit de 470 39'. Le 13 , on mouilla sur la Cote par 47 degres 2 8 minutes; et Ie soir du meme jour, on fit un second mouillage, a 47 degres 21 minutes : les Espagnols eurent ici un engagement assez serieux avee tes Naturels du pays; et tes deux partis laisserent plusieurs morts sur le champ de bataille \ Le 1 .er Aout, une brume epaisse les forca de l775* * Ayala et la Bodega, Cette partie de la Cote correspond, pour la latitude, a celle qui est appelee sur la Carte de Meares, Shoal-Water Bay 3 Baie des Bas-fonds on des Dangers, ( Voyei la PI, 11. ) E 2 kiirj INTRODUCTION. 1775. s'eloigner de la Cote : les vents souffloient du Ayda * Nord-Ouest et Nord. laBodeoa. Le 5 , Ie vent passa au Sud-Ouest. Le 1 3 , on eut plusieurs indices du voisinage de Ia terre, et, Ie 14 et Ie 15 , ces signes se multiplierent encore : on s'estimoit alors par 5 6 degres 8 minutes de latitude, a. 154 lieues espa- gnoles ( de 17 et demi au degre ) a POuest du Continent , et a 6*0 lieues settlement d'une ile qui, suivant Ie Journal, doit etre la partie la plus occidentale d'un Archipel situe sur Ie meme Parallele , et se trouvoit marquee sur la Carte ma- nuscrite dont les Espagnols faisoient usage pour regler Ieur route : il en resulteroit que cette ile devroit etre eloignee du Continent, de 94 lieues espagnoles, ou d'environ 107 lieues marines de 20 au degre. J'ignore quelle est Yile dont il semble que les Espagnols avoient une connois- sance certaine puisqu'elle se trouvoit marquee sur Ieur Carte, et que Maurelle, en parlant de sa distance a. Ia grande Terre , ne dit pas que son existence fut douteuse : aucune Route des Navigateurs de ces derniers temps ne passe a un si grand e'loignement du Continent sur Ie Parallele de 5 6 degres. Quant a cet Archipel situe a. la meme latitude , duquel Maurelle ajoute que :ette ile forme la par la plus avancee du cote de POuest; la Perouse a, en efiet, reconnu un INTRODUCTION. Ixix Archipel qu'il a designe par le nom d'iles ou Archipel des Espagnols, et qui s'etend du 5 5»me au 5 6.mc Parallele; et Fon pourroit supposer que c'est celui dont tes Espagnols avoient connois- sance et qu'on voyoit trace sur Ieur Carte; mais cet Archipel n'est pas eloigne du Continent, de 107 lieues, il Pest seulement de 12 ou 15 milles a sa plus grande distance. Le 16 Aout, Ayala reprit la vue de la terr© et decouvrit un Cap tres-remarquable et une montagne d'une grande e'le'vation ; Ia Montague fut nominee Monte San-Jacinto, et te Cap, Capo del Engano : celui-ci est situe a 57 degres 2 minutes de latitude, et a 34 degres 12 minutes a I'Ouest du Me'ridien de San-Bias. La montagne- a pour base Ie Cap qui se projette au large : sa forme, est-il dit dans Ie Journal , est la plus belle et la plus reguliere qu'on ait jamais vue : elle est isole'e et detachee de la chaine des autres montagnes : son sommet etoit convert de neige ; on voyoit au-dessous quelques grands espaces nus qui se prolongeoient jusque vers Ie milieu de ses flancs \ et de cette hauteur jusqu'au pied , sa surface etoit couverte de grands arbres. Le lendemain , il entra dans une grande Baie L qui recut Ie nom de Baya de Guadalupa, et il y mouiila dans un Port situe a 57° 1 1' de latitude. Cette Baie est ouverte de 3 lieues a son entree: Ayala Ayala et Bodega. Ixx. INTRODUCTION. et elle est couverte du cote du Nord par te Cap del Engano. Sur te cote oppose au Cap, ils de- couvrirent ce qu'ils appellent le Port, dont Fentree a plus d'une lieue d'ouverture , et qui est a Pabri de tous les vents, excepte de ceux qui souffTent de la partie du Sud. Ils contournerent la Baie a une tres-petite distance de la Cote , et ne trouverent jamais moins de 50 brasses d'eau; mais tes mon- tagnes se prolongeant jusqu'au rivage, la Cote ne presentoit aucune Plage propre au debarque- ment. On distingua cependant une petite Riviere; mais il etoit nuit : on mouilla sur 66 brasses, fond de vase dure. Le 1 8 , Ayala remit a la voile. A <y7 degre's 18 minutes de latitude, et 34 degres 12 minutes a POuest de San-Blas, te 19 Aout, il decouvrit un Port dans lequel se de'- charge une Riviere ; il y mouilla et lui imposa Ie nom de Puerto de los Remedios : tes Espagnols communiquerent ici avee tes Naturels de la Cote , y firent de Peau et du bois, et prirent possession du pays avee Ie ceremonial d'usage. Ayala s'eleva ensuite jusqu'au Parallele de 5 8 degre's, sans faire aucune Decouverte. Parvenu I cette hauteur qui excede la limite des De'couvertes anciennes tes plus septentrionales , il de- meura persuade que les Entrees ou Detroits indiques par les and ens Navigateurs n'existent pas. Mais si INTRODUCTION. Ixxj Maurelle , en consignant cette opinion dans son 177 5 • Journal dont Ie Gouvernement espagnol a laisse Aya{a et circuler des copies , n'a pas obei a un ordre qui }a Bodega. a pu lui imposer silence sur ce qui auroit ete decouvert; si ce n'a pas ete une maniere adroite de detourner tes autres Nations du projet de tenter des Decouvertes dans cette partie; si telle a ete enfin Popinion veritable des Espagnols charges de la conduite du Voyage; la persuasion ou ils sont restes ne peut pas affoiblir Ie te'moi- gnage des Navigateurs plus modernes qui ont justifie Fuca et Fuente, et attestent la realite des jg|l parties de leurs Decouvertes , qui n'ont pas e'te alterees, et peut - etre a dessein , par des ac- cessoires romanesques : mais il restera prouve vp3?Ayala, en remontant la cote du Nord-Ouest depuis Ie Port de la Trinidad jusqu'au Parallele de 5 8 degres , s'est contente Ie plus souvent de reconnoitre la terre de loin. Le cinquante - huitieme Parallele etoit, sans doute , te Terme que tes Espagnols avoient fixe a Ieur course , quoique leurs Instructions ne Peussent Iimitee qu'au soixante-cinquieme; cara peine sont-ils parvenus a 5 8 degres de latitude , qu'on les voit redescendre dans te Sud , avee Yin- tention de regagner te Port de Monterey : ils firent cependant quelques De'couvertes que Ie hasard offrit sur Ieur route. E + Ixxij INTRODUCTION. 1775. Le 24 Aout, a 55 degres 17 minutes de la- Ayaia timde , et 3 2 degres 9 minutes a FOccident de , Bocjep.a> San-Bias, if$ mouilierent dans une grande Baie 011 un bras de mer presente un Havre spacieux, qui fut nomme , en Phonneur du Vice-roi, Puerto Bucarelli: ce Port, qui paroit forme par plusieurs lies , doit etre la partie meridionale de cet Archipel detachee du Continent, que les Espagnols con- noissoient par ieur Carte, qu'ils n'avoient pas pu retrouver en remontant la Cote, dont, en redescendant , ils n'ont reconnu que Pextremite infe- rieure, et que la Perouse, qui Pa proionge du Nord au Sud , a nomme , par respect pour' une ancienne Decouverte dont il ignoroit i'e'poque et Pauteur, les Iles des Espagnols. Une ile de hauteur moyenne qu'ils apercevoient dans te Sud, a six lieues de distance du Port, recut le nom de Isla de San-Carlos. Ici, Don Juan de Ayala prit possession , au nom de Sa Majeste Catholique , du pays qu'il voyoit et de tout celui qu'il ne voyoit pas : c'etoit prendre possession d'un de'sert que . personne ne lui disputoit; car, aux restes d'une cabane detruite , et a quelques marques e'parses £a et la, on rcconnoissoit bien que des individus de PEspece humaine avoient autrefois sejourne dans cet endroit ; mais , pendant tout Ie temps qu'on passa dans te Havre, aucun habitant ne se montra* ' INTRODUCTION. Ixxiij En quittant Ie Port de Bucarelli, les Espagnols vinrent jeter Pancre a. 2 lieues de File San^Carlos; et de ce Mouillage, on decouvroit, a. 4 ou 5 lieues de distance , un Cap , situe a 5 5 degre's de latitude , auquel on donna te nom de Capo Sant-Agustin. On voyoit la Cote , a partir de ce Cap , se prolonger si loin dans I'Est , qu'elle finissoit par s'effacer totalement. L'action de deux Courans qui agissoient ici dans des directions opposees , etoit si violente qu'il ne fut pas possible d'y sonder: et comme ces Courans, est-il dit dans te Journal, paroissoient suivre Ie cours des Marees , on en conclut que cette Entree pouvoit etre une embouchure de Riviere, et Fon regarda comme certain qu'elle ne communique qu'avec Ie Grand-Ocean Boreal dans Iequel on naviguoit. Ainsi Fon se persuada que cette Terre qui s'etendoit si loin dans I'Est, formoit Ie cote septentrional de Fentree d'une Riviere, dont cependant on n'apercevoit pas Ie cote meridional ; et dans cette supposition , dont on se contenta, Fon ne chercha pas a acquerir une certitude. La saison n'e'toit pas encore avancee ; on pouvoit esperer des vents favorables; et tes Espagnols, eprouvant peut-etre une sorte de honte de s'etre arretes fort en-deca. du terme que leurs Instructions avoient fixe*, semblerent un moment reprendre Bodega, L Bodega. Ixxiv INTRODUCTION. courage, et se de'terminerent a tenter de nouveau la Route du Nord. Le 28 Aout, ils profiterent des vents variables pours'approcher de la Cote a 5 5 degres 50 minutes de latitude : ils n'en furent pas assez pres pour Fapercevoir; mais a cette hauteur, ils trouverent^ comme ils Ie desiroient, des vents de la partie du Sud-Ouest et du Sud. Le 1 .er Septembre, ils avoient remonte jusqu'a 5 6 degre's 5 o minutes ; mais Ie 7, les vents du Nord ayant repris te dessus, et les Equipages des deux Batimens se trouvant excedes de fatigue, Ayala abandonna toute ide'e de poursuivre tes Decouvertes au Nord , et fit route pour regagner te Port du depart. II chercha cependant a. se rapprocher de la C6te pour en reconnoitre quelques Points ; mais il parcourut encore plus de trois degres de latitude sans s'en approcher assez pour la de'couvrir , et il ne se mit en position de Fapercevoir, que par 53 degres 54 minutes, et a 8 ou 9 lieues de distance : il s'en tint constamment assei loin, est-il dit dans te Journal, pour n'avoir point a craindre de s'y affaler, et as se-^ pres pour n'en pas perdre la vue ; j'ajouterois , mais pas assez pres pour etre a portee de faire aucune Recoriffcrssance. Ce ne fut que par 47 degres 3 minutes , que , naviguant, a la distance d'un miile de la Cote, il put distinguer tes Ca^rs, les INTRODUCTION. Ixxv Bates et tes autres Points remarquables, et en faire i; les Relevemens qui devoient en fixer tes positions ' relatives sur la Carte qu'il etoit charge de dresser: Ia j mais te Journal n'entre dans aucun de'tail sur ce qu'Ayala a pu decouvrir a cette hauteur ; et la Carte n'a point ete communiquee. On perdit de nouveau Ia vue de la terre ; on ne la reprit que te 24, a 45 degres 27 minutes, et on prolongea la Cote a une porlee de canon : et cc comme cette latitude , dit Ie pilote Maurelle, s'approche de celle a Iaquelle on place YEntree d'Aguilar, dont on vouloit verifier Pexistence et la position , nous mimes en panne pendant la nuit ». Ayala s'occupa de la recherche de cette Entree jusqu'au Parallele de 45 degres 50 minutes. A cette hauteur, et a 20 degres 4 minutes a. 1'Occident de San-Bias, on decouvrit un Cap qui, pour sa ressemblance a une table ronde , fut nomme Capo Mesari: dans te voisinage de ce Cap, on apercevoit dix petites iles, et Fon distinguoit meme quelques ilots presqu'a. fleur d'eau. cc Nous naviguions si pres de la Cote, ajoute Alaurelle, que, si YEntree d'Aguilar existoit dans cette partie, elle n'eut pu echapper a. Fexactitude de nos re- cherches %g II est difficile de concevoir comment Maurelle pouvoit chercher cette Entree dans te voisinage de 450 50' de latitude, puisqu'il savoit par Ia Relation que Torquemada a donne'e du h Bode Ixxvj INTRODUCTION. Voyage de Viscaino, qu'elle doit etre situee vers 43 degres T , et que tes Cartes espagnoles qui la placent Ie plus au Nord , ne la portent pas au-dela de 44 : car, sans doute , on ne croira pas , avee te Pilote espagnol, qu'il soit probable qu'Aguilar eut pu commettre sur cette latitude, une erreur de deux ou trois degres, erreur que Fimperfection des Instrumens en usage dans Ie temps ou il observa, ne pourroit pas excuser , puisque les latitudes donnees par les Navigateurs contemporains de Viscainoz et Aguilar, et meme par les Voyageurs plus anciens , tels que, Drake, Cavendish , Olivier Van- Noort f Spilbergen, le Maire et Schouten, ne sont jamais en erreur d'un demi-degre, quand ils ont eu occasion de les observer., j Apres I'inutile recherche de YEntree ou de la Riviere d'Aguilar y a la place ou Fon ne devoit pas la trouver, Ayala se livra a la recherche d'un Port que Ie Journal designe par Ie nom de Puerto de San- Francisco , et qui est, en effet, Ie Port de Francisco, mais de Francisco Drake ou Sir Francis Drake. Le nom de YAlfere%3 la Bodega fut substitue', Voyez ci-devant, page xix* On a vu que la latitude que Viscaino assignoit a son Port de Monterey, ne difieroit de la veritable, que d'environ 2 minutes. ( Ci-devant, page Ixj, Note \ ) 3 Enseigne. puc INTRODUCTION. Ixxvrf ur, a. celui de Famiral Drake, et meme 1775. a celui de Saint-Franfois. L'honorable Barrington reproche avee raison aux Espagnols d'avoir cru la Religion inte'ressee a supprimer Ie nom du brave Heretique qui , parti d'un Port cYAngleterre, s'etoit eleve sur la cote Nord-Ouest de YAmerique jusqu'a une hauteur a Iaquelle, avant lui, aucun Navigateur espagnol n'avoit tente de parvenir : mais on peut croire que la vanite nationale a eu plus de part que la piete , a une substitution de nom que Ie Ge'ographe impartial ne se permettra pas d'adopter. Le pilote Maurelle place Ie Port de Sir Francis Drake par 38 degre's 18 minutes de latitude : I'Amiral anglais Pavoit indique a 3 8 degres et demiT , et une erreur de 1 2 minutes n'en est pas une considerable pour Ie temps ou il .observa , et pour les Instrumens qu'il pouvoit employer dans ses Observations : j'ajouterai que cette erreur qui n'est que d'un cinquieme de degre, ne pouvoit pas empecher que les Espagnols ne reconnussent Pidentite de Sir Francis Drake's Harbour, Puerto de San-Francisco et Puerto de la Bodega : et si Ia petite difference entre les latitudes Ayala et Bodega, * Maurelle dit que YHistoire de la Californie place ce Port, a 38 degres 4 minutes. II me semble que e'etoit plutot dans Ie Voyage de Drake meme qu'il falloit chercher cette latitude : et Fletcher dans la Relation originate; la donne de 3 8° et demi. Ixxviij INTRODUCTION. eut pu Ieur laisser Ie plus leger doute, Ia vue du Pays et de ses habitans , tels que Drake les a peints, tels que les Espagnols les ont retrouve's, devoit etre suffisante pour faire disparoitre toute incertitude. L'amiral Drake avoit ne'glige d'imposer des noms aux deux Pointes ou Caps qui forment Fentree de son Port: les Espagnols ont repare cet oubli ; Ie Cap du Nord fut nomme Punt a de las Arenas [Pointe des Sables], et celui du Sud, Capo del Cordon [ Cap du Cordon] : cette derniere denomination pourroit etre une sorte de restitution faite a. Saint Francois qu'on avoit de'pouille' de son Port ; car on sait que , dans les deux Espagnes, te Cordon de Saint Francois est un des objets les plus recommandes a la ve'neration, j'ai presque dit au culte des Fidelles. Les Espagnols quitterent te Port de Drake te 4 Octobre : Ie 7, ils mouillerent dans celui de Monterey ; et Ie 20 de Novembre, ils rentrerent dans celui de San-Bias, d'ou ils etoient partis deux cent soixante jours auparavant. Ce Voyage de 1775 avoit ete plus heureux , plus utile pour les progres de la Geographie, que celui de 1770, dont Ie plus grand succes, apres une annee de recherches, s'etoit borne a retrouver Ie Port de Monterey : celui de 1775 a fait connoitre Ie Port de la Trinidad, a 41 degres 7 minutes de INTRODUCTION. Ixxix latitude ; Ie Cap Mesari, a 450 50' \ le Cap Sant- Agustin, a 5 5 degres ; Ie Port de Bucarelli, a 5 5 degres 17 minutes; Ie Mont San-Jacinto et Ie Cap del Engano, a 57 degres 2 minutes ; Ia Baie de Guadalupa, a 57 degres 1 1 minutes dans sa partie du Nord ; Ie Port de los Remedios, a 570 18'; et Fon a retrouve Ie Port de J7r Francis Drake, dont on a fixe la latitude a. 3 8 degres i 8 minutes. Mais, en reconnoissant que ce dernier Voyage a plus avance la Decouverte de Ia Cote Nord-Ouest del'Amerique que celui de 1770; on est force de convenir que, si les autres Navigateurs de ces derniers temps eussent mis dans leurs recherches la prudence etla circonspection que les Espagnols ont apporte'es dans les leurs , nos connoissances n'en auroient pas recu un grand accroissement. Quand il s'agit de reconnoitre une Cote, ce n'est pas en naviguant asse^pres pour ne la pas perdre de vue , et asse^ loin pour n'avoir pas a la craindre, qu'on peut espe'rer de de'couvrir des Entrees , des Canaux , des Baies , &c. On salt que , d'une certaine distance, tous ces accidens doivent se confondre avee la suite de la Cote, et se perdre, a Ia vue, sur Ie fond des Terres elevees qui les dominent au loin. Mais si, d'un cote , Fon s'aper- coit, en lisant Ie Journal de Maurelle, qu'Ayala sembloit craindre, en quelque sorte , de trouver ce qu'il cherchoit; de Pautre , on est souvent tente 1775- Ayala et la Bodega. Ixxx INTRODUCTION, de soupconner que, si ses recherches Pont conduit A>'aia a retrouver les De'couvertes dont il avoit les indi- h Bode a cations , il a juge qu'il etoit prudent de ne pas enlever le voile qui tes couvre. Imperitie, timidite ou reticence : quelle que soit la cause, n'importe ; pour nous I'efYet est Ie meme T. I Si I'on veutse convaincre que ce Voyage des Espagnols n'a pas ete juge trop severement, il suffit de suivre Don Ayala, dans sa navigation , quand il remonte la Cote , et ensuite quand H la descend : on verra que, dans i'une et Pautre Route , il ne s'est pas occupe de rechercher les anciennes Decouvertes dont il avoit les indications, Le 9. Juin , il decouvre Ie Port de la Trinidad a 41 degres 7 minutes de latitude. Plus d'un mois apres (Ie 11 juillet), par 47 degres 39 minutes, il commence enfin a se m'ettre a portee de voir la terre, mais a dou^e lieues de distance : il apercoit des caps , des ilots, des montagnes couvertes de neige j et pour toute Reconnoissance , il remarque une petite ile sterile qu'il nomme Isla de los Dolores, he 1 3 du meme mois , il mouille a la Cote, par 47 degres 21 minutes, et se bat contre les Naturels. • Le 5 Aout, par 56 degres 8 minutes, il a des indices de terre. II a la vue de la terre , Ie i6,,et decouvre, a 57 degres 2 minutes, le Mont San-Jacinto, Ie] Cap del Engano, la Baie de Guadalupa, a-peu-pres sur le meme Parallele. . Ainsi , entre 47 degres 2 tiers et 57 degres , c'est-a-dire , sur un espace qui occupe 9 degres un tiers, ou plus de 186 lieues en latitude , aucune vue de terre, A 57 degres' 18 minutes, il de-couvte le Port de los Remedios ; II INTRODUCTION. kxxj Il paroit que Popinion que les Espagnols 1779. avoient prise du Voyage de 177 5 , n'etoit pas aussi Arteaga. desavantageuse que celle qu'a du nous en donner Ie Journal d? Antonio Maurelle ; car Ie vice-roi Bucarelli, satisfait sans doute du succes de cette Expedition, s'occupa, des 1777, d'un nouveau et de la, il s'eleve, sans voir kt Cote, jusqu'au $$,c Parallele , Jimite de sa navigation vers le Nord. Exarninons a present sa Route du Nord au Sud, en redescendant la Cote. Le 24 Aout, a 55 degres 17 minutes, il decouvre Ie Port de Bucarelli; mais VArchipel des Espagnols ( ainsi nomme par la Perouse ) entre 56 et 55 degres, dont ce port occupe la partie meridionale , n'a point ete apercu. Dans le meme temps, il voit de loin Ie Cap Sant-Agustin par 55 degres de latitude. A 53 degres 54 minutes, ii a la vue de la terre; mais il navigue constamment a huit ou neuf lieues de • distance, et se contente de I'apercevoir a cet eloignement. Ce n'est qu'a la hauteur de 47 degres 3 minutes qu'il rallie fa Cote , et la reconnoit en detail , a un milie de distance; mais le Journal ne fait pas mention, de ce qu'on decouvrit d cette hauteur. Bientot il perd de nouveau la vue de la terre , et ne s'en rapproche qu'a 45 degres 27 minutes, pour faire dans les environs de ce Parallele, 1'inutile recherche de VEntree dAguilar, que les Relations indiquent a 43 degres, &c. &c. Ainsi I'intervalle compris entre le j^.e et le 47«c Parallele n'a pas ete plus reconnu en descendant ia Cote, qu'il ne I'avoit ete en la montant. C'est cependant entre ces deux Paralleles qu'etoient indiquees les Decouvertes de Fuente et celles de Fuca : et si Ayala, 1. F kxxij INTRODUCTION. 1779. Voyage dont te projet ne fut realise qu'en 1779 5 Arteaga, et (jans ieqUe{ jj se proposoit de faire reconnoitre la cote du Nord-Ouest de YAmerique, a commencer du 58.™* degre de latitude, et en remontant jusqu'au soixante - dixieme. Si les recherches ne devoient commencer qu'a 58 degres, c'est qu'ap- paremment te Vice-roi etoit convaincu que, au- dessous de ce Parallele , les travaux d'Ayala, seconde par son pilote Maurelle, qui , dans Ie Voyage de 1775? s'etoit e'leve jusqu'a cette favorise des vents du Nord, comme il le fut constamment a son retour des parties septentrionales, eut mis un peu de perseverance a rechercher les anciennes Decouvertes des Navigateurs de sa Nation , il est probable qu'il n'eut pas laisse a d'autres le merite de les retrouver. Et en effet si, lorsque , a partir de son cap Sant-Agustin , il eut suivi cette longue Cote qui fuyoit dans i'Est, elle I'cut conduit dans le Canal qui separe du Continent tin groupe de grandes ales que la Perouse, en 1786 , a decouvertes du cote du large , et que le capitaine Dixon qui les visita sur le meme cote , i'annee suivante , a nominees iles de Queen - Charlotte : en prolongeant la cote du Continent, il eut rencontre 1'ArchipeI de San-Lajaro de Fuente, retrouve par la Perouse, et visite posterieurement par les. Anglais et les Americains des Etats- Unis , que la Relation de I'Amiral espagnol indiquoit entre 53 et 52 degres de latitude : plus bas il eut rencontre la Bajc de Nootka que Cook a decouverte en 1778 , par 49 degres 36 minutes : plus bas encore, dans Ie voisinage du48.e Parallele, i\ eut retrouve VEntree de Fuca qui n'a pas echappe aux recherches des Navigateurs anglais. D\\n autre cote , si, lorsque , a la hauteur d'environ 54 deg., INTRODUCTION. Ixxxiij hauteur, ne pouvoient avoir rien laisse^a faire pour 1779* la suite entre les deux Latitudes extremes que sa Arteaga. course avoit embrasse'es. On peut croire que Don Antonio-Maria Bucarelliy Ursua ignoroit que, des 1778, cette Reconnoissance avoit e'te faite par un Anglais, James Cook, dont les Decouvertes, a. son retour, avoient ete publiees sans reserve : car si, comme Fon est autorise' a le penser , Fobjet du Vice-roi n'e'toit que de faire prendre encore aux Vaisseaux de Sa Majeste Catholique ia vue, il apercut une terre , qui est la partie du Nord - Ouest des Queen-Charlotte, au lieu de s'en tenir constamment a huit ou neuf lieues de distance , il s'en fut approche, et 1'eut reconnue d'aussi pres que le lui faciiitoit le vent de Nord ; en la pro- longeant, il fut parvenu jusqu'a I'extremite meridionale du Groupe : rapiquant ensuite dans I'Est, entre 52 et 53 degres, pour regagner Ie Continent, comme a fait la Perouse, il eut encore, par cette autre Route , retrouve PArchipel de San- Lajaro , et en redescendant, decouvert Nootka, et plus bas VEntre'e de Fuca. J'ajouterai que si, conformement a. sts Instructions, il etk eu la Constance , pendant le mois d'Aout, de pousser ses recherches jusqu'au 65.c Parallele, peut-etre eut-il devance Ie capitaine Cook dans la Reconnoissance de \\ritHam's-Sound, de Cook's-River, de la presqu'ile d* Alaska, de la longue chaine des Aleutiennes, &c, decouverts plus anciennemerit par les Russes.qui, dans cette partie de. 1'Amerique du Nord, Ie proiongement des Possessions espagnoles , ont su se procurer les Etablissemens , ou fixes ou temporaires, propres a faci- liter Ieur grand commerce de Pelleteries avee 1'empire de la Chine. F 2 Ixxxiv INTRODUCTION. en passant, de quelques Caps sur Ia Cote du Nord-Ouest, et de les faire mouiller dans quelques Ports, pour assurer a PEspagne la possession exclusive de cette immense Cote ; la connoissance du Voyage anterieur du capitaine Cook auroit pu lui donner Pinquietude assez fondee , que les Anglais , qui avoient sur les Espagnols la priorite de la Decouverte, ne pretendissent aussi quelque jour a. Ia priorite de Possession : inde helium. Quoi qu'il en soit, il fit e'quiper au Port de San-Bias, deux Fregates , la Princesa et la Querida [ Ia Favorite ] : Ie comrriandement de PExpedition fut confie a Don Ignacio Arteaga ; et la seconde Fregate fut montee par Don Juan-FWncisco de la Bodega y Quadra, qui avoit ete employe sous les ordres d'Ayala dans Ie Voyage de 177 5 , et qui prit pour son second Capitaine Don Francisco- Antonio Maurelle, alors Enseigne de Fregate, qui * a ecrit Ia Relation de ce nouveau Voyage , comme il avoit ecrit celle du precedent \ ' * J'ai tire I'Extrait suivant du Voyage de 1779 , d'un Manus* crit espagnol, I'Ouvrage de Maurelle , que la Perouse s'etoit procure a Manille, et qu'il joignit a, une partie de son propre Journal et a s^s Depeches datees d'Awatska [Saint-Pierre et Saint-Paul du Kamtschatka], Septembre 1787. Ses paquets furent apportes en France par ie jeune Lesseps, employe dans i'Expedition en qualite d'Interprete pour la langue russe , qui fit le voyage par terre dtAwatska a Paris, INTRODUCTION. Ixxxv J'aurois du , pour maintenir Pordre chronolo- gique, faire preceder ce Voyage de 1779, Par celui du capitaine Cook, a qui YEurope doit la veritable De'couverte de la cote du Nord-Ouest de YAmerique en 1778 ; mais Pordre des temps peut ceder un moment a Pensemble historique qui ressortira mieux , si Fon a lu de suite toutes les Expeditions qui ont ete faites vers Ie meme temps par les Ports de la cote du Mexique situe's sur Ie Grand- Ocean. Arteaga fit voile, Ie 1 1 Fevrier 177c) \ du Port de San-Bias, a 22 deg. de latitude Septentrionale. Le Journal de Maurelle ne contient aucune particularite digne d'etre remarquee jusqu'au 3 de Mai, que les deux Fregates mouillerent dans Ie Port ou plutot dans la vaste Baie de Bucarelli, a 550 17' de latitude, qui avoit ete decouverte par Ayala dans te Voyage de 1775 Ii Le Commandant fit faire une Reconnoissance complete de cette espece de Golfe qui s'enfonce de plus de huit lieues dans les terres , renferme plusieurs grandes iles, et presente sur son contour onze beaux Ports ou les Vaisseaux peuvent mouiller 1779. Arteaga* 1 Voyei ci-devant page Ixxij. L'Entree de cette Baie est situee d'apres les Determinations de la Perouse, a. environ 136 degres i quart a. I'Occident de Paris, et la latitude de i'Entree est, suivant le Plan des Espagnols, de 550 15'. F \ l779* Arteaga. ixxxvj INTRODUCTION. avee surete : Maurelle dit qu'il n'en connoit pas un seul dans toute YEurope qui put etre prefer^ a celui de la Santa-Cru^, dans lequel les Fregates s'e'toient etablies : il est situe a Fentree du Golfe sur sa cote Orientate. Les Espagnols communiquerent et commer- cerent avee tes habitans, dont Ie Journal fait une description assez detailiee et d'apres Iaquelle on peut juger que ces Americains different peu, par Ieur physique, Ieur costume , leurs moeurs , leurs usages , de ceux des autres parties de la Cote, que les Relations des Voyages anglais nous ont fait connoitre '. En quittant te Port de la Santa-Cru^, le 15 Juin, Arteaga gaoma celui de Sant-Antonio situe a la Cote occidentale de Fentree du Golfe , au Nord-Ouest du premier; et Ie 'i.er Juillet,, il en fit voile pour se porter-sur les parties septentrionales de la Cote. Le 16, il eut la vue du Mont Saint - E/ie de Bering, qu'il estima devoir etre situe a 59 degres 5 3 minutes de latitude, et que Ie capitaine Cook place a 60 degres 27 minutes K On a vu que , dans Ie Voyage de 1775 , les Espagnols n'avoient apercu aucun habitant dans le Port de Bucarelli, ( Ci-devant page Ixxij. ) z II paroit, d'apres ce qui est dit dans le Journal, que les Espagnols se dirigeoient sur une Carte de I'Hydrographe INTRODUCTION. Ixxxvrj II reconnut, te i 8 , un Golfe de dix lieues de 1779. profondeur , dans POuest du Cap Saint-Elie\ Arteaga. Pendant que les Espagnols e'toient occupes de faire la Reconnoissance de ce Golfe , des Ameri- cains, venus dans des pirogues, les engagerent a mouiller dans un petit Port situe a 6o° 13' de latitude , auquel Arteaga donna te nom de Port de Sant-Yago z. La structure des pirogues se fit remarquer : elle consiste en une membrure , assez semblable a celle d'un de nos canots europeens, et simplement recouverte de peaux qui font Poffice de bordages. On voit dans tes Relations des francais Bellin, publiee en 1766 sous le titre de Carte Re- duite de /'Ocean Septentrional compris entre 1'Asle et /'Amerique , suivant les Decouvertes faites par les Russes, et qui fait partie du 2,d volume de YHydrographie frangaise, sous ie n.° 99. Cette Carte est defectueuse dans tous les points; c'est une caricature , telle qu'on avoit pu la faire en placant et dessinant les cotes Septentrionales de YAmerique et de YAsie d'apres les Voyages des Russes, dont les Relations avoient ete publiees par Muller. On peut dire que c'est une Carte de Cosaques, les premiers Aventuriers qui, sous la direction de Bering, <Iecouvrirent la cote du Nord-Ouest de YAmerique ; mais il n'est pas prouve que le Voyage de 1779 eut pu nous en donner une qui fiit beau coup plus exacte. ( Veyei ci-apres page xcj, a la fin de la Note.) 1 Ce doit etre Williams-Sound, decouvert I'annee precedent® par le capitaine Cook, et anterieurement par les Russes. Ce doit etre, a en juger par la latitude, le petit Port situe au Nord du Cap Hinchinbrook de Cook, 1779- Arteaga, Ixxxviij INTRODUCTION. Voyages plus re'cens, que ces sortes d'embarcations sont particulieres aux parties septentrionales de la Cote. Lesfleches des Naturels du Port Sant-Yago sont arme'es de pointes de cuivre ; et les Espagnols demeurerent persuades que la terre de YAmerique, a ces latitudes elevees, doit renfermer des mines de ce metal. Cette opinion n'est pas destitute de fondement; car nous voyons qu'en Europe, a une latitude peu differente , la Suede possede-des mines aussi riches par Pabondance que par Texcellente qualite du cuivre. Arteaga quitta Ie Port de Sant - Yago te 2 8 Juillet pour se porter sur une Pointe de terre qu'if decouvroit a 1 1 lieues de distance dans te Sud- Ouest quelques degres Sud de son Mouillage y Son intention etoit de se maintenir a la vue de la terre ; mais la brume et la pluie ne lui permirent pas toujours de la distinguer. Le 3 1 , apres avoir tenu a la cape tes deux jours prece'dens, il decouvrit, a une petite distance des Fregates, un Groupe d'iles qui s'e'tendoit du Sud- Sud-Ouest au Sud-Sud-Est. II laissa tomber Fancre, Ie 1 ,cr Aout, dans te Sud d'une de ces iles que te Journal place a. 59 degres 8 minutes de latitude observee : elle fut trouvee inhahitee , Cette Pointe ne pouvoit qu'etre une de celles de Hie Montagu de Cook, INTRODUCTION. Ixxxix etrecnt Ie nom de Isla de Regla \ Du Mouillage , 1779. on decouvroit, lorsque Ie temps etoit clair, dans Arteaga. Ie Nord- Ouest 7 degres Ouest, et a la distance de plus de vingt lieues, une Montagne-volcan qu'on supposa devoir etre plus elevee que te Pic de Tenerife, et qui etoit entierement couverte de neige : pres de celle-ci, dans POuest-Nord-Ouest $ degre's Ouest, et a 1 5 lieues de distance, on en remarqua une autre d'une grande elevation , sur Iaquelle on ne voyoit point de neige ; et dans POuest-Sud-Ouest, a 13 lieues, deux autres sur Ie idles la neige tenoit encore 2. II est dit dans te Journal de Maurelle que, depuis te Cap Saint - Elie jusqu'a Pile de Regla, il releva avee la plus scrupuleuse exactitude, tes lies , les Caps , tes Baies , &c., dont les Fregates purent avoir Ia vue ; mais que trop souvent tes vents contraires , et des Courans presque habituels et seulement variables dans Ieur direction , les * D'apres la latitude observee pax*Maurelle, ces iles doivent etre le Groupe des Barren-Islands [ les iles Steriles ] de Cook , situees a i'entree de Cook's-River, entre Ie Cap Elisabeth et la Pointe Banks. Cette Montagne-volcan et les autres Montao-nes situees dans ia meme partie , sont le Volcan et les Montagnes que 1'on voit marques sur la Carte de Cook, a la cote Occidental de i'Entree de Cook's-Riyer. ( Voyei -son 3 .c Voyage , Planche n.°44, Vol. II, page 353 de i'Original.) xc. INTRODUCTION. eloignoient de la Cote , et ne permettoient pas d'estimer la Route avee precision J : ce qui n'a pas empeche que Fon ne dressat une Carte exacte de Ia partie de Cote comprise entre Ie Cap Saint-Elie et Pile de Regla 2. C'est a cette ile de Regla, a cinquante-neuf 'degres de latitude, que se termine la grande Expedition de 1779 ^u* devoit pousser les Decouvertes au Nord jusqu'au soix ante-dixie me Parallele. On ia quitta Ie 7 d'Aout; et le 27 Septembre , les deux Fregates etoient amarre'es dans Ie Port de San-Blas, d'ou elles auroient pu n'etre pas sorties * On voit qu'en 1779, les Espagnols en etoient encore reduits a V Estime de la Route : et deja depuis dix ans, les Francais et les Anglais determinoient les Longitudes en mer, ou avee le secours des Horloges et Montres marines, ou par i'Observation des Distances de la Lune au Soleil et aux Etoiles 1 2 J'extrais d'une Lettre que la Perouse m'ecrivit d? Aw at ska le 10 Septembre 1787, ce qu'il me mandoit au sujet de I'Expedition des Espagnols en 1779 ; on y verra quelle opinion il avoit de ce Voyage, et de la Carte qui avoit ete levee de la partie de Cote op?Arteaga avoit reconnue : cette opinion est celle qu'il avoit puisee a Manille dans ses conversations avee les Marins espagnols. « Je me suis procure a Atfanille (dit-il) le Journal du Voyage que le Pilote espagnol, le fameux D, Francisco- Antonio Maurelle, a fait, en sa qualite, sur fa cote Nord- Ouest de YAmerique. Ainsi, en joignant ce Journal a celui de la premiere campagno des Espagnols dans cette partie, que M. Barrington a publie dans ses Miscellanies, dont j'avois INTRODUCTION. xcj sept mois et demi auparavant, sans que nos con- 177^* noissances en Ge'ographie eussent rien perdu par ^rtea£a- Ieur inaction. Si les notions que les Espagnols ont pu acquerir a cet egard, ne sont pas plus etendues que celles qu'il nous a ete permis de re- cueillir dans un Journal indigeste ou tronque , on peut dire que , dans ce Voyage, comme en plusieurs autres, ils ont consume beaucoup de temps et ont fait de grands frais pour faire tres- peu d'ouvrage ; mais s'ils n'ont voulu paroitre dire quelque chose , que pour persuader aux autres Nations qu'ils avoient dit tout, Ieur reticence I'Extrait traduit dans les Notes que vous avez^ bien voulu rassembler pour mon instruction , nous aurons tous les Secrets de Maurelle. J'ai laisse ce Navigateur a Manille, commandant un des Vaisseaux de la nouvelle Compagnie , destines a faire Ie cabotage de Cavite a Canton. Je vous envoie un Plan tres-detaille du Port Bucarelli et des iles des environs, que j'ai obtenu k-Manille *. Les Espagnols dans Ieur seconde campagne (celle de 1779) , pehetrerent jusqu'a William's- Sound; et croyant etre sur la Cote du Kamtschatka, ils crai- gnoient, a chaque instant, d'etre attaques par les Russes. Je ne vous envoie pas Ieur Carte generale, parce que , en verite, elie nuiroit plutot au progres de la Geographic qu'elle ne pourroit y etre utile, Ont-ils voulu nous tromper I ou plutot ne se sont- ils pas trompes eux-memes I Quoi qu'il en soit, ils n'ont vu la terre qu'aupres du Port Bucarelli et a VEntree de William's- Sound »• * Ce Plan sera insere dans VAtlas qui doit accompagner la Relation du Voyage de la Perouse. xcij INTRODU CTION. 1779. n'atteindra pas son but; et un jour viendra que Arteaga, d'autres pourront Ieur apprendre a eux-memes, et peut-etre mieux qu'ils ne te savent, ce qu'ils mettent aujourd'hui tant de soin a Ieur cacher. HEUREUSEMENT ., nous sommes arrive's a Pepoque ou tes autres Nations s'emparent des De'couvertes a faire sur la cote Nord- Ouest de YAmerique; et nous n'avons plus a parcourir que des Journaux dans lesquels la veracite de PHis- torien egale Phabilete du Navigateur. L'inutilite des tentatives multiplie'es, depuis plus de deux siecles, par tes HoIIandais, les Danois et principalement tes Anglais , pour trouver, du cote de PEurope , par Ie Nord-Ouest, ou du cote de YAmerique, par te Nord-Est, un Passage aux Mers de YAsie, et une Route plus abre'gee que celle du Cap de Bonne-Esperance ou celle du Cap de Horn, n'a pu, jusqu'a present, faire abandonner a la Nation britannique Pesperance de voir un jour se re'aliser un projet auqtiel, de tout temps, elle attacha la plus haute importance : et ce fut pour renouveler ces tentatives, qu'en 1773 Ie capitaine Phipps, aujourd'hui lord Mulgrave, fut envoye avee deux Vaisseaux au Spit^berg, pour examiner la partie de YOcean glacial Antique comprise entre cette ile et YAmerique ; mais les glaces s'opposerent a tout examen dans Ie voisinage INTRODUCTION. xciij du 8 i ,me Parallele qu'elles ne lui permirent pas d'at- teindre; il fut arrete', Ie 27 Juillet, a 80 degre's 48 minutes de latitude. On savoit, d'un autre cote', que, des 1540, YEspagne avoit fait visiter di- verses parties de la cote Nord- Ouest^de YAmerique, pour connoitre s'il ne serjoit pas possible par POccident, de de'couvrir*, a travers la partie septentrionale de ce Continent, quelque Passage qui auroit pu echapper aux recherches faites , du cote de POrient, par la Baie de Hudson et par celle de Baffin. On savoit aussi que, depuis 1728 , Ia- Russie avoit, dans la meme vue , dirige plusieurs Expe'ditions, du Kamtschatka vers les parties de Y Amerique Occidentale tes plus elevees en latitude. Mais il e'toitpermis de croire que Coronado, Cabrillo, Fuca, Viscaino , Aguilar, et Famiral de Fuente, diriges par tes Gouverneurs du Mexique, et les Aventuriers et tes Cosaques , encourage's par la Russie , n'avoient ni les lumieres ni Pexpe'- rience qui pouvoient assurer ie succes d'une pa- reille recherche , et fixer Fopinion sur ce qu'il etoit permis d'en esperer. D'ailleurs les Relations des Russes e'toient tres-imparfaites et de'nue'es d'Observations; et celles des Espagnols, dans lesquelles, ainsi que je Pai dit, la ve'rite , Ie plus souvent, se trouve confondue avee la fiction, ne pouvoient inspirer aucune confiance : quelques- -unes meme deceltes-cietoientre'piUe'esapocryphes. xciv INTRODUCTION. Dans cet etat d'incertitude, que YEspagne Seufe peut-etre ne partageoit pas, si, comme on peut Ie croire , elle a fait, en diffe'rens temps, des expe'- ditions dont nous n'avons aucune connoissance , dans cet etat, dis-je, Ie Gouvernementbritannique qui , depuis quelques annees , avoit expedie plusieurs Vaisseaux pour visiter en detail Ie Grand- Ocean entre YAmerique et YAsie, jusqu'alors tres-im- parfaitement connu, jugea que Ie capitaine Cook, deja celebre, a juste titre, par deux Voyages autour du Globe sur deux Routes differentes, et par une Navigation a. travels tes glaces du Pole Austral, desquelles aucun Navigateur avant lui n'avoit tente d'approcher , pourroit employer avee succes, sur la Cote du Nord-Ouest de YAmerique et dans Ie voisinage du Pole Arctique , ces talens superieurs , cette activite infatigable , cette perseverance sans exemple dont il avoit donne des preuves si aistingue'es , si multipliees , dans la Reconnoissance qu'il avoit faite de la cote Orientate de la Nouvelle-Hollande, jusqu'alors inconnue ; des deux iles de Ia Nouvelle-Zelande, dont, en 1643 > Abel Tasman n'avoit decouvert qu'une petite portion j de la Nouv elle-Cale donie, dout on ignoroit Pexis- tence ; de la Terre Australe du Saint -Esprit de Quiros, que Bouo-ainville avoit retrouvee en 1768 , dont Cook comple'ta la Decouverte ; et dans sa recherche d'un Continent Austral , ou il sembla INTRODUCTION. xcv s'aorandir a proportion que tes difficultes et les dangers de tous genres parurent s'accroitre et se multiplier autour de lui. Cook fut done destine, en 1776 9 pour alter, avee deux Vaisseaux dont te second e'toit monte par Ie capitaine Gierke, resoudre la grande et interminable Question du Passage du Nord-Ouest. Mais il commen£a par remplir d'autres objets de ses Instructions, et ne se presenta a Ia Cote Occidentale du Nord de YAmerique que daiis tes premiers jours de Mars 1778 x : et voulant, en quelque sorte, rappeler Fancien titre de proprie'te , ou plutot la pretention de la Grande - Bretagne a la propriete d'une portion de cette Cote , il atterit, te 7 du. mois , a. 44 degres de latitude , sur la Nouvelle- Alhion dont, en 1 578 , Famiral Drake avoit pris possession , au nom cY Elisabeth. Contrarie par les vents , il ne put que reconnoitre quelques Caps ou Pointes de terre , auxquels il imposa tes noms de Gregory et Perpetua, tires du Calendrier tes jours ou il en eut Ia vue , et te Cap Foul-Weather {Mauvais temps] : te premier des trois, Ie Cap Gregory que Cook place a 43 degres 10 minutes, paroit etre Ie Capo-Bianco de Martin de Aguilar en 1603. Toujours re'pousse de la Cote par les 1778. Cook. * Voyez A Voyage to the Pacific Ocean, &c. By James Cook. London, 1784. In-4..9 Tome III. xcvj INTRODUCTION. 1778. vents , il en perdit de nouveau la vue, pour ne Cook. Ia reprendre qu'a. 48 degre's de latitude, ou il lie put encore apercevoir que de loin , a 48 degres un quart, un Cap qu'il nomma Cap Flattery. Enfin , apres avoir encore lutte long - temps contre Fopposition des vents, Cook prit terre te 29 Mars , par 49 degres 36 minutes de latitude, et mouilla dans une Baie qu'il nomma Nootka- Sound, du nom de Nootka qu'elle recoit des Naturels du pays1. C'est ce meme Nootka dont, en 1790, YEspagne rt'clamoit Ia propriete comme partie inte'grante de ses Domaines d'Amerique. Cook y sejourna jusqu'au 2.6 d'Avril. II ne fut pas plus favorise des vents en quittant ce Port , qu'il ne Favoit ete avant de Ie de'couvrir ; et les contrarie'tes qu'il eprouva au-dessus du 5 o.me Parallele , porterent sa Route a. une si grande distance de la Cote , qu'il ne put en prendre aucune connoissance , jusqu'a ce qu'il eut atteint la latitude de 5 5 degres 20 minutes. Le 2 Mai, a cette hauteur, il vit Ia terre a 6 lieues. Parvenu 1 Elle avoit d'abord re^u de Cook Ie nom de King George's Sound [Baie du Roi George]; mais celui de Nootka, qui est son nom propre, a prevalu , et avee raison : Ie King George des Anglais eut deja ete depossede par Ie San-Lorenzo des Espagnols qu'ils ont substitue au premier ; mais il faut esperer que ceux-ci en viendront quelque jour a appeler Nootka par son nom ( Noutka pour la pronon^iation fran^aise). a INTRODUCTION* xcvij a 57 degres 4 ou 5 minutes, il apercut, a. 5 ou 1778 6 lieues d'eloignement, une Montagne remar- Cook° quable et un Cap , qu'il nomma Mount et Cape Edgecumbe ; c'est Ie Monte San-Jacinto, et le Capo del Engano des Espagnols en 1775. Au Sud de ce Cap , se trouve la Baie qu'Ayala nomma Baya de Guadalupa ; et au Nord, Cook apercut une autre Baie a Iaquelle il donna te nom de Bay of Islands [Baie des iles], et qui est Ie Puerto de los Remedios de 1775. Cook soupconna que ces deux Baies pouvoient communiquer par un des bras de la premiere qui tourne au Sud ; et dans cette supposition, sa Montagne et son Cap Edgecumbe devoient appartenir a une ile ; le capitaine Portlock qui , posterieurement a Cook, a visite cette partie avee plus de detail , a reconnu que ce grand Na- vigateur , sans prendre terre , avoit parfaitement juge de la disposition des Terres. Vers 5 8 degres de latitude , Cook de'eouvrit une Entree et un Cap qu'il nomma Cross-Sound et Cross-Cape [Entree et Cap de la Croix], du nom que Ie Calendrier anglais donne au 3 Mai, jour de cette Decouverte. A environ deux tiers de degre plus au Nord , il apercevoit une Pointe de terre avancee en mer, et dominee par une haute Montagne a pic : cette Pointe recut Ie nonl de Amount Fair Weather [ Mont Beau-Temps]. A partir. du 58.™ Parallele, tes Decouvertes du xcviij I NTR ODUCTION. 1778. capitaine Cook se confondent avee celles des Navi- Cook. gateurs russes qui, par la position avantageuse des - Points de Ieur de'part, la Riviere de Kamtschatka, et Ie Port de Petropaivlowska, se sont trouve's a portee de devancer tous les Europe'ens dans la decouverte des parties les plus septentrionales de Y Amerique Occidentale. Mais si les Russes peuvent, a. juste titre, revendiquer la priorite'de la Decouverte , personne ne disputera au capitaine Cook la gloire et Ie merite d'avoir Ie premier de'termine la veritable, situation de cette partie du Nouveau Monde, d'avoir fixe la distance des deux Con- tinens , et Ieur e'tendue respective , a PEst pour YAsie, a POuest pour YAmerique du Nord, et, par ses recherches et ses observations, d'avoir ouvert la carriere aux Navigateurs des Nations europe'ennes qui voudroient dans la suite s'attacher a la nouvelle branche que la decouverte de ces Cotes presente aux speculations et aux entreprises du Commerce. En remontant vers Ie Nord-Ouest, Cook re- connut Ie Mont Saint-Elie de Bering, vers 60 degres et demi de latitude. II mouilla dans une grande Baie qu'il nomma, Prince William's Sound [ Entre'e du Prince Guillaume ], et de la, redescendant vers te Sud-Ouest, il decouvrit et remonta une Riviere a Iaquelle, apres sa mort, la reconnois-^ sance de sa Nation a impose Ie nom de Cook's- INTRODUCTION. xcix River [Riviere de Cook]. II cotoya ensuite la cote Orientate de la Presqu'ife d'Alaska, et toucha a File Ounalaska qui n'est separee de la Pointe Sud-Ouest de lape'ninsule que par File d'Ounimak: ces deux iles sont les plus voisines du Continent, et les plus Orientates de cet Archipel, ou cette "iongue chaine d'iles de diverses grandeurs , qui s'etend de I'Est a POuest, sur une ligne courbee vers Ie Sud, jusqu'a trois cent cinquante lieues de la grande Terre, si Fon considere Y$£e de Bering fsoi^me Fextremite de la chaine. Cet Archipel, cohnu S0us te nom collectif d?iies Aleutiennes, forme avee Ia cote Nord-Ouest de YAmerique, et la cote Nord-Est de YAsie, un vaste Bassin dfenviron douze cents lieues de circuit, qui communique, du Cote du Sud, avee Ie Grand-Ocean Bo&tal, par aJ&atn de Detroits que les iles forment entie elles de canaux; et du cote' du Nord, sous Ie 66.m€ Parallele, avee Y Ocean glacial Antique, parl'unique Detroit de Bering. Je vais laisser te capitaine Cook prolonger sa course dans Ie Bassin du Nord, et y reconnoitre, tour a tour, la cote de YAmerique et celle de YAsie; il nous 'suffit de sa*oir qu'il visita d'abord une partie de la premiere, et y suivit dans son contour, une grande Baie qu'il nomma Bristol-Bay ; que, de la, se portant vers Ie milieu du Bassin, il vit Pile yl'Iatweia des Russes a Iaquelle il imposa Ie nom de G 2 c INTRODUCTION. 177$. Gore, te premier de ses lieutenans , qui se trOuva Cook, commandant en chef apres sa mort et celle du capitaine Gierke; et que plus au Nord, il reconnut tes iles du Lieutenant russe , Synd, qu'il nomma Gierke's Islands [ iles de Gierke ] \ Dans PEst-Nord- Est.de ces iles, sur te Continent de YAmerique, il decouvrit Norton - Sound [ Baie ou Entree de Norton ] : il passa ensuite Ie Detroit de Bering, et s'eleva dans YOcean glacial Antique, en suivant la cote du meme Continent, et luttant sans cesse contre les dangers, les Bancs et les Montagues ftettantes de glace, jusqu'au Parallele de 70 degres 44 minutes, ou il parvint Ie 1 8 Aout. Ici, une mer qui n'est plus liquide, une plaine de glace qu'on peut croire perpetuelle , ne permit pas a ses Vaisseaux de se porter plus pres du Pole. Le capitaine Cook put dire, comme notre Poete Re guard, quand il atteignit tes rochers du Nord de la Laponie : Hie tandem stetimus nobis ubi defuit Orbis a. 1 On voit avee peine que Ie capitaine Cook ait voulu subs- tituer des 110ms anglais a ceux que les Russes avoient imposes a toutes les iles eparses dans le Bassin du Nord dont nous Ieur devons la premiere Decouverte : ces substitutions ne peuvent que jeter de la confusion dans la nomenclature de la Geographic , et faire naitre, dans la suite , des incertitudes et des doutes sur les epoques des Decouvertesf - ^f*ht* 3 Si Pan vouloit hasarder une traduction-HXrfc? de ce vers. INTRODUCTION. m J'observerai, en passant, que POce'an rfavigable 177%. s'etend plus loin vers Ie Nord , entre YEurope et \'Amerique qu'entre YAmerique et YAsie; car, du premier cote, Ie capitaine Phipps parvint, peu s'en faut, jusqu-'au 8 1 .mc Parallele ; et de celui-ci, te capitame Cook ne put pas atteindre Ie 7*1 .me : tes deux tentatives furent faites a deux epoques de Pannee peu differentes ; la premiere, Ie 17 Juillet, ia seconde, Ie 1 8 Aout. On sait que Ie capitaine Cook, dans Ie Voyage ou il parcourut sur toutes tes directions une partie de YOcean glacial Antarc- tique, ne put pas pe'netrer au-dela de 71 degres 10 minutes de latitude. Ainsi Ie Parallele de 71 degres, tajit au Sud qu'au Nord, semble etre la limite de POcean navigable entre YAmerique et YAsie ; mais on peut dire que jj d'un cote et de Pautre , il est dangereux , et qu'il est devenu inutile pour Paccroissement de nos connoissances, de voyager sur les frontieres. Les recherches du Navigateur te plus experimente , Ie plus infatigable qu'ayent vu les deux Oce'ans, n'ont pu faire renaitre Pespoir de Cooki egalement applicable aux deux Voyages Polaires du capitaine Cook ; on pourroit dire : L Argonaute Breton que Neptune adrriiira, Ne put ettearrete quoh h Mer lui manqua> Cook, cij INTRODUCTION. 1778. trouver jamais ce-Passage tant cherche da Grand- Ocean a YOcean Atlantique , a travers YAmerique septentrionale : mais si, sous ce rapport, I'Expe- dition dont la conduite lui avoit ete confiee , n'a pas eu Ie succes que , sans doute, tout autre tenteroit en vain d'obtenir, du moins par la meme voie ; nous lui devons d'avoir fait connoitre a YEurope une nouvelle branche de commerce avee la Chine, Ie trafic des Pelleteries , qui, jusqu'alors, etoit a-peu-pres ignore, et sembloit, ou devoir etre re'serve exclusivement a. Ia Nation qui occupe Ie Kamtschatka, ou , tout au plus , partage avee celle qui, occupant la Californie, d'une part, et les Philippines, de Pautre, pouvoit faire ses Armemens dans les Ports de la premiere, et faire des secondes, I'Entrepot de ses marchandises d'echange-et de celles de retour. Les sejours que Ie capitaine Cook avoit faits a Nootka-Sound, a William's-Sound et a. Cook's-River, avoient mis ses Equipages a. porte'e de communiquer long-temps avee les Naturels des differentes parties de la Cote du Nord-Ouest, et de se procurer, en echange de quelques rnarchandises d'Europe d'un vii prix , des peaux de Loutre, et d'autres de'pouilles d'animaux. Ces Fourrures , portees a la Chine, s'y vendirent a. des prix exor- bitans , et tels qu'on seroit tente de soupconner de Fexageration, si Fon ne connoissoit Pexacti- tude et la veracite du lieutenant King qui a INTRODUCTION. m redige Ie troisieme Volume du dernier Voyage du 1778 capitaine Cook, d'ou j'extrais les de'tails que je vais Goohf pre'senter \ cc Pendant notre sejour dans la Rade de Macao, dit Ie lieutenant King, tes Chinois acheterent de nos Vaisseaux une grande quantite de peaux de Loutre ; et , chaque jour , ces peaux avoient augmente de prix. La pacotrlle d'un seul Ma<l?eIot avoit ete vendue huit cents piastres : quelques-unes de premiere qualite, bien entieres, bien conservees> se vendirent cent vingt piastres chacune. J'estime que les pacotilles reunies de la Resolution et de la Discovery ont produit deux miile livres sterling, en Especes ou en Marchandises ; et cependant nous calculames que , des peaux qui avoient e'te traitees a Ia Cote de YAmerique, les deux tiers etoient ou gates ou uses, ou avoient ete vendus au Kamtschatka; ainsi Ie prix de deux miile livres sterling doit etre regarde' comme te produit du seul tiers qui restat de la totalite de la Traite. J'obser- Verai, ajoute Ie lieutenant King, que, lorsque nous rassemblions ces Fourrures , nous n'avions aucune idee de Ieur valeur reelle ; la plupart avoient servi de vetemens aux Americains ; aucune ne fut soigne'e pendant notre longue traverse'e ; souvent A Voyage to the Pacific Ocean, &c. London, 1783. In- Tome III, page 437. G 4. civ INTRODUCTION. 1778. elles furent employees pour couvertures de lit, ou Cook. servirent de manteaux dans notre course au Nord ; et encore est - il bien probable que les Marchands chinois, profitant de notre inexperience dans ce genre de trafic, ne nous offrirent jamais de nos Eourrures les prix que des Courtiers accre'dites auroient su en pbtenir. J'en conclus qu'une Expedition a YAmerique , qui auroit pour objet unique la Traite des Pelleteries , procureroit un be'ne'fice des plus conside'rables aux Negocians qui vou- droient se livrer a. cette nouvelle speculation. Les Equipages des deux Vaisseaux etoient si convaincus que ce trafic devoit donner d'immenses profits, que tous manifesterent te desir te plus vif de retourner a Cook's-River; et Passurance de faire Ieur fortune avee une seconde cargaison de Fourrures, exalta tes tetes a un tel .degre, que nous vimes te moment ou cette fermentation pouvoit les porter a. Ia revoke :». Le lieutenant King termine son recit par Pex- position d'un plan de Voyage pour ouvrir un commerce regie entre la Cote Nord- Ouest de VAmerique et la Chine. Ce plan, propose par- Feleve , Pami, te compagnon de Cook, et, pour ainsi dire , Pheritier de ses pense'es, appuye' d'ail- leurs du tableau seduisant des e'normes be'ne'fices qu'avoit procure's une premiere operation , faite sans dessein, comme sans preparatifs, offroit a INTRODUCTION. cv la cupidite un appat qui fut saisi avidement partes Nations de YEurope adonnees au grand commerce et deja familiarisees avee les longues Navigations. Bientot YEurope, YAsie et YAmerique Orientate du Nord se montrerent empressees de puiser a. cette nouvelle source; YEurope, par tes Ports d'Angleterre; Y Amerique, par ceux des Etats- Unis; YAsie, par Ie Bengale et par Bombay : et Ie commerce des Pelleteries sembloit assurer des profits si immenses , et se presenta avee des attraits si irresistibles, que les Espagnols meme, sortant de Ieur indolence, et tes Portugais de Ieur Ie'- thargie , se disposerent a. faire des Expeditions, ceux-ci de Macao , et les premiers des Philippines. .778. Cook. Le Gouvernement de France, occupe de tout ce qui pouvoit dormer, a. Ia fois, plus d'ac- tivite au Commerce national, et plus d'extension. a Ia Navigation des Francais , ne pouvoit voir avee indifference Ie mouvement general qui se preparoit dans te commerce etranger, et cette direction commune et simultanee de toutes les speculations vers un meme objet. Mais avant que d'exciter, par des invitations, par des encoura- gemens meme, notre Marine commercante a entrer en concurrence avee celle des autres Nations , pour un nouveau trafic qui, dans Ie prin- cipe, avoit du presenter des benefices hors de ,78 6. La Per i7o>6. La Peroa^e. cvj IN TRODU CTIO N. proportion , mais qui, par la suite , pouvoit n'offrir plus que des pertes , si Ie concours dans les achats en Amerique, et Ie concours dans les ventes en Asie, s'accroissoient outre mesure, la prudence com- mandoit de faire visiter la Cote Nord-Ouest de YAmerique par des Batimens de PEtat, et de verifier par nous-memes ce qu'il etoit permis d'es- perer, pour Pavenir, d'un commerce qui s'e'toit annonce avee tant d'avantages. Les de'tails sur ce nouveau genre de trafic , que le lieutenant King avoit insere's dans te troisieme Volume du dernier Voyage de Cook, furent connus en France au moment ou Ie Gouvernement, dans la vue de remplir utilement les loisirs de la Paix, et de procurer aux officiers de notre Marine militaire de grands moyens d'instruction, se proposoit d'or- donner Parmement de deux Fre'gates qui , en faisantleTour du Monde, seroient employe'es a. re-* connoitre tes portions de la Terre que les Navigateurs n'avoient point encore visite'es; a comple'ter diverses Decouvertes faites dans Ie Grand-Ocean par tes Francais ; et a perfectionner, par des Observations astronomiques et par des Recherches dans tes differentes branches de la Physique et de PHistoire Naturelle , la Description generate et particuliere du Globe que nous habitons. La Reconnoissance des cotes Occidentales de YAmerique du Nord, qui fournissent tes Pelteteries, INTRODUCTION. cvij pouvoit entrer dans Ie plan qui avoit e'te concu, sans qu'il fut ne'cessaire d'en changer les premieres dispositions : et les Instructions donnt'es a la Perouse, a. qui la conduite de PExpe'dition fut confiee, lui prescrivoient expresse'ment de faire une Reconnoissance particuliere des Cotes Nord^ Ouest de YAmerique. II importoit sur-tout qu'il visitat soigneusement les parties comprises entre 49 et ^7 degre's de latitude , parce que , sur tout cet espace, Ie capitaine Cook constamment con- trarie par tes vents , n'avoit pu reconnoitre que te seul Point de Nootka; et Fon savoit que, si tes Decouvertes de Fuente avoient quelque realite', c'e'toit dans Fintervalle de ces deux Paralleles qu'on pouvoit esperer de les retrouver. La Perouse „ dans sa Reconnoissance de ia Cote Nord- Ouest de YAmerique, devoit aussi examiner quelle seroit la maniere la plus avantageuse d'en extraire les Pelfeteries ; a quel taux elles s'e'toient eteve'es, depuis que la concurrence avoit du en faire hausser la valeur; et quelles marchandises d'Europe paroissoient avoir une prefe'rence marquee dans les echanges avee tes Naturels de la Cote; il devoit, au moyen des divers effets de Traite qui avoient ete remis a sa disposition, se procurer par lui-meme un assortiment de peaux de Loutre et d'autres animaux , sufiisant pour un Essai, et porter ces feaux a la Chine pour y etre vendues •i 7*8 6. La Perot: se. 17S6. La Perouse. cviij INTRODUCTION. ou converties en denrees et marchandises de POrient.'Cette double operation d'echange don- neroit un premier benefice auquel on ajouteroit Ie benefice connu sur tes productions de YAsie dans les Marches de YEurope : et cette serie d'operations combinees pouvoit seule conduire a se former , par apercu , une idee du benefice total que la Traite des Pelleteries , qui appeloit nos Vaisseaux a de si grandes distances et exigeoit des avances si conside'rables, pouvoit promettre en dernier resultat aux speculations du Commerce. Mon intention n'est point de devancer la publication du Voyage de la Perouse , ni de rapporter en de'tail ses ope'rations a la Cote Nord-Ouest de YAmerique; je ne veux qu'indiquer les Points qu'il y a decouverts ou reconnus , et les epoques de ses De'couvertes. II atterit Ie 23 Juin 1786', vers Ie 60.*"° Parallele , sur te mont Saint-Elie de Bering. Parvenu a 5 8° 38' de latitude, et 139 degres 50 minutes a. FOccident du Meridien de Paris, il apercut une Ouverture qui indiquoit un Havre ou un Passage : il s'y engagea , et de'couvrit un tres- beau Port qu'il nomma Ie Port des Franfais, et qui , malheureusement, n'a que trop de droits a conserver a jamais ce nom, apres qu'un accident lamentable y a occasionne la perte de plusieurs Officiers distingues, et d'un grand nombre de INTRODUCTION. cix gens des Equipages appartenant aux deux Fregates. 1786. Entre Ie 57.™° et le 5 5-me Parallele, c'est-a- LaPercuse. dire depuis le Monte San-Jacinto jusqu'au Cap Sant-Agustin des Espagnols, la Perouse a releve soigneusement une etendue de 40 lieues de Cotes, que Ie capitaine Cook n'avoit, pour ainsi dire , qu'entrevue, et de Iaquelle on n'a eu qu'une idee bien imparfaite, tant qu'on ne Pa connue que par le Journal cYAntonio Maurelle, La Perouse s'est assure , par une Reconnoissance exacte etdetaille'e, que Pintervalle entre Ie $6.me et Ie 5 5.mc degre de latitude , est rempli par un Archipel qui , se- pare du Continent par un Canal d'environ 5 lieues dans sa plus grande largeur , se prolonge sur une longueur de plus de 20 lieues , du Nord-Nord- Ouest au Sud-Sud-Est. Cet Archipel ne se trouve meme pas indique dans ie Journal des Espagnols : c'est cependant vers Ie tiers de sa longueur , a partir du Cap Sant-Agustin , que se trouve situe Ieur beau Port de Bucarelli: et Ieur ile San-Carlos qui se presente a 3 ou 4 lieues dans Ie Sud-Sud-Ouest du Cap, avee les. ilots qui en dependent, pourroit etre consideree comme un prolongement ou la queue de cet Archipel. Le 10 Aout, vers-54 degre's un tiers de latitude, la Perouse commenca a decouvrir une Iongue ftfite de Terres que le capitaine Cook, ecarte de la Cote par les vents contraires , n'avoit point ete La Pero 0. use. cx INTRODU CTION. a. portee de reconnoitre, et dont on peut dourer que les Espagnols ayent jamais eu co.nnoissance, puisqu'ils n'en ont fait aucune mention particu- liere. La Perouse les prolongea pendant dix jours, du Nord au Sud, jusque par-dela. Ie 52.™° degre' sur une e'tendue de 5 o lieues ; et apres avoir double Ie Cap Ie plus meridional, il rapiqua dans te Nord a PEst de ces Terres qu'il reconnut etre de'tachees du Continent; mais il ne put, avee les vents de la partie du Nord , s'elever assez haut dans le Golfe ou il se trouvoit engage, pour s'as- surer si elles font partie d'un Archipel, comme il Ie presumoit, ou si elles appartiennent a une grande presqu'ile liee au Continent par un isthme que PeToigiiement ne lui auroit pas permis d'aper- cevoir. On a su depuis que c'est, en effet, un Archipel que les Anglais qui Pont reconnu, poste'rieurement au Voyage des Francais , ont nomme Queen Charlotte's Islands [ iles de la Reine Charlotte De la partie meridionale de ces Terres, tra- versant Ie Golfe et cinglant vers te Nord-Est, la Perouse .%fffcignit bientot celles qui se montroient de ce cote , et decouvrit plusieurs iles qui doivent faire partie de PArchipel de S&m-La^aro de Famiral de Fuente, et au-dela desquelles , a un assez grand eloignement, il distingMO.it les hautes terres du Continent. ( Voyei la Note 2 ci-devant pag. xxxix.] INTRODUCTION. , cxj La visite de la Cote Nord-Ouest de YAmerique 1786. n'etoit pas Fobjet principal de PExpedition de la La Perouse. Perouse ; et comme la fin du mois d'Aout appro- choit, et que la saison de la navigation sur cette Cote ou tes brumes sont tres - fre'quentes et les vents pour 1'ordinaire violens , finit avee Ie mois de Septembre, ii ne lui etoit pas loisible de s'en- gager dans des Reconnoissances de detail qui au- roient exige plusieurs mois : il etoit d'ailteurs oblige d'economiser Ie temps , et d'en faire une repartition proportionnee au nombre, a la nature et a. Ia dure'e presumee des pp^afions qui lui restoient a faire, telle , enfin , que la lui imposoit Fentiere execution du plan immense qui lui etoit trace dans ses Instructions. En prolongeant , comme il te fit, ses Reconnoissances jusqu'au Nootka-Sound de Cook, il avoit complete ce qui manquoit a celles de ce celebre Navigateur entre Ie 49.me et Ie 57.me Parallele. Ainsi des Vaisseaux expedies des Ports d'Europe nous ont procure , par quelques mois de recherches , la connois- sance d'une longue suite de Cotes que tes Espagnols qui, depuis deux siecles et demi , en oc- cupent une partie, n'etoient pas encore parvenus a connoitre ! La Perouse dressa une Carte exacte de toute la cote qu'il a visitee, et imposa des noms aux Caps, aux Ports et aux iles qui n'ont point ete vus pa* cxij INTRODUCTION. 1786. tes Navigateurs qui I'avoient devance \ Parvenu La Perouse, a la hauteur de Nootka-Sound, il continua de faire route dans le Sud, et relacha vers Ie milieu de Septembre , au Port de Monterey , d'ou il fit passer en France un precis des premieres operations de sa Campagne. Je ne suivrai pas la Perouse dans sa navigation ulte'rieure ; j'ajouterai settlement a Findi- cation que j'ai donnee de la portion de Cotes qu'il a reconnue, que, pour satisfaire a Particle de ses Instructions relatif au commerce des Pelle- teries , il avoit traite quelques Fourrures a ia Cote du Nord-Ouest; et qu'ayant, dans Ie cours de son Voyage, relache dans la Rade de Macao, il y fit mettre en vente les peaux de Loutre et d'autres animaux qu'il avoit pu se procurer. Cette vente produisit cinquante-cinq miile livres tournois; et j'observe que cette somme fut repartie , en totalite, entre les Matelots et les Soldats des deux Fregates, sms aucun part age avee les Et at s-Majors. On s'etonnera, sans doute, que j'appuie sur cette observation ; et, assurement, il ne me fut jamais 1 On trouvera dans VAtlas qui doit accompagner, la .Relation du Voyage de la Perouse, une Carte generals et plusieurs Cartes particulieres qui presenteront, dans le plus grand detail, la Reconnoissance qu'il a nnte de la Cote du Nord- Ouest de VAa&tiquti venu - INTRODUCTION. cxiij venu dans Ia pense'e qu'il put etre necessaire i de la presenter, si Ie Redacteur * du Voyage du La capitaine Dixon ne se fut permis des assertions te- meraires, je dirois presque mal-honnetes , que je suis bien loin d'attribuer au capitaine Dixon lui- meme : un Navigateur par etat , un Miiitaire marin, connoit trop tes egards mutuels que se doivent ceux qui, en affrontant les memes dangers, se de'vouent a eclairer et enrichir Ieur pays , pour qu'il se fut hasarde' a porter un jugement defa- vorable sur une Expedition qu'il ne connoit pas et ne peut pas connoitre, encore moins pour qu'il cherchat a faire suspecter la ve'raciteVdu chef de PExpedition. cc Les Fregates franchises la Boussole et YAstrolabe, dit Ie Redacteur anglais2, commandees par 1 On a ignore quel etoit le Redacteur du Voyage de Dixon, ecrit en forme de lettres signees W. B, jusqu'a ce que M. Dixon d'une part, et de I'autre, M. Meares , nous ayent appris que le Journal etoit i'ouvrage de M. Beresford, employe sur le navire Queen-Charlotte en qualite de Subrecargue.( Voyez Dixon s Remarks on Meares's Voyages, page 8, et Meares's Answer, page 6.) Quand on lit ce Journal , on croit sans peine ce que Ie capitaine Dixon a dit de Yignorance de son Auteur sur tout ce qui concerne la Marine et la Navigation, ( Page xxij de YIntro~ duction qui est I'ouvrage de Dixon. ) a Dixon's V°yage round the World. London, 1789. In-/^.°, page 320. txm INTRODUCTION. 178 6. MM. de la Perouse et de Langle, furent expediees ia Perouse. d'un Port de France en 1785 : on dit \ qu'ils ont suivi la Cote Nord r Ouest de YAmerique depuis FEtablissement espagnol de Monterey jusqu'au 60.me degre de latitude Nord , ce qui n'est pas vraisemblable : car, quoique ces Bdtimens n'eussent d'autre destination que celle de faire des Decouvertes, cependant les Commandans n'ont pas oublie que les Fourrures sont un article de commerce d'une grande valeur ; et consequemment, ils se sont procure , pendant Ieur sejour sur la cote de YAmerique, environ six cents peaux de Loutre, mais la plupart coupees par more e aux , de la demure qualite, et evideniment de la meme partie d'ou les Espagnols tirent les leurs : tandis que, s'ils eussent, en effet, traitedans les parties septentrionales, comme ok le suppose, ils y auroient trouve des peaux d'une qualite tres- superieure a celles qu'ils ont rapporte'es foj| Je dirai d'abord que je concois que Ie desin- teressement du Commandant et des Etats-majors des * -Le Traducteur fran^ais du Voyage de Dixon a traduit cette phrase : They are said to have traced the North-West Coast of America , &c. par celle-ci : Ils pretendent ( la Perouse et de Langle ) avoir suivi la cote de YAmerique, Sec. La veritable traduction est, On dit qu'ils ont suivi , &c. ; ce qui est tres- different : Ia premiere expression reprocheroit formellement aux Commandans francais d'en avoir impose'; la seconde n§ presente qu'un on dit dont il est permis de douter, INTRODUCTIONS exv Frigates franchises puisse etonner un Suhrecargue dont toutes tes idees doivent router sur les moyens qu'on peut employer pour accroitre tes benefices de ses Commettans ; mais j'ajouterai qu'un Militaire francais n'a tt ache a cet acte de desinte'ressement d'autre merite que celui d'avoir fait ce qu'il se doit a lui.-meme , et ce qu'il doit aux compagnons ignores de ses travaux, qui, partageant egaieraent avee ceux qui les commandent, les fatigues et tes dangers de PExpedition , n'ont pas une part egale a la gloire : chacun se trouve paye' dans la monnoie qui lui convient. Je demanderai ensuite au Redacteur d'oii il sait que les Fre'gates francaises n'avoient d'autre destination que celle de faire des Decouvertes : voudroit-il que nous crussions qu'il avoit lu les Instructions donnees a la Perouse ! Je lui demanderai encore si Ia latitude de 5 8 degre's 3 8 minutes , qui est celle du Port des Franfais, lui paroit assez Septentrionale TJour que ce Port soit compris dans ce qu'il appelle les Parties Septentrionales I Je It ferai observer que la latitude de Norfolk- Bay, la Baya de Guaddlupd des Espagnols, dans Iaquelle, en 1787, Ie capitaine Dixon a fait une partie de sa Traite , n'est que de 57 degre's et les iles de Queen- Charlotte devant lesquelies , en si peu de temps , il traita une quantite si considerable de manteaux Hz 1786. La Perouse* cxvj INTRODUCTION. 1786. de Castor et de peaux de Loutre, selon lui de la La Perouse. premiere qualite, sont situees entre te 5 4-me et Ie 5 2.mc Parallele : pourquoi ne veut-il done pas que la Perouse qui s'est eleve jusqu'au voisinage du 59.mc ou il a traite, ait pu s'y* procurer des Fourrures d'une aussi belle qualite que pouvoient Petre celies que Dixon a obtenues 7 degres plus bas, puisqu'il dit lui - meme, et que Fon savoit avant lui , que , plus la latitude est elevee , plus les peaux augmentent en.qualite' ! Et pourquoi se permet-il de dire qu'il est evident que la Perouse n'a traite que dans les parties Meridionales exploitees par les Espagnols I J'ignore d'ou ceux-ci tirent leurs Fourrures ; mais il est vraisemblable qu'ils se tes procurent principalement par leurs Presides de San-Diego et de Monterey, le premier situe a 33 degres deux tiers , le second a. 3 6 degres 3 8 minutes ' : il y a loin de ces latitudes , et loin encore de celle de 5 2 degres a Iaquelle Dixon a fait sa riche Traite, jusqu'a la latitude de 5 8 degres 1 Si les Espagnols forment quelque jour, comme on peut Ie presumer , un Etablissement solide dans la Baie de Bucarelli, qui presente plusieurs beaux Ports , et qui est situee au-dessus de 55 degres de latitude, ils pourront en tirer des Fourrures de premiere qualite : et sans doute , ils ne negligeront pas cette ressource "qui est, pour ainsi dire, a Ieur porte, et peut alimenter Ieur commerce languissant des Philippines avee la Chine. INTRODUCTION. ex vi j deux tiers a. Iaquelle la Perouse a fait la sienne, et ou il est evident ( car c'est ici qu'est y evidence ) qu'il a pu se procurer des peaux de premiere qualite, Je ne sais si les Anglais pensent que decrier Ie Commerce des autres Nations soit un moyen legitime de donner plus d'extension et plus de lustre a celui de la Grande-B ret a gne \ Assurement, je ne pretends pas que Fessai de Traite fait par la Perouse, lui ait procure des peaux d'aussi belle condition que celles que Dixon a obtenues dans un voyage qui n'avoit . d'autre objet que la Traite des Pelleteries ; mais il ne s'agit pas ici de la Condition des Peaux , c'est de Ieur Qualite' qu'il est question ; parce que la qualite tient aux latitudes par Iesquelles on a traite, et que la condition depend de circons- tances absolument etrangeres a. Ia latitude. La Perouse, dans une lettre qu'il m'ecrivoit de la Rade de Macao, ie 13 Janvier 1787, disoit : « Nous avons traite, a la cote de 1'Ame- rique septentrionale , pres de miile peaux de Loutre ; mais le plus grand nombre est en "lambeaux et pourri-*, — Certes, i! falloit que ces lambeaux eussent appartemi a des Peaux d'une Qualite bien superieure, et par consequent provenant ^e Latitudes bien elevees, puisque Ieur vente a la Chine a produit Dix miile Piastres [55 miile livres tournois, la Piastre a 5 1. 10 s. J Quand on a connu la Perouse et les sentimens d'humanite et de bienfaisance qui dirigeoient sa conduite , on n'est pas etonne qu'il gemit sur ses Fourrures , et qu'en m'ecrivant dans la douleur de son cceur , il ait beaucop exagere Ie mauvais etat dans lequel elles se trouvoient a son arrivee a Macao : helas! il eut voulu que Ie produit de ces Peaux put faire la fortune de chacun des Matelots et Soldats qui servoient sous ses ©rdres, et qu'il cherissoit comme ses enfans ! La Perouse. cxviij INTRODUCTION. Enfin, pour dissiper les domes que Ie Redacteur de Dixon feint d'avoir, et qu'il voudroit acCrediter, sur Ia Reconnoissance que la Perouse a faite de la Cote Nord-Ouest de YAmerique, je lui dirai que le vrai n'est pas toujours vraisemblable, mais qu'il est toujours vrai; que Ie Journal de ce Commandant, ecrit de sa propre main , depuis son depart de Brest, jusqu'au jour qui a precede son de'part de Botany - Bay, et imprime tel qu'il est parvenu en France en diffe'rens envois, prouvera que la Perouse a prolonge , reconnu , examine , releve Ia Cote Nord-Ouest de YAmerique, non pas, comme Ie dit FEcrivain que je combats, depuis Monterey jusqu'au 6o.mc degre de latitude Nord , mais depuis Ie 60.me degre jusqu'a Alonterey, ce qui est tres- different ; car on salt que les vents du Nord et du Nord-Ouest, qui regnent assez constamment sur cette etendue de Cote, donnent toute facilite pour descendre du Nord au Sud, tandis qu'ils opposent des difflculte's souvent insurmontables , ainsi que Ie capitaine Cook Pa eprouve, quand on veut remonter du Sud au Nord. On ne sera plus etonne que Ie Redacteur du Voyage de Dixon veuille douter que la Perouse ait reconnu une longueur de Cotes d'environ 23 degres et demi, ou 470 lieues en latitude, si Fon fait attention que Pespace entre Ie 5 0,me et Ie 5 6~.me Parallele, que Cook n'avoit pu reconnoitre % INTRODUCTION. cxi.^ se trouve compris dans Pespace que la Perouse a reconnu en 1786 : comment croire, en effet, qu'un Francais ^it execute' ce qu'un Anglais n'avoit pu faire ? IT faut encore que Fon sache que te capitaine Dixon , quoique les capitaines Lowrie et Guise lui contestent la priorite, a la pretention d'avoir de'eouvert , en 1787, ces memes terres ou plutot ces memes iles se'parees du Continent par un Golfe , que la Perouse avoit de'couvertes, Pannee pre'ce'dente, entre 54 et 52 degre's de latitude \ Le Voyage de la Perouse donnera un nouveau deplaisir au Re'dacteur de celui de Dixon, lorsqu'il y verra qu'un Francais a retrouve, en 1786, entre 52 et 53 degre's, I'Archipel San-Lazaro de Famiral de Fuente que lei- Navigateurs anglais n'ont retrouve que dans les annees suivantes : il en sera quitte pour dire que La Perousig * Le capitaine Dixon pourroit objecter que, le 17 Septembre de 1786 , il avoit atteri, par 53 degres 46 minutes de latitude •, sur la Cote Occidentale des iles Queen - Charlotte, qu'il ne reconnut que Pannee suivante ; mais ii ne fit qu'une pointe sur ces Terres qu'il crut appartenir au Continent; et il continua sa route pour NootRa-Sound ( Dixon's Voyage, page 76*). SI I'on vouloit appeler cette simple Vue la Decouverte des iles Queen-Charlotte, Dixon n'auroit pas encore la priorite : car* il en entrevit un point Ie 17 Septembre; et, du 10 au 2o> Aout de la meme annee , la Perouse en avoit prolonge la feande occidentale du Nord au Sud sur toute Ieur longueur $ et les avoit contournees par leu* partie meridioaale. 1700. La Perouse* cxx INTRODUCTION. cela n'est pas vraisemblable : et il ne doutera pas .que, sur une assertion aussi imposante , qui ne permet pas Fexamen, toute YEurope ne demeure convaincue que cela n'est pas vrai, ■ Les Anglais ontprofite trop long-temps de notre silence; trop long-temps ils ont eu Phonneur de ces De'couvertes dans lesquelles nous les avons devance's : eh quoi ! parce* que des circonstances malheureuses, trop connues du Monde entierpour que je ne m'epargne pas le supplice de tes retracer, et au Lecteur celui de les lire, se sont opposees invinciblement a ce que la publication du Voyage de notre Compatriote fut faite dans Ie temps ou elle eut du Fetre, nous souffririons, sans re'clamer, que cet infortune Navigateur ne jouit pas, apres sa mort, de ses immortels travaux I Ah! si sa destinee n'a pas permis que nous pussions les graver sur sa tombe ; que du moins, en recueillant cet heritage , la Nation sensible et juste, pour Iaquelle il sacrifia sa vie, consacre a jamais dans les fastes de PFIistoire , ses services , sa mort et notre reconnoissance ! Mais si Fon ne peut accorder aux Anglais d'avoir les premiers decouvert les iles auxquelfes ils ont impose Ie nom de Queen-Charlotte, ni d'avoir retrouve les premiers PArchipel de San -La7a.ro, qu'ils ont nomme Princess Royal Lslands [ iles de la Princesse Royale ] , on ne peut Ieur refuser un INTRODUCTION. cxxj merite qui ne doit pas etre oublie , celui d'avoir reconnu dans un plus grand detail ces memes parties de Cotes qui avoient echappe aux recherches du capitaine Cook; que tes Espagnols peuvent avoir vues anterieurement sans les reconnoitre, ou peut- etre sans vouloir nous tes faire connoitre ; et qui completent la Reconnoissance des Cotes du Nord- Ouest de YAmerique, depuis te Cap Mendocino, par 41 degres et demi de latitude, jusqu'au Cap de Glace , situe entre te 70.me et le 7i.me Parallele , te plus septentrional que Ie capitaine Cook put atteindre dans ce fatal Voyage ou une mort tragique termina la plus Iaborieuse et la plus utile carriere que jamais aucun Navigateur ait remplie. 1786. La Perouse. Comme toutes tes Reconnoissances, depuis Ie 48.mc degre jusqu'au $6.me9 faites par les Navigateurs anglais , dans Ie cours des quatre annees comprises entre 1785 et 1789, rentrent en partie les unes dans tes autres, je ne presenterai pas de grands details sur les operations particulieres de ■ chaque Navigateur; je dois me borner a indiquer les epoques des Voyages, et la circonstance la plus marquante de chaque Expe'cfition. On assure que te Gouvernement anglais a expedie , dans ces derniers temps, des Batimens avee la mission spe'- ciale de faire une Reconnoissance complete de la Rec INTRODUCTION. rifie cxxij Keconnois- Cote du Nord-Ouest de 1'Amerique, de verifier et .,sznces de ia rectjger ]es rapports de chaque Navigateur, et de CoteduN.O. rr L . . entre ie 48.™ composer, de tous les travaux particuliers de la otie56-mePa-Nation anglaise dans cette partie, un tableau raIlde' / I r r '<- J I A . , j t T general rait de la meme main, dans iequei la description de cette partie du Globe, fon dee sur des recherches et des Observations multipliees, ne te cedera point en exactitude a la description des Continens dont les Cotes sont le plus frequentees. On peut croire que la Nation Britannique qui , dans tous les temps, a publie sans reserve te resultat de ses Expeditions maritimes , n'en mettra point dans la publication d'un Ouvrage qui, en faisant honneur a la pre'voyance de son Gouvernement et aux talens de ses Marins, deviendra la censure du silence ou des reticences d'une Nation dont toutes tes autres devoient attendre ce bienfait. Mais si te travail des Anglais est termine, nous ne pourrons en jouir que lorsque la plus impitoyabie des guerres ayant enfin cesse de depeupler YEurope et de desoler les deux Mondes, une paix necessaire aura rouvert, du moins pour un temps, des canaux de communication entre cleux Peuples qui, Pun et Pautre, ont trop d'energie, trop de lumieres, trop de possessions,*trop de commerce, trop de puissance, pour que, rivaux de gloire depuis qu'ils figment sur la scene du Monde , il£ ne §Qiertf pas e'ternellement divises d'inte'rets. INTRODUCTION. TJ Keconnois- En attendant que Ie travail ge'ne'ral qui est Re. S . a sances de lat annonce puisse nous etre connu, parcourons ra- c„ d N 0> pidement les operations particulieres qui ont pre'- entre Ie 4.8.me dui et ie <6.me Pa- ensemble. > O a roIUI^. Le troisieme Voyage du capitaine Cook ne fut publie a Londres qu'en 1784; et de'ja. en 178 1, a la premiere indication qu'on avoit eue d'une nouvelle branche de commerce , qui se presentoit sur la Cote Nord-Ouest de YAmerique, une Expedition s'etoit prep are e dans Ie Golfe Adriatique, avee Pavilion srial, sous la direction de Voyage projete. W. Bolts* Williams Bolts, Anglais de Nation, au service de FEmpereur , d'Allemagne , homme tres - instruit , employe long-temps dans tes Indes-Orientales et au Bengale, et qui avoit acquis dans plusieurs grands Voyages de mer, toutes tes connoissances necessaires pour hien disposer une Expedition de ce genre. Aussi Parmement avoit - il Ie double objet de faire des Decouvertes geographiques, et de traiter des Pelleteries a la cote Nord-Ouest de YAmerique ; et dans cette vue , des personnes versees dans les differentes parties des Sciences naturelles et physiques, dev'oient y etre employees. Mais une intrigue dont on ignore et la source et tes moyens , culbuta cette entreprise, avant que les deux Navires qui y e'toient destines eussent eie mis en etat de I'executer. i78j. Hanna. I," Voyage, cxxiv INTRODUCTION. Si les speculations qu'un nouveau Commerce excitoit, pouvoient,- a un si grand eloi- gnement, engager YEurope a faire des entreprises; combien ne devoient-elles pas etre plus attrayantes pour tes Armateurs et tes Negocians dissemines sur toutes les parties de YAsie ou les Europe'ens exercent Ieur activite commerciale ! En effet, il etoit sensible que les Vaisseaux qui seroient expedie's des Mers situees a. FOrient de PAncien Monde , auroient un grand avantage sur ceux qui parti- roient des Ports d'Europe: le Voyage des premiers ne consistoit qu'a traverser deux fois Ie Grand- Ocean avee des vents reguliers et connus; tandis que les seconds , oblige's de doubter ou Ie cap de Horn , ou le Cap de Bonne-Esperance, selon qu'ils prennent Ieur route par POuest ou par I'Est, et exposes a la variation et a la contrarie'te des vents, alongent necessairement leurs traversees de 7 ou 8 miile lieues , et la durte de Ieur Navigation , de plus d'une annee : aussi les speculations se sont - elles principalement multipliers dans les Ports de la Chine et de YInde. La premiere Expe'dition fut preparee dans la Riviere de Canton : Ie capitaine James Hanna y equipa un Brig de 60 tonneaux et 30 homines d'Equipage, et fit voile du Typa au mois d'Avril 1785. II s'eleva dans Ie Nord de YAsie, traversa par te Sud du Japon? etarriva, dans te mois d'Aout,. li INTRODUCTION. cxxv a Nootka-Sound que, d'apres Pexperience du capitaine Cook, on regardqit comme Ie grand Marche des Fourrures de YAmerique. Quand sa Traite fut termine'e, Hanna remonta dans le Nord de Nootka; vers 5 1 degres un quart de latitude , il de'couvrit FitThugh-Sound [PEntree de Fit-Tliugh ] , et n'avoit qu'un pas a faire pour retrouver PArchipel de San-La^aro de Fuente ; il visita meme, a cette hauteur des iles nominees par lui iles Lance , qui pourroient en de'pendre , d'autres Terres auxquelles il donna Ie nom de Henry Lane, et un Port qui recut celui de Sea- Otter's Harbour [ Ie Havre de la Loutre de mer]. On dit que Hanna rapporta a la Chine une riche cargaison de Fourrures r. .785. Hanna. I," Voyage. Le sue ces de ce premier Voyage Fengagea, 1786. en 1786, a, en entreprendre un second avee un Navire de 120 Tonneaux de Port, Ie Sea-Otter. II partit de Macao dans Ie mois de Mai , et, se rendit en droiture a Nootka-Sound. Cette seconde Expedition de Hanna n'a rien ajoute a. nos con- noissances sur la Cote Nord-Ouest de YAmerique; J'ignore si, depuis que les communications avee 1'Angleterre sont fermees , les Voyages de Hanna et de quelques autres Navigateurs anglais ont ete publies ; j'ai extrait ce qui concern© celui de Hanna, des Relations originales de Portlock, page 3. —. Dixon, page xvij, et Meares j page Jj.^ | Hanna. II.e Voyage-, Hanna. cxxvj INTRODUCTION. 1786. on ne croit pas qu'elle ait ete aussi lucrative que la premiere : il fit son retour a Macao, au mois de Mai 1787, et se disposoit pour un troisieme Voyage, lorsque Ia mort Parreta au milieu de sa carriere. n.ev oyage. Cette Expedition ne fut pas la seule que Panne'e 1786 vit entreprendre : diverses Socie'te's de Ne'gocians et de riches Capitalistes , tant en Asie qu'en Europe , voulurent tenter la fortune par la voie que Ie capitaine Cook avoit ouverte. Le capitaine Peters, commandant te Senau Ie Lark [PAIouette] de 220 tonneaux et 40 hornmes d'equipage , fut expe'die de Macao dans Ie mois de Juillet de Pannee 1786 : ses Instructions lui prescrivoient de se rendre a la Cote Nord- Ouest de YAmerique par la Route du Kamtschatka, et de reconnoitre les iles qui sont situees au Nord du Japon. II arriva Ie 20 Aoiit a Petropawlowska, et en repartit te 18 Septembre. On a su depuis que te Lark avoit peri sur Mednoi Ostroff [Y ile de Cuivre], situee dans Ie Sud-Est de Pile Bering, et que deux personnes seulement avoient echappe du naufrage ft 1 L'Introduction du Voyage du capitaine Dixon ( paae xviij de 1'Original) , m'a fourni l'Extrait qu'on vient de lire dtt INTRODUCTION. cxxvij QuoiQUE la Riviere de Canton et Ie Port de 1786. Macao semblassent indiques specialement pour les Lowrie Expeditions relatives a un commerce qui avoit Quise son debouche par la Chine; les Ports de YInde, Bombay et Calkutta, a raison des facilites qu'ils offrent aux Armateurs pour Pequipement et Pap- provisionnement des Vaisseaux, obtinrent bientot ureterence sur premi M ombay m it en mer vers te commencement de Voyage du Senau Ie Lark ; mais j'ai pense que j'y devois joindre des details particuliers qui prouvent a quel point Pactivite commerciale des Anglais s!exerce sur tous les points du Globe ; et comment , par des speculations combinees , par des operations d'echange , doubles et triples, ils savent, en multipliant , pour ainsi dire, Ie meme voyage, doubler et tripler les benefices , sans augmenter les frais de {'Expedition. Nous devons ces details a un Voyageur francais qui, comptant a peine cinq lustres , n'hesita pas d'entreprendre par terre , et termina heureusement, mais non sans beaucoup de fatigues et de dangers , un voyage de quatre miile lieues , a travers les deserts glaces du ^Kamtschatka et de ia Siberie, et cette immense etendue de pays compris entre Petropawlowska et la Capitale de la France , pour apporter a Versailles, oil il arriva le 17 Octobre 1788 , ies depeches et les Journaux de la Perouse sous les ordres duquel il avoit , .servi depuis son depart dyEurope , jusqu'a son depart dia. Kamtschatka. ( Voyez le Journal hist or i que du Voyage de Lesseps , d» Kamtschatka en France, Paris, Imprimerie Royale , 1700. „2 vol. /»-8°. Tome I.er , Note de la page 10.) %\Jx\. Batiment anglais ( dit Lesseps ), appartenant a }AKLan^ 17$ 6. Lowrie et i Guise. cxxviij I NT RODUCTION. Pannee 1786, tes Senaus , Ie Capitaine Cook du port de 300 tonneaux, commande par Ie capitaine Lowrie, et PExperiment, de 100 tonneaux, par Ie capitaine Guise : M. Strange, employe de la Compagnie anglaise , s'embarqua sur le premier de ces Batimens en qualite de Subrecargue. Ces deux Navires furent rendus , te 27 Juin de la meme annee , a Nootka-Sound ou ils sejour- nerent jusqu'au 27' de Juillet. »» ( ou Lance), Negociant a Macao, vint I!annee derniere , » 1786, mouiller au Port de Saint-Pierre et Saint-Paul': » le capitaine Peters, commandant le Navire, fit aux Russes » des propositions de commerce , dont voici Ia substance. Par » son Traite avee un Marchand russe , nomme Schelikhoff,. il » s'engageoit a faire le commerce dans cette partie des Etats » de i'lmperatrice , et demandoit des marchandises pour la » valeur de quatre-vingt miile roubles. II est probable que » ces marchandises n'eussent consiste qu'en Pelleteries que les » Anglais se proposoient de vendre en Chine, d'ou ils auroicnt *» rapporte , en echange , des etotfes et d'autres objets conve- »♦ meme a Saint-Petersbourg, pour y solliciter 1'agrement de y> sa Souveraine , et I'obtint; mais pendant qu'il travailloit a v se mettre en etat de remplir les clauses de son traite , il »» fut informe que le Navire anglais avoit peri sur les cotes « de 1'ile de Cuivre, en revenant au Kamtschatka, de la partie » Nord-Ouest de VAmerique ? il y avoit ete , selon toutes » les apparences , prendre des Fourrures pour commencer sa « cargaison qu'il venoit completer au Port de Saint-Pierre et *> Saint-Paul. On sut que deux hommes seulement de son * Equipage, un Portugais et un JNegre du B en gale , s'etoient lis INTRODUCTION. cxxix Us visiterent ensuite d'autres parties de Ia Cote, et parvinrent a. William's-Sound, decouvert, en 1778, par Cook, sous Ie 60.e Parallele l. cc C'est dans cette traversee (dit M. Meares), qu'ils decouvrirent ces Terres auxquelles M. Dixon, en 1787, a donne Ie nom de Queen-Charlotte's Islands ; mais ce n'est , ajoute - t - il , que par conjecture que celui-ci a pu tes qualifier d'iles : car ce ne fut qu'en 1788 , apres que le capitaine Douglas, commandant YIphigenia, eut passe au Nord entre ces Terres et celles du Continent, » sauves , et avoient passe I'hivcr dans Pile de Cuivre , d'ou » un Vaisseau russe les avoit transported a Nijenai-Kamtschatka : y> ils nous ont joints a Bolcheretsk , ou je me trouvois alors » avee le colonel Kasloff-Ougrenin, commandant a Okotsk et » au Kamtschatka , qui se proposoit de les envoyer , a la saison » prochaine , a Saint - Petersbourg ». A^»- B. Ceux qui desireroient avoir des details aussi-vrais qu'interessans sur i'etat actuel du Kamtschatka, sur les habitans et les productions de cette presqu'ile et des contrees qui en sont voisines , doivent lire Ie Voyage de Lesseps qui, posscdant la langue russe , et ayant fait un assez long sejour dans Ie pays, avee le desir et les moyens d'acquerir des connoissances , a ete a portee de tirer de' M. Kaslojf, homme tres-instruit et tres-communicatif, tous les renseignemens qui peuvent donner une idee exacte de cette partie orientale de YAsie, jusqu'a present assez mal connue. 1 Voyez Dixon's Voyage Voyages, page liij. page* xviii et 2 3 i7%6- Lowrie et Guise. cxxx. INTRODUCTION. qu'on fut assure qu'en effet ce sont des iles [ *>. Les Senaus Ie Cook et YExperiment, comme tous tes Batimens qui les avoient precedes, firent Ieur retour a Macao, On voit que te capitaine Meares attribue aux capitaines Lowrie et Guise, a Pexclusion du capitaine Dixon, la premiere Decouverte des Terres de la Reine Charlotte ; et au capitaine Douglas, la Decouverte du Detroit du Nord qui les separe 1 Voyez Aleares's Voyages, page iiij. Une discussion polemique des plus vives s'est engagee entre MM. Dixon et Meares , a Ieur retour de YAmerique : ils se sont reciproquement conteste des Decouvertes; et chacun des contendans attribue quelquefois celles de son' concurrent a un autre Navigateur , plutot que de lui en iaisser la jouissance a lui-meme. Je declare formellement que je ne pretends point decider entre eux, et tantas componere lites, Peut-etre qu'au milieu de 1'obscurite qui regne pour les Francais sur cette matiere, depuis que nos communications avee YAngleterre sont interrompues, il me sera arrive d'attribuer a un Navigateur quelque petite portion de Decouverte qu'un autre peut revendiquer ♦ mais tous me sont egalement inconnus, autrement que par les relations de leurs Voyages , et par ce que quelques-uns d'entre eux ont dit des Voyages de leurs compatriotes : et si, par hasard, j'enrichis Pun aux depens de Pautre, c'est par mal- entendu , et I'intention n'y est pour rien ; la seule que j'aye, c'est de garder la neutralite entre des Navigateurs quorum causas yrocul haheo. On ne desaprouvera pas cependant que cette i neutralite soit une neutralite armee, quand il s'agit de revendiquer ce qui peut appartenir aux Francais dont la cause est etrangere a la querelle des Anglais* Mon unique objet a ete INTRODUCTION. cxxxj du Continent , et en fait des} iles. Nous ne disputerons pas aux Anglais cette derniere Decouverte ; car la Perouse, qui avoit bien presume que ces Terres devoient etre des iles , n'a pu s'en procurer la certitude ; mais nous ne Ieur accorderons pas aussi facilement la priorite de la Decouverte ; car il est dit que les capitaines Lowrie et Guise n'arriverent a Nootka - Sound que Ie 27 Juin, et qu'ils y sejournerent jusqu'au 27 Juillet. On ne 1786. Lowrie et Guise. de m'assurer que 1'ArchipeI de San-La7a.r0 de Fuente, et le Detroit ou i'Entree de Fuca , ne sont pas des Decouvertes romanesques , sous le rapport de la Geographie , et de pre- munir les Geographes et les Historiens contre la facilite avee Iaquelle on se permet trop souvent de prononcer qu'une Decouverte est fabuleuse , parce que nous n'avons pas encore pu retrouver les iles ou les terres que les Anciens nous ont indiquees : Ie vieil Herodote pourroit ici se joindre a Fuente et a Fuca, bien moins anciens, pour reclamer contre les nombreuses injustices qu'il a eprouvees. Ce qui importe dans la question qui nous occupe, c'est de constater Pidentite de la Decouverte ancienne avee la Decouverte moderne j et iaissons ensuite aux seconds Decouvreurs a faire valoir et a disputer leurs titres de Priorite : avee le temps, les pretentions mal fondees se dissipent et cedent la place a la verite. Si Pon veut connoitre avee detail quels sont les objets en iitige, on peut consulter les Ouvrages polemiques suivans : Remarks on the Voyages of 5. Meares Esq. By George Dixon. London, Stockdale, 1790 , in-^.° — An Answer to M. G. Dixon. By John Meares Esq. London Topographic Press, 1791 , z#f4-° -— Further Remarks on the Voyages of J. Meares , &c. By Q. Dixoni London, Stockdale, 1791 , in-4.0 I J2 178 6, Lowrie. cxxxij INTRODUCTION. sait ni a quelle epoque precise, ils oht vu les iles de la Reine Charlotte, ni comment s'est faite cette Decouverte , ni quelle portion de ces terres ils ont reconnue ; mais nous savons avee certitude que la P.erouse tes a decouvertes le i o Aout de la meme annee ; qu'il en a suivi et examine les Cotes pendant dix jours , et les a prolongees, du Nord au Sud, sur une etendue de cinquante lieues: ce qu'on peut prejuger de plus favorable a la pretention des Anglais, c'est que, de quelque cote que soit Ia priorite, les deux Decouvertes doivent etre a-peu-pres contemporaines ; et que, des deux Cotes, Fhonneur est egal. i7 8 6 - 7. Meares et Tipping. j Les Expeditions du Bengale suivirent de pres celles de la Cote de Malabar : les Na vires, Ie Nootka, de 200 tonneaux, et Ie Sea-Otter, de 100 tonneaux, te premier commande par Ie capitaine John Meares, Ie second par te capitaine William Tipping, furent equipes a Calkutta, Meares fit voile au mois de Mars 1786 ; et dans ce premier Voyage , il prit sa route par les lies Aleutiennes, avee quelques - tines desquelles il communiqua. II aborda ensuite a William's-Sound, et fut force d'hiverner dans cette Baie : vingt-trois hommes de Son Equipage y perirent de froid et de misere. II fit son retour, par les iles Sandwich. a Macao ou il arriva Ie 20 Octobre 1787. INTRODUCTION. cxxxii] Le capitaine Tipping, montant Ie Sea- Otter, \ avoit quitte Calkutta peu de jours apres Ie capitaine Means : sa destination e'toit pareillement pour William's-Sound ou il fut rendu dans Ie mois de Septembre ; et il y trouva les Navires le Capitaine Cook et YExperiment. II en repartit Ie lendemain, pour remonter, a ce qu'on croit, jusqu'a Cook's- River; mais , depuis cette epoque , on n'a plus entendu parler du Sea-Otter, et Yon suppose que ce Batiment a peri \ 786-7. Jusqu'a present, toutes tes Expe'ditious pour Ie commerce des Pelleteries e'toient parties des Ports de YAsie ; et les Navigateurs anglais, connus sous la denomination de Lndia-men [Homines ou Marins des Indes ] , avoient eu pour seuls concur- rens les Portugais de Macao : I'appatdes immenses profits qui se faisoient journellement sous tes yeux de ces Europe'ens asiatiques, pouvoit bien les tirer quelques instans de Ieur engourdissement, et tes pousser a. faire quelque effort pour se trainer sur les traces des Anglais; mais une concurrence mal dirigee , tardive et ephemere, ne pouvoit jamais balancer Pactivite commerciale de leurs infatigables riyaux. Les Arnlateurs qui s'etoient pre'sentes tes premiers dans la carriere, devoient plutot redouter *■ ' ' ill mi. .jlil il^ 1 Voyez Meares's Introductory Voyage, page j et suivantes*. Dixorx, Portlock et Dixon, cxxxiv INTRODUCTION. 178 6-7. les speculations de YEurope : et, en effef, tes Vaisseaux europeens ne tarderent pas a. se presenter sur les Cotes du Nord-Ouest de YAmerique; ils y furent bientot suivis par ceux des Etats-Unis ; mais ceux de la Tamise devancerent tous les autres. Richard Cadman Etches et d'autres Negocians de Londres avoient forme, dans Ie mois de Mai 178 5 , une Socie'te de Commerce sous la denomination de the King George's Sound Company [Com- pagnie de YEntree du Roi George ], aujourd'hui Nootka - Sound: I'objet de cette association e'toit d'e'tablir un commerce regie' entre la Cote Nord- Ouest de YAmerique et la Chine, Mais deux Privileges s'opposoient egaleinent a cette entreprise ; celui de la Compagnie de la Mer du Sud [South- Sea Company], qui ne fait rien, et nuit a qui veut faire ; et celui de la Compagnie des Indes Orient ales , qui fait trop , et veut que tes. autres ne fassent rien. On negocia avee les deux Compa- gnies : on obtint de la premiere que, puisqu'elfe ne vouloit point envoyer de Vaisseaux dans sa Mer du Sud, elle permit du moins que d'autres y en envoyassent ; on obtint de la seconde qu'elle s'engageat a donner aux Vaisseaux qui auroient apporte les Fourrures de YAmerique z. Canton, des cargaisons de The a apporter de la Chine en Europe'. La Compagnie de Nootka-Sound a prouve qu'une association de Ne'gocians et de Capitalistes pent, INTRODUCTION. cxxxv sans Privilege, entreprendre et exe'cuter de grandes i j operations, quand elle n'a pas a lutter contre les prejuges et te monopole. Elle equipa a ses frais deux grands Navires, Ie King George, de 320 tonneaux, et Ie Senau Queen Charlotte , de 200 tonneaux. Le capitaine Nathaniel Portlock eut te commandement en chef de PExpedition ; il monta Ie premier Vaisseau, et te capitaine George Dixon le second : ces deux Officiers qui avoient servi avee Ie capitaine Cook, ' s'etoient forme's sous ce grand Maitre aux grandes Navigations. Les deux Vaisseaux mirent a la voile de la Rade de Downs [des Dunes] te 2 Septembre 1785 \ Leurs operations sur la cote d'Amerique se bor- nerent, en 1786, a traiter dans Cook's- River; mais ils ne purent pas penetrer dans William's- Sound. ■ lis quitterent la cote du Nord pour ^e porter sur celle du Nord- Ouest ; mais, comrade's par les vents , ils renoncerent, pour cette annee , a Ia Traite de Nootka-Sound. Dans cette traverse'e, ils avoient pris connoissance de la terre entre 5 8 et 57 degres de latitude ; et a la hauteur de 5 3 degres, ils eurent encore la vue d'une Terre qu'ils x Voyez A Voyage round the World, &c. By Nathaniel Portlock, London, 1^89. /tf-4.0 — A Voyage round the World, 6rc. By George Dixon, London, 1789. /«-4.° , % cxxxvj INTRODUCTION. 1786-7. jugeoient etre la suite du Continent; mais on sut, Portlock Pannee suivante , que Ie Cap, ou la portion de Cote qu'ils avoient apercue a cette hauteur, ap~ partient a. ces iles decouvertes par la Perouse, que, depuis, les Anglais, ont nominees iles de Queen- Charlotte. Le mois d'Octobre approchoit; il etoit prudent d'abandonner la Cote : tes deux Vaisseaux diri- gerent Ieur route sur tes iles Sandwich qui offroient des ressources pour Ieur ravitaillement. Portlock jugea, avee raison, qu'il y auroit moins de danger pour la sante des Equipages , a les occuper a Ia mer, dans Ia traversee deYAmerique aux Sandwich, et dans Ie retour de ces iles a la Cote, que de tes faire hiverner dans un Pays dont la rigueur du climat et la rarett' des subsistances devoient egalement lui faire redouter te sejdur. Au retour de la belle saison, tes deux Vaisseaux se reporterent a la Cote du Nord de YAmerique, et atterirent, te 23 Avril 1787, sur Pile Alontague, a PEntre'e de William's-Sound, par 59 degre's 10 minutes de latitude. lis traiterent pendant quelque temps dans cette Baie ; et apres que cette operation fut terminee , ils se separerent. Portlock, a. Ia hauteur de 57 degres 50 minutes, decouvrit les Havres de Goulding et de Portlock, et Salisbury - Sound. Tandis qu'il etoit a Pancre dans te Port de son nom, par 57 degre's 48 INTRODUCTION. cxxxvij minutes, il detacha sa chaloupe pour visiter la partie de Cote situe'e dans Ie Sud-Est de ce Port, et y traiter des Fourrures avee les Naturels qui Phabitent. La chaloupe parvint, dans sa course, a Pembouchure d'un Canal etroit dans lequel elle s'engagea, et qui la fit aboulir a la partie septentrionale de la Baya de Guadalupa des Espagnols, a PEst- Nord -Est du Mont San- Jacinto et du Cap del Engano (Ie Cap et Ie Mont Edgecumbe de Cook), par 57 degres 10 minutes de latitude. Cette route a prouve' que ce Cap et cette Montague forment la partie meridionale d'une ile etroite, d'environ dix lieues de long, sur la direction Nord-Nord-Ouest et Sud-Sud-Est, et qu'ils n'appartiennent point au Continent. Le capitaine Portlock imposa a cette ile le nom de Pitt; et ie Canal, qui a son embouchure du Nord dans Salisbury-Sound, et celle du Sud, dans la Baie de Guadalupa , fut nominee Hay ward's - Strait, du nom de FOfficier qui en avoit fait la decouverte. Portlock termina ici ses operations, et fit route pour les iles Sandwich. Dixon , de son cote, avoit decouvert, a la hauteur de YAdmiralty - Bay de Cook, vers 59 degres et demi de latitude , un Port qu'il nomma Port Mulgrave. De la , en suivant la Cote, il re- lacha dans iaBaie de Guadalupa, que , sans doute, il ne reconnut pas d'abord pour etre celle des 7Z6-7. Portlock et Dixon, i786- Portlock et Dixon. cxxxviij INTRODUCTION. , Espagnols, car il lui imposa te nom de Norfolk- Bay. Un peu au Sud de cette Baie , a 56 degres 3 5 minutes de latitude , il decouvrit un beau Port qu'il nomma Port de Banks, en Phonneur de Sir Joseph Banks, Ie Promoteur eclaire de toutes les entreprises favorables aux progres des Sciences et des Arts , qui accompagna a ses frais Ie capitaine Cook dans son premier Voyage autour du Monde , et dont te zele , les lumieres et la fortune furent constamment employes pour Ie bien de son pays , et pour Paccroissement des connois- sances humaines. Entre 56 et 55 degres, il vit une longue chaine de petites iles qui remplissent, en avant du Continent , Pespace compris entre ces deux Paralleles; ce 4sont les memes que la Perouse avoit reconnues en 1786', et auxquelles il a donne Ie nom collectif d'iles des Espagnols, parce que c'est dans la partie meridionale de ce petit Archipel que se trouve situe Ieur Port de Bucarelli. En continuant sa route dans Ie Sud- Sud-Est, Dixon decouvrit, te i.cr Juillet, une Terre a 54 degres 24 minutes : c'etoit la partie septentrionale de ces iles qu'on voit aujourd'hui portees sur tes Cartes anglaises sous Ie nom de Queen-Charlotte's Islands , et que la Perouse, Ie premier, avoit de'couvertes Pannee precedente. Dixon prolongea cet Archipel , comme Pavoit fait la Perouse, par sa bande de POuest, jusqu'a- INTRODUCTION. cxxxix son extremite meridionale , te doubla par leSud, 178^ et remonta dans Ie Nord, en prolongeant la bande de PEst, jusqu'a 5 3 degres 1 o minutes. A cette hauteur', il apercut a i'Est, dans Peloignement, un Cap du Continent, auquel il imposa le nom de Cap Dalrymple; hommage rendu, a juste titre, a un savant Navigateur dont tes recherches ont tant contribue a. debrouiller Ie chaos des Navigations anciennes, et dont tes travaux hydrogra- phiques et les Ecrits , en perfectionnant la description du Globe, ont facilite les communications entre les deux Mondes. II est probable que Ie Cap Dalrymple est la partie elevee de quelqu'une des iles qui forment PArchipel de San-La^aro de Famiral de Fuente, Le capitaine Dixon redescendit la cote Orientate des iles Queen-Charlotte, comme il Favoit montee , sans pousser ses recherches vers te Continent. II se presenta ensuite devant Nootka- Sound; mais ayant e'te instruit, par des Batimens anglais qui en sortoient, que la Traite , pour cette annee , etoit epuisee dans cette partie , il fit route pour les iles Sandwich ou il se reunit au capitaine Portlock. Les deux Vaisseaux porterent Ie produit de Ieur Traite a. Canton d'ou ils firent Ieur retour en Angleterre. Les capitaines Portlock et Dixon ayant visite quelques parties de Cote qui n'avoient point encore ete exploiters , se procurerent des 0-7. Portlock Dixon. xl INTRODUCTION. •7S6 06-7. cargaisons beaucoup plus riches qu aucune de celles que les parties trequentees avoient pu fournir aux Vaisseaux de YLnde qui, les premiers, avoient attaque' cette nouvelle branche de commerce \ Les Ports de YAngleterre et ses Capitalistes. sembloient ne devoir pas suffire a Fempressement avee lequel ses Navigateurs se seroient porte's vers cette nouvelle source de richesse , si Ieur essor n'eut rencontre une barriere insurmontable dans les privileges des grandes Compagnies. Pour eiuder ces Privileges qui n'atteignoient que tes Expeditions qu'on voiidroit faire dans tes Ports des trois Royaumes , tes spe'culateurs anglais vinrent chercher sur Ie Continent, la Iiberte que le Alonopole , depuis long-temps, Avoit bannie de leurs iles. Yj'Aigle imperiale , commandee par Ie capitaine Berklay ou Barklay, fut expediee du Port dYOstende vers Ia Yin de Novembre de Pannee 1786. II arriva a Nootka-Sound dans te mois d'Aout de Pannee suivante. II visita une partie de Cote situee au Sud de Nootka, et parvint, en redescendant, jusqu'a une Entree ou Baie qui a recu son nom, Berklay-Sound. Sa chaloupe, expediee 1 Voyez Pordock's Voyag Pat INTRODUCTION. cxlj de ce dernier Port pour faire une reconnoissance 178*7- des parties plus meridionales , decouvrit, vers 48 Bcrk'ajr. degres et demi de latitude, une Entree ou un De'troit; et Fon ne peut pas douter que ce ne soit celui que Juan de Fuca avoit decouvert en 1 592, et qui est indique a-peu-pres sur ce Parallele. ( Voye^ ci-devant, page xj. ) On dit que Ie capitaine Berklay arriva a. Ia Chine un an apres son depart d'Ostende l : on doit done presumer qu'il avoit trouve toute facilite a faire sa Traite , puisque , dans un si court in- tervaile , il avoit pu , sans nuire a ses operations de commerce , donner quelques jours a la visite des Cotes,- et se iivrer a une recherche qui a eclairci un point de Phistoire des Navigations anciennes, et ressuscite Don Juan de Fuca pour te faire jouir de la Decouverte de son Detroit , que tes Ge'ographes avoient rejetee dans le pays des Fables. En RENDANT compte de PExpe'dition des 1787-8. capitaines Portlock et Dixon , j'ai dit que} lorsque Coined celui-ci se presenta devant Nootka - Sound, au commencement d'Aoiit 1787, ii rencontra des Batimens qui en sortoient, et te dissuaderent d'y Duncan 1 Voyei pour le Voyage de Berklai, Dixon's Voyage, pages xx et 232. — Meares's Voyages , page Iv. 1787-8 Colnett et Duncan. cxlij , INTRODUCTION. entrer : ces Batimens etoient un Vaisseau et un Sloop appartenant aux proprietaires des Navires commandes par Portlock et Dixon, M. Etches et ses Associes. Le Vaisseau, nomme Prince of Wales [Ie Prince de Galles] etoit monte par Ie. capitaine Colnett 1, et Ie Sloop Princess Royal [ la Princesse Royale] par Ie capitaine Duncan. Ces Capitaines, expedies d'Angleterre dans Ie mois de Septembre de Pannee 1786, avoient commence par etablir, au Sud de YAmerique, sur la Terre des Etats qui forme, avee la Terre de Feu, te Detroit de le Maire, une Factorerie dont Fob jet etoit de rassembler des peaux de Veaux marins et d'extraire Phuile de Ieur chair. Apres que cette premiere operation eut ete termine'e , ils firent route pour Nootka-Sound ou ils se rendirent direc- tement et sans avoir fait aucune relache z. Je ne connois point de Relation particuliere du Voyage de ces deux Batimens; mais Dixon , dans un de ses. Ouvrages polemiques diriges contre Ie capitaine Meares, a fait imprimer une Lettre qui lui fut ecrite par te capitaine Duncan, d'Lslington, te ^7 Janvier 1791 , et dans Iaquelle celui-ci trace lui-meme sa Route et rappelle les Colnett suivant Ie capitaine Duncan , et Collitutt suivant ie Journal de Dixon, ^^il2 2 Voyez Dixo Voyage, page 230. INTRODUCTION. cxliij Reconnoissances qu'il a faites de la Cote orien- 1787-1 tale des iles de Queen-Charlotte, et de la Cote du Colnett Continent a Poppose \ Du*caru Le Prince of Wales, monte par Colnett, et la Princess Royal par Duncan, apres avoir passe aux iles Sandwich Phiver de 1787, revinrent sur la Cote a Ia belle saison ; et Ie 31 Mars 1788 , Duncan, destine pour tes parties meridionales, mouilla a. Nootka-Sound, tandis que Colnett faisoit route pour alter traiter a William's-Sound et sur les autres parties du Nord. En resumant les diverses operations du capitaine Duncan , on voit qu'il mouilla et fit la Traite dans plusieurs Ports de la cote Orientate des Queen-Charlotte, qu'il sulvit ces iles, tes reconnut etles'vrsita, depuis 52 jusqu'a 5 4 deg. de latitude. De cette hauteur, il traversa Ie Canal qui separe ces premieres iles du Continent, et se porta sur d'autres iles situees dans PEst , qu'il a nominees Princess Royal's Lsles , et qui occupent, en masse, Pespace compris entre 54 et 51 degres. Cet Archipel offre, parmi tes nombreuses iles dont il est compose , des Baies, des Ports, des Ouver- tures , des Entrees , des Passages, dont Ie capitaine Duncan reconnut une partie ; dans Dix-* neuf desquels il mouilla , non sans s'exposer - Voyez Dixon's Further Remarks, pages Dun cxliv INTRODUCTION, i. souvent au danger de perdre son Batiment; et : oil une traite abondante te dedommagea de ses fatigues, et lui fit oublier les risques qu'il avoit courus. II cotoya ces iles jusqu'a la hauteur .ou PArchipel se termine. II rentra alors a Nootka-Sound que Colnett avoit fixe pour point de Rendez-vous : mais le Prince of Wales n'arrivant pas , Duncan reprit la mer. II continua de descendre la Cote, mouilla devant un Village nomme Ahouset; et sa Route vers te Sue hauteur du Detroit ou de PEn- tree de Fuca, dont il fixe la latitude a 48 degres 30 minutes. 11 mouilla sur la cote Meridionale du Detroit devant un Village nomme Claasit ou Claaset ' et y fit la Traite. En le quittant , il poussa ses Reconnoissances jusqu'au quarante- septieme Parallele; et, a cette hauteur, il aban- donna la Cote pour se rendre aux iles Sandwich 1 On peut remarquer que ies Noms de deux villages situes sur cette partie de la Cote , tels que Duncan les rapporte , Ahouset et Claaset, ont des terminaisons qui paroissent disparates , si on les compare avee les finales ordinaires des mots et cles noms que Pon connoit dans quelques-unes des LanguesN parlees sur les Terres du Nord-Ouest ; mais elles rappellent des terminaisons de Noms qui se trouvent dans ia Relation de Fuente (ci-devant pages xxvj et suiv.) : ies villes de Conasset et de Minhanset, la presqu'ile de Conibasset, file Basset, Cette affinite , je dirois meme cette ressemblance de Noms , peut prouver que ceux qui sont rapportes dans la Relation de Fuente d'ou INTRODUCTION. cxlv d'ou il devoit prendre sa Route pour la Chine, 17§7-< Le capitaine Dixon ] fait mention d'un Plan du Colnett De'troit de Fuca, date du 1 5 Aout 1788 , leve par Duncan Charles Dunkan Master iw the Royal Navy, que M. Alex, Dalrymple a fait graver, et qu'il a publte te 14 Janvier 1790. On y voit-Ie Mouillage de la Process Royal dans Ie Detroit qui n'a pas plus de quajorze milles de largeur. Le capitaine Duncan avoit communique au capitaine Meares la Carte de son Voyage ; mais il se plaint que celui-ci n'a pas rendu avee exactitude ce qu'elle representoit. J'ignore si cette Carte a ete publiee en Angleterre; mais il est difficile , ou plutot il est impossible d'appliquer a. celle de Meares ce que Duncan e'tablit dans son Journal : selon lui, son Archipel de Princess Royal, commencant, au Nord, a 54 degre's de latitude , se termine , au Sud, a 5 1 j sur la Carte n'ont pas ete invente's : car la Decouverte de cet Amiral, son Archipel de San-Lazaro et sa Riviere de los Reyes, sont indiques vers 53 degres de latitude; et ce parallele se trouve compris entre celui de 54 et celui de 5 1 degres , dont I'Archipei de Princts&Roy&l de Duncan occupe i'intervalle. Je n'en conclurai cependant pas que Conasset et Minhanset soient de grandes Villes , 'comme Ie dit la Relation qui agrandit tout ; mais je crois qu'on en peut conclure -que ces Noms sont des Noms du Pays , et que Fuente , qui les rapporte, ayoit visite le Pays. Further Remarks, page 46, K cxlvj INTRODUCTION. 1787-8, de Meares, un grand Archipel s'e'tend depuis 56 Cofnett degres et demi jusqu'a 48 et demi, c'est-a-dire, Duncan jusqu'au de'troit de Fuca qui Ie termine au Sud. Ce grand Archipel, dont te Nootka- Sound de Cook et Berklay - Sound occupent la partie merl- dionale , y porte Ie nom de Northern Archipelago; et vers Ie milieu de sa Cote occidentale , on voit un petit Archipel enclave dans Ie grand, sous Ie nom de Princess Royal Islands \ M. Meares dit cc que toutes les Decouvertes partielles qui avoient ete faites dans les annees ante'rieures , semblent, en quelque sorte , se re'unir et se confondre dans te cours de Pannee 1788 ». Elles se confondent, en effet, sur sa Carte , et Fon pourroit demander qu'elles y fussent plus distinctes. cc A cette epoque, continue-il, les Vaisseaux anglais, Ie Prince of Wales, la Princess Royal, I a Felice, YJphigenia, et les Vaisseaux des Etats-Unis, Ie Wasington et la Columbia, se partageoient la Traite sur la cote du Nord-Ouest de YAmerique : et c'est en liant entre elles les diverses connoissances que leurs recherches ont procurees , que nous sommes parvenus a avoir une description a-peu-pres complete de cette partie du Continent, et a pouvoir en dresser une Carte z ». La Carte dont M. Aleares 1 Voye^ Planche 11. * Meares's Voyages, page I v. INTRODUCTION. cxlvij veut parter est, sans doute , celle dont il a accom- 1787-8. pagne la Relation de ses Voyages : on y voit bien Colnett quelles parties , en gene'ral , ont ete decouvertes, n ou plutot retrouvees; et Fon peut en conclure que la Cote est a-peu-pres connue : mais la Carte laisse tout a desirer sur tes details. II faut attendre, pour mieux connoitre la lisiere de cette contree, vers Iaquelle les Europe'ens se sont porte's avee tant d'ardeur, qu'une main habile , en rassemblant tous les morceaux epars, et apres les avoir soumis separement aux lois de la critique , les ordonne, les ass,ortisse , et n$Ks presente une Carte generate dans Iaquelle chaonn des Decouvreurs^pteriticuliers puisse reconnoitre et distinguer ce qui lui appar- tienf, et jouir avee honneu# et sans contestation, du merite de ses recherches et du fruit de ses travaux \ 1 On juge par les citations qui se trouvent dans les Journaux des capitaines Dixon et Meares etdans leurs Ecrits polemiques, que la plupart des Navigateurs anglais qui ont frequente la Cote du Nord-Ouest de I1Amerique ont dresse , des parties qu'ils ont ete a portee de visiter , des Cartes qui ne paroissent pas avoir ete publiees dans Ie temps ; mais peut-etre le sont- erles-atijtrtrrdHrui. Dixon dit, d&&$ VIntroduction de son-Journal, qu'en dressant la Carte sur fetquelle il a trace ses deux Routes, il a fait usage de celle du capitaine Guise, commandant le Senau Experiment, de celle du capitaine Hanna, commandant le Senau Sea-Otter, et de celle du capitaine Berklay, commandant VAigle imperUle. Le capitaine Meares, qui a consulte Kz 1787-8 Colnett I788-9. Meares et Douglas, cxlviij INTRODUCTION. Les iles de Princess Royal sont evidemment tes memes dont la Perouse eut connoissance en 1786, dans Ie meme Golfe, et sur les memes Paralleles de 5 2 et 5 3 degres sur Iesquels Duncan les a trouvees; et Ieur latitude ne permet pas de douter que ce ne soit ce meme Archipel situe a 53 degre's , dans-les canaux tortueux duquel Famiral de Fuente a navigue en se faisant preceder par ses chaloupes. Nous avons done aujourd'hui J^ certitude qiflivPArchipel de San-Lazaro ne doit plus etre compter parmi les iles imaginaires, et que la Perouse, en 1786, et Duncan, en 178$, ont retrouve une partie des De'couvertes de PAmiral espagnol : il n'en faudroit pas conclure , sans doute , que tout est vrai dans la Relation de Fuente ; mais e'en est assez pour engager les Navigateurs a faire de nouvelles tentatives qui con- duisent enfin a ve'rifier ce qu'il peut encore y avoir de reel dans la Relation d'un Voyage ou tout pa- roissoit extraordinaire , merveilleux et incroyable.. Le capitaine Meares qui avoit fait, en 1786 , un premier Voyage a. la Cote Nord-Ouest de YAmerique, en entrepot un second en 1788, les memes Cartes et en a fait usage ,• regrette infmiment celle de Colnett, dont les Espagnols s'emparerent quand ce capitaine fut fait prisonnier. Le capitaine Duncan, dans sa Lettre a Dixon , parle de la Carte que lui-meme a dressee, et qu'il dit avoir ete copiee en partie dans celre du capitaine Meares, &c. INTRODUCTIO N... cxlte avee Ie Vaisseau la Felice, de 230 tonneaux, qu'il commandoit, et YIphigenia de 200 tonneaux, monte par Ie capitaine Douglas. II fit voile de la Chine au mois de Janvier de cette anne'e, et arriva, vers Ie milieu de Mai, a Nootka- Sound ou il cons- truisit un petit batiment de mer : cette operation exigea autant de temps qu'elle eprouva de difficuhe; mais les efforts , les ressources et la perse'verance du Chef de Fentreprise , furent couronnes d'un succes qui 'Ie justifia d'avoir cru a la possihilite, Meares visita , en 1789, la partie de la Cote qui est situe'e dans Ie Sud de Nootka; il decouvrit quelques Ports qui n'avoient pas encore recti des Vaisseaux europe'ens , et voulut s'assurer de Fexistence du grand Detroit de Fuca , deja "retrouve , en 1787, par Ie capitaine Berklay, et dans lequel Ie capitaine Duncan, en 1788 , avoit mouille et commerce avee tes Naturels. Meares le fit visiter par sa chaloupe qui y pe'netra, dit-il, jusqu'a 3 0 lieues de distance de son embouchure : a cet eloignement de la grande Merj^la vue s'e'tendoit encore a PEst jusqu'a un horizon dont te rayon, ajoute te capitaine Meares, pouvoit etre de quince lieues x , et la largeur du Detroit 788-9. Meares et Douglas, * La chaloupe de Meares, suivant sa Relation , s'etoit porfee a trente lieues de distance a i'Est de 1'Embouchure Occidentale du Detroit \ et comme, du point ou elle etoit parvenue , la vue s'etendoit a quinje lieues, il en rewteroit qu'e-IFe aurok K t 17S8-9 Meares et Douglas. #Sfe INTRODUCTION. en cette endroit, etoit aussi de quince lieues '. La chaloupe eut un engagement assez vif avee , les decouvert un espace de quarante-cinq lieues de mer , au - dela duquel on n'apercevoit pas encore la Cote du Continent. II paroit que le capitaine Meares a eu une distraction , quand il a dit dans son Journal que sa chaloupe s'etoit avancee a trente lieues dans le Detroit ; car on lit dans ie compte qui lui fut rendu par Robert Duffin, POfficier commandant la chaloupe dans cette Expedition, et qui est imprime a la suite du Journal ( Appendix, a la fin du N.° IV ) , que , lorsqu'il abandonna ses recherches dans le Detroit, il etoit a huh lieues de distance de 1'Embouchure Occidentale qui lui restoit a I'Ouest-Sud-Ouest, et a trois lieues de distance du Port qu'il a nomme Hawhesbury, et qui lui restoit au Nord quart Nord- Est : or , comme ce Port est Ie point le plus Oriental auquel la chaloupe fut parvenue , et qu'il n'est distant que de onie lieues ( huit d'une part , et trois de I'autre ) de i'Embouchure (Occidentale; il en resulte que la chaloupe n'avoit parcouru dans le Detroit , de YOuest a YEst, que ces memes onje lieues. Quant aux quinje lieues de rayon de VHorijon, que Ie capitaine Meares suppose que la chaloupe devoit avoir au point ou se borna sa course vers PEst; on peut lui observer, avee le capitaine Dixon ( Further Remarks, page 48) , qu'un homme place dans une chaloupe, oil son ceil n'est pas eleve de- plus de 7 a 8 pieds au- dessus du niveau de la mer ( en supposant encore qu'il soit monte sur les bancs des Rameurs ) n'a pas pu avoir un Horizon de quinTy lieues de rayon ; et que deux lieues, ou trois lieues au plus , en allouant quelque chose pour la refraction, seroient la plus grande longueur qu'on put supposer au rayon de l'Horizon qu'un homme decouvre de dessus une chaloupe. Cette largeur de 15 lieues, ou quarante-cinq miiles, est bien differente de celle de quatorje milles que lui donne le Plan leye par le capitaine Duncan, { Ci - devant page cxlv.) INTRODUCTION. clj Americains qui habitent les bords du Canal ; ce i qui n'empecha pas que les Anglais, suivant un droit qui peut etre celui de la convenance , mais que, sans doute, on n'appellera pas Ie Droit des gens, ne prissent possession, au nom du Roi d'Angleterre, d'un pays qu'assure'ment les Proprie- taires ne paroissoient pas disposes a partager avee sa Majeste britannique. II est probable que Juan de Fuca, dans un temps plus ancien , en avoit egalement pris possession au nom de sa Majeste' cathoJique : et il ne manque a toutes ces Prises de possession par des Souverains etrangers , que la Ratification par Ie Souverain naturel, par Ie Proprie'taire. Ulphigenia, monte'e par te capitaine Douglas, qui s'etoit se'paree de la Felice pendant la tra- versee de Chine a Ia cote du Nord-Ouest, s'etoit d'abord rendue a Cook's-River, et de la a William's-Sound, et avoit fait la Traite des Pelle- teries dans ces deux Havres. Elle avoit ensuite redescendu la Cote, et visite sur sa route quelques Ports qui n'etoient pas encore connus , un , entre autres , vers 5 5 degre's de latitude , auquel Ie capitaine Douglas imposa te nom de Port de Meares. Ce Port est situe au cote septentrional du Detroit qui separe du Continent, par Ie Nord, les Terres de'couvertes, en 1786 par la Perouse, tes iles de Queen - Charlotte, suivant les Cartes 788-9. Meares et Douglas, clij INTRODUCTI O N, 1788-9. anglaises : il paroit que te capitaine Dmglas est Meares Je premier Navigateur connu qui ait passe par Dou las ce Detroit I et a^ ainsi penetre , par Ie cote du Nord, dans Ie Golfe ou Canal qui se trouve situe entre les iles de POuest et FArchipel de San-La^aro \ Douglas prolongea ce Canal sur toute sa longueur , sans jamais cesser de voir la terre des deux bords , et il descendit jusqu'a Nootka - Sound ou il se rejoignit au capitaine Meares. Les deux Vaisseaux porterent a Canton tes Pelleteries qui avoient ete traitees sur les diverse* parties de la Cote qu'ils avoient parcourues %l . Depuis qu'une partie de YAmerique septentrionale avoit secoue te joug de YAngleterre, et s'e'toit forme'e en Republique fe'derative , son commerce , degage des liens qui entravoient ses operations , avoit acquis une extension a Iaquelle il ne lui e'toit pas permis de pretendre tant qu'elle fut dans la dependance d'une Metropole Le capitaine Dixon a la pretention d'avoir vu le premier, a 34 milles de distance, ce Passage au Nord des Charlotte; mais, en meme temps, il paroit convenir que Douglas est te premier quiy ait passe, ( Voyez Further Remarks, page 48.) Voyez Meares's Voyages, pages 104 et suivantes de ['Originalf INTRODUCTION. asm europeenne , dont les Compagnies privilegiees 1788-9. arretoient, dans les deux Hemispheres, toute cir- Gre/» dilation contraire aux interets concentres du Monopole. La liberie de cette nouvelle Re'pu- blique etoit a peine assuree qu'elle songea a. diriger ses speculations vers les Indes et la Chine. Mais ni les productions de son sol, ni les produits de son industrie, ne lui offroient un aliment a un trafic avee les Chinois ; et PArgent et POr, qui suppleent a toute espece de denrees et de marchandises dans te commerce avee ce Peuple, etoient trop rares encore dans la Re'publique naissante, pour qu'elle put, sans nuire a. ses autres operations et a ses engagemens avee ses creanciers d'Europe., dislraire de la masse insuffisante de son Numeraire, tes capitaux necessaires pour entretenir un commerce actif avee la Chine: les Pelleteries pouvoient en tenir lieu ; et Pattention du Congres ame'ricain fut prompte a se porter vers une ressource qui devoit supple'er au de'faut ou a Finsufiisance des autres moyens. Mais ces objets d'e'ehange, quoi- que places pres des Etats - Unis, et pour ainsi dire sous Ieur main, si Fon compare Ie peu d'eloigne- ment ou ils s'en trouvent, avee celui ou en sont tes Peuples d'Europe, en demeurent cependant separe's par une barriere jusqu'a present insurmon- table ; et ce que la Nature semble Ieur presenter a cinq cents lieues de leurs frontieres occidentales, cliv \ INTRODUCTION. 1788-9, une navigation de plus de cinq miile lieues est Cv€y- necessaire pour parvenir a Ie Ieur procurer. Cette difficulte ne pouvoit arreter les Americains : ces memes homines qui, depuis que Ieur active Industrie n'est plus enchaine'e parte Privilege exclusif d'une Compagnie du Sud, vont harponner la Baleine sur les Cotes du Bresil et dans les parages glaces des Mers Antarctiques, n'ont pas hesite a entre- . prendre des Voyages dans lesquels , prolongeant deux fois Ie Continent du Nouveau Monde, du Septentrion au Midi, et du Midi au Septentrion, ils vont chercher sous les latitudes les plus elevees a la Cote Occidentale de Ieur Amerique, et trans- portent sursa Cote Orientate, ces Peaux precieuses qui seules pouvoient ieur procurer un moyen supplementaire pour ouvrir un Commerce lucratif avee PEmpire de la Chine. Des de'pots de Pelle- teries, forme's dans leurs Ports, et repartis ensuite entre tes Vaisseaux qui sont employes dans les Expeditions d'Asie, ieur donnent en retour, et les Thes dont Phabitude Ieur a fait un besoin auquel peut-etre ils doivent la Liberte, et ces riches marchandises de POrient que n'admet guere la simplicite republicaine, mais qui, necessaires au luxe de YEurope et de ses Colonies Occidentales, deviennent, dans le Commerce des Americains , des objets d'echange contre les denrees d'une veritable necessite que la Nature a refusees a Ieur climat. INTRODUCTION. civ II est vraisembiable que les Amateurs des 1788- Etats-Unis, excite's et encourages par Ieur Gou- GreY- vernement, ont multipiie leurs Expeditions a la Cote du Nord-Ouest de YAmerique; mais aucune Relation imprimee n'a fait connoitre a YEurope les Voyages qu'ils ont entrepris. Jusqu'a present, les Ame'ricains agissentplus qu'ils n'ecrivent: desirons, pour la tranquillite du Monde et te bonheur de PHumanite, que la faculte de communiquer ses pensees d'un Pole a Pautre, ne soit jamais entre leurs mains qu'un moyen d'unir et d'eclairer tes hommes , et que , dans aucun temps , ils n'eii- abusent pour agiter les passions et bouleverser tes Empires. Le capitaine Meares nous a donne , dans te Journal de ses Voyages, une Notice de la premiere Expedition que tes Etats-Unis ont dirigee sur la cote du Nord-Ouest: et comme elle a procure quelques Decouvertes, elle merite qu'il en soit fait mention \ Les premiers Vaisseaux que tes Etats - Unis expedierent de Boston dans le mois d'Aout de 1787, furent te Sloop Ie Washington, d'environ 100 tonneaux de port, et la Columbia, de 300 M. Meares tenoit les details qu'il nous a transmis, de M. Grey lui-meme, Commandant de PExpedition. ( Meares's Voyages, pages 219.) clvj INTRODUCTION. .1788-9. tonneaux, Pun et Pautre sous Ie commandement de Grey. jyx. Grey qui montoit Ie Sloop. Ces deux Batimens devoient naviguer de compagnie ; mais un coup de vent les ayant se'pare's, a la hauteur de 59 degre's de latitude Sud, Ie Washington etoit arrive seul a Nootka, le 17 Septembre 1788 \ Le capitaine Grey avoit aborde a. un Port de la Cote de New- Albion de Drake, vers 45 degre's de latitude Nord : peu s'en fallut que Ie Washington ne restat echoue sur Ia Barre qui traverse Fentree de ce Havre qui ne peut recevoir que des Navires d'un tres-petit tirant-d'eau : mais, echappe a. ce premier danger, il en courut un plus grand ; te Sloop fut attaque par tes Naturels de la Cote ; un homme de i'Equi- 1 page fut tue ; un des Officiers fut blesse ; et ce ne tut pas sans peine que te Capitaine parvint a sauver te Batiment. Le capitaine Meares connut a Nootka- Sound te Capitaine americain, et s'empreSsa de lui faire part de Ia Decouverte, ou plutot de la Reconnoissance 1 Un trajet d'un an ! C'est aller chercher bien loin des Peaux de betes , qu;:nd on ha bite Y Amerique du Nord 011 elles abondent ! Sans doute que les Americains ont eprouve que les Fourrures de la partie qu'ils occupent sur Ie Continent , et de celles qui les avoisinent , n'obtiennent pas a la Chine une grande faveur, et ne procurent pas \\n benefice aussi considerable que celui qu'on peut attendre des Pelleteries de la Cote du Nord-Ouest, INTRODUCTION. ckij qu'il avoit faite , par sa chaloupe, de PEntree ou du De'troit de Juan de Fuca, vers 48 degres et demi de latitude. cc Le Washington: ( dit M. Meares T ), d'apres la connolssance que je lui avois donnee de ce Detroit, en retrouva Fentree, y pe'netra, parvint a une grande Mer interieure, et y dirigea sa route dans Ie Nord et te Nord - Ouest. 11 commu- niqua avee les diverses Tribus qui'occupent les iles situe'es sur les derrieres de Nootka - Sound, et dont te langage difFere peu de celui des Peuples qui habitent tes Terres qui environnem cette Baie. mtm On peu presumer , continue M. Meares , que lavfc&oute du Washington ne s'est pas porte'e a PEst au - dela de 237 degres de longitude a. FOrient de Greenwich ( ou 125 degre's un tiers a FOegident de Paris ). II est probable que AL Grey n'a pas pu de'terminer avee precision, la longitude de son Vaisseau dans les differens ptsats que sa Route a parcourus ; mais la longitude de Nootka - Sound est fixee par les Observations du capitaine Cook ; et Fon peut evaluer, par approximation , la difference de Meridien entre Nootka et la position la plus Orientate du Washington : c'est d'apres cette estimation , qu'on Grey. 1 Voyez Meares's Voyages f page ivj. clviij INTRODUCTION. 1788-9. peut la supposer d'environ 237 degres a I'Est Grey- de Greenwich 0 Comme tes Observations astronomiquesy faites dans Ie troisieme Voyage du capitaine Cook , placent Nootka-Sound, par un milieu, a 23 3 degres I 8 minutes et demie a PEst de Greenwich ; il en re'sulte que M. Meares a suppose que la Route du Sloop Ie IVashington a du passer a environ 3 degres deux tiers , ou 47 lieues , a PEst de Nootka, II dit ailleurs 2 que Petendue de la Mer interieure dans Iaquelle ce Batiment a navigue , est de plus de huit degres en latitude. Si I'on.jette les yeux sur la Carte qui accom- pagne la Relationi'des Voyages de Meares , et sur Iaquelle il a figure ia Decouverte du Washington 3, on voit, en partant du Detroit de Fuca , et remontant dans Ie Nord , un grand Archipel qu'il designe Ipdr Ie nom de Northern Archipelago [Archipel du Nord], et qui s'etend entre 48 degres et demi, et 56 degres et demi de latitude, sur une Iargeur moyenne d'environ 5 o lieues : et vers 5 3 degre's , se voient les Icies de ia Princess Royal Voyez The original Astronomical Observations made in the course of a Voyage to the Northern Pacific Ocean, By W, Bayly. London, 1782. In -4.0 , page 349- z Voyez Meares's Voyages, page"*Ixij,~ 1 Voyei la PI. II. w INTRODUCTION. dix du capitaine Duncan , ou PArchipei de San-Lazaro \ 78 8-0. de Fuente, enclave'es dans te grand Archipel. A <-«/. PEst de cet.assemblage d'iles sans riombre, dont quelques-unes sont figurees en entier, et la plu- part seulement indiquees par des Ouvertures , doit etre trace'e la Route du Washington; et, dans un grand eloignement de cette Route , doivent etre vues les grandes Terres du Continent : de o sorte qu'entre ces terres et PArchipei , se trouve une Mer ou un Bassin immense, auquel on peut oommuniquer par tousles Passages ou Canaux que les iles doivent laisser entre elles. M. Meares ne dit pas si Ie Washington, apres etre entre dans cette Mer par sa partie du Sud , par Ie Detroit de Fuca, en est sorti par quelqu'une des Ouvertures qui se voient dans Ia partie du Nord de PArchipei , ou s'il est venu sortir par te meme De'troit par Iequel il y avoit pene'tre. Je n'entreprendrai pas de discuter ici te rapport sur Iequel est fondee cette grande Decouverte : les Donne'es sont trop incertaines , Ie Developpement est trop insuffisant pour qu'on puisse la soumettre a Pexamen et la juger d'apres les regies de la critique. Je me con- tente d'observer que la Relation et les Cartes du capitaine Meares ont paru a Londres des 1790, et que cependant Ie Geographe anglais Arrow smith, qui a marque soigneusement sur son gra rand mm 1788-9 Grey. clx INTRODUCTION. , Planisphere qu'il n'a pubiie qu'en 1794, toutes les Decouvertes ante'rieures a cette epoque , n'y a point indique' cette grande Mer interieure dans iaquelle te Washington doit avoir parcouru au moins cent soix ante-lieues du Sud au Nord, puisqu'il Pa traverse'e, dit Ie capitaine Meares, sur une etendue de plus de huit degres en latitude ; on voit seu- lement sur Ie nouveau Planisphere , PArchipei de San-Lazaro, sous Ie nom d'iles de la Princess Royal que Duncan lui a donne; et dans POuest de cet Archipel, a une distance moyenne d'environ 20 lieues , les grandes Terres que la Perouse a de'couvertes et prolongees, en 1786, entre 5 2 et 54 deg. > et que Dixon, qui les a reconnues en 1787, a nominees Queen - Charlotte's Islands , du nom de son Vaisseau. Je ne croirai pas qu' Arrow smith ait neglige d'indiquer la Decouverte du Washington , parce qu'elle appartient a un capitaine des Etats- Unis; je croirai bien plutot qu'elle ne lui a pas paru constate'e d'une maniere assez authentique pour Ie decider a. Padopter et a. Femployer, avant que les recherches d'autres Navigateurs , et sur- tout de quelque Navigateur anglais , ayent con- firme Pexistence et Petendue de cette. grande Mer' o interieure qui ( si elle existe ) pourroit un jour conduire a des De'couvertes d'une plus grande importance, et peut-etre ouvrir, ou du moins faciliter la communication tant desiree , tant cherche'e , INTRODUCTION. clxj pj th lerche'e, entre les deux Oce'ans qui embrassent 1788- "9" te Nouveau Monde \ Grey* 1 Cette Route du Washington dans une grande Mer interieure a I'Est de 1'ArchipeI de San - Lazaro de Fuente, meritoit bien Une observation de la part du capitaine Dixon dans Sa guerre polemique avee Ie capitaine Meares : aussi lui demande-t-il « de faire connoitre au Public d'apres quelle Autorite il a trace cette Route sur sa Carte ». (Remarks on Meares's Voyagest page 22.; M. Meares, ainsi somme et i'nterpelle de repondre, a repondu: mais je ne me permets pas de commenter sa reponse, je dois me borner a la traduire litteralement : « Le respect que je dois au Public, dit-il, m'engage a condes- cendre a votre demande. Je suis redevable de cette communication (de Ia Route du Washington) a M. Neville, homme du caractere Ie plus respectable , qui est revenu en Angleterre sur Ie Chester- field, Vaisseau employe au service de la Compagnie des Indes ,- et c'est sur son autorite que je i'ai communiquee au Public. M. Kendrick, qui commandoit le Washington, arriva a la Chine avee une riche cargaison de Fourrures, peu de temps avant fe depart du Chesterfield ; et M. Neville, qui ne quitta pas fNbxMendrick duraut cet intervalle , et apprit de lui-meme toutes les particularites de sa Route, a bien voulu me les rapporter telles qu'il les avoit apprises .». ( Answer, page *4-J Dans la declaration qii'on vient de lire, on remarque que le Capitaine du Washington est appele M. Kendrick ; et il est sous le nom de M. Grey dans Ie Journal de Meares, page 219: oh ignore la raison de ce changement de nom : M. Grey etoit-il mort ! et M. Kendrick lui avoit-il succede dans Ie commande- ment du Washington a Pepoque ou ce Batiment arriva a la Chine I >—Attendons du temps qu'il fixe notre opinion'sur cette Mer •int&ieure* Nouveaux Voyages des Espagnols, clxij INTRODUCTION. Les Possesseurs du Mexique, cet Empire si voisin des Terres que les Vaisseaux d'Europe venoient reconnoitre et visiter a de si grandes distances, dans la vue d'y e'tablir un Commerce iucratif , vont reparoitre un moment sur la scene ; mais ce sera pour faire acte d'apparition, plutot que pour nous enrichir par de nouvelles Decouvertes. La Reconnoissance que Ie capitaine Cook avoit faite, en 1778 , d'une grande partie de la Cote du Nord-Ouest de YAmerique, avoit enfin appris aux Espagnols que, sur plusieurs points situes a des latitudes eievees , les Russes du Kamtschatka avoient forme , et sur le Continent, et dans les iles qui en sont detachees, des Etablissemens fixes qui alimentoientleur Commerce de Pelleteries avee PEmpire de Ia Chine. Ainsi deux Nations place'es aux extremite's de YAsie et de YEurope, sembloient disputer aux Proprietaries des tresors du Nouveau Monde , cette propriete , pretendue. exclusive , d'une immense Cote, la lisiere long - temps in- connue de leurs Possessions, qu'ils paroissoient ne pas chercher a connoitre, dans Pespoir d'en derober la connoissance a. des rivaux dangereux* Les Russes, d'une part, et de Pautre, les Anglais, tendoient vers Ie meme but ; les premiers, avee Pavantage de la proximite ; tes seconds, avee celui d'une grande experience dans la Navigation et Ie INTRODUCTION. CIXIIJ Commerce, et avee cet esprit d'entreprise dont les Nouveaux distances et les dangers ne peuvent ralentir Fardeur, de* lorsque Ie terme de la carriere pre'sente I'appat Espagnols. d'un benefice. Mais quand YEspagne fut assuree 1788. que tes Russes, accoutumes a braver les glaces du Nord, et les Anglais habitue's a affronter tous tes climats, ou deja s'etoient etablis sur te Continent, ou projetoient d'y former des Etablissemens, elle se decida a ordonner une Expedition qui auroit pour but de connoitre ce que ceux-la. avoient pu de'ja executer, et ce que ceux-ci pourroient entreprendre \ La Fregate la Princesa et Ie Paquebot el San- Carlos * furent equipes au Port de San-Blas, et en partirent Ie 24 Janvier 1788. Don Estevan- Joseph Martine^ , Pilote de la Classe des premiers Pilotes de FArmee navale , avee Ie grade d'Officier, commandoit PExpedi- tion , et avoit sous ses ordres Don Haro , ayant te grade d'Enseigne de Fregate. v Les deux Batimens naviguerent de compagnie - x Je tire la Notice des deux nouveaux Voyages des Espagnols, de deux Lettres originales, 1'une de San-Bias, 30 Octobre 1788 ,1'autre, de la ville de Mexico, 28 Aout 1789 : elles furent adressees officiellement au Ministre de la Marine , par le Consul de France dans un des principaux Ports d!Espagne, ie 24 Fevrier 1789 et Ie 12 Janvier 1790. 3 Suivant une des Lettres, et selon Pautre, El Philipino, L ^ Nouveaux Voyage's des £spagnoLs. I788. ctxiv INTRODUCTION, jusqu'a William's-Sound, par 60 degre's de latitude : ici il s'etablit entre les deux Capitaines une mesintelligence qui regna dans tout Ie Voyage. De William's-Sound ils revinrent a la Trinidad, a 41 degre's 7 minutes; mais , a. Ia sortie de ce Port, Don Martine^ fut separe du Paquebot, soit a dessein , soit par accident, et se rendit au Port de Pile d'Ounalaska , par les 5 4 degre's de latitude , tandis que.Don Haro parcourut Ia Cote > et toucha a un Port dont nous ignorons egale- ment et Ie nom et la latitude J, et ou les Russes ont un Etablissement. Les Espagnols y furent recus tres - amicalement ; et te Commandant du Poste ou de la Factorerie poussa Ia confiance jusqu'a faire present a Don Haro d'une Carte a grand point de tous tes Etablissemens que la Russie posse'doit sur cette Cote, et qui, a. cette epoque, etoient au nombre de huit : il lui donna d'ail- leurs tous tes renseignemens qu'il pouvoit desirer sur cette partie peu connue de YAmerique du Nord. Don Haro rejoignit dans la suite Don Martinez a. Ounalaska : mais la mesintelligence subsistant toujours , il profita d'un coup de vent qui fit derader la Prince sa, pour se rendre independant; et il rentra, vers Ie milieu d'Octobre, dans Ie 1 II paroit que ce Port est'situe entre 58 et $t> degres. INTRODUCTION. ckv Port de San-Bias , ou Don Martine^ ne fut rendu Nouveaux, que ie 2 Novembre suivant. w*&* x * des Cette Expedition dont tes lettres du Mexique, Espagnols, en se plaignant du Commandant , attribuent tout 1788. Phonneur a son Second, n'a produit aucune Decouverte : les Lettres de San-Blas, ecrites a Par- rivee de Don Haro , nous apprennent seulement qu'a cette epoque, les Russes avoient deja. huie Etablissemens fixes sur la Cote entre y S et jp degres de latitude x ; que chacun de ces Etablissemens e'toit compose de seize a vingt families % formant un total de 462 Russes ; que ces Etrangers etoient parvenus a faconner a leurs usages et a leurs mceurs 600 des Naturels duPays, et qu'ils en recevoient un tribut pour Plmperatrice de Russie., II paroit que , independamment de ces huit Etablissemens , les Espagnols qu'on dit s'etre eleve's 1 Qn lit dans la Lettre de San-Bias, que les Etabljssemens sont situes entre 4.8 et ^.p degres ; mais ou c'est une fame de Copie , ou c'est^"Hessein"queTesrIatitudes ont ete mal indiqiiees." II est certain que les Russes n'ont aucun Etablissement-au Sud de Nootka-Sound,. qui est entre 49 et 50 degres : la -Cote qui s'etend au Sud de cgtte Baie a ete si soigneusement visitee par les Anglais , .et„a plusieurs reprises , qu'un Etablissement appar- tenant a un Peuple police, n'eut pas echappe a leUrs recherches 5 et ils en auroient parle : Ieur silence sur ce fait important peut etre regarde comme une preuve qu'aucun Etablissement de cette nature n'existoit a I'epoque de 1788 : ceux des Russes ne doivent pas se trouver au-dessous dc 58 degres. &1 des Espagnofsi 17 8 8.. cixvj INTRODUCTION. Naiweaux ^ans ce y0yage jusqu'au soixante-deuxieme Pa- Voyage* ,, v T , , , , ralleie , ont trouve par les 59 degres, trois autres Peuplades russes , mais beaucoup moins riormVreuses que celles qui occupent les parties de la Cote moins septentrionaiesV lis pretendent que FEtablissement des Russes sur la Cote date de 1776 ; que Ieur Commerce avee les Americains est peu important, et ne corfeiste qu'en peaux de Loup et en bottes de peau unie ou tannee, pour lesquels les' Itfaturels recoivent en echange , des culottes , du drap et quelques bouteilles d'eau- de- vie. Les Espagnols qui avoient ete employes dans cette Expedition, se plaignoient d'avoir eprouve un froid excessif pendant Ieur station de 14 jours a Ounalaska, dans le mois de Juillet % La seuie Decouv^fte qu'ils firent dans Ie cours de Ieur Voyage, et qui dut paroitre au Gouveme- ment espagnol d'une grande importance, c'est x On ne voit pas qu'ils ayent depasse Pile d'Ounalaska ; et dependant, if faudroit, pour qu'ils se fussent eleves jusqu*& ^S-lcfegres , qu'ils eussent traverse la chame des Aleutiennes, et remonte dans le grand Bassin-du Nord entre YAsie et Y Amerique , Iequel se termine par le Detroit -de Bering.- 2 Si, comme on le dit, ils eussent remonte jusqu'a 62 degres, il est probable qu'ils auroient parle du froid qu'ils auroient du y eprouver, plus grand, sans doute, qu'a Ounalaska, dont le Port n'est que par 53° 55', INTRODUCTION. clxvij qu'ils recueillirent de leurs conversations avee les Nouveaux Russes, que Ie Gouverneur du Kamtschatka, dans °yases la dependance duquel se trouve la colonie d'Ouna- Espagnols. laska, se proposoit de faire occuper incessamment, 1788. au iiqiii de Plmperatrice de Russie, Ie Port de Nootka que les Espagnols nomment San-Lorenzo, situe a 490 36' de latitude, sur les Cotes que, depuis que d'autres tes ont decouvertes , il a plu a ceux-la d'appeler la Nueva-California' : nous ne croirons' cependant pas que cette Californie fut si nouvelle pour eux ; seulement , il est probable qu'ils ne la connoissoient pas aussi bien que les Navigateurs des autres Nations ia Ieur ont fait connoitre. Wm p^s4a8*; Le projet, ou vrai ou suppose , d'un Etabiisement des Russes a Nootka-Sound, et plus encore , on peut Ie presumer , Pinquie'tude qu'en- tretenoit dans Pesprit du Gouvernement la presence habituelle des Anglais sur des Cotes que, depuis la premiere Decouverte faite par Ieur amiral Drake, en 1 578 , jusqu'a ces derniers temps, ils n'avoient 1789. Ce pretendu projet des Russes paroit peu yraisembiable; XDnipfcut douter qu'ils voulussent venir&emettre en concurrence, pour le commerce &GS Pelle|eries , avee les Anglais et les Americains des Etats-Unis : les parties plus Septentrionales de la Cote semblent, sous tous les rapports, devoir etre plus a Ieur, convenance. m clxviij INTRODUCTION. Nouveaux pas frequente'es , deciderent Don Manuel- Antonio ^ Flore^, Vice-roi du Mexique, a faire occuper, Espagnols. au nom de Sa Majeste Catholique , te Port de 1789. Nootka sous Ie nom de Puerto de San-Lorenzo que les Espagnols declaroient etre une partie integrante de Ieur Amerique du Nord, un Domaine de la Couronne. II ordonna un armement pour Fexecution de ce plan : les Fregates, la Princesa et la Querida [la Favorite] \ apres avoir ete conve- nablement equipees et munies de tout ce qui put paroitre necessaire ou seulement utile pour former im Etablissement fixe, furent expedites du Port de San-Bias dans le commencement de Mars 1789, sous te commandement de Don Marline^ pour qui cette nouvelle marque de confiance du Gou- vernement etoit une preuve de la satisfaction que Fon avoit eue de sa conduite dans PExpeditioil de 1788 ; ef, au mois d'Avril suivant, Ie Paquebot LjarenTaTU, charge d'un supple'ment de munitions de guerre et de bouche, partit du meme Port avee ia meme destination. Les deux Fregates , separe'es , peu de temps apres Ieur depart, par un violent coup de vent, arriverent a Nootka - San - Lorenzo a huit jours d'in- tervalle Pune de Pautre. Quatre. Batimens etoient mouilles dans Ie Port; deux de Boston, dont Pun e'toit une Fregate et Pautre une Be'Iandre appar- tenant au geiteral Washington, tous deux munis INTRODUCTION, clxix1 d'une Commission des Etats-Unis pour faire un Voyage autour du Monde ; Ie troisieme un Portugais , et te quatrieme un Anglais, Pun et Pautre venant de Macao, et pourvus de passe-ports expedies. par Ie Gouverneur de cette Place , pour faire Ie commerce des Pelleteries a la Cote du Nord-Ouest. Don Martine^ hesita sur Ia conduite a tenir a Pegard de ces quatre Batimens : les deux • AjHJ^ricains ne lui paroissant pas suspects, il les laissa en liberte, et il arreta les deu£ autres ; mais bientot apres Ie Portugais fut relache : FAnglais seul fut de'clare de bonne prise. Apres ce premier coupj'^utorite, ce premier acte de souverainete , ilVoccupa sans de'Iai de remplir Fobjet de sa mission; il fit batir en hois des maisons et des magasins, et eleva, a. Perrjrjee du Port, une Batterie de canons, couverte par un. parapet dont une paJissade de'fendoit Papproche. Tandis que tes. Espagnols s'occupoient avee ardeur des travaux ordonnes , un Batiment se presence a Pouverture du Port: Don Marline^ Py iaisse entrer ; mais a pejae Pancre e'toit-elle a la mer, que {§s chaloupes espaggies armees abordent le Batifient et s'en emparent, Le capitaine produit son Passe-port et sa Commission , par lesquels il constoit que Ie Vaisse&j:/venoit en droiture de Londres, et qu'il appartenoit a une Socit'te de commerce, diunent autorisce a former a Nootka un Nouveattx Voyages clxx INTRODUCTION. Nouveaux Etablissement solide : il etoit porteur d'un ordre ^ pour pre'parer des habitations pour les Colons Espagnols. anglais qui devoient y etre transported dans te cours l7$9' de Pannee sur des Fre'gates qu'il avoit laisse'es en armement dans la Tatiitse, Ces pieces que Ie Capitaine anglais faisoit valoir comme des titres qui Ie Ie'gitimoient, te Commandant espagnol les regarda comme des Pieces de condamnation ; il ordonna que Ie Batiment fut amarine, fit arborer te Pavilion d'Espagne au-dessus du Jack de la Grande - Bretagne, et i'expedia pour San- Bias ou il arriva vers Ie milieu d'Aoik. Martine^ considers. Ie Port de San-Lorenzo ou il venoit de s'etablir, comme une Possession de YEspagne; et, de ce moment, la loi de la Prohibition existoit pour ce Port comme pour tous ceux de la Domination espagnole daSMs les deux Ameriques : Ie Batiment anglais arrivant de Londws, et meme celui qui fut trouve mouiii& dans Ie Port avant la Prise de possession*, furent egalement saisis et confisque's, comme interlopes, comme contrebandiers. Mais Ie Batiment portugais , mais les deux Batimens de Boston; coiTsmer£t^chapp©Jit-iIs a la loi I comment ne sont-ils pas aussi des interlopes I Les lettres du Mexique ne s'expliquent pas sur Ie motif de cette diffe'rence dans les procede's ; et, sans doute, on ne voudra pas admettre Pexplication que les Anglais eji ont doniSdi^jfcbn ne craignoit pas, INTRODUCTION. clxxj disent-ils, la concurrence du Portugais; sa nullite' Neuveaux t -r» a i • r Voyages Ie sauva : quant aux Batimens bostoniens , les de5 Espagnols craignoient d'offenser les Etats-Unis; Espagnols. ils ne pouvoient pas oublier que ces Etats sont l7°9* bien voisins des riches Possessions de la Couronne d'Espagne dans YAmerique du Nord f L'Expedition de 1789 n'avanca pas plus les De'couvertes que ne Pavoit fait celle de Pa4ine'e pre'cedente : Ia politique et Pambition dirigeoient Pune et Pautre ; et il est assez rare que leurs operations , distinctes ou combinees, procurent quelque accroissement a nos connoissances ; il est plus ordinaire de tes voir en reorder Ie progres. Peu s'en fallut que Facte de Souverainete' exerce a. Nootka n'allumat la guerre entre FAngleterre et YEspagne, Chacune des Puissances contendantes fit valoir, comme il est d'usage , de pretendus Droits de proprie'te ; des deux parts , on invo- quoit ces ridicules Prises de possession de dessus Ie pont d'un Vaisseau', par lesquelles un Navigateur passant donne liberatement a. sa Nation toutes les Terres qui se presentent
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Voyage autour du monde, pendant les années 1790, 1791 et 1792, par Étienne Marchand, précédé d'une introduction… Fleurieu, C. P. Claret (Charles Pierre Claret), comte de, 1738-1810 1809
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Title | Voyage autour du monde, pendant les années 1790, 1791 et 1792, par Étienne Marchand, précédé d'une introduction historique; auquel on a joint des recherches sur les terres australes de Drake, et un examen critique du voyage de Roggeween; orné de carteset figures. Tome premier |
Alternate Title | Voyage around the world, during the years 1790, 1791 and 1792, by Etienne Marchand, preceded by a historical introduction; to which has been added research on Drake's southern lands, and a critical review of Roggeween's voyage; decorated with maps and figures. First volume |
Creator |
Fleurieu, C. P. Claret (Charles Pierre Claret), comte de, 1738-1810 |
Publisher | Paris : Chez Courcier, Imprimeur-Libraire pour les Sciences |
Date Issued | 1809 |
Description | "Also published in 6 vol. ed. (vols. 1-5. 21 cm.; vol.6. 29cm.)." -- Strathern, G. M., & Edwards, M. H. (1970). Navigations, traffiques & discoveries, 1774-1848: A guide to publications relating to the area now British Columbia. Victoria, BC: University of Victoria, p. 96. |
Extent | viii, cci, 294 pages ; 30 cm |
Subject |
Voyages around the world--Early works to 1800 Marchand, Etienne, 1755-1793 Drake, Francis, approximately 1540-1596 Roggeveen, Jacob, 1659-1729 Solide (Ship) Discoveries in geography Geographical positions Metric system Tlingit language Pacific Coast (North America) Indians of North America--Northwest, Pacific Travel Voyages around the world |
Genre |
Travel literature Books |
Type |
Text |
FileFormat | application/pdf |
Language | French |
Notes | Other Copies: http://www.worldcat.org/oclc/85027842 |
Identifier | F5816 .M28 1809 II-0186-iii-V01 |
Collection |
British Columbia Historical Books Collection |
Series | Voyage autour du monde |
Source | Original Format: University of British Columbia. Library. Rare Books and Special Collections. F5816 .M28 1809 |
Date Available | 2018-03-16 |
Provider | Vancouver : University of British Columbia Library |
Rights | Images provided for research and reference use only. For permission to publish, copy, or otherwise distribute these images please contact digital.initiatives@ubc.ca. |
CatalogueRecord | http://resolve.library.ubc.ca/cgi-bin/catsearch?bid=1658875 |
DOI | 10.14288/1.0364391 |
AggregatedSourceRepository | CONTENTdm |
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