@prefix ns0: . @prefix edm: . @prefix dcterms: . @prefix dc: . @prefix skos: . ns0:identifierAIP "02d8c11c-eaeb-4174-a9ff-091e5979c9fd"@en ; edm:dataProvider "CONTENTdm"@en ; dcterms:alternative "[Account of the Russian discoveries between Asia and America, to which are added, the conquest of Siberia, and the history of the transactions and commerce between Russia and China]"@en ; dcterms:isReferencedBy "http://resolve.library.ubc.ca/cgi-bin/catsearch?bid=1590198"@en ; dcterms:isPartOf "British Columbia Historical Books Collection"@en ; dcterms:creator "Coxe, William, 1747-1828"@en ; dcterms:issued "2016-07-06"@en, "1781"@en ; edm:aggregatedCHO "https://open.library.ubc.ca/collections/bcbooks/items/1.0305875/source.json"@en ; dcterms:extent "xxii, 314 pages : maps (folded), illustration (folded) ; 26 cm"@en ; dc:format "application/pdf"@en ; skos:note """ hI B ■ x 1 BB ■■ ^B ^H .:|E B ^^H H j*y" ^v'WT ■ Ire IB ■■ ■B H B BH Ji ebb n BBH| ■■. al mL / V u /r c J? ,;" jhji>; if jMniaim iii-in t« *W» 1! AVERTISSEMENT : DU TRADUCTEUR. ||J| L'Ouvrage que Ton traduit ici parle feulement des Voyages faits par les Ruffes depuis 1745, c'eft-a-dire, qu'il commence ou finit celui de M. Muller. II a le double merite de renfermer des%hofes nouvelles & inftruQives. Nous avons une idee imparfaite des expeditions que les Ruffes forment, cheque annee, aux liles fituees cntre YAme'rique & le Kamchatka. On fera fans dome etonne de la multitude d'hommes qui periffent dans ces Voyages. Les Navires ne'^en reviennent gueres fans avoir maffacre un grand nombre d'ln- fulaires, & fans avoir perdu, dans les combats I une partie de leurs Matelots & de leurs Chaffeurs. Les Negocians particuliers veulent exiger des Tributs lies Naturels; & ceux-ci les regardant comme des Ufurpateurs \\ cher- a ■*Q m \\j?i /* ij AVERTISSEMENT. client toutes Its occafions polTibles de Its detruire. Eft-ce done un fl gnnid avantage pour la Ruffie de foumettre ces peuplades pauvres & d'en arracher quelques pelleteries > II faut avouer que ces Navigateurs Ruffes font inhumains, & qu'ils tuent Itgt- rement les Habitaris des Ifles ou ifc vont aborder. II eft probable que la Czarine ne p^ut empecher ces meurtres puifqu'elle ne les empeche pas. Nous devons dire, a 1'hon- neur d'une Najion ennemie, que les Anglois envoyes a la decouverte des nouvelles terres ne fe comportent pas ainll. Nous invitons les Geographes de pro- feflion & les faifeurs de Cartes a profiter des decouvertes que renferme cet Ouvrage, en 17 7 %, tc les annees fuivantes. Lorfque je le cite, j'abreVie de cette maniere. S. R. G. avec Indication du volume 8c de la page. J'ai fur- tout.:fait ufage des Traite's que voici. Vol. II, pag. 195, &c. Gefchchite der Gegenden an dem fluffe amur. $jfe II y a une Tradudion Francoife de ce Traite, qui porte le titre de « Hiftoire du Fleuve Amur '■>» in- \\i. 3 AmJlerdam, 1766. Vol. Ill, pag. 1, &c. Nachrichten von fee Reifen, &c. II y a une Traduction Angloife 8c une autre Franc,oife de' cet Ouvrage : la premiere appellee « Voyages from Afia to America for compleating |j the difcoveries of the north weft coaft of Ame- | rica, &c. | in-4..0, Londres, 1764; la feconde porte le titre de « Voyages 8c Decouvertes faites b « par les Ruffes> &c<» in-11, AwJIerdam, 1766; _pag: 415. Nachrichten von der hanlung in Sibirien. Vol. VI, pag. 109, Sibirifche Geshchte. Vol. VIII, pag. 504, Nachricht vonderRuf- fichen handlug nach China. Pallas Reife durch verfchiedene provinzen des Ruftjfchen reichs, en trois Parties, in-4.0, Pe^ters- bourg, 1771, 1775 8c 1776,. ainfi cite', Pallas Reife Georgi Bemerkungen einer Reife in Ruflifcheri Reich in Iahre, 1772 , 5 vol. z/z-4.0, Pdtersbourg, 17 75 > cite : Georgi Reife. Fifcher Sibirifche Gefchichte, z vol. in-%* > Pe'tersbourg, cite : Fif Sib. Gef Gmelfn reife durch Sibirien, Tom. IV, zn-8. ^ Gottingue, 1772., cite': Gmelin Reife. 11 y a une Traduction Francoife de cet Ouvrage ^ qui porte le titre de « Voyage en Siberie|j , par M. Gmelin, Paris, 1767. Nevefte Nachrichten von Kamtchatka aufgefetftr im Junius des 1773, yahren von dem dahVei? Befehls - haber herrn Kapitam Smalew. Aus dem abhandlungen der freyen Ruflifeherf Gefcllfchaft Moskau. Le Journal de Saint-Pe'tersbourg, dumois d'Avril 1776 , eft cite ^ Journal de Saint-Petersbourg, . \\ ■ ¥.* Ml XJ "" EXPLICATION De quelques Mots RuJJes "employe's dans cet ■ Quvmge. Baidar, un petit bateau. Guba, une baie. Kamen, un rocher. Kotche y un petit navire. K.repqjl, une fortereffe reguliere. NoJfj un Cap. OJlrog, une fortereffe cnvironnee de paliffades. OJlroff, une Me. '. ; f- Ojh'ova3 Ifles. Quajj', elpece de liqueur fermelKee. Reka, une riviere. Les Ruffes font ufage des patronimiques dans leurs noms propres. Ces patronimiques fe forment, dans quelques cas, en ajoutant vitch au nom de bapteme du pere *, dans d'autres, en ajoutant off ou eff. Offncic donne qu'aux perfonnes de qua- HP Fib; If xij $f£& : ejfa. celles d'un rang tBferidttT: par exemple; on dit : Pour les perfonnes de qualite, ( Michel Alexiovitch J Michel, £1$ Et pour celles d'un rang infe- j d'Alexis. rieur , Michel AlexeefT. [ On ajoute quelquefois le furnom; par exemple , Ivan Ivanovitch RomanofE iji EW m Xllj TAB L E Des Poids, des Mefures de longueur, & de la valeur des Monnoies de RuJJie. Poids* ' Un Poude pefe 40 livres de Ruffle, =a 36 d'Angleterre, 8c environ $z livres poids de marc de France. Mefures de longueur. 16 Vershcks = une Archine. 1 Archine = z 8 pouces d'Angleterre : le pouce d'Angleterre eft un peu plus petit que celui de. France. 5 Archines ou 7 pieds g $ne braffe ( a) un Sazshen. 500 Sazshens = une verfte. Un degre de longitude comprend 1047 verftes = egales a 691 milles Anglois. Un mille Anglois ( a ) La Brafle de Ruflie , pour melurer la profondeur de l'eau , eft la meme que la Brafle Angloife : elle eft egalernent de fix pieds. UBi xiv forme done y15 panics d'une verfte : deux milles Anglois peuvent etre_ evalue's a. trois verftes en retranchant une petite fraction. Valeur des Monnoies de RuJJie. La rouble; qui vaut i oo copecs, vaut en An- gleterre, fuivant le Change, de 3 fchelings 8 pences a 4 fchel. z pences : environ 4 livres 10 fo|s tournois. * 4£ :2iA.U xV }.\\'1§T A|B L E 11 DES CHAPITRES. $. \\.tr Observations pr£ziminaires fur le Kamtchatka ,• Decouverte & conquete de cette Peninfule ,• fon Etat acluel; fa Population & fey Productions; Tributs qu'en tire la Ruflie, Page i. §. 11. Idee generale du Commerce qu'on fait aux Ifles nouvellement decouvertes ,* equipement des Navires : rifques qu'on court> benefices, &c. 6. $. III. Fourrures & Peaux qu'on tire du Kamtchatka & des Ifles nouvellement decouvertes > y. PREMIERE PARTIE. Chapitre Premier. Commencement & progres des Decouvertes des Ruffes dans la mer du Kamtckatka; divifion generale des Ifles nouvellement decouvertes , 13. Chap. II. Voyages faits en 1745 > Premieres decouvertes des Ifles Aleiitiennes , par Michel Nevodt- fikoff, l$. mil I xvj TABLE :;V Chapitre III. Voyages faits, de 1747, a 175$, dans les parages de I'lfle d'autres meurent de maladie; Us fe trouvent dans une grande detreffe ,• Us font reduits au nombre de dou^e ,* Defcription ^Umnak & af'Unalashka , 79- | Chap. X. Voyage d'Etienne Glottoff; il arrive aux Ifles des Renards; il va au - dela ^/'Unalashka jufl qu'a Kadyakj il paffe Vhiver fur cette Ifle; les Naturels effaient, a differentes reprifes , de tuer I'equipage; Us font repouffes ,• Us fe reconcilient, & Us commercent avec les Ruffes ,• Defcription de Kadyak; Remarques fur fes Habitans , fes animaux , fes productions ; Glottoff retourne a Umnak; il y paffe un fecond hiver ,• fon retour au Kamtchatka j Journal de fon Voyage, 95. Chap. XI. Voyage de Solovioff ; /*/ arrive a Una- lashka, & paffe Vhiver fur cette Ifle I recit de ce c I II! m jggj i TABLE I qui lui arriva ; les Naturels effajignt infruMueufe- ment.de detruire I'equipage; retour de Solovioff au Kamtchatka 3 Journal de fon retour ; Defcription des Ifles d'Umnak & ^'Unalashka ; Productions ; Habitant; leurs Mceurs; leurs Ufages x &c. Page 110. Chapitre XII. Voyage d'Otcheredin; il paffe Vhiver a Umnak ; arrivee de Levasheff a Unalashka; retour . d'Otcheredin a Ochotsk, 14a. Chap. XIII. Ex trait du Journal du Voyage du Ca- pitaine Krenitzin & du Lieutenant Levasheff aux Ifles des Renards en 1768 & 1769 ; depart du Kamtchatka ; arrivee aux Ifles de Bering & de Cuiyre j aux Ifles des Renards ; Krenitzin paffe I'hiver a Alaxa ; Levasheff a Unalashka ; Produ-clions d'Una- lashka j Remarques fur les Habitans des Ifles aux Renards; leurs Moeurs ; leurs Ufages, 8cc. i 45?.. Chap. XIV. Voyage du Lieutenant Synd au N&td- Efl de la Siberie; // decouvre un grouppe d'Ifles ; & un Promontoire qui lui paroit appartenir au continent de /'Amerique 3 & qui eft fitue pres de la cote des Tfchutski, 1 s7. Chap. XV. Pofition des Ifles Aleutiennes & des Ifles aux Renards j diftance de ces deux grouppes. Petit Vocabulaire de la langue des Aleiitiens. Supplement general aux remarques faites dans les Chapitres DESCHAPITRES. xk precedens fur les Vetemens } les Moeurs, les Ufages des Infulaires ; leurs Fites ; leurs Ceremonies , &c. Page 170. Chapitre. XVI. De la Longitude du Kamtchatka, & de I'extremite orientate de /'Afie, telle an'elle eft marquee par les Geographer Ruffes , 181. Chap. XVII. Pofition des Ifles AndreanofTsky; nom- bre des Ifles Aleutiennes, 191. Chap. XVIII. Lifte des Ifles nouvellement decouvertes , donnee par un Chef Aleutien ; Catalogue des Ifles appellees de differens noms dans les Jour- naux des Navigateurs Ruffes, 194. Chap. XIX. ConjecluresMur la proximite des Ifles aux Renards & du continent af'Amerique , 197. Lf?fl aXU Chap. XX. Refume des preuves qui annoncent que Bering & Tschirikoff ont touche fur la cote d'Ame- rique, en 174 ij ou qu'ils s'en font beaucoup appro- ches _, i-99« Chap. XXI. Des Tschutski ; les Traditions de ces Peuplades fur la proximite de leur cote, de celle de /'Amerique , femblent avoir ete confirmees par les Journaux des demiers Navigateurs ; Plenifner envoy e pour verifier cette idee ; refultat de fon Voyage t 203. cij I II >*>i H XX TABLE Chapitre XXII. Teniat&yes des Ruffes pour dttthkifcirle pajfage au Nord-Eft; Nitres partis d'Archangel pour cingler du cdte de la Lena ; autres partis de la Lena pour gagner le Kamtchatka; Extrait du Voyage de Defshneff auiour de Tfchukotskoi-nofT, tel qu'il eft raconte par Muller ; Voyage de Shalauroff, depuis la Lena jufqu'a Shelatskoi-nofE Page zo6. Chap. XXIII. Liftes des princhpales Cartes fur lef- quelles font trades les decouvertes des Ruffes, 130. w v 1 - I 1 I h:i «#1 SECONDE PARTIE Conte NJN T I'Hiftoire de-la Conquete de la Siberie ; & du Commerce qui fe fait entre la Ru/fie & la Chine, 237. Chapitre Premier. Premiere irruption des Ruffes dans la Siberie 5 feconde irruption ; Yermac chafe des environs du Volga par le C^ar de Mofcovie , fe retire a Orel Etablijfement .Ruffe; il entre dans la Siberie avec une armee de Cofaques ; fes progres & fes exploits ; il defait Kutchun - Chan / il fait la conquete de fes Domaines ; il les cede au Crar; il eft furpris par Kutchun - Chan; fa difaite & fa mort; reflect pour fa mimoire ; les Troupes Ruffes DES C H A P I T R E S. XX) evacuent la Siberie 5 elles y rentrent & foumettent tout le pdfs1; leHtf progriWarrites par les Chinois , Page 239. Chapitre 11. Commencement des hoftilites entre les Ruffes & les Chinois ; difputes fur les umites des deux Empires; Traite de Nershinsk; Ambaffadeurs en- voyes a Pekin par la Cour de Ruflie j Traite de Kiachta j etabliffement du Commerce entre les deux Nations, a $ £. Chap. III. Defcription des Etabliffemens Ruffes & Chinois t fur les frond ere s de la Siberie \\ Defcription de Kiachta, ville frontiere appartenante aux Ruffes ; de Zuruchaitu, ville frontiere appartenante aux Chinois ; fes Bdtimens , fes Pago des , &c. z6$. Chap. IV. Commerce entre les Chinois & fes Ruffes^ Etat des principals y&xportations & Importations; Droit de la Douane ; Eftimation generale du Commerce fait par les Ruffes , 286 Chap. V. Defcription de Zuruchaituj fon Commerce; tranfport des marchandifes dans I'interieur de la Siberie, 2,5,8. Chap. VI. Rhubarbe de la Tartaric , qu'amenent it Kiachta les Negocians de la Buchariej maniere dont HI r| y xpj T A B L E, &c. on examine & dont on achete les racines; differentes efphces de Rheum qui donnent la plus belle Rhubarbe ; Prix de la Rkubarbe en Ruffie; Exportation j fuperiorite de la Rhubarbe de Tartarie fur . celle de /'Inde, Page 303. 1!: ■ ill NOUVELLES DECOUVERTES «N ism I I Hi fm m H hl lis i ■IB a ill 1 III! 11 NOUVELLES DECOUVERTES ■,.\\.;,' ' ; FAITHS .^ibi^a?,' ~$. PAR LES R USSES, L'ASI'E ET L'AMERIQUE. A ; ■■'"-•■-•■ §.:#P REMIER. ^^^ffi Observations pr£liminairesfur le Kamtchatka ; decouverte & conquete de cette Pdninfule; Jon Etat acluel; fa Population & fes Productions; Tributs qu'en tire la Ruffle. Jues Russes ne dccouvrirent la Peninfule du Kamtchatka que fur la fin du dernier fiecle. La premiere expe- Decouverte dirion, entreprife vers cette partie du globe, eut lieu en Kamtchatka, 1-696 \\ feize Cofaques, fous le commandement de Saeme- noS Morosko, envoyes contre les Koriaques de la riviere A Premiere I Hi SI m m F **■ 68 1: Kamtchatka. 2 NOUVEEIES DECOUVERTES Opooka, par Volodimir AtlaflbfF, Gcmvemem&A nadirs k, s'avancerent jufqu'a quatre jours de chemin de la riviere du Kamtchatka, & retournerent a Anadirsk 3 apres avoir rendu tributaire un village Kamtchadale ( a). m L'annee J&ttVANTE, Atlaflbffpenetra dans la Pejomfule a la tete d'un corps plus nombreux j il prit pofleflion de la riviere du Kamtchatka en plantant une Croix fur fes bords, &: il conftruifit quelques cabanes a l'endroit ou fe trouve aujourd'hui l'Oftrog ou Fort (b) fuperieur de Kamtchatkoi. Les Ruffes Des ce moment, la Cour de Ruflie continua ces expe- font la con- Virions. on bacic TOftrocr inferieur de Kamtchatkoi : on quete de cet- ' ■ . ^ . , , te Peninfule fie la conquete de la partie meridionale de la Peninlule, feiKm^Co- on v etablit uneColonie : &, en 171 r, la Peninfule toute lonie. entiere etoit foumife au Czar. Si l'on excepte un leger tribut de fourrures que payoient les habitans, cet etabliflement rapporta , pendant quelques annees, tres-peu de chofe a la Couronne. Les Rulles y alloient par intervalles faire la challe du renard j du loup , de l'hermine , de la zibeline & d'autres ani- maux, dont les fourrures precieufes forment un commerce etendu chez les peuples cte l'Orient. Cette branche n'eft (a) S. R. G. V. Ill, pag. 7z. (b) Le mot d'Oftrog ne fignifie pas feulement un Village, mais un Fort : il y a beau coup de Forts dans le Kamtchatka , & il V a des Bourgades fans Forts qu'on appelle auifi Oftrogs. ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 3 devenue im|>ortante qua 1'epoque ou les Ifles, fituees entre XAfie & YAmerique, furent decouvertes, dans une *»BCH*1**- fuite de voyages dont nous publions ici les Journaux en abrege. On tire de ces Ifles une fi grande quantite de belles fourrures, que le commerce du Kamtchatka eft plus confiderable qu'on ne le croit, & procure a la Metropoie beaucoup de richefTes. Le KAMTCHATKA eft fitue entre le 5 i.me & 6z.me de- gresde latitude nord & le 175.™ &c i8z.me de longitude, mefures de rifle dcEer (a). II eft borne a l'Orient & au Sud par la mer du Kamtchatka, a l'Occident par les mers d'Ocho-tsk & de Pemhinsk 3 & au Nord par le Pays des Koriaques. Il est diyisk en quatre Diftri&s: celui de Bolcheresk; Divifion du Tigilskaia ; Krepofi; V^crchney ou l'Oftrog fuperieur de c Kamtchatkoi ; & Nishney 'bu l'Oftrog inferieur de Kamtchatkoi. Le Gouvemement refide dans la Chancellerie de Gouverne- Bolcheresk , laquelle eft foumife a l'infpe&ion de celle d'Ochotsk. II n'y a pas plus de 300 hommes de Troupes Ruffes cantonnees fur cette Peninfule ( b ). "La population a&uelle eft tres-petite-, on y compte Population. a peine quatre mille amesj elle etoit plus confiderable (a) L'Auteur Anglois dit I'lfle de Fero; quoiqu'il ySaft, au Nord des JVeftemes & de Ylrtande, une Ifle de Fero qui appartidnt an Roi de Da~ tumarck ; il veut fans doute parler de I'lfle deFer, Tune des Canaries. (b) Journal de Saint-Peterfbourgj du mois d'Ayril 1777. A ij I till!- m\\ i i i Pi ' il Hi! a 4 No.UVELLES DECOUVERTES n jautrefois; mais, en 1768, la petite verole emporta cinq Kamtchatka. mjj|e trojs cens f0JXante - huic perfonnes j le denombre- ment ne porte qua fept cens fix les males tributaires de la Ruffle; & feulement a cent quatorze les Infulaires des Kouriles foumis a la Czarine. Tributs. Le tribut annuel eft fixe a deux cens foixante-&-dix-; neuf zibelines, quatre cens foixante-quatre renards rouges* cinquante groffes Ioutres de mer & trente-huit petites. Toutes les fourrures, exportees du Kamtchatka 3 paient de plus un droit dedix pour cent. Les Negocians remettent aulfi aux Douanes le dixieme des cargaifons tirees des Ifles nouvellement decouvertes. Volcans. On voit plufieurs traces de volcans dans cette Peninfule , & des montagnes y bmlent encore. Le plus gros de ces volcans eft fitue pres de l'Oftrog inferieur. En 1761, un bruit fbuterrain annonca qu'il etoit en travail , & il vomit des flammes de differens cotes. Ce feu fut imme- diatement fuivi d'un vafte torrent de neige fondue , qui prit fon ecoulement dans la valiee voifine , & engloutit deux Kamtchadales qui fe trouvoient a la chafle. Les cen- dres & ies matieres combuftibles s'etendirent a trois cens verftes de circonference. En 1767, il y eut une autre eruption , mais moins forte : tous les foirs, on obfervoit des trainees de feu qui jaHliflbient dela montagne: l'erup- tion qui les accompagna, caufa des pertes confiderables aux habitans de l'Oftrog inferieur. Depuis ce moment on n'a point remarque de flammes; mais le volcan jette fans Kamtchatka. ENTRE L'A'SIE ET l'AmeRIQUE. | ceffe de la fumee ainfi qu'un autre , appelle Tabacl- shinskian. Le Pays eft plein de montagnes; il produit en quel- Prociu&ion. ques endroits du bouleau, des peupliers, des auncs, des faules, des brofTailles & des fruits fauvages de differentes efpecesj les choux blancs, les navets, les radis, les bette- raves, les carottes, les concombres & les herbages y croi£ fent avec beaucoup de facilite. Lagriculture eft trcs-negli- gee, ce qu'il faut attribuer fur-tout a la nature du fol & a des gelees blanches ties - apres. On a eflaye la culture du bled, de l'avoine, de l'orge & du feigle\\ mais la quan- tite ni la qualite de la recolte n'ont jamais repondu aux avances. Cependant le chanvre a reuffi ces dernieres a|i-' nees (^2). Un vaisseaxj de la Couronne fe rend, chaque annee, d'Ochotsk au Kamtchatka , charge de fel ,-de provisions de bled & de marchandifes des Manufactures Rufles, & il. rapporte aux mois de Juin & de Juillet des peaux & des fourrures. f?£» (c) Journal de Saint-Peterfbourg. I i III -J 6 4& JOUVELLES DECOUVERTES ^SS^s $$* §. I I. Idee g£neb.ale du Commerce qu'on fait aux Ifles nouvellement decouvertes; equipement des Navires; rifques qu'on court, benefices, &c. 'epuis le voyage de Bering, fait aux depens de la Kamtchatka. Couronne , les decouvertes ont ete continuees prefque toujours par des Particuliers, & fur-tout par des Nego- cians de Yrkutsk, Yakutsk , & des autres endroits de la Siberie 3 qui forment de petices Compagnies, & equipent des Navires qu'ils envoient a la decouverte des Ifles fituees entre YAfie & YAmerique , dans l'efperance d'y trouver des fourrures.; Equipement La plupart des Batimens deftines a. ces expeditions Navires. p0rtent deux mats 5 ils font ordinairement conftruits fans fcr, & , en general, fi mauvais qu'on a peine a concevoir comment ils peuvent affronter des mers aufli orageules: on les appelle en Langue Rufle Sitiki 3 ou Navires dont les bordages font coufus j &, en effec, toutes les parties font affemblees avec des lanieres de cuir. On en conftruit quelques-uns dans la riviere du Kamtchatka, mais le plus grand nombre eft travaille au Havre d'Ochotsk. Les plus gros ont foixante-dix hommes d'equipages, & les moin- dres quarante, dont une nl&tie eft.Ruffe &' l'autre Kamt- chadale. Comme on donne peu de chofes aux Kamtcha- dales, on les prend par economiej d'ailieurs ils refiftenc Kl:) 1 ■ li K" in ! ill m¥: J II B 1 IpJ ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. J plus aifement aux attaques du fcorbut. Mais les Matelots ■■•■-"" - Mofcovites font plus entreprenans, &, dans les dangers, on peut compter davantage fur eux. Ils font ainfi necef- faires pour ces voyages. Les frais de conftruclion & d'equipement font tres- confiderablesj car Ochotsk ne fournit que le bois, il faut faire venir ^Yakutsk fur des chevaux, les cordages, la voilure & les provisions. La cherte du bled, & des differens grains qu'on eft oblige de tiier des environs de la Lena, ne permet pas d'en embarquer autant qu'il en faudroit pour ces voyages, qui durent deux ou trois ans. On fe contente done de charger les Navires de ce qui eft necefc faire pour que les Matelots Ruffes aient toujatir-s du quafs ou une autre liqueur fermentee. Le betail eft rare a Ochotsk &c au Kamtchatka (a)3 & ces cantons fourniffent peu de viandej mais l'equipage fait provifion de quadrupedes marins ou de poiflons qui fe prennent & qui fe falent fur I'lfle de Bering, ou la plupart des batimens pafient l'hiver. Les frais d'equipement d'un de ces Navires, montent, pouEj^'ordinaire, de quinze a vingt mille roubles, & quel- (a) En 1771, il n'y avoit que cinq cens foixante-dix tetes de betail dans toute la Peninfule. Une vache s'y vend de cinquante a foixante roubles, & un boeuf depuis ioixante jufqu'a cent. Le prix moyen d'une livre de boeuf frais eft de douze copecs & demi. Cette cherte eft d'au- tant plus grande qu'4 Mofcow la livre de boeufne coute que trois copecs. Journal de Saint-Peterlbourg. ==■»==== L^iPT*^ %1; i il B1 Hi! 1 MPS W3 m ■ tilt i 1 illi nl ill ill 1 ill li p i/»j illj Twill 8 NOUVELLES DECOUVERTES _ qucfois ils vonta trente. Cette fomme fe'divifeen anions. Kamtchatka.- £a mife totale eft de trente a cinquante actions , dont chacune eft de trois cens a cinq cens roubles. Les risques font tres-grands; car il arrive de frequens naufrages dans la mer orageufe & pleine de rochers du Kamtchatka; d'ailleurs les equipages font fouvent furpris & maffacres par les Infulaires, qui de plus detriment les Benefices. Navires. En revanche les benefices des ces expeditions font fort considerables, & forment une forte de compenfation ; cur fi un Batiment revient, apres une expedition heurepfev le profit calcule , fur un taux mediocre, eft de cent pour cent, & fouvent du double; & lorfqu'il peut faire un fecond voyage, cela diminue les frais de mife & par confequent les actions. On peut fe former une idee de ces benefices, d'apres la vente d'une riche cargaifon de fourrures, amenee au Kamtchatka, le z Juin 1771, par un Batiment qui venoit des Ifles nouvellement decouvertes, & qui appartcnoit a Ivan Popoff. La dixieme partie des fourrures preleveea la Douane," chacune des cinquante-cinq actions rapporta vingt loutres de mer, feize renards noirs & bruns, dix renards rouges* trois queues de loutres : routes ces portions fe vendirent fur-le-champ de huit cens a miile roubles; ainfi, la cargaifon entiere valoit environ cinquante mille roubles (a). («) Georgi Reife, Tom. J, pag. z} fi-/WV. Journal de St. Peterfbourg. §. III. Wi i ENTRE L'ASIE ET l'AmERIQUE. 9 Fourrures & Peaux qu'on tire du Kamtchatka & des Ifles nouvellement decouvertes. Les principales fourrures qu'on tire du Kamtchatka & des Ifles nouvellement decouvertes, font des loutres de mer, des renards, des zibelines, des hermines,des loups, des renards blancs : on les tranfporte a Ochotsk fur mer; & de-la on les conduit par terre a Kiachta (a), fur les frontieres de la Siberie, ou la plus grande partie fe vend tres-cher aux Chinois. Les robes des loutres de mer font les plus precieufes de ces fourrures. On trouve un grand nombre de ces animaux fur les Ifles Aleutiennes, & fur celles des Renards : les Hufies leur donnent le nom de bobry morsky ou de caftors de mer, & quelquefois de caftors du Kamtchatka J a caufe de la reflfemblancc de leur fourrure a celle du caftor ordinaire. C'eft ce qui a induit en erreur pluficurs Auteurs, qui placent cet animal dans la clafle des caftors j c'eft veritablement la loutre de mer (b). Les femelles font appellees Matka, & les petics qui n'ont pas cinq mois Medviedki, ce qui fignifie ourfins, («) Nous parlerons plus bas de Kiachta. Nous donnerons le plan de cette Ville. (*) S. R. G, III, pag. 01 B Loutres de mer. 11 \\M pm I! 10 NoiTVELLES DECOUVERTES parce que leur robe reflemble a celle des ours. A cinq mois ils changent de robe, & on les appellealors Koschloki. Les fourrures de la plus belle qualite, font d'un poii epais 5c long, dune couleur brune & luifante. On prend les loutres de quatre manieres; on les harponne avec des darts, au moment ou elles dorment couchees fur le dosj on les fuit en bateau, jufqua ce qu'elles foient fatiguees; on les furprend dans des cavernesj ou on les enlace dans des pieges. Les fourrures font de differens pjfix, fuivant la qualite. Au Kamtchatka (a) , les plus belles fe vendent de i o a 40 roubles. Celles d'une qualite moyenne de. . zo a 30. Et les plus mauvaifes de 15 a z j. A Kiachta (b)y\\a. peau des loutres vieilles ou d'un moyenage fe vend aux Chinois de. . . 80 a 100 roubles. Et celles de la derniere qualite de. 30a 40. Les Chinois les payant fi cher, on n'en apporte gueres en Ruffe pour les vendre 5 plufieurs de celles que les Douanes envoient a Mofcow , s'y achetent 30 roubles j on les renvoie de - la fur les frontieres de la Chine 3 & malgre les frais du voyage, les Negocians gagnent encore beaucoup. Differentes On TROSPORTE du Kamtchatka en Siberie & en regardsdC RuJJie, plufieurs efpeces de peaux de renardj les princi- ^* mi (a) Journal de Saint-Peterfbourg. (b) Pallas Reife3 Part, j, pag. 137. ENTRE L'AsiE ET l'AmeRI QUE. II bales font celles des renards noirs j des petfi ou renards ar&iques, & des renards*roux(tf). Les plus beaux renards noirs fe prennent dans les differentes parties de la Siberie; &C plus ordinairement dans les cantons du Nord, fitues entre la Lena 3 YIndigirka s 6c la Kovyma (b). La fourrure de ceiix qu'on trouve fur les Ifles les plus orientales, decouvertes par les Ruffes, & auxquels on donne le nom de Lyffie Oftrova } n'eft pas fi precieufej ils font tres-noirs & tres-grands j mais leur robe a communement la groflierete de celle du loup. S'ils font moins beaux que ceux de Siberie s voiei proba- blement quelle en eft la caufe. Le froid eft moins rigou- reux fur ces Ifles ; &c, cotnme il n'y a point de bois, les renards y vivent dans les trous & les cavernes des rochers, au lieu que la Siberie eft couverte de vaftes forets , qui leur offrent des repaires. Cependant on prend quelquefois des renards noirs dans les Ifles les plus proches de YAme- rique ; & ces terres netant pas abfiahiment privees de bois, la fourrure de ceux-ci eft d'une grande valeur. Mais les Chinois qui paient fi cher les fourrures noires , ne donnent pas plus de vingt a trente roubles d'un renard noir des Ifles nouvellement decouvertes. il (a) L'Auteur Anglois donne a ces derniers le nom de red and fione foxes i peut-etre entend - il par les fione foxes , des renards gris qui approchent de la couleur de la pierre. Il appelle arctic foxes les petii que nous avons appell^s renards du Nord. Il leur donne auffi le nom de jce foxes, ou renard des pays de glace & renards bleus j mais nous ignorons fi c'eft le renard bleu dont parlent nos Naturaliftes. (b) S. R. G. V. 3. Pallas Reife. Bij I IB 1 HI ! *!*■ . Ill; 11 NOUVELLES DECOUVERTES^ cSGc. Les renards ar&iques ou des pays de glace, font tres- communs fur quelques-unes des Ifles nouvellement decouvertes 5, les Ruffes les appellent petfi , & les Allemands renards bleus (a). Leur couleur naturelle eft cendree, ou d'un oris bleuatre ; mais ils en chanp-ent fuivant fage 6Z a differentes faifons de 1'annee. En general, ils font gris au moment de leurnaiffancej blancs pendant l'hiver, 6c gris en ete j 6c comme leur poil tombe peu-a-peu, le printemps & 1'automne ils font marquetes & croifes. A KlACHTA (b) _, le prix moyen de ces differentes varietes vendues aux Chinois eftde 50 copecs ai- roubles, Au Kamtchatka celui des renards couleur de pierre > (ftone foxes) de. . 1 a z~. Celui des renards roux de. . . . 1 rouble a 80 copecs. A Kiachta de 80 copecs a 9 roubles. Les peaux de loups ordinaires 2, Celles de la meilleure qualite de....... 8 a 16. Les plus belles zibelines de ' %\\ a. 1 a. Un poude des plus belles dents de cheval marin (c) fe vend, a Yakutsk, .., ro roubles, D'une qualite moyenne 8. De la derniere qualite de 5 a 7. Quatre, cinq ou fix dents pefent ordinairement un poude i & quelquefois, mais rarement, trois fuffifent pour en former un. Les dents fe vendent aux Chinois, aux Mongols & aux Calmouques. (a) Voyei la Synopfis de Pennant* (b) Voyage de Pallas. (c) S. R. G. Vol. u Will DECOUVERTES F A I T E S - ■ , $|j PAR LES RUSS-v "" ENTRE LE KAMTCHATKA ET L'AMERIQUE. PREMIERE PARTI E. => CHAPITRE PREMIER. Commencement & progrh des ddcouvertes des Ruffes dans la Mer du Kamtchatka; divifion gine'raledes Ifles nouvellement decouvertes {a). La soif des richeffes fut le principal motif qui excita les Efpagnols a la decouverte de YAmerique, & tourna les vues des autres Puiflances maritimes vers le Nouvean M (a) C'eft let que commence TOuYrage Allemand dont M» Coxe parle dans fa Preface* 14 NoUVELLES xDECOUVERTES Monde. La trjeme paffion occafionna, au milieu du feizieme fiecle, la deqouverte 6c la conquete de la partie fepten- trianjde de YAfie , qui jufqu'alors etoit auffi inconnue pour nous y^iie Thule 1'eeoit pour les Aneiens. Le fameux Conquete Yermac ( a ), a la tete d'une bande d'Aventuriers moins de la Siberie. civilifes, mais moins inhumains que les Compagnons do Cortez 6c de Pizarre, commencerent cette conquete. L'ac- quifition de cette vafte contree, qu'on appelle aujourd'hui Siberie , a donne aux Ruffes un Empire plus etendu que celui d'aucune autre Nation. Commence- Le Czar Pierre , le plus grand Souverain qui ait parii mentdesnou- fur leTrone de Ruflie, avant l'lmperatrice a&uelle, convenes. -* cut le premier projet (b)de faire des decouvertes dans cette mer orageufo, fituee entre le Kamtchatka & YAmi- rique. Les relations de M. Muller ont aflez inftruit lc Public de la nature & du fucces des expeditions qu'on fit fur cette partie de l'Ocean, fous les Succefleurs immediats du Czar. Des que Bering (c) 6c TfchirikofF eurent ouvert (, le Capitaine Tsheredoff & le Lieutenant KashkarefF, furent fes Succefleurs. En 1760, Foedor Ivanovitch Soimonoff, Commandant de Tobolsk , tourna fes vues du cote des Ifles dont on vient de parler, & la meme annee le Capitaine Rtfiftsheff, qui cornman- doit a Ochotsk , donna des inftru&ions au Lieutenant Shmaleff, ie meme qui fut enfuite Gouverneur du Kamtchatka , pour diriger & encourager toutes les expeditions qu'on voudroit faire dans ces mers, Jufqu'ici toutes les -:lii!ili: (a) L'Auteur Allemand que fuit ici M. Coxe, compte la longitude du meridien de Ylfle de Fer. La longitude & la latitude qu'il donne aux Ifles des Renards, correfpondent exa&ement avec la pofition qu'elles ont dans les Cartes generates de la Ruffle. La longitude de riflede Bering, de I'lfle de Cuivre , & des Ifles Aleutiennes, en different un pe.u. Nous reviendrons plus bas fur cette difference. decouvertes ENTRE LAsiE ET l'AmeRIQlTE. \\J decouvertes pofterieures au voyage de Bering s'etoient faites fans l'intervention de la Cour ,_fur de petits Navires equip^s aux frais des Negocians particuliers. L'Imperatrice actuelle, zelee pour tout ce qui peut L'lmpera- donner de 1'agrandiflement a l'Empire de Ruflie, a rani- favcorjfe "ou_ me le gout des decouvertes j elle a encourage par des re- tescesexp^- °r , _T/ . , ditions. compenfes les Negocians qui entreprennent des voyages 'dans ces mers. Elle a ordonne, a fes frais, une expedition difpendieufe (a), pour determiner la veritablepofition des differentes Jfles, 6c les reffources qu'elles offrent au commerce. En attendant que le Journal 6c les relevemens de ce voyage foient publies, avec tous leurs details, on peut affu- rer que plufieurs Geographes modernes avancent YAme- rique trop a TOrient, ainfi que nous le dirons dans la fuite, & que la Siberie ne setend pas a l'Eft aufli loin que le marquent les Cartes Ruffes. Les descriptions 6c meme les conje&ures du celebre MullBf, fe confirment de jour en jour par les faits. De plus , on a reconnu derniere- ment (b) la jufteflferde fa fuppofition touchant la forme de la cote de la mer d'Ochotsk. Quant a letendue de la - —' -■■■ — ■ —- - - (a) L'expedition fecrete du Capitaine Krenitzin & de Levasheff, dont le Journal & les Cartes ont ete envoyes au Docteur Robertfon, par rjfifb peratrice; ( Voye\\ l'Hiftoire d'Amerique. ) C'eft d'apres ce Journal que nous avons compofe le Chap. XIII. {b) M. Muller, en publiant fa Collection, conjecture que la cote de la mer d'Ochotsk s'etend au Sud-Eft vers la riviere aUd, & de-la au Sud-Eft jufqu'a i'embouchure du fleuve Amour; le voyage du Capitaine Synd a prouve depuis qu'il ne fe trompoit pas. si! if || lif; m ±h: i it' l!»i jf ill Biif if |M|| j 1 j Pi; pill II jh 'y- I IS m i| !|i 1 |i II :|il 18 NOUVELLES DECOUVERTES Sibefie, il paroit incontestable, d'apres les obfervations les plus recentes, que fon extremite orientale s'etend par de- la (a) le ioo.me degre de longitude; &, pou. ce qui re- garde les cotes occidentales de YAmerique, tous les voyages faits aux Ifles nouvellement decouvertes prouvent, d'une maniere evidente, quele continent n'a pas, entre les 50 6c les 60 degres de latitude, de pointe plus proche de YAfte, que la cote ou toucherent Bering & Tfchirikoff (b), par les 236 degres de longitude. La Carte, qui fe trouve dans le Calendrier Geogra- phique de Petersbourg 1774 , donne une pofition tres- fautive aux Ifles nouvellement decouvertes j l'ancienne Carte des nouvelles decouvertes, publiee par l'Acade- mie Imperiale, 6c qui femble avoir ete faite fur cL nj$i- ples oui - dires , ne merite pas plus d'attention. Nous re- viendrons ailleurs (c) fur l'exactitude ou les defaut? des Cartes qu'on a gravees touchant la partie du globe qui fe trouve entre YAmerique 6c YAfte. Portion des - Les derniers Navigateurs donnent, aux grouppes Ifles nouvel- ^'Ifles qUon y voit, une pofition bien differente de celle ment decou- ^ / . . qu'on leur aflignoit. Suivant eux , I'lfle de Bering git directement a i'Eft de Kamtchatkoi Nofs> par le 185 ,me degre de longitude. L'Ifle de Cuivre eft tout proche; 6c vertes. (a) Voyei le Chap. XV de cet Ouvrage. (b) Voyei le Chap. XVI. (c) Dans ie Chap. XVII. m ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQDE. Ig a quelque diftance de-la, a l'Eft Sud -Eft , il y a trois petites Ifles nominees par les habitans Attak, S emit shy & Shemiya : ce font proprement les Ifles Aleutiennes. Hies s'etendent de l'Oueft Nord-Oueft du cote de l'Eft Sud-Eft, dans la meme direction que les Ifles de Bering 6c de Cuivre, par le i $ 5 ,me degre de longitude, 6c le 54.me de latitude. Dans le Nord & a la diftance de 6 a 8 cens verftesi on rencontre un autre grouppe de fix Ifles ou davantage, connues fous le nom &Andreanoffsky Oftrova. Au Sud-Est ou a f Eft-Sud de celles-ei, a la diftance d'environ 15 degres 6c au Nord quart Nord-Eft des Ifles Aleiiuennes , commence la chaine de Lyffie Oftrova ou des Ifles des Renards : cette chaine d'Ifles 6V" de rochers s'etend a l'Eft Nord-Eft, entre les 56 6c les 61 degres de latitude Nord, depuis le zi i.me degre de longitude, fuivant toute apparence, jufqu'au continent dAmerique , 6c dans une'ligne de direction qui fe croife avec celle de#Ifles Aleutiennes. Umnak, Aghunalashka, ou comme on die ordinairement pour abreger , Unalashka , Kadyak Sc Alagshak font les plus grandes & les plus remarquables. La distance & la pofition de ces Ifles, ainfi que des Aleutiennes9 font affez bien determinees par l'eftime des vaiffeaux 6c les latitudes qu'ont pris les Pilotes. La pofition du grouppe dAndreahoffsky efta-peu-pres sure main- tenant j elles gtffent entre les Aleutiennes 6c les Ifles aux Cij f§ I III I III I nt1 i ii IP ill I 20 NoUVELLES DECOUVERTES Renards, 6c completent la chaine entre le Kamtchatka & YAmerique (a). AucuN des navires n'a touche au continent dAmen- que dans les dernieres expeditions ; mais il eft probable que les Navigateurs Ruffes, qui courent les Ifles fituees entre YAfie 6c le Nouveau Monde, ne tarderont pas a y aborder (b). Au Nord des Ifles qu'on connoit jufqu'a pre- fent, c'eft-a-dire, aux environs du 70.me degre de latitude, il eft pofllible que le continent d' Amerique fe rapproche davantagc de la cote des Tschutski ; il forme peut etre un large Promontoire environne d'Ifles, qui n'ont aucune liai- fon avec les grouppes qu'on voit fur la Carte generale placee a la tete de cet Ouvrage. II par^atj du moins d'apres le rapport des Navigateurs les plus recens, qu'il y a reel- lement un il y a lieu de croire qu'il enrichira. l'Europe de fon travaiL M "il I If i n i 11 li m li "111 22 NoUVELLES DECOUVERTES Ruffes a imprimer ce que j'aurai oublie. L'Ouvrage qu'on va lire eft plus authentique , plus vrai & plus etendu, que celui de M. Sthaelin (a) qu'on a imprime dans le Calendrier de Petersbourg, dont je releve ici plufieurs erreurs, (a) Le petit Ouvrage deM. Sthaelin , Confeiller d'Etat de 1'Impera- trice de RuJJie, a ete publie en Allemand & traduit en Anglois; il consent a peine 40 pages \\ & il ne donne aucun extrait des Journaux & de la route des Navigateurs; il dit quelques mots tres-vagues fur les Ifles nouvellement decouvertes; la Carte qui le precede eft d'ailleurs fautive, & le Pub' c ne le comparera jamais avec l'Ouvrage que nous publions ici.M. ;x.iaelin ayant envoye fon Ouvrage-au Do6teurMaty, on en aparle dans les Tranfaftions Philofophiques de ^774, fous le titre de Nouvelle Carte & Defcription preliminaire du nouvel Archipel decouvert il y a pen d'anne'es, par les RuJJis, au ]$ord-Eft du Kamtchatka. IW ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE 23 CHAPITRE II. Voya G es faits en 1745> premieres decouvertes des Ifles Aleutiennes, par Michel Nevodtjikoff. Emilian Bassof fit un voyage en 1745; mais il me- rite a peine qu'on en parle; car il ne vit que flfle de Bering 6c deux autres plus petites fituees au Sud de celle- cij il fut de retour le 3 1 Juillet 1746". Le premier voyage digne d'attention fut entrepris en voyage de 1745. J-e navu'e appelle YEudoxie, 6c equipe aux frais i7l!° d'Aphanaffei Tfebaefskoi, Jacob TfiuprofF 6c d'autres Affo- cies, fit voile de la riviere du Kamtchatka, le 19 feptem- i>re , fous le commandement de Michel Nevodtfikoff, natif de Tobolsk. II decouvrit trois Ifles nouvelles, fur Decouver- l'une defquelles il pafla l'hiver a la chaffe des loutres de te ^e.s Ifles , .. . j • ' r^ tn > • Aleiitiennes. mer, dont il y avoit une grande quantite. Ces Ifles etoient fans doute les plus proches des Aleutiennes {a): un Inter- prete que le Commandant avoit pris au Kamtchatka , ne comprit pas la langue des habitans: afin d'entendre (a ) Les veritables Aleiitiennes font le petit grouppe d'liles qui gif- fent au Sud-Eft de celles de Bering ; on les appelle quelquefois les Aleutiennes les plus voifines , en donnanc le nom d'Aleiitiennes les plus eloiffnees aux Ifles des Renards. H Nil! ?'" i 11 «/;« jlillil lli: ! H| J L WEWll 24 NOUVELLES DECOUVERTES cette langue, il emmena avec lui un des Infulaires ; 6c il le prefenta a la Chancellerie de Bolcheretsk, avec une relation faufle de fes decouvertes & de fon expedition. Cet Infulaire fut interroge des qu'il fut un peuleRufle, & il dit qu'il s'appelloit Temnac , que fon Ifle porte le nom dAiti qua quelque diftance de celle-ci il y en a une autre plus confiderable, appellee Sabya , dont les Naturels portent le nom de Kogii. D'apres le rapport de l'lndien , les Ruffes crurent apprendre que cette derniere peuplade fait des Croix, quelle a des livres 6c des armes- a- feu, 6c quelle navigue fur des baidars ou des canops affembles avec des bandes de cuir. L'lndien ajouta qu'a peu de diftance de I'lfle ou Nevodtfikoff hiverna, il y en a deux autres bien peuplees; la premiere giffant a l'Eft Sud-Eft 6c au Sud-Eft quart-Sud, 6c la feconde a l'Eft 6c. a l'Eft quart-Sud-Eft. II fut baptife fous fe nom de Paul &: envoye a Ochotsk. Nevodtsikoef ayant perdu plufieurs de Ces gens, 6c les Rufles de l'equipage depofaht qu'on avoit maltraite les Infulaires, on inftruifit le proces du Cpmmandant & de ceux qui etoicnt fur fon bord , 6c voici ce qu'on decouvrit, ^venemens - Apres fix jours de navigation, ils appercurent une voy 2Cf Ifle, le i4 Septembre a midi j ils la cotoyerent, 6c , fur le foir, ils en decouvrirent une feconde, ou ils mouillerent jufqu'au lendemain. Le z8, plufieurs habitans parurcnt fur Ja cote, 6c Je Pilote ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. &$ Pilote defcendit avec la chaloupe dans l'mtenrion de de- barquer; mais, comme le nombre des Infatbires s'accrut jofqu'a plus de cent, il ctaignit de fe hafarder paraii eux, malgre les invitations qu'ii recut: il fe contenta de leur jeter quelques prefens -, on fail jeta en retour un oifea» de met de l'efpece des cormorans. II effaya, pat Tcntre- mife des Interpretes, de Her une converfation, mais il ne lut pas pofCble de fe faire entendre. Le Capitaine voulut remettre en mer , & le vent contraire le porta fur l'autre cote de I'lfle ou il y mouiila. Le i^, Tfiuproff ayant debarque avec quelques per- fonnes de l'equipage , afin de chercher une aiguade, rencontra plufieurs habitans, il leur donna du tabac & des pipes de la Chine , 6c il re9Ut en prefent un baton, fur lequel on avoit fculpte un veau marin. Les Indiens avoient grande envie de fon fufil 5 & comme il ne voulut pas le leur accorder, ils coururent apres lui au moment ou il le rembarquoit, & il faifirent le cordage de la chaloupe attachee fur la cote. Cette attaque l'obligea de faire feu : ayant bleffe un Indien les autres renon- cerent a leur entreprife , & il arriva fain & fauf a bord du navire. Des que les Sauvages virent un de leurs camarades bleffe, ils le deshabillerent ainfi qu'eux-memes, & ils le porterent nud dans la mer, ou ils le laverent. Apres cette hoftilite , l'equipage n'ofant pas hiverner a cet endroit, l'Eudoxie fe rendit a l'autre Ifle, ou on jeta l'ancre. Des le lendemain, Tfiuproff 6c Shaffirin debarquerent a la tete d'un detachement affez confiderable j ils obfer- D 1 1 Ill 26 NoUVELLES DECOUVERTES verent que I'lfle etoit habitee; mais, comme ils ne ren- contrerent aucun Infulaire, ils retournerent a bord & longerent la cote. Le jour fuivant, le Cofaque Shekurdin defcendit a terre , accompagne de cinq Matelots •■, il en renvoya deux avec les futailles pleines; 6c il refta, ainfi que les trois autres, pour chaffer des loutres marines ; le foir, il fe trouva au milieu d'une bourgade qu'habitoient cinq families; a fon approche, les Namrels s'enfuirent preci- pitamment, & allerent fe cacher au fond des rochers. Shekurdin fut a peine de retour a. bord , qu'on le char- gea d'aller une feconde fois a terre avec plus de monde , afln de decouvrir un mouillage ou Ton put retirer le navire pendant Thiver. Chemin faifant, il appercut quinze Infulaires fur une coljine \\ 6c il leur jeta quelques mor* ceaux de poiffon fee pour les engager a. s'approcher de lui; comme cet expedient ne reufliffoit pas, Tfiuproff, qui etoit du detachement, ordonna a un de fes gens de monter fur la h?uteur, 6c de faifir un des Indiens, dont il fe propofoit d'apprendre la langue: cet ordre fut execute, malgre la refiftance des Infulaires qui fe defendirent avec leurs piques armees d'os ; les Ruffes emmenerent leur prifonnier au vaifleau. Une tempete violente les jeta bien- tot en mer j obliges du z au 9 Odobre de s'abandonner au gre des vents, ils perdirent leur ancre & leur chac loupe j mais il revinrent enfin a la meme Ifle, ou ils paflerent l'hiver. En debarquant , ils trouverent dans une hutte voifine le cadavre de deux Indiens, qui, fuivant toute apparence ■> avoient ete tues dans la derniere action j 6c ils reneon- ENTRE L'AsiE ET l'AmerIQUE. 1J trerent une vieille femme qu'ils avoient d'abord faite pri- lonniere, mais qu'ils avoient remife en liberte. Elle etoit accompagnee de 34 Infulaires des deux fexes , qui tous s'avancoient au fon du tambour; ils firent un prefent de differentes terres colorees a Tfiuproff, qui leur donna, de fon cote, des morceaux d'etoffe, des des a coudre, des aiguilles : l'entrevue fut amicale. Avant la fin d'O&obre, les memes Indiens, toujours accompagnes de la vieille femme & de plufieurs enfans, revinrent en danfant comme la premiere fois, & apporterent des oifeaux, du poiffon & d'autres provifions. Apres avoir paffe la nuit au milieu des Ruffes, ils sen retournerent. Tfiuproff, Shaffyrin 6c Nevodtfikoff les ayant fuivi a la tete de fept hommes, les trouverent dans des rochers : cette feconde entrevue fut encore pacifique; les Infulaires echangerent un baidar, ou canot 6c des peaux contre deux chemifes; on remarqua qu'ils avoient des haches de pierre & des aiguilles d'os; on leur vit manger des loutres, des veaux 6c des lions marins, qu'ils tuent a coups de maflue 6c de piques. S m Depuis le 2.4 O&obre Tfiuproff avoit charge dix hommes, fous Laryon Belayeff, d'aller Reconnoitre le pays. Ce detachement maltraita les Infulaires qui fe defendirent, comme ils purent, avec leurs lances j cette refiftance fournit aux Ruffes un pretexte de tirer deffus. Ils finirent par tuer coute la troupe, compofee de 15 hommes, afin de jouir de leurs femmes. Cette atrocite revolta Shekurdin, qui retourna au vaifleau fans etre appergu , 6c dit au Commandant ce 11 UN \\m mm un I Mil 2.8 NOUVELLES DECOUVERTES qui venoit de (t Rafter. Tfiuproff, au lieu de punir les coupables, leat ifut bon' gt>e en fecrct} car il etott imce contre les ffefulattCS -qui lui avoient refuse un verrou de ffcr qu'il vit entre leurs mains. Depuis ce rcras, il commit plufieurs a&es dthofiilite ; & meme il forma l'abo- ftifciable projet de les empoifonner avec du fublime cor- rofif. Cependant, pour montrer de la j&jftice en apparence, il ordonna a Shekurdin 6c a Nevodtflkoff, d'aller faire des reproches a Belayeff: il leur envoya par la meme occafion de-la poudre 6C des balles; c'eft-a-dire, qu'il leur donna des moyens de recommencer de pareils attentats. Les Russes prirent fur cette Ifle une grande quantite de loutres de mer , & ils y refterent jufqu'au 14 Septem- bre 1746; ne s'y croyant plus en siirete , ils appareillerent dans l'intention de chercher quelque terre inhabitee. Une tempete violente les ballota jufqu'au 30 Octobre , que leur navire toucha & perit fur une cote de rochesj ils perdirent la plus grande partie de leurs fourrures , 6c prefque tout ce qulls avoient a bord. Accables de fatigue 6c de froid, ils penetrerent dans 1'interieur du pays, qui eft inegal & rempli de rochers. Des Indiens, qu'ils trou- verent dans des huttes, leur apprirent que I'lfle s'appelle Karaga : les hab&ans, qui font tributaires de la Ruffie 6c de la race des Koriaques, les traiterent amicalement,: jufqu'au moment ou Belayeff eut l'imprudence de faire des propofitions a la femme du Chef. L'lndienne courut en avertir fon mari; & toute la peuplade enflammee de colere, menaces Ruffes de les exterminer ju%u'au der- II!; 1 ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. 2^ nicr, dependant la ptaix fe sesskiit, 6c tost fe pafla tran- quillement de part & d'autre. Le 30 Mai 1747, un detachemeat d'Oloturiens, divife fur trois canots, defcendit dans I'lfle & attaqua les habi- taias •: ils fe rembarquereat apres avoir maffaore pluGeufs Infulaires, 6c pesd4Ua£3fe»* *»?££££=: 1 1 11II ft* CHAPITRE III. Voyages faits, de ij4y a iy$3 > dans les parages de I3Ifle de Bering, de celle de Cuivre, & des Ifles Aleutiennes} Remarques fur les Habitans. E n 1747 -, deux navires firent voile de la riviere du Kamtchatka, munis d'une permiflion de la Chancellerie de Bolcheresk pour aller a la chaffe des loutres de mer j l'un, qui fut equipe au frais d'Andre Wfevidoff, portoit 46 hommes , & de plus huit Cofaques j l'autre apparte- noit a Feodor Cholodiloff, Andre Tolftyk 6c Compagnie , 6c avoit un equipage de 41 Ruffes ou Kamtchadales & de fix Cofaques. Ce dernier batiment appareilla le 2,0 Odobre , 6c fut oblige, par la rempete & d'autres contre-temps, d'hi- verner dans I'lfle de Bering ; il en partitle 3 1 Mai 1748, 6c toucha a une autre petite Terre, afin de faire de l'eau 6c de prendre des munitions ; il gouverna enfuite Sud-Eft fur un efpace affez confiderable , fans deeouvrir de nou- velles Ifles; 6c , comme-il man quoit de vivres, il fut de j retour dans la riviere du Kamtchatka le 14 Aout, avec une charge de Z50 vieilles loutres, plus de 100 jeunes, 14$ renards bleus: tous ces animaux furent tues fur I'lfle de Bering. I! il Ji ENTRE L'AsiE ET L'AMERIQUE. 31 Nous n'avons qu'une connoiflance imparfaite du voyage de Wfevidoff : on fait feulement qu'il fut de j retour le 23 Juillet 1749 •, apres avoir touche , fuivant toute apparence , fur l'une des Ifles Aleiitiennes , les plus proches, qui etoit inhabitee j il rapporta 1040 loutres de mer & 2000 renards bleus. ]!lmilien Yugoff , Negociant d'Yakutsk , obtint du y°y?Se Senat de Petersbourg la permiflion d'equiper quatre navi- yugoff. res pour fon compte. 6c celui de fes Affocies. II fe pro- cura en meme temps le privilege exclufif de la chaffe des loutres fur les Ifles de Bering & de Cuivre, pendant ces expeditions. Pour jouir de ce monopole, il s'etoit engage de remettre a. la Douane le dixieme de toutes les fourrures. Le 6 Oct.obre 1750 , il appareilla de Bolcheresk fur le Sloupe Jean, monte par 2, 5 Ruffes ou Kamtchadales 6c deux Cofaques: une tempete jeta bientot le navire a. la cote entre les embouchures des rivieres de Kronotsk 6c de Tfchafminsk. Il remit a la voile au mois d'O&obre 1751. On lui avoit ordonne de prendre a bord quelques Gfficiers de la Marine Rufiej &, comme il ne le fit pas, la Chancel- lerie d'Yrkutsk expedia une Lettre qui confifquoit le navire & la cargaifon , lorfque Yugoff feroit de retour. Le navire arriva, le 13 de Juillet, au nouveau Fort du Kamtchatka, avec 785 vieilles loutres de mer, 35 jeunes, 447 ourfins de mer 6c 7044 renards arctiques ? parmi wmmm i fr'iiiiii In Voyage du navire le Boris & le Clebb. % I i 32 NoUVELLES DECOUVERTES lefquels il y en avoit 2000 de bleus & 1765 de noirs; tijus ces animaux furent pris fur I'lfle de Bering & fui ceile de Cuivre. Yugoff mourut fur cette de^aiere Terre; d'apres les Lettres dont je viens de parler, on mit le feelle fur la cargpafoti > l'lmperatfice ayant reconnu enfuite que des Actionnaires avoient confie de l'argent a Yugoff, pour equiper un fecond navire, rendit la cargaifon con- fifquee, en prelevafit les droits de la Douane. Cette espece de Compagriie > fi on peut l'appeller ainfi, etant difibute , par la mauvaife adminiftration du Chef 6c le manque de fonds, on accorda a d'autres Negocians, meme avant le retour du batiment d'Yugoff, le privilege d'equiper des navires} cedx-ci farent plus heu- reux, 6c firent de nouvelles decouvertes. NikiphorTrapesnikoff, Negociant d'Yrktttsk, obtint la permiflion d'expedier un navire appelle le Boris 6c le Glebb , a condition de remettre a la Douane le dixieme de toutes les fourrures, outre les tributs que l'equipage pourroit obtenir des Naturels. Le Cofaque Sila Shaffyrin s'embarqua fur ce batiment afin de recueiliir les tributs. L'equipage appareilla, au mois d'Aorh 1749, de la riviere du Kamtchatka y & il y rentra le 16 du meme mois 1753, avec une cargaifon confiderable de fourrures. II avoit rela* che au printemps de cette derniere annee fiir une Ifle inconnue , probablement l'une des Aleiitiennes , ou3 vint a bout de faire payer aux habitans un trfbut de loutres marines: les Infulaires qui fe Conftituerent Tribu- taires, s'appelloient Jgya, Oeknu , Ogogoektack, Shabu- kiwck, Voyage d'Andre ENTRE L'ASIE ET L'AMERIQUE, 33 kiauck, Alak, Tutun , Ononushan , Rotogei, Tfchinitu , Vatfch , Ashagat , Avyjanishaga , Unashayupu , Lak , Yanshugalik, Umgalikan, Shati, Kyipago & Oloshkot (a). Un autre Aleutien, dont on ne dit pas le nom , eut aufli la bonte de payer une contribution de trois loutres de mer. Le Boris 6c le Glebb rapporterent 32,0 loutres marines de la premiere qualite , 480 de la feconde , 6c 400 de la troifieme, 500 d'un moyen-age ou femelles, & zio Mewedki ou jeunes. Andre Tolstyk , Negociant de Selenginsk, ayant obtenu une permiflion de la Chancellerie de Bolcheretsk, Tolftyk ; equipa une feconde fois le navire qui avoit fait le pre- . s Aleu~ Sj r ^ r tiennes, en mier voyage. II appareilla du Kamtchatka, le 19 Aout 174?* 1749, 6c il fut de retour le 3 Juillet 1751. D'apres le rapport du Commandant, le navire refta mouille, depuis le 6 Septembre 1749 , jufqu'au zo Mai 1750 , devant I'lfle de Bering, 6c l'equipage prit feule- ment 47 loutres de mer j 'Tolftyk fe rendit enfuite a celles des Ifles Aleutiennes qui avoient ete decouvertes par Nevodfikoff (b), ou Ton tua 1661 loutres marines vieilles 6c d'un moyen-age, 6c 119 de jeunes. Le refte de la cargaifon etoit compofee de 7Z0 renards bleus 6c 840 ourfins de mer. (a) I/Auteur Aliemand, d'apres lequel on a redige ce Chapitre, re- marque, dans une note, que ces noms des Infulaires, ainfi que d'autres dont parlent les differens Voyageurs, ont une reffemblance parfaite , dans le fon & la terminaifon,'avec ceux des Groenlandois. { b) Voyei le Chapitre precedent. [M 34 NOUVELLES DECOUVERTES Suivant la defcription que fit Tolftyk , les habitans de ces Ifles ne paroiffoient. pas avoir paye jufqu'alors de tributj leur race femble approcher de celle desTfchuktsky; leurs femmes portent differentes figures imprimees fur la peau, comme les Tfchuktski 6c les Tongufes de la Siberie ; ils en different cependanr, en ce qu'ils ont la levre infe- rieure percee de deux trous, dans chacun defquelles ils mettent un morceau de dent de cheval marin , travaille comme la dent d'un homme , avec un petit bouton en dedans de la bouche, pour la tenir en place. Ils tuerent, fans y etre provoques, deux Kamtchadales de l'equipage. Quelques habitans d'une troifieme Ifle, payerent aufli des tributs j ils s'appelloient Anitin , Altakukor, Aleshkut 6c Atschelap : toutes les armes de I'lfle confiftoient en iz piques armees de pierre epointee^ 6c d'un dart d'os epointe de la meme maniere. Les Ruffes virent, parmi les Naturels, deux figures de bois fculptees, reflemblanta des lions marins. lf#'l Voyage de Le 3 Aout 1750 , le navire le Simeon 6c le Jean I Vorobien,en . 17/0. equipe par Wdevidoff, dont on a deja parle, Agent de Ribenskoy , Negociant Ruffe , 6c monte par 14 Ruffes, Marchands ou Chaffeurs , & par 30 Kamtchadales, alia a la decouverte de quelques Ifles nouvelles, fous le com- mandement du Cofaque Vorobieff. Le batiment fut jete, par le courant 6c la tempete, fur une petite Terre deferte, dont la pofition n'eft pas determinee; c'eft probablement une de celles qui giffent pres de I'lfle de Bering. Le navire fe trouva fi delabre alors qu'il ne put plus tenir ENTRE L'ASIE ET L'AMERIQUE. 3?, la mer : Vorobieff en conftruifit un autre avec des bois flottans, auquel il donna le nom de Jeremie ,* il arriva au Kamtchatka dans l'automne de 1752- On prit, fur cette Ifle deferte, 700 vieilles loutres & \\xo jeunes, 1900 renards bleus, 5700 ours de mer noirs, & 131 o Kotiki, ou petits ourfins de mer. Un navire parti RAnadirsk fit, dans le meme temps ] un voyage qui merite d'etre cite. Le Z4 Aout 1749 , Simeon NovikofF, d'Yrkutsk , & Voyage de IvahBacchoff, d' Uftyug, Agents de Ivan Shilkin,fe ren- £ov£crfhog dirent dAnadirsk dans la riviere du Kamtchatka: la route par terre leur parut fi dangereufe, qu'ils fe deciderent a aller par mer dAnadirsk au Kamtchatka ; ils em- ployerent deux ans 6c cinq mois a conftruire un navire a 130 verftes au-deffus d'Anadirsk. w m Voici la Relation du voyage. En 1748, ils defcendirent la riviere dAnadirsk, en traverfant deux bayes appellees Kopeikina & Onemenskaya. Ils trouverent plufieurs bancs de fable qu'ils paflerent fans peine en les tournant. lis gouvernerent enfuite dans le golfe exterieur, 6c attendirent- un vent favorable: ils appercurent plufieurs Tfchutski , qui s'avancoient fur les hauteurs , feuls ou en petites troupes, comme pour reconnoitre j-ce qui rendit les Ruffes defiants. Le navire defcendit la riviere & traverfa en neuf jours les baies quelle contientjendepaflantla large ouver- ture de la baie exterieure, le Commandant gouverna entre m Relation du Voyage. K)k% i MM II II H IIIIIS III1 111 1 36 NoUVEILES DECOUVERTES la greve qui git a gauche & un rocher qui en eft proche; a environ izo verges du rocher , la profondeur de l'eau etoit de trois a quatre braffes; de cette ouverture il porta le cap a l'Eft - Sud - Eft , l'efpace d'environ 50 verftes, la fonde rapportant a-peu-pres quatre braffes; il dou- bla enfuite une pointe fablonneufe, qui fe projette direo tement contre la cote des Tfchutski, 6c il atteignit ainfi la pleine mer. Du 10 au 30 Juillet, les Ruffes furent pourfuivis par des orages, qui ne leur permirent pas de s eloigner beaucoup de l'embouchure de YAnadirsk j ils remonterent la riviere Katirka fur les bords de laquelle habitent les Koriaques, peuple tributaire de la Rufjie; l'embouchure de cette riviere, qui a de 60 a 8 o verges de large, 6c dc trois a quatre braffes de profondeur, abonde en poiffonsj de-la ils remirent en mer, 6c, apres avoir effuye degros temps, ils atteignirent Naufrage fur enrni Ylde de Bering. Ils y refterent a l'encre du 15 Sep- I'lfle de Be- tembre jufqu'au 30 Octobre, jour ouunetempete violente, qui venoit directement de la haute mer , jeta le navire fur les rochers 6c le mit en pieces. L'equipage fe fauva 6c fit tout.de fuite la recherche des debris du navire de Berinp;„ afin de les employer a la conftru&ion d'une chaloupe r il trouva en effet quelques vieux debris, mais prefque entierement pourris, & des ferrures mangees de rouille, Apres avoir choifi les cordages, 6c le fer le moans gate, il raffembla des bois flottans pendant l'hiver, 6c conftruifit avec beaucoup de peine , une petite chaloupe , qui futr Rornmee Caption,. 6c dont la quille avoit feulement dix- fept aunes 6c demie de Ruf/ie. Les Ruffes appareillerent ring, ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 37 alors, 6c fe rrjrt&nt a chercher une Ifle inconnue, qu'iS croyoient voir dans le Nord-Eft; mais, ayant reconnu leur? meprife, ils revirerent de bord 6c porterent fur I'lfle de Cuivre ; de-la ils cinglerent vers le Kamtchatka , ou ils arriverent fains 6c faufs a l'epoque dont j'ai parle tout - a-i Theure. Le navire le Capiton fut donne en propriete a Ivan Shilkin , pour le dedommager de fes pertes; & la Cour de Rufjie lui accorda de plus le privilege de l'employer dans une autre expedition aux Ifles nouvellement decouvertes. Shilkin le monta, en effet, le 7 Oftobre 1757, avec un equipage de vingt Ruffes 6c de vingt Kamtchadales j il fut accompagne du Cofaque Studentzoff, envoye par la Couronne, pour percevoir des tributs. Nous don- nerons ailieurs un abrege de ce voyage (a). Au mois d'Aout 1754 , Nikiphor Trapefnikoff equipa Voyage de le Shitik le Saint-Nicolas , qui appareilla du Kamtchatka Purneff* /ur 1c Spirit -Nico* fous le commandement du Cofaque Kodion Durneff. II las,en 1777. relacha d'abord fur deux Ifles Aleiitiennes, 6c enfuite fur une troifieme, qui etoit une decouverte nouvelle. II re- tourna au Kamtchatka en 1747, avecnme cargaifon de izzo loutres marines males ,410 femelles & 665 petites.. L'equipage en avoit de plus acquis des Infulaires , en echange, 65z autres, 30 femelles & 50 jeunes. D'a.pres les depofitions que firent, le 3 Mai 1758 ,. Relation du II (a) Voyei le Chapitre V. m II m il 38 NOUVELLES DECOUVERTES Durneff & Sheffyrin envoyes en qualite de Colle&eurs des tributs , il paroit qu'ils allerent en dix jours a Ataku , l'une des Aleutiennes, qu'ils y refterent jufqu'en 17.57, 6C vecurent en bonne intelligence avec les Naturels du pays. Defcription La seconds Ifle, qui eft la plus proche dAtaku , &C des Ifles. qUj COntient le plus d'habitans, porte le nom dlAgataku ; la troifieme celui de Shemya, elles giffent a quarante ou cinquante verftes l'une de l'autre. II n'y avoir fur les trois Hies que foixante males, fans compter les enfans, qu'ils Remarques rendrpent Tributaires. Ces Infulaires vivent de racines faur fur les Habi- | ,, . . T1 c . A 1 tans. vages & d animaux marins. Ils ne font point la pecne , quoique les rivieres foient remplies de faumons de toute efpece, 6c la mer de turbot. Ils s'habillent avec des peaux d'oifeaux 6c de loutres marines. Le Toigon ou Chef de la premiere Ifle apprit aux Ruffes, par l'entremife d'un jeune homme qui entendoit la langue Rufle, qua l'Eft on rencontre trois Ifles, grandes & bien peuplees, Ybiya3 Kiska 6c Olas, dont les Naturels parlent un langage different : Sheffyrin & Durneff trouverent, dans cette der- niere Ifle, trois plats ronds de cuivre, fur lefquels etoient quelques lettres gravees & des ornemens en feuillages: les vagues les avoient jete fur la cote j le Commandant les rapporta au nouveau fort du Kamtchatka, avec des bagatelles qu'il avoit achetees des Infulaires. Un autre navire fait de bois de laryx, equipe aux frais du meme Trapesnikoff, appareilja, en 175Z, fousla conduite d'Alexis Drufinin, Marchand de Kursk , & efluya un naufrage fur I'lfle de Bering : l'equipage ayant conftruit. Uii, will 1 EIP'RE L'AsiE ET L'AMERIQUE. 39 avec les debris, un petit batiment qui fut appelle Abraham, mit a la voile pour fe rendre aux Ifles les plus eloignees; mais Drufinin fut ramene par les vents contraires fur la meme Ifle, 6c rencontrant le Saint-Nicolas, qui etoit pret a fe rendre aux Ifles Aleutiennes, il s'embarqua avec Durneff 6c Sheffyrin , apres avoir abandonne YAbraham aux foins de quatre Matelots. Drufinin avoit tue fur I'lfle de Bering cinq loutres de mer , izzz renards bleus & a 500 ours de mer ; il eut pour fa part, pendant l'expe* dition qu'il fit fur le Saint-Nicolas , 500 groffes loutres 6c 300 petites , outre zoo autres qu'il fe procura par echange. I Mi iHiim II «!!«" Si II . i i i I ii 1 ! i 1 1 ■ ■l If 11 40 NoUVELLESDE*COUVERTES CHAPITRE IV. [Voyages faits de tyjj a ij$<5; le Navire de Sere'branikoff reldche fur quelques-unes des Ifles Aleutiennes les plus e/loigne/es, ou fur les Ifles des Renards i Remarques Jur les Infulaires. Xrois navires furent envoyes, en 1753 , aux Ifles qui fe trouvent entre YAmerique 6c YAfie | fun par Cho- lodiloff, un fecond par Serebranikoff, Agent du Negociant Rybenskoy, 6c le troifieme par Ivan Kraflilnikoff, Negociant du Kamtchatka. Voyage de Le navire de Cholodiloff appareilla du Kamtchatka \\ eni7°;/.° ' ^e r9 Aout, avec 34 hommes d'equipage; il mouilla, le z8, devant I'lfle de Bering, ou il fe propofoit de pafler l'hiver, pour y prendre des provifions; au moment ou les Ruffes entreprirent de debarquer, la chaloupe chavira &c trois hommes fe noyerent. Le 30 Juin 1754, Cholodiloff remit en mer, cherchant a decouvrir de nouvelles Terres. Le temps etant devenu orageux 6c couvert de brume, 6c le navire ayant une voie d'eau, il manqua de perir avec tout fon monde. II gaena cependant,contre fon efpoir , l'une des Ifles Aleutiennes, -ou il refta mouille du 15 Septembre au 9 Juillet 1755. Pendant l'automne 1754, un Kamtchadale & un Koriaque vinrent ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. 41 vihrent le joindre. Ces deux hommes , accompagnes de qmtre, avoient deferte le bord deTrafpenikoff& ctoient demeures fur I'lfle afin de prendre des loutres de mer pour leur compte. Les Infulaires tuerent quatre de ces Deferteurs, qui vouloient debaucher les femmes du pays: ils en fournirent volontairement au Kamtchadale & au Koriaque, qui n'avoient pris aucune part a cet attentat, 6c ils vecurent avec eux en bonne intelligence. Le navire de Cholodiloff tua fur cette Ifle plus de 1600 loutres de mer, & il arriva au Kamtchatka dans l'automne de 1755. Le navire de Serebranikoff appareilla au mois de Juillet 1753 > avec ?4^u^es ou Kamtchadales j il decouvrit plufieurs Ifles nouvelles, qui etoient probablement quelques - unes des Aleutiennes les plus eloignees, mais il ne fut pas aufli- heureux a la chaffe des loutres marines que celui de Cholodiloff. II gouverna Sud-Eft &mouilla, le 17 Aout, au-deffous d'une Ifle inconnue, dont les habi- Depart du tans parloient une langue inintelligible a, l'equipage. Le n*,vlre., £.e- r 11, n rebramifoff. Commandant chercha un havre ou il put reftcr en surete, mais il fut emporte par une tempete fubite, qui le fit chaffer fur fes ancres. Ayant ete entraine plufieurs jours du cote de l'Eft, il decouvrit , non loin de la premiere Ifle, quatre Terres j 6c plus loin a l'Eft, il en appercut trois autres j mais il ne put debarquer fur aucune. Le navire fut ainfi dans un derive force , jufqu'au z Sep- tembre; il etoit tres - delabre , lorfqu'il gagna heureufe- Naufrage du ment la cote. Le Commandant mouilla ; mais il fut bien- fill 1"r. tot rejete en met j il vit penr ion batiment , 6c il eut tiennes les heaucoup de peine a fauver l'equipage, Ml plus eloi- I ill mi Itei 5 J It il | IS tans. 42 JNOUVELLES DECOUVERTES Cette Isle lui parut etrc direclement par le travers de Katyrskoi, cap de la Peninfule du Kamtchatka ; il en vit trois autres. Sur la fin de Septembre, Demetrius Tro- phin, accompagne de neuf hommes, alia fur la chaloupe reconnoitre le pays 6c chaffer. Ce detachement fur atta^ que par un corps nombreux d'habitans, qui jetoienfc des darts avec une petite machine de bois, 6c qui bleflerentun Ruffe. Le premier feu les diflipa j mais ils revinrent plufieurs fois a la charge en troupes nombreufes, & ils furent toujours repoufles fans beaucoup de peine. Remarques Ces Sauvages colorent leurs vifages 6c y gravent des les Ha*"~ figures comme les Infulaires dont on a parle tout-a-1'heure ; tans. 0 r * ils placent aufli des os dans les trous de leurs levres inferieures. Peu de temps apres, les Ruffes virent arriver dix Naturels du pays, qui leur apportoient amicalement de la chair d'animaux marins, 6c particulierement des loutres j ce prefent venoit d'autant plus a propos, que l'equipage n'ayant depuis quel que temps d'autres nourritures que des coquillages 6c des racines , fouffroit extremement de la faim. On leur donna en retour differentes bagatelles. Les Ruffes demeurerent fur I'lfle jufqu'au mois de Juini754i alors ils fe remirent en met fur une petite einbarcation qu'ils conftruifirent des debris de leur premier navite , 6c qu'ils appellerent Saint-Pierre 6c Saint- Paul. Ils debar-' querent enfin a Katyrskoi noff, ou, apres avoir raffem- ble 140 dents de cheval marin , ils arriverent fains 6c faufs a l'embouchure de la riviere du Kamtchatka. ENTRE L'ASIE ET l'AmERIQUE. 43 Douze Kamtchadales deferterent pendant ce voyage: fix d'entr'eux furent maffacres , ainfi qu'une femme du pays, fur une des Ifles les plus eloignees. On fie le p'roces aux autres, des qu'ils furent de retour au Kamtchatka, & on en appritlles circonftances fuivantes. L'lfle pres de laquelle perit le navire a environ 70 verftes de long 6c zo de large •. II y a tout autour 1 z autres Terres de differentes grandeurs, eloignees entr'elles de huit a dix verftes: huit de celles-ci ne paroiffeht pas avoir plus de cinq verftes de long : en tout elles contiennent environ cent mille ames. Les Naturels n'ont d'autres meubles que des bancs & des nattes d'herbages j leur habillement eft une efpece de chemife de peau d'oifeau 6c un manteau d'inteftins d'ani- maux , coufus enfemble; ils portent des chapeaux de bois brnes d'une petite planche qui fe projete en avant, 6c qui, pareille a la vifiere d'un cafque , fembie deftinee a les garantir des traits. Ils ont tous des couteaux de pierre; quelques- uns, mais en petit nombre, en ont de fer. Les feules armes qu'on remarqua parmi eux, font des traits armes d'os ou de cailloux epointes, qu'ils lancent a l'aide d'un inftrument de bois. On ne voit point d'arbres fur l'lfle , mais elle produit YHeracleum qui croit au Kamtchatka. Le climat n'eft pas rigoureux; car la terre n'eft couverte de neige qu'un mois de 1'annee. Le navire de Kraflilnikoff appareilla, en 1754, & Depart da mouilla, le 18 Odobre, devant l'lfle de Bering, ou tous Kraflilnikoff.: les navires qui fe rendent aux Ifles nouvellement decouvertes , ont coutume d'hiverner, afin de faler des vaches marines & d'autres animaux amphibies qu'on y trouve en 11 uo1 W mm' S-.Si I'll I p'sH 44 NOUVELLES DECOUVERTES grande abondance. Le Capitaine y radouba fon batiment,1 qui avoit efliiye des avaries en chaffant fur fon ancre ', 6£, des qu'il eut embarque une quantite fuffifante de provifions, il appareilla le premier Aout 1754. Le 10, il fe trouva a la vue d'une Terre, dont la cote etoit bordee d'un fi grand nombre d'habitans, qu'il n'ofa pas defcendre. II continua done fa route j &, furpris par une tempete, le manque d'eau le mit dans un grand embarras; a la fin, il fut porte fur l'lfle de Cuivre, ou il debarquaj 6c, apres avoir fait de l'eau 6c du bois, il remit a la voile. Les vents contraires ft C ' fra^e fur11" ^Y tamenerent, & il y mouilla une feconde fois : forage rifle de Cui- ayant augmente pendant la nuit , les deux cables furent brifes, & le navire mis en pieces contre le rivage. Heureu- fement il ne perit perfonne, 6c on trouva moyen de fauver les voiles, les agrets , les munitions, les armes, & plufieurs bois. La plupart des provifions furent gatees. Les Ruffes efluyerent dans cette relache toutes fortes de malheurs: trois fe noyerent le 15 Octobre en allant a la chaffe j d'autres moururent prefque de faim, & ne vecurent pendant long- temps que de coquillages 6c de racines. Le zo Decembre, les voiles, les cordages & les bois qu'ils avoient fauves au moment du naufrage, furent emportes dans les Hots par une groffe mer. Malgre ces accidens, ils continuerent leurs chaffes, 6c tuerent 103 loutres marines 6c 1390 renards bleus. vre. m I caLgneUI?ifle ^u PRINTEMPS>^S s'embarquerent fur deux bateaux de Bering fa pour l'lfle de Bering, emportant avec eux les armes-a- tea^x. a" ^eu' ^es munitions 6c ce qui reftoit des debris du naufrage. Ils trouverent ? en y arrivant, fe petit navire YAbra- i ENTRE l'AsTE ET l'AmerIQUE. 45 ham, monte par les quatre Matelots, a qui Trapefnikoff en avoit donne la conduite j. mais comme cette embarel^ tion ne pouvoit pas contenir tous les Ruffes, avec leurs cargaifons de fourrures, ils attendirent l'arrivee des batimens de Serebranikoff & deTolfttyk. Ceux-ci emmenerent onze perfbnnes de l'equipage de Kraffilnikoff, 6c une Artie des fourrures. Douze autres refterent dans l'lfle de Bering, ou ils tuerent un grand nombre de renards bleus , & retournerent au Kamtchatka fur YAbraham, a la referve de deux qui s'en allerent avec l'equipage de Shilkin [a). ►"I-"'"- ■ *~—-"~"-* 1—■- ■■■■-■ ■■■'■'■ -.-—.— ■i.»in-nfi — ■ p — -wih n an ■ 1 iWttiiii^ (a) Voyei le Chapitre precedent. m afox^iAi" V III: 46 NoUVELLES DECOUVERTES f| -•«" C H A P I T R E V. > Voyages depuis ij$$ jufqu'en iy$8. Voyageaux Lei7 Seprembre 1756, le navire l'AndreNatalie, equipe Ifles y4/ea- par |g^| T/olftyk, Negociant de Seleneinsk, & montant tiennes > fait, ? / » o. » ' par Andre 38 Ruffes ou Kamtchadales , appareilla de l'embouchure 171 e. \\ e° de ^a tisiere du Kamtchatka. Comme les tempetes d'au- tomne approchoient, 6c que d'ailleurs il manquoit de vivre, il fe rendit a l'lfle de Bering, ou l'equipage de- ' meura jufqu'au 14 Juin 1757. II ne vint aucune loutre marine fur la cote pendant cet hiver , & les Ruffes ne tuerent que des veaux, des lions 6c des vaches de mer. La chair leur fervit de provifions , 6c ils couvrirent leurs canots avec les peaux. Ils leverent l'ancre, le 13 Juin 1757 , 6C, apres un jour de navigation, ils arriverent a l'lfle d'Attaku, l'une des Aleutiennes, decduverte par Nevodfikoff. Ils y trou- verent affembles les Naturels, ainfi que ceux de deux autres Ifles voifines; ces Infulaires venoient de faire leurs adieux a l'equipage du navire de Trapefnikoff, qui retour- noit au Kamtchatka. Les Ruffes faifirent cette occafion , pour leur perfuader de payer un tribut a la Couronne. Dans cette vue , ils allerent rendre une vifite au Chef, qui s'appelloit Tunulgafen : ce Chef reconnut un homme de l'equipage, un Koriaque, qu'on ayoit laifle jadis fur une I ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. 47 de ces Ifles , & qui entendoit un peu la lahgue de cet Archipel. Le Commandant du navire donna un chauderon de cuivre , une fourrure & un manteau de drap , des culottes, des bas"& des bottes au Chef, que ces prefens determinerent a payer le tribut. Cet Indien, en retour- nant fur fon Ifle, laifla parmi l'equipage trois femmes & un petit garcon, arm qu'on leur apprit la lange Ruffe; l'enfant le fut en tres-peu de temps. Les Russes pafferent l'hiver fur cette Ifle , & fe divi- ferent,comme a l'ordinaire, en plufieurs detachemens de Chaffeurs. Le temps orageux les contraignit d'y refter jufqu'au 17 Juin 1758: avant leur depart, le Chefrevint avec fa famille, 6c paya le tribut d'une annee. De retour au Kamtchatka , ils firent des Ifles Aleiitiennes une defcription plus detaillee que celle qu'on connoiffoit. Il y avoit a cette epoque,fur les deux plusgrandes, Defcription environ 50 males, avec qui les Ruffes^vecurenten tres- Aleiitiennes. bonne intelligence. On leur parla d'une quatrieme Ifle, appellee Iviya, qui git a quelque diftance de la troifieme mais le temps orageux les empecha d'y aborder. * La premiere Isle a environ cent verftes de lone & Z5 de large. La diftance de la premiere a la feconde , qui git a l'Eft quart Sud-Eft , fut eftimee de 3 o verftes j celle de la feconde a la troifieme, qui eft fituee au Sud- Eft , da-peu-pres quarante. L'habit du pays eft fait de (Ill ifi Si! 48 NoUVELLES DECOUVERTES peaux d'oifeaux, de loutres & de veaux marins tannees; mais la plus grande partie des Infulaires portoient des man- teaux de peaux de chiens 6c des efpeces de veftes de peaux de moutons, qui leur avoient ete donnees par differens Navigateurs. On dit qu'ils font naturellement babillards, tres-timides, 6c fort attaches aux Ruffes. Ils habkent dans des trous creufes en terre, & couverts de toits de bois: ces jourtes reffemblent aux huttes de la Peninfule du Kamtchatka ; ils fe nourriffent principalement d'animaux marins , qu'ils harponnent avec leurs lances armees d'os. Bsjmangent aufli differentes efpeces de racines 6c de fruits fauvages, des mures, des fruits du eormier 6c d'autres (a). Les ruiffeaux font remplis de faumons 6c d'autres poiflons, de l'efpece de la truite, femblables a ceux du Kamtchatka ; & la mer eft egalement remplie de turbots qu'on prend avec des hamecons de bois. Ces Isles produifent beaucoup de petits offers, de fous-bois 6c de brouffailles, mais on n'y trouve point de grands arbres; les Hots apportenr cependant fur les cotes affez de bois .de fapin & de bouleau , pour la conftruc- tion des huttes. On rencontre une multitude de renards bleus fur la premiere Ifle, ainfi que des loutres de mer j 6c les cotes, lorfque le temps eft orageux , font couvertes d'oies 6c de canards fauvages. Les Russes , fuivant les ordres de la Chancellerie dc Bolcheretsk, voulurent perfuader au Chef de ces Ifles de (a) Rubus Chamaemorii-Empetmm, Myrtillus Sorbus. les accompagner ENTRE L'AsiE ET l'AmERTQUE, 49 les accompagner au Kamtchatka, mais leurs efforts furent inutiles: en partant ils diftribuerent parmi les Infulaires de la toiie, treize filets deftines a la peche des loutres marines : les Naturels recurent ces prefens avec beaucoup de reconnoiflance. Ce navire apporta au Kamtchatka 5030 loutres marines vieilles 6c jeunes j 1040 renards bleus petits & gros, 6c 330 Mewedki ou loutres marines tres-petites. En 1757 5 Ivan Nikiphoroff, Negociant de Mofcow, envoya un' navire dans cet Archipel; mais on ne fait rien de cette expedition, finon que le batiment atteignit les I/les des Renards; il alia du moins jufqu'a Umnak. Le CAFlTON, petit navire qui fut conftruit a l'lfle de Voyage Bering, 6c qui fut donne au Negociant Ivan Shilkin , ^vanfu^ \\^ pour le dedommager d'une partie de fes pertes, comme Capiton, en nous l'avons dit plus haut (a), appareilla au mois de Septembre 1757, ayant fur fon bord le Cofaque Ignace Studentfoff, qui a donne la relation du Voyage. A peine fut-il en mer que le mauvais temps le rejeta fur la cote du Kamtchatka, & le fit echouer: cet accident , qui emporta le gouvernail 6c noya un homme, • empecha le Commandant de remettre a la voile, avant Fannee fuivantej & meme, a cette epoque, il-n'emmena (a) Voyei le Chapitre III. n in I w in m JO NOUVELLES DECOUVERTES que 3 9 hommes d'equipage, laiffant les autres malades i il cingla directement fur l'lfle de Bering, ou il prit fur fon bord deux hommes de l'equipage de Kraflilnikoff (a) qui s'y trouvoient depuis leur naufrage: il appareilla pour la feconde fois au mois d'Aout de la meme annee, 6c il - toucha aux Ifles Aleutiennes les plus proches, apres avoir ete beaucoup tourmente par les gros temps: il continua enfuite fa route vers les Ifles plus eloignees, qui giflent entre l'Eft & le Sud-Eft. II paffa pres de la premiere 6c mouilla devant la feconde. L'equipage d'une chaloupe qu'on envoya a terre, fut attaque fi brufquement par un corps nombreux d'Infulaires, qu'il eut a peine le temps de fe rembarquer 6V de retourner a bord. Des que la cha* loupe fut de retour, un grain violent, qui fouffloit de la cote, rompit le cable , 6c rejeta le navire en mer. Le temps devint tout-a-coup epais & brumeux, 6c le batiment, entraine au gre des vents, alia fe jbrifer fur une petite Ifle peu eloignee de celle dont il venoit de partir. Les Ruffes fe fauverent apres beaucoup d'efforts, mais ils ne purent rien emporter que leurs armes-a-feu & leurs munitions. Le navire A u moment ou its defcendirent a terre , ils fe fait naufrage . / i> i • t i r • fur une des virent enviroiines dune multitude de bauvages qui arn- ifles des Re- vo[etlt en canots, de la pointe occidentale de l'lfle: cette attaque etoit d'autant plus redoutable, que la plupart des gens de l'equipage tranfis de froid > 6c mouilles jufqu'aux (a) Voyei le Chapitre III, ENTRE L'AsiE ET L'AMERIQUE. <$ I ©s, n'avoient pas la force de fe defendre; quinze hommes feulement fe trouverent en etat de prendre les armes : ceux-ci s'avancerenc fans hefiter contre les Naturels, 6c Nicolas Tfiiroroff, qui avoit une connoiffance imparfaite de la langue du pays, les aborda & effaya de les calmer; mais fes tentatives furent inutilesj car, au meme inftant, les Sauvages remplirent fair de leurs cris, 6c lancerent une voice de darts, dont quelques^uns portcrent coup. Les Ruffes alors firent feu, tuerent deux des Affaillans, & forcerent les autres a fe retirer : quoiqu'ils viffent pa- roitre un nouveau detachement, qui fembloit venir au fecours de leurs Camarades, le combat ne recommenca point: bientot apres , les Sauvages ab?ndonnerent l'lfle, & ramerent a travers le detroit. Du 6 Septembre au Z3 ^.vril, les Ruffes effuyerent toutes les horreurs de la famine j 6c, pendant cet inter- valle, les coquillages & les racines furent leur meilleure nourriture; ils furent obliges quelquefeis de manger du cuir, que les flots , en achevanc de detruire le navire, apportoient fur la cote ; vdix-fept moururent de faim 5 les autres auroient fuccombe egalement, s'ils n'avoient pas decouvert une baleine morte jetee par la mer fur le rivage. Ils pafferent fur cette Ifle un fecond hiver, & tuerent ^30 loutres. a < • n. ' • j j 'i • 1 L'equipage Apres avoir conftruit un petit navire, des dehns du conftruit un premier , ils mirent a la voile , au commencement de ?etr .nav,rej ,, , & ralt nau* fete 1760} arrives par le travers d'une des Aleutiennes3 fageune fe- Gconde fois. J m m Ill ^2 NOUVELLES DECOUVERTES oii le navire de Serebranikoff mouilloit , ils firent naufrage une feconde fois, fans pouvoir rien fauver de leur cargaifon ni de leurs effets. De tout l'equipage , il ne reftoit plus que feize hommes, qui arriverent au Kamtchatka, au mois de Juillet 1761, fur le batiment dont on vient de parler. ispi I iMJIik »r *% ENTRE L'ASIE ET l'AmERIQVE. ^3 =^i^ CHAPITRE VI, VoYA GES aux Ifles des Renards ert iy$8 3 ty$9 &iy6o; Expedition du Saint-Uladimir, e'quipe' par Trapefnikoff; du Gabriel > par Betshevin; ce navire > comviandd par Pushkareff ? va a Alakfu ou Alachskak, Vutie des Ifles oriental les les plus doignees; Remarques fur fes Ha- hi tans; fes Productions , differentes de' celles des Ifles fituees plus a VOueJl, Au mois de Septembre 1758 , le Negociant Simeon Voyage du Krafilnikoff & Nikiphor Trapefnikoff equiperent deux c0'mrnande * navires pour la chaffe des loutres marines ; fun appelle Par Paik°ff» le Saint- Uladimir appareilla, le z8 , fous le commande- ment de Demetrius Paikoff, avec un equipage de qua- rante-cinq hommes, 6c le Cofaque Sila Shaffyrin , charge de percevoir les tributs ;en 2,4 heures il atteignit l'lfle de Bering, ou il paffa l'hiver. Le \\6 Juillet 1759, Paikoff gouverna vers le Sud , afin de decouvrir de nouvelles Terres; mais, fe voyant trompe dans fon attente,il cingla au Nord pour gagner les Ifles Aleutiennes. Les vents con- traires l'empechant d'y aborder, il marcha dire&ement fur les Ifles les plus eloignees, qu'on connoit a prefent fous *rr^e ^ le nom de Lyjfie Ofirova ou des J fes des Renards. /w3».M i« in fieurs hautes montagnes de roches. Les Ruffes n'y comp- terent que quarante - deux hommes outre les femmes 6c les enfans. fa *%&$^ iJ II mmm\\ 61 Nouvelles decouvertes ♦gg-l-^J !i ■■■ vVltefglgl^l . --.1 :^» CHAPITRE V IL Voyage d'Andre* Tol/fyk fur le navire le Saint-Andre & Natalie; Decouvertes de quelques Ifles nouvelles} appelUes Andre'anofTskye oftrowa; Defcription defix Ifles de ce grouppe. Voyage du JLe voyage du navire le Saint-Andre & Natalie eft Saint - Andre « _ 11 j • 1 r & Natalie en P'us rernaratuaDle encore que ceux dont on vient de lire 1760. un extrait : La Relation abregee que je vais en faire, eft tiree des Journaux de deux Cofaques, Pierre Wafyntinskoi &Maxime Lafaroff. Ce batiment, expedie aux frais d'An- dre Tolftyk, que j'ai deja cite plus haut, appareilla de l'embouchure de la riviere du Kamtchatka , le 2:7 Septembre 1760 j il cingla dire&ement a l'Eft, 6c, le Z9,il atteignit l'lfle de Bering; le Commandant jeta fancrc dans une baie, & fit porter l'equipement & les munitions a terre : une tempete violente d'automne , jeta bientot le batiment fiir la cote, fans autre dommage que la perte d'un ancre. Les Ruffes refterent ici l'hiver, 6c ayant remis en mer le Z4 Juin 1761, ils pafferent pres de l'lfle de Cuivre , qui git a environ 150 verftes de la premiere j ils mirent enfuite le Cap au Sud-Eft vers les Ifles Aleiitiennes , ou ils n'arriverent que le 6 Aout; ils mouil- lerent dans une baie ouverte pres dAttak, afin d'obtenir du Chef Tunulgafen un Interpreter ce Chef etant mort. ill ENTRE L'ASIE ET i/AlvlERIQUE. 6l ils envoyerent des prefens dans la meme vue a Bakutun qui lui avoit fuccede: comme il y avoit deja trois navires partis du Kamtchatka a l'ancre devant cette Ifle, ils appa- reillerent le 19 , projetant d'aborder a des Terres plus eloignees 6c d'y exiger des tributs. Ils eurenc foin de prendre des inftructions du Chef Bakutun, qui favoit un peu la langue Ruffe. Le Commandant fit route au Nord-Eft & Nord-Eft quart-Eft j un coup de vent le jeta, le z8, par le travers d'une Ifle devant laquelle il mouilla: Je lendemain'deux Cofaques, a la tete de huit hommes, defcendirent a terre - pour reconnoitre le pays ; ils n'appercurent aucun habitant. Le 30 Aout, le navire fut conduit dans une baie sure j le jour fuivant, quelques perfonnes de l'equipage allerent fur la cote, afin de chercher des bois pour repa« rer le batiment; mais ils ne trouverent point de gros arbres dans toute letendue de l'lfle. Lafaroff, qui etoit du detachement, & qui avoit deja fait un voyage fur le navire de Sercbranikoff, donne a cette Ifle le nom dAyagh Arrivee a ou de Kayachu , & a une feconde, qui en eft eloio-nee ^yagh,l'une ,,- . n . . , „ -1 6 ^ des Ifles An- d environ zo verftes, celui de Kanaga. En retournan: ^eanoffs- a bord, il appercut deux Infulaires, qui ramoient fur des kye' canots du cotes de Kanaga ; comme il reconnut 1'un de ces deux hommes, qui avoit fervi d'Interprete dans une expedition precedente, il lui fit un prefent de provifions fraiches; 6c ils traverferent enfemble le detroit juf- qu'a Kanaga. Lafaroff defcenditfur cette Ifle avec le detachement j ayant engage le Chef du pays \\ qui etoit parent Ir m II iit Sill.! siflrP iteiiiitl; li P> |f||:j \"""11 *h , ,:!iii i iii i II »i 64 Nouvelles decouvertes de l'lnterprete, a venir voir les Rufles a Kayachu, il fe rendit a bord du Saint-Andre & Natalie. Pres du mouillage du navire, un ruiffeau tombe dans la baie; il fort d'un lac qui a environ deux ou trois verftes de circonference, 6c qui provient de la reunion de plufieurs petites fources. Son cours eft long a-peu-pres de huit verftes, & en ete differentes efpeces de faumons & d'autres poiflons, pareils a ceux qu'on trouve au Kamtchatka, remontent le courant jufqu'au lac. Lasaroff etoit occupe a y pecher, lorfque le Cher de Kanaga, accompagne d'un nombre confiderable d'ln- fulaires, qui montoient 1 5 canots, arriva a bord; il fut bien recu , 6c on lui fit des prefens. Les Ruffes faifirent cette occafion pour perfuader aux Naturels de fe reconnoitre fujets de l'lmperatrice & de lui payer regulierement un tribut. La peuplade y confentit fans beaucoup de peine. Par l'entremife de l'lnterprete , on apprit les details fui- vans du Chef: les Naturels vivent principalement de poiflons fees, 6c de quadrupedes marins. Ils prennent des turbots tres-gros (a) 6c des veaux marins, avec des har- pons, auxquels ils attachent des veflies. Ils pechent la morue avec des hamecons d'os 6c des lignes d'une efpece d'algue marine, longue 6c ferine qu'ils trempent dans de (a.) L'Auteur Allemand , qui a redige le premier ces details, die que ces turbots ( Paitus ) pefent quelquefois fept ou huit poudes > ce qui eft bien confiderable, sil ne fe trompe pas. l'eau ENTRE L'Asi#ET l'AmerIQUE. 6$ l'eau dotfce , 6c qu'ils filent enfuite de la groffeur d'une ficelle. Des que fe navire fut amarre dans un endroit sur, Tolftyk , Wafyntinskoi, Lafaroff 6c plufieurs autres de l'equipage , monterent quatre baidars & fe rendrrent a Kanaga. Le premier refta dans cette Ifle; mais le fecond & le troifieme partirent chacun fur un canot pour Tfet- china, qui eft fepare de Kanaga par un detroit large d'environ fept verftes; les Infulaires les accueillirent 6c promirent de payer des tributs. Les differens partis re- vinrent fains 6c faufs a Kayachu, fans s'etre procure de fourrures. Bientot apres, Tolftyk envoya des Chaffeurs fur quatre baidars a Tagalak , Atchu 6c Amlach, Ifles fituees a. l'Eft de Kayachu : ce detachement ne rencon- trant aucun obftacle de la part des Naturels, refta avec beaucoup de tranquillite fur ces differentes Terres, ju£ qu'en 1764: fa chaffe ne fut cependant pas tres-heureufe, car il prit feulement 1880 grofles loutres, 778 d'une taillc moyenne 6c 37Z petites. Lasaroff fait la defcription fuivante des fix Ifles (a), Defcription dont on a parle : elles forment une chaine un peu au d"111-"-A:1" . r . r dre Nord-Oueft des Ifles des Renards , avec lefquelles il ne kye faut pas les confondre. Le navire le Saint-Andre & Natalie fut le premier qui en donna des details surs; voila M)ur- ( *^M. Sthaelin a deja donne, dans fa Defcription .du Nouvel Arehipel dTcouvert par les Ruffes, une Deicription de ces fix Ifles : nous ferons, plus bas, un Chapicre particulier fur leur pofition. reanorfs- i 1 Hi l!.jil| ill il il iii Ayagh. 66 Nouvelles decouvertes quoi on les appelle Andreanoffskye ou Ifles de Saint- Andre. AyAGH a environ 150 verftes de circonference. Elle conrient plufieurs hautes montagnes de roches; 6c, dans les intervalles, on ne voit qu'une bruyere fterile &: des marecages; on ne trouve pas un feul grand arbre fur toute l'lfle. La plupart des vegetaux font les memes que ceux du Kamtchatka | il y a differentes fortes de fruits fauvages (a); mais la terre produit affez de racines de pimprenelle & de biftarte, de toutes fortes, pour offrir, en cas de neceflite, des reflburces abondantes aux Infulaires. Le petit ruifleau , doat j'ai parle, eft le feul. Le nombre des habitans ne peut pas etre determine, parce qu'ils paffent continuellement d'une Ifle a l'autre fur leurs baidars. Kanaga. KANAGA, qui git a l'Oueft d'Ayagh, a deux cens! verftes de tour 5 elle renferme un volcan eieve, ou les Naturels amaflent du foufre en ete: au pied de cetto montagne, il y a des fources chaudes, ou ils font cuire quelquefois leurs provifions : on n'y trouve point de ruif- feaux \\ 6c les terreins bas reffemblent a ceux d'Ayagh / la population peut etre evaluee a zoo ames. Tfetchina. TsETCHlNA git a l'Eft 6c a environ quarante verftes de Kanaga : fa circonference eft a-peu-pres de 80 j elle eft remplie de montagnes de roches, parmi lefquelles le Bielaia Sopka ou le Pic blanc eft la plus elevee : on (a) Empetrum, vaccin.UHginofum, fanguiforba & biftorta. pi 11 uti: ENTRE L'ASIE ET l'AmeRIQUE. 6j trouve dans la vallee quelques fources chaudes; mais au- cun ruiffeau n'offre du poiflbn. L'lfle contient feulement quatre families. TaGALAK, qui eft a l'Eft de Tfetchina, a quarante Tagalak. verftes de circonference j on y voit un petit nombre de rochers j mais on ne trouve point de poiflons dans les ruiffeaux , ni dans les champs de productions vegetales qu'on puiffe manger. Les cotes font efcarpees , & il eft dangereux d'en approcher en baidars. La population n'eft encore que de quatre families. Atchu git dans la meme pofition, a quarante verftes Atchu. de Tagalak ; fa circonference eft a-peu-pres de 300 j elle offre un havre ou les vaiffeaux peuvent mouiller en suretej on y trouve un grand nombre de montagnes de roches, & plufieurs petits ruiffeaux qui tombent dans la mer -, l'un de fes ruiffeaux, qui a fa dire&ion a l'Eft, eft rempli de poiflons. Les champs font couverts de ces racines dont j'ai deja parle 6c d'oignons de lys blancs. Le nombre des Infulaires eft d'une foixantaine. AMLACH eft une Ifle pleine de montagnes, giffent a Amlach. l'Eft a un peu plus de fept verftes dAtchu , 6c dont la circonference eft egale a celle dAtchu ; elle contient aufli le meme nombre d'habitans j elle a un havre commode, 6c elle produit des racines en abondance. Parmi plufieurs petits ruiffeaux, un feul, qui coule vers le Nord, offre du poiflbn. Independamment de ce grouppe , Tolftyk en obferva un autre plus loin a l'Eft, fur lequel il n'aborda point. nM Pltffi an Remarques fur les Habitans. 68 NOUVELLESDECOUVERTES Les habitans de ces fix Ifles font Tributaires de fa Ruffle; ils vivent dans des jourtes ou trous creufes en terre, & ils n'y font pas meme de feu pendant fhiver. Leurs vetcmens, qui ont la forme d'une chemife , font de peaux de plongeons de mer 6c d'autres oifeaux (a), qu'ils prennent avec des lacets; dans les temps de pluie ils portent pardeffus une efpece de manteau de veflies 6c de boyaux defleches de veaux 6c de lions marins, huiles 6c coufus enfemble. Ils prennent des morues 6c des turbots avec des hameeons d'os, & ils les mangent cruds : comme ils ne font jamais de provifions , ils foufrrent beaucoup de la faim, quand les orages les empechent d'alier a la pechej ils font alors reduits a des coquillages 6c du va- rech, qu'ils recueillent fiir la greve 6C qu'ils ne font point cuire. Aux mois de Mai & de Juin , ils tuent des loutres marines de cette maniere : des que le temps eft calme, ils fe reuniffent plufieurs & s'embarquent fiir differens baidars: apres avoir trouve ianimal, ils le bleffent a coups de harpons, 6c ils le fuivent de fi pres qu'il lui eft tres- difficile de s'echapper. lis prennent des chiens de mer de la meme facon. Au milieu des froids rigoureux , ils ne portent que leur habit ordinaire. S'il gele tres - fort ,, afin de fe rechauffer, ils brulent des herbes feches, ils s'accroupiffent autour 6c recueillent la chaleur fous leurs habits. Les femmes 6c les enfans portent des vetemens de la meme forme que ceux des hommes, mais de peaux de loutre. S'ils paffent la nuit a quelque diftance de leur jourte, ils creufent un trou en terre, & ils s'y tapiffenr». ( a ) Colimbus Troile, alca ardica. Illlllliil > Imp ENTRE L'AsiE ET L'AmerIQUE. 6*0. n'ayant d'aucre couverture que leurs vetemens &:desnattes d'herbes treffees. lis ne soccupent jamais que du moment actuel; ils n'ont aucune idee de Religion, ni de decence, 6c ils ne font gueres au-deffus des brutes. Des que les differens baidars envoyes a la chafle furent de retour, 6c que le navire fut pret a appareiller, les Chefs de ces Ifles, ( excepte celui de Kanaga), fe rendirent en canots aupres de Tolftyk, accompagnes d'un grand nombre de Naturels: ces Chefs s'appelloient Tfar- kulini, Tshunila, Kayugotsk 6c Mayatok : ils lui appor- terent un tribut volontaire; & ils lui donnerent d'ailleurs des morceaUx de faumons fales, en temoignant, d'une ma- niere unanime , combien ils etoient fatisfaits de la bonne conduite des Ruffes. Tolftyk leur donna, de fon cote, des joujoux 6c d'autres bagatelles, 6c il les pria de recomman- der aux habitans des autres Ifles le meme acceuil a l'e- gard des Navigateurs qui viendroient dans ces parages; & il les avertit que les Infulaires ne feroient pas traites doucement, s'ils manquoient a cette condition. Le 14 Juin 1764, Tolftyk appareiila pour retourner au Kamtchatka , & mouilla , le 1 y , devant Shemiya , l'une des Ifles Aleiitiennes ; le z 1, des vents fort firent chaffer le navire fur fon ancre & le jeterent contre une cote de roches : cet accident oblip:ea les Ruffes de de- barquer la cargaifon & tout ce qui fe trouvoit a bord , 6c d'echouer le batiment a terre, afin de le reparer; ce qui leur couta beaucoup de peine. Le 18 Aout, ils remirent en mer 6c cinglerent vers Atchu, qu'ils acteignirent le zo. Illl 70 Nouvelles decouvertes Comme ils avoient une voie d'eau, il fallut travailler de nouveau au radoub ; Tolftyk , apres avoir pris avec lui l'equipage du batiment qui avoit fait naufrage quelques temps auparavant, cingla dire&ement du cote du Kamtchatka. Le 14 Septembre, il eut la vue de cette Peninfule aux environs de T^afchminskoi ofirog : une tempete le fit echouer fur la cote au moment ou il s'efforcoit d'entrer dans l'embouchure de la riviere du Kamtchatka. Le navire perit, 6c la plus grande partie de la cargaifon fut perdue. 11)1 B entre l'Asie et l'Amerique. 71 -i^iSs £2Aij- CHAPITRE VIIL J Voyage du Navire le Zacharie & PElifabcth Equipe par Kulkoff & commande' par Drufinin ; il cingle du cote" J'Umnack & & ils i! ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 7c; firent une fortie contre les Infulaires; ils en tuerent'trois, ils en blefferent plufieurs & mirent en fuite le refte. Pendant le fiege, on vit les Sauvages, a peu de diftance de- la , apportant des armes & des bonnets, qu'ils elevoient en fair comme des trophees; c'etoient les armes 6c les bonnets des fix hommes envoyes a la levee des trappes, qu'ils avoient maffacres. Des que les Ruffes eurent remporte cette vi&oire, ils mirent leur canot a la mer, 6c fortirent fans etre attaques, de ia baie, laquelle a dix verftes de largeur. Ils debar- querent enfuite pres d'une petite habitation; comme il n'y avoit perfonne , ils trainerent le baidar fiir le rivage, &, armes de fufils & de lances, ils fe rendirent a travers les montagnes yets Kalaktak, ou ils avoient laiffe le deta- chement de Kudyakoff. En approchant le foir de cette bourgade, ils tirerent quelques coups de deffus les hau* teurs; mais on ne repondit point a ce fignal; & ils con- clurent, avec raifon, que ce parti avoit ete detruit par les habitans. Ils echapperent avec peine a la meme deftinee; car, au bruit des fufils, des troupes nombreufes d'lnfu- laires fe mirent a leur pourfuite. Comme la nuitfurvint, ils trouverent moyen de fe fauver a travers la greve fablonneufe d'une baie , fur un rocher, ou ils fe virent a I'abri 6c en etat de fe defendre. Ils firent un fi bon ufage de leurs armes-a feu, que la troupe des Sauvages jugea a propos de fe retirer: des qu'ils sen appercurent, ils profi- terent du moment pour retourner au havre ou mouilloit le navire; ils pafferent la nuit a courir a. toutes jambes: a lapomte du jour, ils n'en etoient plus qua trois verftes\\ : fjlUJ ■M j :,"i:« fi Itunf, '1 jjJ %m nil; pth| [11 FP 11 I'l U \\V\\ 111 il ill if 76 Nouvelles decouvertes mais ils appercurent des pieces du batiment qui avoient ete trainees fur la cote ; alarmes par cette decouverte , ils fe fauverent precipitamment fur les montagnes , d'ou ils virent plufieurs Infulaires qui ramoient dans leurs pirogues. Ils jugerent que leur navire etoit detruit ou perdu. Ils fe cacherent foigneufement toute la journee, & ils n'oferent pas retourner au havre avant le foir. En y arrivant , ils trouverent le vaifleau en pieces, 6c les cadavres de leurs Compagnons couverts de meurtriffures fur la greve. Apres avoir raffemble les provifions, auxquelles les Infulaires n'avoient pas touche, ils fe refugierent fur les montagnes* Le lendemain,i1s creuferent une efpece de jourte au pied d'une montagne, fituee a. environ trois verftes du havre , & ils la couvrirent avec une voile. Le foir , "ils retournerent encore au havre; ils n'en rapporterent que l'image d'un Saint 6c un livre de prieres. Les agrets, les munitions, 6c la cargaifon, tout avoit ete enleve, excepte les facs de provifions de bouche. Ces sacs etoient de cuir, les Naturels les avoient fendu , probablement pour voir s'ils ne renfermoient pas du fer, & ils les avoient laiffe comme des chofes inutiles, Korovin 6c fes Camarades raffemblerent tous les debris 6c trainerent tout ce qu'ils purent dans leur retraite, ou ils pafferent les jours les plus deplorables depuis le 9 De- cembre jufqu'au 2. Fevrier 1764. Ils employerent cet intervalle a conftruire un petit baidar qu'ils couvrirent avec le cuir des facs. Apres l'ayoir ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE, 77 traine, la nuit, des montagnes a la mer , ils ramerent, fans attendre la pointe du jour, le long de la bande fepten- trionale & Unalashka, afin d'arriver au batiment de Trapefnikoff , qui leur fembloit devoir mouiller quelque part fur la cote; comme ils prirent un peu le large , ils pafferent devant trois habitations fans etre appercus. Le jour fuivant, cinq Infulaires, qui parurenj: a quelque diftance, dans un baidar, les decouvrirent 6c Ye rendirenc a Makushinsk, par ou les Ruffes devoient paffer. A la faveur des tenebres, ceux-ci debarquerent fur un rocher & y demeurerent toute la nuit. Des la pointe du jour,' voyant les Infulaires qui partoient dei&baie de Makuf- hinsk pour s'avancer contr'eux , ils occuperent un pofte avantageux 6c Ye preparerent a fe defendre. INK 'Mm Les Sauvages ramoient tout pres de la greve. Une partie ayant debarque , tandis que l'autre demeura dans les baidars, commenca f&taque par une volee de dartsj & , malgre les terribles effets des armes^a-feu, l'efcarmou- che dura toute la journee. Vers le foir, l'ennemi fe retira, & ils s'embarquerent fur leur canot afin de gagner une caverne voifine. Le combat recommenca la nuit, & les Ruffes etoient places fi avantggeufement, qu'ils repouf- ferent les Aflaillans fans beaucoup de peine. Eragin fut bleffe legerement. lis refterent trois jours a cet endroit; mais une haute maree, amenant les riots fur ce rocher, les obligea de fe refugier au fond d'une caverne vdifine, ou ils arriyerent heureufement , malgre l'oppofition des Infulaires. "'3K©rovm donna a fan de ces otages le nom de Gregofee, & a l'autre cehilf<4'Alexis. Une tempete violate le retfnt dea# ys&ts a. cet endroit : pendant cec intervalle, un Aleiitien lui apporta une fettre de Medvedeff, a laquelle il fit reponfe. Le vent s'etant calme , il fe rendit aux bourgades voifines, 6c il y paffa deux nuits fans aucune Ci&inte de la part des Sauvages : enfin U fll ENTRE L'AslE ET l'AmbRXQUB. 83 retqufua &in & fauf 641? fon navire, emmenant fes otages. Ay commencement d'O&obre* il conftoifiSc |>our l'hi- il conftrui . . . * j fit une ca ver une grande baraque, avec du pois & des peaux de bane pour veaux ma&nsj 6c il fe^Bypzwfii'aiiilems a'feireides chaffes. ^wet. Le 14, deuxiietaehemens, chatfiibrd'onze homines, fureifc envoyes vers la pointe orientale de Klfle ; ils revinrent quatre jours apres avec des otagesj. A environ foixante verftes du havre, :ilsavoiens Rencontre zj Ruffes & Dni>- finin a leur tete. A-peu-pres dans le meme temps, quelques Chefs du pays apporterent a Korovin uri prefent d'efturgeons 6c d'huile de baleiae, 6c on>ieur donna en retour des grains de verre 6c quelques comefliblesL | - Korovin croyant n^avoir pliis a craindre d'hoftitites de la part des Naturels, detacha, fous le commandement de iBarnasheff, en deux baick&s, z 3 hommes qui allerent a la chaffe du cote de la pointe occidefttale de l'lfle : l^s sbaidars poecoientcfeize fufils , un piftolet & une iance pour chaque homme, & une quantit&JStffifante de munitions & de provifions. Le lendemaii0$>fterecut deux Mefla- gers de Barnasheff & des lettres du navire de Protaflbff. Du 9 Novembre au 8 Decembre, les Ruffes, qui de- meurerent a bord, tuerent 48 renards de coulettf fiwive,' & 117 de 1'efpece commune i & ils perdirent un de Ieuts Camarades dans les expeditions. Les Natusels vte^ebt de temps en temps en baidars, echanger des loutres de mer Sc des peaux de renards contre du corail. Le 8 Decembre , Korovin recut des lettres de Barnasheff & du bat$- Lij i$W IM Hii'Mpt I ii P mm 84 Nouvelles decouvertes ment de Protaffoff, & il repondiif par les memes Mef- fagers. Apres le depart des Meflagers, la mere d'Alexis, en- voyee par le Chef, fon mari, vint dire qu'un nombre confiderable d'lnfulaires s'avancoit du cote du navire. Korovin ordonna alors a fes gens de prendre les armes; 6c bientot fbixante-dix Naturels s'approcherent en elevant dans les airs des peaux de loutres marines. Les Ruffes leur crierent de ne pas paffer plus de 4jx a-la-fois le ruiffeau qui etoit autour de leur baraque j fiir quoi les Indiens laiffant leurs peaux a Korovin , s'en retournerent fans fe livrer a aucune hoftilite. La crainte des Ruffes etoit un peu calmee; mais elle fe ranima a l'arrivee de trois Kamtchadales du navire de Kulkoff, qui venoient reclamer leur protection. Ils apporterent la facheufe nouvelle que leurs Camarades avoient ete tues par les Sauvages, & le navire detruit. II parut certain que les foixante-dix, dont on a parle tout-gjbl'heure, etoient venus dans de mauvais de£ dfejfi^ Cet accident repandit une fi grande frayeur parmi l'equipage, que plufieurs Matelots propoferent de briiler le navire, 6c de chercher a decouvxir leurs CompagnonSj qui etoient alles a la chaffe. Les Ruffes La journee s'etoit paffee fans combattre j mais fiir le par re^Natu- ^*0'r ^u l ° Decembre, les Sauvages fe reunirent en corps nombreux , & inveftirent la baraque de toutes parts > pendant quatre jours & quatre nuits, ils ne cefferent point de lancer des darts qui tuerent deux hommes j le refte des Aflieges etoit prefque epuife de fatigues. Le cinquieme reis. ENTRE L'ASIE ET l'AmeRIQUE. 8^ jour, les Infulaires prirent pofte dans une caverne voi- fine, d'ou ils firent une garde fi vigilante, qu'aucun des Ruffes n'ofa s'eloigner a 50 pas. Korovin, fort embarrafle, ordonna de detruire la baraque; il fe retira enfuite fur fon navire, &, pour plus de surete , il le conduifit de l'embouchure du ruifleau a environ cinquante verges de la greve. II y refta mouille du 5 Mars au z6 Avril, &, ' durant cet intervalle, il fouffrit beaucoup de la famine & particulierement du fcorbut. Il y fut meme attaque par les Naturels, qui s'avan- cerent fur quarante canots, dans l'efperance de furpren- dre le navire. Comme il avoit ete averti par un des Indiens qui etoit parent de l'lnterprete Kashmak, il s'etoit done prepare a. les recevoir : les Sauvages s'approcherent en brandiflant leurs darts 6c commencant le combat j mais, des qu'ils virent le feu des Ruffes tuer un homme, ils furent frappes de terreut & ramerent au large. Ce mau- vais Yucces les irrira tellement qu'ils maflaererent fiir-le- champ les deux Indiens qui les avoient trahi. Bienrot apres, le pere d'Alexis vint redemander fon fils, & on le lui rendit. Le $o Mars, Korelin 6c fes trois Compagnons, dont on a parle dans le Chapitre precedent, afrwercntj ce qui fit monter a disRrhuit le nombre des Ruffes. Le 16 Avril,Korovin partit d'Unalashka, emmenant T . . r 1 u . le navire de onzeotages; Ion navire, batlottc par les vents contraires Korovin jufqu'au z8, echoua dans une baie de l'lfle d'Umnak. II ttfumnakf" fauva, avec beaucoup-de peine, fes munitions, fes voiles, &: les peaux deftinees a la conftrudion des baidars. Pel%- p>». ill $$ Nouvelles decouvertes dant le debarquement, un des malades fe noya; un autre mourut, des qu'il fut a terre ; 6c huit des otages profi- terent de la confufion generale pour s'enfuir. II reftoit a Korovin le fidele Kashmak, fon Interprete, Sc *cois otages; tout fon monde etoit reduit a quinze perfonnes, 6c meme il y en avoit trois de-malades du fcorbut j ihfe refugia, avec fes Compagnons d'infortune, entre un canot & quelques futailles vuides, qu'il couvrit de peaux de veau ma- rin; il etendit fes voiles pardeffus eh forme de tente. Deux hommes firent fentinelle, & comme rien n'anrioncoit 4'arfiyjee des Infulaires, les autres fe mirent a dormir., « i iH> Mm Les Ruffes Avant la pointe du jour, cent Sauvages s'avancerent courent rif- - v jljji „ / \\ j que d'etre iecretement des bords dela mer; 6c, arrives a deux verges tons mafia- ^ diftance , lancerent leurs darts avec rant de force, cres. que plufieurs percerent le canot 6c les peaux, & d autres fe fiecnt jour par en-haut a travers les voiles. Cette premiere decharge tua les deux feMinelles, les trois otages, 6c bleft&^tous les Ruffes. L'attaque fut fi bru&me & fi im- prevue , que Korovin & fes gens n'eurent pas le temps de recourir a leurs armes-a-feu; quoique bleffe > il fk une rfortie a la tete de quatre hommes qui perdoient leur fang comme lui, & il fonidit fur l'ennemi a coup de lances; Les Sauvages il tua deux Sauvages & mit les autres en fuite; mais, ayant recu de nouvelles blefliires , ainfi que fes braves Cama- rades, il leur reftoit a peine affezde force pour fe trainer a la tente. La nuit, il fiirvint une tempete, qui mit le navire en pieces. Prefque tous les debris que les flots jeterent fur ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 87 la cote, furent emportes par les Infulaires, qui d'ailleurs vuiderent les facs de provifion, 6c detruifirent les barils de graiffe 6C la plupart des fourrures. L'ennemi ne reparut pas avant le 30 Avril. Korovin raffembla les miferables rsffcgs qu'avoient laiffe les Sauvages , & que les V$gues apporterent fur le rivage depuis leur depart. Le 30 Avril, cent cinquante Naturels s'avancerent de la pointe orientale de l'lfle vers la tente; ils tirerent fur les Ruffes avec des armes-a-feu , a. la diftance de cent verges: heureufement que'leur decharge ne fit point de mal. lis incendiereqt aufli l'fegrbe des champs, 6c le vent porta les flammes contre la tente; Korovin & fes gens, plus intrepides & plus adroits , forcerent l'ennemi a fe retirer, & ils eurent le temps d'ete^ndre l'incendie. Les mal&dies 6c la neceflite retinrent Korovin dans cet endroit jufqu'au z 1 Juillet; mais ce fut la derniere attaque. A cette epoque, il fe mit en mer fur un baidar long de huit verges (a ), qu'il avoit conftruit dans le deffein de fe rendre au navire de Protaffoff, dont il ne favoit pas encore la deftince : fon monde etoit alors re- duit a douze perfonnes , parmi lefquelles il y avoit fix Kamgcliadales. Apres avoir rame dix jours, il debarqua fur la greve les Ruffes de la meme Ifle d' Umnak ; il y appercut les debris d'un navirencferaU- taffoff, & ' —■ — ■ - ■ trouvent l'e quipage maf- I (a) Les fept neuviemes de Taune de Taris , font la verge d\\An- "cr^» gleterrc. L'aune de Paris contient 3 pieds 7 pouces 8 lignes. , If' HI 88 Nouvelles decouvertes navire brule ; des vetemens, des voiles & des cordages mis en pieces. II trouva a peu de diftance une baraque vide, qui avoit fervi a fes Compatriotes, & dans les environs une chambre de bain, ou iJ eut la douleur devoir vingt Ruffes encore revetus de leurs habits. Chacun d'eux avoit autour du col une laniere de cuir, ou une ceinture, avec lefquels on l'avoit etrangle & traine a cet endroit; c'etoient des hommes de l'equipage du navire de Protaffoff, & parmi ces cadavres il y avoit celui du Commandant Medvedeff. II ne decoUvrit aucun veftige de leurs Camarades, & comme on n'en a jamais revu un feul, on ignore les details de cette deplorable cataftrophe. L'anivee de Apres avoir enterre les vingt cadavres, Korovin tra- Glottoft (au- vaj|]a a ]a conftruttion d'une baraque ; elle n'etoit pas ye ennn Ko- ... *■ rovin & fes encore acheyee , lorfqu'il vit Etienne Glottoff (a) qui gnon^" arrivoit par terre a la tete d'un petit detachement. Glottoff l'amena le fendemain fur foq. bord, ainfi que Yes Com- pagnons. Korovin fut enfuite charge, avec vingt hommes, de cotoyer l'lfle d' Umnak , & d'examiner Yx une partie de l'equipage de Medvedeff avoit echappe au maffacre general; mais il ne decouvrit rien. Pendant cette expedition , comme il etoit a I'ancre devant une petite Ifle entre Umnak 6c Unalashka, quelques Sauvages s'avan- cerent contre lui, fur deux grands canots ; mais ils fe retirerent des que les Ruffes eurent fait feu. Le meme (§) Voyei le Chapitre fuivant. fair ENTRE l'AsIE*'ET l'AmERIQU'Ev 89 foir il entra dans une baie de l'lfle d'Umnak, afin de paffer la nuit a terre. Cefcme il s'approchoit du rivage , une multitude de Sauvages montes fur environ cent canots, fenvironnerent en lancant une volee de darts; Korovin les ayant bientot difperfe a coups de fufil, il marcha vers un gros canot, qu'il voyoit a quelque diftance, corrfptant y trouver quelques-uns defes Camarades; il fe trompoit; les Infulaires, qui etoient fur cette embarcation , defeen- dirent a tetre 6c Ye retirerent dans les montagnes, apres avoir tire des armes-a-feu. Korovin cependant trouva un canot vide , qu'il re- connut pour celui dans lequel Barnasheff s'etoit embarque en allant a la chaffe. II n'y avoit que deux haches , 6c des pointes de fer taillees en forme de darts; il faifit trois femmes, 6c maflacra deux Naturels qui refuferent de fe rendre. II arriva enfuite a une habitation deferte, 6c il y trouva des morceaux de cuir de Ruflie, des lames de petits couteaux , des chemifes 6c d'autres cjaofes qui avoient appartenu a des Ruffes. II ne put rien apprendre des femmes qu'il detenoit prifonnieres, finon que l'equipage . avoit ete rue , 6c que le butin avoit ete enleve par les habitans du pays, qui s'etoient retires a l'lfle d?Unalashka. Korovin remit en liberte ces Indiennes, & retourna au havre de peur d'effuyer de nouvelles attaques. A l'approche de l'hiver, Korovin, a-la tete de vingt- deux hommes, fit une expedition de chaffe a la pointe occidentale d'Unalashka; il etoit accompagne d'un Interprets Aleiitien, nomme Ivan Glottoff. Apprenant des M ■IP# -!!-. :3Hi|«; go Nouvelles decouvertes Infulaires qu'un Batiment Rul£a, commande par Ivan Solovioff (a) mouilloit devant Unalashka, il Ye rendjg tout de fuite au havre, ou fe trouvoient fes Com.pa$Eiotes. Pendant fa route, il eut une efcarmouche tres-vive, avec les Naturels, qui voulirrenr l'empecher de debarquer; it en tua dix; le refte pit la fuite, J^ffant parderriere des femmes & des enfans. Korovin paffa trois jours a bord du navire de Solovioff, 6c retourna a l'endroit ou on l'avoit attaque la derniere fois : les Naturels ne s'oppoferent plus a. fa def- cente; ils le recurent au contraire d'une maniere amicale, 6c lui permirent de chaffer ; ils lui livrerent meme des otages, 6c echangerent paifiblement des fourrures contre des grains de v'erre; ils fe determinerent aufli a rendre des fufils 6c d'autres chofes enlevees aux Ruffes qui ayqient ete maffacres. Peu de temps avant fon depart, les habitans du pays recoftYfeencerent les hoftilites; trois d'entr'eux fondirenc brufquemeMi'fur une Sentinelle Ruffe a coups de couteaux: la Sentinelle parvint a fe degager, & ils fe retirerent des qu'ils la virent prendre le chemin de la baraque. Les Chefs du village protefterent qu'ils n'avoient aucune con- noiflance de cet attentat : les coupables furent bientot apres decouverts 6c punis. Lorfque Korovin sen retour- noit aupres de Glottoff, il fut oblige de fe battre contre des Infulaires d'Unalashka, 6c une feconde fois contre (a) Voyei le Chapitre XI. Srts Airier y j&fce une quarittre cohwdetable de bois flottatis. II y a cinq lacs fiir la cote feptentflbnale d'Unalashka ,& un feul a Umnak: aucun de ces lacs n'excede dftc'vtrfres de tour;' fls donne^fl naiffance a plufieurs petits ruiffeaux, qui coure&^'efpace de peu -de verftes, a'vaht dfef"fe jeter dafis la mer. Le poiflbn entre dans ces ruifJeaux en Avril, monte dans les lacs en g&illet 6c y demeure jufqu'au mois d'Aout. Les loutres & les autres animaux marinsifiequentent rarement ces Ifles, mais il y a une multitude de renards roux 6c Mij I & I m\\ fm il imp pf It III! Ill:I Remarques fur les Habitans. 02 Nouvelles decouvertes noirs. Au Nord-Eft d' Unalashka, on appercoit deux Ifles de cinq a dix verftes de diftance; mais Korovin ne tou- cha point fur ces dernieres Terres. Les habitans de ces Ifles fe rendent d'une Terre i l'autre fur leurs petits baidars; la population paroit fi confiderable, 6c leur vie fi errante, qu'on ne peut'pas exacte- ment en determiner le nombre. Voici la maniere dont ils conftruifent leurs jourtes , qui ne font pas toutes de la meme grandeur. Ils creufent d'abord un trou en terre de zo , 30 ou 40 verges de longueur , & de 6 a 10 de large. Ils etabliffent enfuite au bord des perches de bou- leau, de fapin & de frene, jetes fur la cote par les flots: fur le haut de ces perches, ils pofent en travers des planches qu'ils couvrent d'herbages & de terre : ils laiffent au fommet des trous par lefquels ils defcendent au moyen d'une echelle. Cinquante, foixante & meme cent cinquante perfonnes demeurent enfemble dans une de ces jourtes. Ils n'y allument point de feu , ou du moins ils en allu- ment un tres-petit; ce qui rend ces habitations plus pro- pres que celles d& Kamtchadales. L'hiver, lorfqu'ils veu- lent fe chauffer, ils brulent des herbes feches , dont ils font provifion lete, 6c ils s'accroupiflent autour. Un petit nombre de ces Infulaires portent des fourrures autour de leurs jambes, quand le froid eft rigoureux; mais la pluparc vont nuds pieds, 6c aucun d'eux ne porte de culottes. Les peaux des cormorans & des plongeons de mer fervent de vetemens aux hommes; & ceux des femmes font de peaux d'ours, de veaux 6c de loutres de mer. Ils couchent fur des nattes epaiffes, faites d'une herbe tres- II HiiUl [liili ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. 93 molle, qui croit pres de la cote ; la nuit, ils n'ont d'au- tre couverture que leurs vetemens ordinaires. Plufieurs hommes ont cinq ou fix femmes, 6c celui qui eft le meil- leur chaffeur & le pecheur le plus adroit, en a davan- tage. Les aiguilles des femmes font faites avec les os de l'aile des oifeaux , 6c les nerfs des memes oifeaux leur fervent de fil. Ils ont pour armes des arcs 6c des traits, des lances & des darts, qu'ils jetent comme les Groenlandois, a la diftance de 60 verges, au moyen d'une petite machine; les darts 6c les traits font empennes; la longueur des premiers eftd'environ une aune & demie (a). Le trait, qui eft bien fait, vu leur manque d'inftrumens, eft fouvent compofe de deux pieces; la pointe eft un caillou qu'ils aiguifent en le frottant entre deuX pierres. Les darts, ainfi que les lances, etoient autrefois armes d'os; mais, aujour- d'hui, ils le font communement de fer; car ils favent travailler le fer qu'ils tirent des Ruffes, 6c ils en font de petites haches 6c des couteaux a deux tranchans ; ils donnent a ce metal la forme qui leur convient, en le frottant contre deux pierres & l'humectant fouvent de 1'eau de mer. Ces inftrumcns 6c les haches de pierre font tous leurs outils. C'eft parmi eux un ufage univerfel de fe faire des trous a la levre inferieure & au cartilage du nez: ils placent dans la levre deux petits os en forme de dent qui fe projetent a quelques pouces en avant du (a) Entre quatre & cinq pieds. "if HUM S i 94 Nouvelles decouvertes vifage, 6c dans leur nez un os en travers. Ils encerrent les mfptts avec leurs canots, leurs armes & leurs vetemens^a). (a) Qukques-uns de ces details font une r^pe'tition de ce qu'on a deja dit plus haut j mais le plan de cet Ouvrage nous y oblige, pour ne rien ouSlier des remarques des differens Navigateurs : d'ailleurs tous les Voyageurs n'abordant pas au meme canton d'une IfleVil eft a pro- pos de rapporter leurs remarques fur les Infulaires qu'ils ont vus. ENTRE L 'As IE ET L Ami «& ^^sf^^d^k ERIQiUE. ^ # CHAPITRE X. Voyage d'Etienne Glottoff; il arrive aux Ifles des Renards j zY v<2 au-dela ^/'Unalashka jufqu'a Kadyak \\ il paffe Fhiver fur cette Ifle; les Naturels effayent a differentes reprifds de tuer Pequipage ; ilslljont repoufjes; ils fe recon- cilient, & ils commercent avec les Ruffes ; Defcription de Kadyak '■> Remarques fur fes Habitans, fes animaiix, fes productions; Glottoff retourne a Umnak \\ il y paffe un fecond liiver; fon retour au Kamtchatka 5 Journal de fon Voyage. CjE Voyage memorable s'etendit plus loin, 6c Ye ter- Voyage de mina plus heureufement que les expeditions precedentes. r Andre" 'fr™ Natalie, en Tsebaeffskoy 6c d'autres Negocians de Lalsk ayant equipe YAndre & Natalie , ils en doneerent le comman- dement a Etienne Glottoff, Marin habile 6c experiment^, natif d'Yarensk. Ce navire partit de la baie de la riviere du Kamtchatka, le premier Odobre 1761, avec un equipage de 38 Ruffes & de huit Kamtchadales : en huit jours il atteignit Mednoi ofiroffow l'lfle de Cuivre. Apres avoir cherche un havre convenable", Glottoff fit decharger le It'll w m ui I 96 Nouvelles decouvertes il hiyerne batiment & fe prepara a y paffer fhiver. Son premier al'lfledeCui* vre. foin fut de fe fournir de provifions ■, il tua enfuite une grande quantite de renards bleus & de loutres de mer. Il se decida a prendre a bord toutes les ferrures, 8£ les agrets qui refloient du navire de Bering, fur l'lfle de ce nom; il fe propofoit d'en faire ufage au befoin, ou de les remettre dans les Arfenaux de la Couronne. D^apres cette refolution, il envoya, le zj Mai, Jacob Malevinskoi, ( qui mourut enfuite) a la tete de 1 3 hommes , fur cette Ifle, eloignee de 70 verftes de celle de Cuivre; ce de- tachement rapporta vingt-deux ppudes de fer, dix de vieux cordages encore bons pour du fil de caret, du plomb & du cuivre, & plufieurs mUliers de grains de yerre. L'Isle de Cuivre, comme on fa deja dit, tire fon nom du cuivre natif qu'on trouve fur la cote, fur - rout a la pointe oueft de la bande meridionale. Malevinskoi recueillit, entre ce rocher & la mer, fur une greve d'environ douz.e verges de large , deux gros morceaux de ce metal , du poids de douze livres. Parmi les corps que les flots appor- tent fut le rivage, on rencontre quelquefois le veritable bois de camphre, & un autre efpece de bois tres-blanc^ tendre & d'un parfum agreable. Glottoff fe Glottoff fe voyant en etat de continuer fon vpyage I ' rendauxlfles •« 1 i,in s r> • 1 , T -n c' des Renards. Apparema, de lille de Cuivre , le z6 Juillet 1763 , 6c cingla du cote des Ifles d*Umnak & $Agunalashka , ou il avoit trouve autrefois un grand nombre de renards noirs. Comme il eut des tempetes & des vents contraires, il n'arriva entre l'Asie et l'Amerique. 97 il n'arriva a Umnak qu'apres cinquante jours de navigation. On etoit au 2.4 d'Aout •, 6c, fans mouiller &_ fans perdre de temps, il continua fa route , afin de decouvrir de nouvelles Terres; il en depaffa huit Contigues l'une a l'autre &'feparees par des detroits qui, d'apres fon eftime, lui parurent avoir de 10 a 100 verftes de large : il ne de- barqua cependant pas avant d'arriver a la derniere 6c la plus orientale. Les Naturels lui donnent le nom de Kadyak; K!dIIVe * 6c ils difent quelle n'eft pas eloignee d'un vafle continent couvert de bois. Cependant les Ruffes nappercurent aucune Terre depuis une petite Ifle , appellee Aktunak par les Naturels , laquelle git environ 30 verftes plus a l'Eft que Kadyak. Wei/I Le 4 Septembre, le navire remonta une crique, qui eft au Sud - Eft dAktunak, 6c a travers laquelle un ruiffeau fe decharge dans la mer. Ce ruiffeau vient d'un lac long de fix verftes, large d'une, 6c ou la fonde donne environ 5 o braffes. Le reflux laifla le batiment a. fee, mais le flux le remit en mer : il y avoit, pres de la cote, quatre grandes jourtes, fi remplies d'Infulaires, qu'il n'y eut pas moyen de les compter: tous ces Naturels abandonnerent bientot leur demeure m s'enfuirent avec precipitation. Le lendemain,quelques-uns d'entr'eux approcherent du navire en baidars, 6c effayerent de parler aux Ruffes: voyant que Glottoff ni l'lnterprete Aleutien n'entendoient pas leur langage, ils allerent chercher un petit garcon qu'ils avoient jadis fait prifonnier fur Ifanak , fune des Ifles fituees a l'Occident de Kadyak. L'lnterprete Aleutien entendit parfaitement celui - ci, 6c les Ruffes obtinrent N ilii it R fit h >• 1IB ill! lir ill 98 Nouvelles decouvertes ainfi tous les eclairciffemens qu'ils pouvoicnt deiirer. En conversant avec les Sauvages ', ils effayerent de leur perfuader de fe rendre tributaires j ils employerent ctfailleurs toutes les raifons poffibles, pour les engagers livrer a Glottoff, en qualite d'Interprete, le jeune homme de l'lfle dAfanak, dont j'ai parle tout-a-l'heure j mais leurs prieres furent tres - inutiles pout le moment. Les Naturels retournerent fur leurs canots au rocher, appelle Aktalin , qui ^git a environ trois verftes au Sud de Kar dyak, 6c ou ils fembloient avoir leurs habitations. Le 6 Septembre , Kaplin fut envoye fur ce rocher a la tete de 13 hommes, afin de traiter avec les Infulaires. II y trouva dix huttes , d'ou il vit fortir environ cent Naturels, qui fe comporterent d'une maniere amicale en apparence , & repondirent a l'lnterprete des Ruffes, par 1 entremife du jeune homme, qu'ils n'avoient perfonnc de propre a etre remis en otage ; mais qu'ils livreroicnt le jeune homme, puifque Glottoff le defiroit. Kaplin le recut, & apres les avoir beaucoup remercie, il 1'amcna a bord, ou Ton en prit un grand fbin; il fut enfuite conduit au Kamtchatka 6c baptife fous le nom d'Alexandre Popoff. II avoit alors 13 ans. Quelques jours apres cette conference, les Infulaires arrivcrent en troupes de 5, 10 20 & 30. On leur permit de monter a bord, mais en petit nombre a-la-fois, & on les accueillit bien, toujours en les furveillant. Le 8 Septembre , le navire remorita la crique plus haut fans decharger fa cargaifon ; 6c le 9, Glottoff, a la tete _J entre l'Asie et l'Amerique. 99 de dix hommes, fe rendit a un village neuf, fitue fur la cote a environ zoo verges du batiment, ou les Naturels commencoient a demeurer. II etoit compofe de trois jourtes d'ete, couvertes feulement d'une herbe longue : ces habitations avoient de huit a dix verges de large, douze de long 6c a-peu-pres quatre de hauteur j ils y virent une centaine d'hommes fans femmes ni enfans. Comme il etoit impoflible de perfuader aux Naturels de livrer des otages, Glottoff refolut dc ne pas divifer fon. , monde, 6c d'entretenir une forte garde. Les Insulaires continuoient a venir voir les Ruffes Les Naturels , .,.,., attaquent les en petites troupes', mais on s-appercevoit cnaque jour qu lis Ruffes & font avoient de mauvaifes intentions: enfin, le premier Octobre, defaits. a la pointe du jour, une troupe confiderable s'etant affem> blee dans les parties eloignees de l'lfle, traverfa brufque- ment le pays, lis s'approcherent tres-pres, fans etre de- couverts par les fentinelles, 6c ne voyant fur le^pont que ceux qui etoient en faction , ils lancerent une grele de traits j les fentinelles fe cacherent derriere les cordages 6c donnerent l'alarme fans lacher leur feu. Glottoff fit tirer une volee de petites armes pardeffus les tetes des Infulaires, qui, au bruit de l'explofion, fe retirerent en hate. Des qu'il fut grand jour , on ne vit plus l'ennemi j mais on decouvrit des echelles, des amas de foin dans lefquels les Naturels avoient mis du foufre, & une affez grande quan- tite d'ecorces de bouleau, qu'ils avoient abandonne au moment de leur fuite. Glottoff fentit alors qu'il ne devoit pas ceffer un Nij ill J. Emm 100 NoUVELLES DECOUVERTES inftant de fe tenir fiir fes gardes contre les entreprifes de ces Incendiaires ) la conduite pofterieure des Naturels accrut fes foupcons; quoiqu'ils vinflent au navire en petites troupes, ils examinoient tout avec attention , 6c fur-tout les fentinelles, 6c ils s'en retournoient toujours fans aucun egard pour les propofitions amicales des Ruffes. Le 4 Octobre, on appercut environ zoo Infulaires, qui portoient devant eux des boucliers de bois, & qui preparoient leurs armes 6c leurs traits pour une attaque. Glottoff employa d'abord la perfuafion afin de les de- tourner de leur projet; mais, voyant qu'ils s'avancoient de plus en plus, il refolut de hafarder une fortie : cette intrepidite les deconcerta, & ils fe retirerent fiir-le-champ fans faire la moindre refiftance. ggi llHffl |l Ifll IBIW HI Le z6 Octobre, ils executerent une troifieme attaque: les fentinelles les voyant s'approcher du navire au lever de l'aurore, donnerent l'alarme a temps, & tout l'equipage courut aux armes. A mefiire que la lumiere du jour augmentoit, on appercut differens detachemens, qui s'avancoient derriere des remparts de bois. On compta fept de ces remparts mouvans, 6c derriere chacun trente ou quarante hommes armes. Outre cette avant-garde , une foule d'autres Infulaires armes venoit prendre part au combat: les uns portoient des maehoires de baleine, 6c les autres des boucliers de bois. Comme les traits commencoient a tomber a bord du navire , 6c que les re- montrances de Glottoff etoient inutiles, il ordonna de faire feu. Les Balles des fufils n'ayant pas affez de force |te ENTRE L'ASIE ET l'AmeRIQUE, IOl pour percer les remparts, & les Naturels continuant a Defaite des s'approcher, fans s'emouvoir, il fit une fortie a la tete de Nature.s. fon equipage arme de fufils 6c de lances. A l'inftant les Sauvages laifferent tomber leurs remparts, s'enfuirent avec precipitation aupres de leurs canots , ou ils fe jeterent pele - mele , 6c gagnerent le large. Ils avoient dix - fept grands baidars 6c un affez bon nombre de petits. Les remparts mobiles qu'ils abandonnerent etoient trois rangs de pieux places perpendiculairement 6c joints enfemble avec de l'algue 6c de l'ofier; ils avoient douze pieds de large & plus d'une demi-verge d'epaiffeur. Les Naturels paroiflant affez intimides, les Ruffes Les Ruffes m Ii . , " ,,, . j l paffent l'hi- commencerent a batir une baraque d luver, avec des bois Ver a Kadyak. flottans; ils eurent la precaution de ne pas trop fe feparer, cV ils attendirent ainfi la belle faifon, fans etre attaques de nouveau. Ils ne virent perfonne avant le zj Decem- bte; Glottoff, qui tenoit toujours fon monde reuni, en- voyoit feulement de petits detachemens a la chaffe 6c a la peche fur le lac fitue a environ cinq verftes de la crique. Ce lac lui fournit, pendant tout fhiver, differentes efpeces de truites 6c de faumons, de foles & de havengs, d'une palme & demie de long, 6V meme du turbot & de la morue, qui remontoient avec la maree. Enfin , le z 5, deux Infulaires arriverent pres du navire, & converferent de loin par l'entremife des Interpretes. On leur fit des propositions de paix 6c de commerce, avec toutes les demonftrations poffibles d'amitie \\ mais ils sen allerent fans montrer beaucoup de confiance clans ces * i WW " II» IilR m m 102 IN OUVELLES DECOUVERTES offres; 6c on n'cn vit reparoitre aucun avant le 4 Avril 17^4. L'equipage nefaifant pas affez d'exercice, fiit attaque du fcorbut, 6c cette maladie emporta neuf hommes. Les Naturels Le 4 Avril , quatre Naturels fe rendirent aupres des fe reconci-^ Ruflfes ? & ecouterent avec plus de docilite les propofi- Rufies. tions qu'on leur fit j enfin l'un d'eux s'appf-odtaa, & offrit d'echanger deux peaux de renards contre des verroteries. Ils ne mettbient pas le moindre prix aux autres mar- chandifes 5 ils ne vouloient ni chemifes, ni toiles , ni nankins, ils preferoient a tout, les grains de verre de differentes couleurs, 6c, quand on leur en donnoit,ils cedoient volontiers leurs fourrures. Ces echanges, 6c les prieres affectueufes de Glottoff, furent d'un fi grand effet, qu'a- pres avoir delibere avec leurs Compatriotes, ils revmrent declarer,d'unemaniere folemnelle, qu'ils ne commettroient plus a l'avenir d'hoftilites. Depuis cette epoque, jufqu'au depart du navire , il y eut un commerce regulier entre l'equipage 6c les Naturels, qui apportoient des peaux de renards & des loutres marines, & qui recevoient en retour un nombre ftipule de grains de verre. On vint meme a bout de perfuader a quelques-uns d'entr'eux de payer le tribut, 6c on leur expedia des quittances. Entr'autres choses les Ruffes fe procurerent deux petits tapis travailles d'une maniere curieufe. Les polls de caftor etoient fi bien arranges qu'ils formoient uri veloute agreable \\ Glottoff ne put pas favoir s'ils avoient ete reel- lement faits par les Infulaires. II5 apporterent aufli des peaux de loutres marines bien appreteesj ils avoient coupe ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 103 le poil tres-pres avec des pierres aigues; la fourrure etoit d'un brun jaunatre, & avoit le poli moelleux du velours. Leurs bonnets etoient decores d'une facon finguliere, & quelquefois tres-belle : plufieurs portoient fur le front des peignes ornes decrins, pareils a nos cafques; d'autres, 6c fur-tout les femmes, en portoient d'inteflins coufus enfem- ble avec des poils 6c des nerfs de renne , & releves au fommet par de longues touffes de cheveux d'un rouge eclatant > cette parure avoit une forte delegance. Glottoff rapporta au Kamtchatka des echantillons de ces ouvrages (a). Les Naturels different beaucoup des autres habitans des Ifles des Renards, en ce qui regarde le vetement 6c le langage; on trouve a Kadyak plufieurs efpeces d'ani- Animaux de maux, qu'on ne rencontre pas fur les autres Terres, tels ^yak. que 1'hermine, la zibeline, le caftor, la loutre de riviere» le loup, le fanglier 6c fours. Les Ruffes n'ont pas reelle- ment vu ce dernier quadrupede , mais ils ont reconnu fempreinte de fes pieds. Quelques-uns des habitans avoient des habits de peaux de renne & de jevras : le Jevras eft une efpece de marmofe? Ces peaux venoient pro- bablement du continent YAmerique (b). II y a une mulr (a) Ces Ouvrages & plufieurs autres pareils, fe confervent an Cabinet de Curiofites de TAcademie des Sciences de Pe'tersbourg : ce Mufeum merite Tattention des Voyageurs , car il renferme une collection nombreufe de vetemens des Peuples Orientaux. On y trouve fur-tout une multitude de vetemens, d'armes & de meublesqui viennent des Ifles nouvellement decouvertes. (b) Cette coujeclure eft zffez probable, cependant, fi le Ledteur veut mm ill «ir ki^l n. m illll li ■fettM 104 Nouvelles decouvertes titude de renards noirs, brims & roux, 6c:1a cote eft rem- plie de chiens, d'ours > de lions , 6c de loutres de mer. Les oifeaux font des grue's, des oies, des canards , des mouettes, des corneilles 6c des pies j jufqu'ici on n'y a pas Produftions ^couvert de nouvelles efpeces. Les produ&ions vegetales vegetales. ■ r r • ° font peu confiderables; on diftingue trois ou quatre efpeces de petits fruits qui croiffent fur des arbriffeaux, & des lys fauvages, dont les Naturels mangent les racines. II croit d'ailleurs a. Kadyak des faules & des aunes, ce qui fem- ble annoncer la proximite du continent diAmerique. On ne peut pas determiner, d'une maniere exacte, l'etendue de cette Ifle; les Ruffes craignant les Infulaires, n'ont pas ofc penetrer bien avant pour reconnoitre le pays. Remarques fur les Habitans. Les habitans , comme ceux des Aleutiennes 6c des Ifles les plus proches, fe font des trous a la levre infe- rieure 6c au cartilage du nez, 6c ils placent des os d'oifeaux 6c de quadrupedes travailles dans la forme d'une dent. J'ai dit tout-aJ'heure que leurs habits font de peaux de rennes 6c demarmofes (a); ils en portent auffi de peaux d'oifeaux, de renards 6c de loutres marines. Les nerfs leur tiennent lieu de fxL pour les coudre. Ils s'enveloppent quelquefois les jambes avec la fourrure des rennes \\ mais ils ne con- fe rappeller qu'il y a, dit-on, des rennes dans l'lfle d'Alakfu , il verra que Jes Infulaires de $adyak ont pu tirer de-la leurs peaux : quant aux Jevras , je ne fuis pas abfolument sur que ce fpit une efpece de ^larmofe. (a) Le mot. Anglois eft Marmofets : les Dictionnaires difent que le Marmofet eft une efpece de finge : mais ils fe trompent surementj (& je pr^fume que Jtyarmofet doit etre traduit par Marmofe. noilfent llillil fflll'llil! -J ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQITE. 10^ noiffent pas les culottes. Ils none d'autres armes que des arcs, des traits 6c des lances, dont les pointes font de cailloux aiguifes comme leurs petites haches: quelques- uns font des couteaux 6c des pointes de lance avec des os de renne. Ils donnent a. leurs boucliers de bois le nom de Kuyaki, ce qui fignifie un petit -canot chez les Groe'n- landois. Ils font tres-grofliers : ils n'ont point de penchant a accueillir les etrangers , 6c on n'appercoit entr'eux aucune marque de deference ni de foumiilion. Quelques-unes de leurs pirogues font fi petites, qu'elles contiennent feulement une ou deux perfonnes. Mais ils ont de grands baidars femblahles aux canots des Groenlandois. Ils fe nourriffent principalement de poiffon crud & fee , qu'ils prennent en mer avec des hamecons d'os, ou dans des ruiffeaux avec des filets de nerfs. Ils fe donnent le nom de Kanagifl, ce qui approche de Karalit, nom que portent les Groenlandois 6c les Efqui- maux de la cote de Labrador. La difference de ces deux noms eft peut - etre un effet du changement de pronon- ciation, ou une meprife des Navigateurs Ruffes qui auront mal ecrit. Leur population paroiffoit affez confiderable fur cette partie de l'lfle, oil ils avoient leurs habitations fixes. "L'Isle de Kadyak (a) forme, avec celles dAghuna- lashka, & Umnak 6c les petites Terres fituees aux envi- 1 (a) Kadyak ne fe trouve fur aucune Carte des Ifles nouvellement decouvertes; car nous n'avons point la Carte du voyage de Glottoff; £c c'eft le feul Navigateur Ruffe qui y ait relache. ' 0 iff ffe ill i|,tHM||: 1*| Ml':,, BP! ll»l 106 Nouvelles decouvertes rons,un Archipel cohtinu, cfui s'etend aux Nord-Eft 6c a l'Eft Nord-itft, vers YAmerique : d'apres l'cifttme du vaiffeau, elle git par 130 degres de longitude j ainfi, elle n'eft pas eloignee de la cote du Nouveau -Monde, ou fl paroit que toucha Beting. La grande lsiidAlakfu,£kaee aui>Nord de Kadyak, oii Pushkareff paffa l'hiver ( a), doit etre encore plus voifine du Nouveau-Monde ; 6c il y a Keu de croire, comme le difent les Naturels du Pays, qu'un grand Pro- montoire du continent de YAmerique, s'etend au Nord- Eft dAlakfu. Quoique les Infulabejs fuffent devenus -plus fbciables 6c plus difpofes a la paix , leur nombre etoit fi confiderable que Glottoff n'ofa pas paffer un fecond hiver a Kadyak : il fe prepara done a partir. II manquoit de cerceaux pour fes futailles , 6c ayant appris des Naturels que l'lfle produit des arbres a. peu de diftance de la baie, il chargea, le 15 Avril, Lueas Ftoruskin d'aller a la tete de onze hommes couper du bois. Fcoraskin , qui revinc le meme jour, dit qu?apres avoir longe la cote meridio- nale de l'lfle, jufqu'a 40 ou 50 verftes du havse, il appercut , & une demi - verfte du rivage, dans des vallees entre des rochers, un nombre confiderable d'aunes pareils a ceux qui croiffent au Kamtchatka. Les plus gros troncs avoient de deux a quatre vershocks de diametre j il en abattit autant qu'il voulut -, il n'appercut ni Infalaire , ni habitation. (a) Voyei le Chapitre VI. entre l'Asie et l'Amerique. 107 Glottoff defjcendit la crique au mois de Mai, 6c 9 Depart de apres avoir embarque toutes fes pelleteries 6c Yes muja& Kad7a^ a" . r * r mois de Mai tions, il partit dc Kadyak le 14. Les vents contrai- 17U4. res le retarderent & il fut jete pres de l'lfle dAlakfu. Son eau erant prefque epuifee, il defcendit fur use autre Ifle, apj&ellee Saktunak , afin d'en faire de la nouvelle. Enfin, lc 3 Juillet, il mouilla pour la feconde fois a Umnak, au fond d'une baie que GlottoJFavoit reconnue Arrivee i dans le premier voyage. II monta tout de fuite un baidar pour deicendre a. terre, 6c il trouva bientot les ruin?& d'une baraque qu'il avoit conftruit an^jennement. II appercut aux environs une baraque conftruite par d'autres Navigateurs , pendant fon abfence j il y trouva le cadavre d'un Ruffe affafline , que perfonne de fon equipage ne put reconnoitre. Voulant fe procurer des eclairciflennens fur ce meurtre , il trayerfa l'lfle, le 5 Juillet , accompa- gne de feize hommes. II rencontra les reftes d'un navire qui avoit ete brule, des livres de prieres, des images: on avoit emporte les ferrures 6c les cordages. A peu de diftance de-la, il entra dans une chambre de btain remplie de Ruffes affaflines, qui etoietot encore couverts de leurs habits. II jugea, d'apres le rapport de quelques Indiens , que ces malheureux fai^foient partie de l'equipage du navir}$ de Protaffoff: il ne fe trompoit pas dans fes conjectures. Effraye du fort de fes Compatriotes, il retourna a fon navire , 6c delibera touchant les mefures qu'il devoit prendre. II fut decide, d'une voix unanime, qu'on tache- roit d'arquerir de nouvelles informations fur le batiment, qui avoit effuye ce malheur. Sur ces qptaefaites , fept O ij Sri Relfw wid [. ■'•'"H M ■ ■It 'UjDf . I . i I •' 11' li>! ill'. <-'\\ D mi qu'un petit nombre des Ruffes s'etoit echappe. (c'etoieni fans doute Korovin & fes Camarades) (a). II avoua que le deffein des Naturels etoit d'attirer Glottoff a terre & dele tuer j que, d'apres ce projet, une trentaine d'entr'eux fe tenoient en embufcade derriere les rochers voifins. lis comptoient quay ant maffacre le Chef, ils leur feroit aife de fe fuifir du batiment. Des que Glottoff eut appris ces details, il retint le Naturel a bord; & debarquant a la tete d'un detachement confiderable , il attaqua les Sauvages ; ceux-ci lancerent des traits & meme fe fervirent ( a ) Voyei le Chapitre IX, Hlf* ; i. «iy« ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE, IO9 des fufils qu'ils avoient enleves, mais ils furent forces en peu de temps a fe retirer fur leurs pirogue's. Le 14 Juillet , il furvint une tempete violente, qui rompit le cable du navire de Glottoff, & le fit echouer fer la cote, fans autre perte que celle d'un ancre. L'equipage manquant de provifions fraiches, tomba malade 6c devint incapable de fe defendre. Glottoff cependant fe rendit, le z8 Juillet, a la tete de dix hommes, vers cette partie de l'lfle, ou, fuivant ce qu'on lui avoit dit, il comp- toit trouver Korovin. Mais il n'en decouvrit aucune trace, & il crut que les Ruffes qu'il cherchoit avoient fini par fuccomber fous la multitude des Infulaires. Le z Aout | au moment ou il retournoit fur fon bord , cinq Naturels s'approcherent de lui en canots •, ils lui demanderent d'ou i^venoit, & favertirent que de l'autte cote de l'lfle il ren- contreroit Korovin & fes Camarades, qui conftruifoient une baraque aux bords d'un ruiffeau. Glottoff, fuivi de fon detachement, fe rendit fur-le-champ par terre a l'endroit qu'on lui indiquoit, & il y trouva effe&ivement Korovin qui ne s'attendoit plus a ce bonheur. J'ai deja dit comment il fe reunit a Glottoff j pour s'en feparer enfuite (a). %^tl Glottoff & decidant a paffer l'hiver a Umnak, Glottoff chercha un mouillage convenable. Le z Septembre, Ko- \\ umnak rovin, ainfi qu'on l'a vu plus haut , fit une expedition iver m m (a) Voyei le Chapitre precedent tin p Ipr^i *«K no Nouvelles decouvertex de chaffe avec deux baidars. A fon retour, au mois de Mai 1765, il apprit farrivee du navire de SoloviofF, qui relachoif devant Unalashka. ( Nous en parlerons bien- tot ){a). Aucun des Infulaires ne fe montra pres du havre pendant l'hiver; il eft probable qu'alors cette Terre etoit inhabitee, car les Ruffes flrent des excurfions de tbtK les cotes, 6c meme ils acheverent une fois le tour de l'lfle j ils examinerent les habitations des Naturels , ainfi que tout le pays, &ils firent une rdcherche exacte des debris du navire pille par les Sauvages. Suit ant le Journal de Glottoff, Umnak a environ 300 verftes de circonference \\ on y trouve plufieurs petits ruiffeaux qui viennent des lacs, & qui tombent dans la mer,apres un cours depeu detendue : on ne voit point d'arbres fur l'lfle, 6c les productions vegetales y font les memes que celles du Kamtchatka. On appercut l'ete de petits grouppes driabitansj mais ils prenoient la fuite a 1'approche des Ruffes: des follickations preffantes en determinerent quelques-uns a aborder Glottoff, 6c meme a lui payer un tribut; & il obtint, de cette maniere , les armes, les ahcres & les ferrures du'navjije qui avoit ete pille; il cmploya aufli toute la belle faifon a eohanger des grains de verre contre des peaux de renards & des loutres de mqi'.J ) Voye[ le Chapitre fuivant. ENTRE L'AsiE ET L'AMERIQUE. IIS L'hiver fuivant, if envoya des detachemens de Chaffeurs a Unalashka 6c dans finterieur de l'lfle d'Umnak; 6c, au mois de Juillet 1766 , il appareilla pour retour- ner au Kamtchatka. Nous allons donner, a la fuite de cette Narration, une copie du Journal term a bord du navire YAndre & Natalie, qui pourra fournir des inductions fur la pofition des differentes Ifles. Depart d' Umnak. * U IIS illiffi r H Mi III i iii ill I in t , ff! li §™h 112 Nouvelles decouvertes ■I .ii&SssfSfctlii 3J» voy^'df JOURNAL DE GLOTTOFF Glottoff, M bord de I'Andre & Natalie. iy6z. Oflobre. i.^Appareille de la baie du Kamtchatka. z. Vent du Sud. Le Cap entre l'Eft & le Sud-Eft pendant trois heures. 3. Vent de Sud-Eft. Manoeuvre au Nord-Eft pendant feize heures. 4. Depuis minuit le Cap a l'Eft avec un bon vent pendant dix-huit heures. 5. A fix heures du matin, vue de flue de Bering , a la diftance d'environ dix huit verftes. 6. A une heure, mouille a la pointe Sud I Eft de l'lfle de Cuivre. 7. A huit heures du matin , appareille vers la cote meridionale de l'lfle , ou nous mouillames a dix heures. 1763. juillet. 16, Appareille de l'lfle de Cuivre a cinq heures du foir. 2.7. Un bon vent de Sud Sud-Oueft pendant 17 heures. 2.8. Nous fimes peu de chemin. • B| Nous allames en derive.-—Le vent au N. N. Eft. 30. Ditto. 31. Ditto. Aout, el Ditto. z. A onze heures du matin, le vent Nord-Eft, le Cap IM'Eft. 3. Le vent ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. I I 3 3. Le vent a l'Oueft-Sud-Oueft. Nous fimes huit nceuds par heure & 150 verftes, 4. Vent de Sud.—Nous fimes 150 verftes. • 5. Meme vent.— Nous fimes iz6 verftes. 6. Meme vent, —Trois nceuds par heure. —45 yerftes. 7. Calme. 8. Pendant la nuit, petit vent du Sud Eft. — Le Cap au Nord-Eft, deux nceuds} par heure. 9. Avant midi, calme. — A deux heures, petit vent de Nord-Eft , le Cap entre l'Eft-Nord-Eft & le Sud - Eft, trois noeuds par heure. 10. Le matin vent d'Eft-Nord-Eft, — Enfuite du Sud- Sud-Oueft , avec lequel nous portames le Cap au N. E. 11. A cinq heures , vent Sud-Sud-Eft, le Cap a l'Eft- NordEft, trois noeuds par heure. 1 z. Vent du Sud, le Cap a l'Eft. — Deux nceuds | par heure,—Nous fimes 50 verftes. 1.3. Vent de Sud-Sud-Eft , le Cap a l'Eft.—Quatre nceuds I par heure.— Nous fimes 90 verftes. 14. Vent d'Oueft-Nord-Oueft. — Deux nceuds par heure. — Nous fimes 3 o verftes. 15. Le vent finiffoit. — Quatre nceuds par heure.— Nous fimes 60 verftes. 16. Vent de Nord-Nord-Eft, Cap a l'Eft-Sud-Eft.— Trois nceuds par heure. — Nous fimes 30 verftes. 17. Vent Eft-Sud-Eft & Sud-Eft. Brifes legeres 6c variables. 18. Vent Sud-Eft-, Cap au Nord-Eft. — Trois nceuds ~ par heure. — En douze heures nous fimes zz verftes. 19. Vent de Sud 6c brifes legeres, — Cap a. l'Eft. — P ll»li »n m M m m 1*1 Bi 114 Nouvelles decouvertes Trois nceuds. —Nous fimes 11 verftes en huit heures. 2 o. Calme avant la pointe du jour. — Trois heures apres le lever du Solejl line ^fife fouffla du Sud - Eft. — Cap a l'Eft-Nord-Eft.—Trois nceud[s.—Nous fimes 10 verftes. zz. Calme. 2,3. Ventde Sud-Sud-Eft pendant la nuit.—Deux nceuds; — Le vent tourna enfuite au Sud Sud-Oueffc & le navire fit cinq ou fix nceuds. — 150 verftes pendantZ4 heures. z 4. Vent de la terre a la pointe du jour. — Trois nceuds. •— 45 verftes. zj Vent de l'Oueft-Sud-Oueft j cingle le long de la cote. — En Z4 heures 50 verftes. z6. Vent Nord-Oueft.—Cap au Nord - Eft. -*- Cinq nceuds. —100 verftes. zj. Vent Eft-Nord-Eft. Le batiment deriva vers la terre, fur laquelle on decouvrit une haute moaeasne. zS. Vent Nord-Eft 6c orageux.— Le vaiffeau en derive. gjgjj Vent de Nord-Oueft. Cap a 1'Eft-Nord Eft. —Trois nceuds. 3 o Vent Sud Sud-Eft. — Six nceuds. --> Le Cap mis de nouveau fiir la terre. 31. Tempete violate. — Vent d'Oueft. Septembre. i.cr Vent d'Oueft. — Cap Nord-Eft fur la terre.— Trois nceuds. z. Vent de $ud-Oueft. — Cap Nord-Eft fur la terre.— Cinq nceuds. 3. Vent de Sud-Oueft.— Derive au Nord-Nord-Eft le long de la cote. 4- y^nt d'Oueft-Nord-Oueft.— Cap au Nord-Eft. — li. ftit mJT ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. 11^ Quatre nceuds. — Nous fimes 100 verftes. 5. Vent de Nord-Oueft. — Cap a l'Eft-Nord-Eft. — Trois nceuds. — Nous mouillames~ fiir le foir en travers de l'lfle de Kadyak. \\j6\\. Z4. Appareille de Kadyak. Mai. zj. Vent deNord-Oueft.—Fait peu de chemin a l'Oueft- Sud-Oueft. I z6. Vent de l'Oueft. — Le vaifleau en derive dans la partie du Sud-Eft. zj. Vent de l'Oueft Sud-Oueft. — Le vaifleau en de five vers l'Eft-Sud-Eft. Le meme jour, le vent tourna au Sud , & nous mimes le Cap du cote de Kadyak. z8. Vent de l'Eft-Sud-Eft. Ren®@ncre de la Terre d?A~ laska ou dAlakfu. 2.9. Vent du Sud-Oueft. Cap au Nord-Oueft. 30. Vent de l'Oueft-Nord-Oueft. Le batiment en derive fous la mifaine. 3 r. Vent de TOueft. — En derive au Sud. i.er Vent de l'Oueft-Sud-Oueft. Debarque fiir l'lfle de Juin. Saktunak pour y faire de l'eau. z. Vent de Sud-Eft.— Le Cap au Sud-Oueft le long de l'lfle. — Trois nceuds. 3. Vent de Nord-Eft. —Cap a l'Oueft-Sud-Oueft.— Trois ou quatre nceuds par heure.—Nous fimes 100 verftes en 14 heures. 4. Calme. 5. A huit heures du matin, petite b-tjfe de SudfEft. 6. Vent de;IEft.—Enfuite calme. Le vent fouffia du H ntfiWHl 'Wl' Ml itoitf II 1 Mill ill •J! m 116 Nouvelles decouvertes Sud-Eft fur le foir. — Le Cap au Sud-Oueft.—Trois nceuds. .— Nous decouvrimes terre a l'avant fans nous y attendre. Du 7 au 10 , mouille en travers d'un petit rocher. 10. Vent fort du Sud.— Le batiment chaffe fur fon ancre. — Porte en mer le Cap a. l'Eft. i r. Mouille une feconde fois a peu de diftance de la terre. 13. Vent du Sud Sud-Oueft, porte en mer. — Le Cap a l'Eft-Sud-Eft. 14. Vent de l'Oueft-Sud-Oueft. Cap au Sud-Sud Eft. —\\ un noeud. 15. Calme. 16 Vent du Sud. — Cap a l'Oueft.—-Un nceud. — Le batiment derive un peu au Nord. v 17. Vent du Sud-Sud-Eft. — Cap a rOueft-Sud-Oueft,— Trois nceuds. 18. Calme. 19. Ditto. zo. Vent de Nord- Eft. —Cap au Sud-Oueft. Nous fimes ce jour environ 87 verftes. z 1. Le vent fouffloit droit de l'avant; mouille en travers d'une Ifle inconnue, ou nous reftames jufqu'au zj. zj. Mis en mer des le grand matin. z6. Vent d'Oueft-Nord* Oueft, enfuite Oueft.—Cap au Sud-Eft. Z7. Calme.— La nuit une brife legere, mais favorable. z8. Vent du Nord-Oueft, notre route continuee.—• Deux a trois nceuds. z9. Vent du Nord - Eft, fej Cap a l'Oueft. — Trois Pi Juin. ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. llj a quatre nceuds. —.Nous apperc/imes terre. 30. Vent du Nord-Eft.—Cap au Sud-Oueft. — 7 nceuds. i.er Meme vent 6c meme route. —Cinq nceuds. — Nous juillet. fimes zoo verftes. z. Approche de l'lfle d'Umnak 6c mouille au-deffous d'une petite Ifle jufqu'au Iendemain : alors nous fimes en- trer le batiment dans le havre, 6c on le vira en flanc. 1766. 13. Le navire remis dans le havre 6c vire en quille. Nous reftames mouilles jufqu'au 3 de Juillet. 3. Appareille. 4. Vent de l'Eft. 5. Un vent du Sud-Oueft jeta le batiment en derive; a environ 50 verftes au Nord-Eft. 6. Vent du Sud, nous fimes environ 60 verftes a TO. 7. Vent de l'Oueft-Sud-Oueft. Le batiment jete en derive au Nord. 8. Vent de Nord-Oueft. Le Cap au Sud. —Un nceud. 9. Vent de Nord-Oueft. Cap a l'Oueft-Sud-Oueft tout le jour. 1 o. Vent du Sud - Sud - Oueft. Nous fimes environ 40 verftes a l'Oueft-Nord-Oueft. 11. Vent du Sud-Oueft. Nous continuames la meme route, mais nous ne fimes que cinq verftes. iz. La meme route continuee. Nous fimes 55 verftes; 13. Calme la plus grande partie du jour. 14. Vent de l'Oueft-Notd Oueft 6c orageux. Le batir. ment jete en derive fous la mifaine. 15. Veut du Sud. Nous fimes ico verftes de bonne route. jV.ii^Jij *SS*- '£'%/. mm Rill 1 11! In ji8 Nouvellesdecouvertes - 16. Vent de l'Eft-Sud-Eft. — Le Cap a 1'Oueft-Sud-OuefL — Six nceuds. — Nous fimes roo verftes. 17. Vent du Nord-Nord-Oueft. — Le Cap au Sud-Oueft. — I)eux nceuds par heure.—Nous fimes 30 verftes* 18. Vent de Sud. — Le Cap a l'Oueft.—Cukj nceuds. «- Nous fimes 13 o verftes. 19. Vent du Sud-Oueft. Le batiment jete en ijewm fous la mifaine. zo. Vent de l'Eft-Nord-Eft.—Le Cap a l'Oueft-Nord- Oueft.— Trois nceuds. zi. Vent de l'Eft -Nord-Eft.— Quatre a cinq ncetids. Nous fimes zoo verftes. zz. Vent du Nord-Eft. — Quatre nceuds^. — Nous times 150 verftes. z 3. Vent de l'Eft-Nord-Eft. — Le Cap a l'Oueft. — Trois nceuds. — Nous fimes 100 veriftes. Z4. Vent de l'Eft. — Le Cap a l'Oueft. — Trois nceuds. — Nous fimes 5 o verftes. Z5. Vent de Nord-Eft.— Le Cap a l'Oueft. — Cinq nceuds. — Nous fimes 100 verftes. -z6. Le Vent continua auNord - Eft , 6c fralchit.— Le Cap a l'Oueft. — Sept nceuds. — Nous fimes zoo verftes. Z7. Petite brife du Nord-Nord-Oueft, avec laquelle nous fimes cependant r 5 o verftes. z8. Vent de l'Oueft-Sud-Oueft. Le Batkneiat Z4 heures en derive, a mats & a cordes. Z9. Vent du Sud. — Le Cap a l'Oueft. — Deux nceuds.. Nous fimes 48 verftes.^ Ce jour nous appengjames la terre. RDM Ik ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. IIO 30. Vent du Sud - Sud-Eft. — Quatre nceuds.— Nous fimes 96 verftes 6c nous approehames de la terre, que nous reconnumes pour l'lfle de Karaga. Du premier au 13 Aout, nous continuames notre route pour l'embou- chure de la riviere du Kamtchatka ; quelquefois lou- voyant au vent, quelquefois allant en derive. — Enfin jidus aijrivames heureufement avec une riche cargaifon. raBill mm. ■ ill «i>' ■**■ M it 'Ml mm liikl illii IWtJI 120 Nouvelles decouvertes CHAPITRE XL •'"3j Voyage de Solovioffi il arrive a. Unalashka, & paffe Vhiver fur cette Ifle; rich de ce qui lui ■arriva; les Naturels effaient infruchieufement de ditruire Vdquipage ; retour de Solovioff au Kamtchatka j Journal de fon retouri Defcription des Ifles *fUmnak & ^Unalashka \\ Productions i Habitans ; leurs Maurs ; leurs Ufages &c. Voyage de j^n 1764 , Jacob Ulednikoff, Negociant di Irkutsk | Solovioff, fur,.. • 1 c ■ r> • r / c • nr/~ le Saint-Pierre equipa le navire le oatnt-jr terre & Le oatnt- taut. Ce & le Saint- bar.jrnent, commande par Ivan Solovioff, partit de l'em- Paul , en . . r 7 / » a 176+., bouchure de la riviere du Kamtchatka , le 5 Aout, avec 55 hommes , parmi lefquels'il y avoit quelques-uns des Proprietaires, 6c 13 Kamtchadales. Il porta d'abord le Cap au Sud-Eft avec un vent de Nord-Oueft; mais, approchant du Sud, il dirigea fa route a l'Eft-Nord-Eft. Le Z7, un des Matelots Ruffes mourut en travers de la pointe du Kamtchatka. Le 3 1 , Solovioff eut vue de l'lfle de Bering , qu'il laifla a. fa gauche. Le premier & le z Septembre, il eut calme} & le vent fe levant enfuite a l'Oueft-Sud-Oueft, ilcontinua fa premiere route. — II cingla jufqu'au 5 avec un vent du Sud, mais 1 ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQU E. 121 le 5 & le 6 des brifes variables 6c des calmes tout plats 1'empecherent d'avancer. Du j au 13 il marcha a l'Eft- Sud-Eft avec des vents du Sud & de l'Oueft} 6c, depuis ce jour jufqu'au 15, il fit route a l'Eft avec un vent de l'Oueft. Le 16 Septembre, il appercut l'lfle dYUmnak, ou Solovioff avoit relache autrefois fur le navire dc Niki- phoroff. Comme il longeoit la cote feptentrjonale, trois Infulaires arriverent pres de lui fur des baidars ; mais l'equipage n'ayant point d'Interprete, ils he voulurent pas monter a bord. Le Commandant ne trouva point de baie sure dans cette partie , 6c il continua fa route a travers un detroit, large d'environ une verfte , qui fepare l'lfle d' Umnak de celle d'Unalashka. II mit en. panne pendant Arrivee a la nuit, &, des le grand matin du 17, il laiffa tomber Una1^3' l'ancre, a environ zoo verges de la cote, dans une baie de la bande feptentrionale de la derniere Ifle. Le Capitaine chargea enfuite Gregoire Korenoff de monter un baidar avec 20 hommes , de debarquer; de reconnoitre le pays} de fe rendre aux habitations les plus proches, 6c d'examiner les difpofitions des Infulaires. Korenoff revint le meme jour dire, qu'il avoit decouvert une jourte, mais quelle etoit deferte & en mine3 6c qu'il y avoit trouve une ceinture 6c une gibeciere qui ne pouvoient venir que des Ruffes. D'apres ce rapport, Solovioff rapprocha le navire de la cote 6c s'effor^a de gagner l'embouchure de la riviere, appellee, par les Naturels, Tfkanok, 6c, par les Q i iiiki ■t;. 241 1111 li m t- !,..,!i,i:ir'l:.'PH.l!! If 111 ftiS B 2'In If B^llii IBll m 122 Nouvelles decouvertes Ruffes, Ofernia; mais l'eau ba/fe fen empecha. II de- barqua cependant fes agrets & fes provifions. Les Infulaires ne parurent pas avkrrt le z z : deux cfentr eux arriverent ce jour-la 6c temoignerent aux Ruffes qu'ils Etoient les bien-venus. Ils dirent leurs noms & furent reconnus pat Solovioff, II les avoit vu dans une premiere expedition, & Agiak, fun d'eux, lui avoit fervi d'Interprete j l'autre, qui s'appelloit Kashmak, avoit pafTe quelque temps, de fa propre volonte, avec fequipage Rude. Ces deux Insulaires raconterent, en detail, les de- faftres & les malheurs arrives aux navires de Kulkoff, de Protaffoff 6c de Trapefnikoff. Kashmak, qui fe trouvoit fiir ce dernier, avoit eu peine de fauver fes jours en pre- nant la fuite. Agiak , qui fervoit d'Interprete a celui de Protaffoff, dit que les Naturels du pays, apres avoir affafline les Detachemens Ruffes envoyes a la chaffe, vinrent dans le havre 6c monterent a bord d'un navire, avec des difpofitions pacifiques en apparence, qu'ils atta- querent brufquement 6c maffacrerent l'eqaipage & le Commandant, qui fe croy.oit dans une parfaite fecurite j qu'il s'etoic cache fous un banc, jufqu'au depart des Meur- triersj 6c que, depuis ce moment, il avoit mene , ainfi que Kashmak, une vie errante. Ils.a#WJje££nt que pendant leurs qourfes fecretes dans l'interieur de l'lfle, ils avoient appris des femmes qui cueilloient des fru^fauvages dans les champs, que les Chefs d:'Umnak, Akutan & Toshkolo, de concert avea leurs parens dl Unalashka , ato'ient forme une confpirasfoa; qu'ils etoient convenus de ne pas kk quieter Solovioff & fes gens a leur premier debarquement, jiimyf; Hi ENTRE L'ASIE ET l'AmE RIQUE. 123 ;flriais de les laiffer partir pour differentes expeditions de chaffe j que lorfque les Ruffes feroient ainfi divifes & affoiblis, on viendroit les attaquer 6c les exterminer tous £-le-ibis, fans qu'ils puffent fe fecourir les uns les autres. Ils avertirent en outre de I'atrivee de Glottoff a Umnak. iirtiid Cette facheuse nouvelle alarma Solovioff; il doubla Yes gardes 6c prit toutss les precautions qui dependoient de lui, pour fe mettre a l'abri des attaques des Sa&vages; mais, ayant befoin de bois pour reparer fon navire, 6c defirant reconnoitre l'lfle d'une maniere plus particuliere, il envoya, le Z9, dans la partie de l'Oueft, un detache- ment de 30 hommes avec l'lnterprete dont on a parle tout-a-1'heure. -,I!n trois ou quatre heures le detachement arriva a. Ankonom, pointe de terre , ou il appercut un village compofe de deux grandes jourtes; 6c vis-a-vis, 6c a peu de diftance , une petite Ifle. Des que les Infulaires lesjji^couvrirent ,ils:monteremt fur leurs baidars , & fe mirent en .mer ^ abandonnant leurs habitations. Les Ruffes y trouverent plufieurs cadavres : l'lnterprete vit que c'etoit ceux de dix Matelots du navire de Trapefnikoff qui avoient ete affafliues. On vintiibbout de per- fuader aux Naturels de^retouiner dans leurs jourtes, jsju'ils avoient abandonnees: ils s'approcherent cependant avec jcirconfpedion, & garderent leurs armes a tout evenement ilSfiiLOvioFF entteprenant de couper leur retraite, afin Hoftilires de s'emparer, s'il etoit polfible, de quelques otages, les e™£ £ol°- Naturels pj§sent l'alarme & commencerent eux-memes Naturels. le combat. Alors les Ruffes firent feu 6c les pourfuivirentj >3 I'll1 ill III!1 ill »»' ig§: IliU ? ilk-.' Jl 124 Nouvelles decouvertes ils en tuerent quatre & firent fept Prifonniers, 6c parcco ceux-ci le Chef de la petite Ifle de Sedak. Des que ces Prifonniers furent lies, ils avouerent qu'une partie de l'equipage de Korovin avoit ete maffacre en cet endroit; & le Chef envoya chercher des fufils, des chauderons & des agrets, que les Naturels avoient enleves dans cette occafion; les Naturels dirent aufli que Korovin, avecun detachement monte fur deux baidars, s'etoit retugie a uri endroit appelle Inalga : d'apres cette information , le Commandant ecrivit tout de fuite a Korovin, (le z Ofto- bre,) qui vint rejoindre Yes Compatriotes des qu'il cut reeut la lettre. Au moment ou Korovin arrivoit, les Sauvages foni- dirent fur les Sentinelles de Solovioff a coups de cou- teaux : les Sentinelles fe defendirent a coups de fufils & tuerent fix hommes. Le Chef captif voulut excufer cette ,entreprife de fes Compatriotes, en l'attribuant a la crainte qu'ilifavoient que Korovin, par efprit de vengeance, ne maffacrat tous les Prifonniers ; il dit qu'en attaquant les Gardes, les Naturels fe propofbient feulement de de- livrer les Captifs. Le Capitaine, pour plus de surete, envoya les Captifs par terre au havre, tandis que Korovin 6c fon detachement fe rendirent au navire paar»kner. Le Chef cependant etoit bien traite 5 on lui permit meme de s'en retourner chez lui, a condition qu'il laifferoit fon fils en otage. Les habitans de trois autres village^ appelles Agulak , Kutchlog & Makuski, feduits pa&-la douceur & la moderation des Ruffes, prefenterent des otages de leur propre volonte, ENTRE L'ASIE ET l'AmeRIQUE. 12^ Avec les. debris de la vieille Baraque Ruffe, dont on Solovioff paffe Thivej a Unalashka. a parle tout-a-1'heure, Solovioff en conftruifit une nou- P .rh.lver velle,&, le 14, on amarra le batiment pour l'hiver. Ko- renoff alia reconnoitre la partie meridionale de l'lfle, qui en cet endroit n'avoit pas plus de cinq ou fix verftes de large. II continua enfuite fon chemin avec fes Camarades, quelquefois fiir fon canot, d'autre fois voyageant par terre :6c trainant le canot a bras. A fon retour, le vingtieme jour, il dit qu'il avoit trouve une habitation deferte fur la cote la plus eloignee de l'lfle; que de - la il fit rouge a-'l'Eft par mer ; le long du rivage , & que derriere la premiere pointe de terre , il aborda a une Ifle dans la ;baie voifine. II y avoit environ 40 Infulaires des deux fexes loges un peu au-deffous de leurs baidars; il les traita avec taut de douceur que les Naturels lui livrerent troM otages; ils allerent enfuite s'etablir dans la cabane vide, dont on vient de patler , d'ou ils fe rendoient frequem- ment au havre. Le z8 Octobre, Solovioff, a la tete d'un detachement^ alia de fon cote reconnoitre l'lfle le long de la bande feptentrionale, vers Pextremite Nord-Eft j il fit route du premier Promontoire a travers la baie, & il trouva fur la pointe de terre oppofee, une bourgade, appellee Agulo,fc$, qui git a. environ quatre heures de rames du havre. II y vit 13 hommes 6c 40 femmes ou enfans, qui rendirent plufieurs barils de poudre & des munitions du navire , & qui parlerent de deux Ruffes de l'equipage de Korovin , qui avoient ete maffacres. S»l. 11 frill if Iff O M! 121 0UVELLE5 DECOUVERTES Le 5 Septembre , il-^favanca phis loin, 6c, apres avoir ramie1 citU} ou fix heures, il appercat, fur une pointe dc terre , une autre bourgade appellee Ikutchlok, derriere laqueJJe l'lnterprete lui montra le havre ou mouittMt le b«tS*ient de Kor#vitSbSur une Ifle qu?on vok Ten - dedans de cette baie, appellee Makwshat$.hy , il rencontra deux Chefs nommes Itchadak 6c Kaguifiaga, 6c enviiren r 8o per- fonnes des deux fexes qui chaflbifinC des ours de mer : ces Naturels ne monaant poitt? de ^Kfpofition; akix ho£- &lkes, Solovioff s'efforca d'etablir 6c de mamteoik des $&ifons pacifit|ties avec efox. II y refta jufquau i o, jour ou les Chefs rin¥ige*e**£ra leiSS demeures d'hfver , qui etoient emftfon cinq heures de navigation plus loin a l'Eft j il y trouva detite jourtes, chacune de 40 verges en quarre , pres d'un ruMe&u qui lomboiosd'un lac dansDiine petite tfaie , 6c qui etoit respite de-poiifon. II y a aux environs de ce village, au-deflbus de la marque de la maree, une fource chaude, qu'on ne voit qu'au moment du reflux. II en partit le Z5, mais il y fut ramene par les tempetes 6c il y fejourna jufqu'au 63de Decembre. Kaguma'ga '^ulebmpagna, pendant cet intetssalle , a une-autre boufgsde^ia^pailee Totyiba&a ; le Chef & f'J&^ terpr^te-Ifevewfeent de fe disfier des Naturels, qu'ils pei- gnirentvedmme des Sauvages, enncrnisfijures des Ruffes &c attaffins de>«euf diommes de imjuipase de Kulkoff. Solovioff, d'apres ce coiifeil, pafla ia nuk dans un ejEb- droit db la cote qui etoit ouverc de toutes parts, &, le lendemain, il detacha le Chef en avant, afin cfjnfpjrer aux > ':i[ #1 l|?TRE L'AsiE ET L'AMERIQUE. %lj Naturels des difpofitions de paixvQfelqties-uns d'entr'eux ecouterent les remontrances; maas la piupart s'eitfuirent & l'approche de Solovioff; de forte qu'il ne trouva perfonne dans la bourgade, compofee de quatre grandes jourtes, 6c il s'y etablit avec des precautions convenabtes. II y avoit 300 darts 6c a^arcsf'%vec deTrraits. II detent toutes ces armes", il garda feulerrient un arc & if traits, Cornme des objets de curiofite. II preffa, par les demonftrations les plus affectueufes, le:*j8etit nombre d'lnfcaaifes, qu'il ?mk aborder, de renoncer aux fentimens de Mine qui les egaroient; 6c dc perfuader a leurs Chefs 6c a^Peurs PSrens de revenir tfanquillement dans leurs jourtes/ Le 10, environ roo hommes 6c un plus grand nom- Les hoftiii- t 1 1 ' dskh 1 Ji • Mi i tJSL. 1 nt ^s recom- bre de femmes revinrent. Mais les plus belles harangues mencent. ne produifirent aucun effet fur euX. Ils fe tinrent eloigned , 6c Ye preparerent a de nouvelles hofnfites, qu'ils recommencerent, en effet, le i7,;%ar une attaque tres- vive. Les Ruffes en tuerent 1^, & entr'autres Inlogufak, fun des" Chefs du pays, 6c l'ennemi le plus ardent de tous les Navigateurs j un autre Chef, nomme Aguladock, qui fut pris, avoua qu'en recevant les premieres nouvelles de farrivee de Solovioff, ils avoient refolu d'atta'quer leqiupage 6C de bruler le navire. Comir?63'on ne lui fit point de mal: il fut touche de ce bon trakement, il confentit a livrer fon fils en otage , 6c il ordonna a Yes Compatriotes de vivre en" bonne intelligence avec les Ruffes. Dans le courant du mois de Janvier, les Naturels rendirent trois ancres, 6c une affez grande quantite d'agtets 6c de munitions, qu'on avoit fauve d'un navire jadis nau. Ilfti; ftfUWl N« 1 III ■ I I .1 I 'if Mv km |$!#S!I« afc.. fe 128 Nouvelles decouvertes fragie fur la cote j ils amenerent en meme temps deux jjeunes -filles, comme des otages pour la surete de leurs perfonnes. Le Z5 Janvier, Solovioff retourna au havre ou etoit fon navire 5 avant fon depart, les Chefs de Makushinsk payerent, de leur propre volonte,un double tribut. Le premier Fevrier , Kagumaga de Makushinsk , Agidalok de Tot^ikala , & Imaginak d'Uugamit^i, Chefs du pays, vinrent trouver Solovioff avec un grand nombre de leurs parens j ils l'informerent de l'arrivee d'un Navire Ruffe a Unimak , la fixieme Ifle a l'Eft dYAgu- nalashka.; ils ajouterent qu'ils ne connoiffoient perfonne de..l'equipage, excepte un Kamtchadale, appelle Kirilko, qui etoit deja venu fur ces Ifles; ils lui dirent aufli que les Naturels , apres avoir maffacre une partie de l'equipage , detachee fur deux baidars, avoient trouve moyen de vaincre le.&eite & de detruire le navire. Le nom du Kamtchadale,:fit conjecturer aux Ruffes que c'etoit un autre batiment equipe par Nikiphor Trapefnikoff, dont onn'a jamais rien appris de plus. Solovioff, voulant acquerir de nouveaux eclairciffemens fur les malheurs arrives a ce navire , effeya de perfuader aux Chefs d'envoyer quelques- uns de leurs gens fur l'lfle que je viens de nom- mer; mais ils repondirent que l'lfle etoit trop eloignee 8c qu'ils redoutoient les Infulaires,- Le 16 Fevrier, Solovioff fe rendit une feconde fois £ 1'extremite occidental? de l'lfle j ou il avoit jadis fait prifonnier ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 129 prifonnier 6c enfuite mis en liberte, le Chef de Sedak. De-la. il arriva a Ikolga, bourgade fituee dans la baie &: compofee d une feule jourte. Le z 6 , il atteignit Taka- miska, bourgade ou Ton ne trouva non plus qu'une feule hutte, fur une pointe de terre? aux bords d'un ruiffeau, qui tombe des montagnes dans la mer. II y rencontra Korovin, avec lequel il coupa lalaite d'une baleine,que les vagues avoient jete fur la cote. Korovin fe rendit enfuite a Umnak, a travers le golfe, 6c il s'avanca jufqu'a Ikaltshinsk, 011, le 9, un homme de fon detachement mourut de maladie. Le 1 <> Mars , il revint au havre, fans avoir rencontre d'obftacles de la, part des Infulaires, durant fon excurfion, A fon retour, il trouva un homme de l'equipage mort, & les autres attaques d'un violent feorbut; cinq mourut rent de cette maladie ,en Mars, huit autres & un Kamt- chadale en Avril, & fix de plus en Mai. A cette epoque, les Infulaires firent de frequentes vifites aux otages \\ 6c, en recherchant quel pouvoit etre leur motif, on decouvrit que les habitans de Makushinsk avoient forme le projet de maffacrer les Ruffes 6c de s'emparer du navire. La pofition de Solovioff etoit critique , il avoit tant de fcorbutiques, qu'il ne lui reftoit que douze hommes en etat de fe defendre. Les Naturels, qui avoient fait cette remarque, voulurent profiter de l'occafion pour recom- mencer les hoftilites. wS| Le zj Mai, les Ruffes appercurent., pres de la cote, le Chef d'ltchadak j qui avoit paye jadis un tribut volon- ' R Jill " ! i ;,!i !Uiii! ill ||lisf 130 Nouvelles decouverees take; il etoit accompagne de plufieurs Infulaires, qui le fuivoient fur trois baidars. Ce Chef, follicite par l'lnterprete de Solovioff, vint fur la cote > mais il fe tint a quelque diftance, demandant a pa*ler a fes parens. Solovioff donsa| ordre de le faifir, & il eut le bonheur de le faire prifon- nier, ainfi que deux de fes Camarades. Le Chef avoua fur-le-ehamp, qu'il etoit venu dans le deffein d'apprendre des otages, combien il reftoit encore de Ruffes j que d'apres ce qu'on lui diroit, les Naturels du pays projetoient de furprendre les fentinelles dans un moment favorable, 6c de mettre enfuite le feu au navire. Le Commandant voyant plufieurs Infulaires ramer au meme inftant devant le havre, 6C le Chef captif l'informant qu'ils s'aflembloient pour executer le projet dont on vient de parler, il refolut de fe tenir fur fes gardfes. Les Naturels fe retirerent cependant fans fe livrer a aucune hoftilite. Le 5 Juin , Glottoff vint au havre voir fes Compa* triotesj 6c, le 8, il retourna fur fon bord. Le Chef pri- fonnier fut alors mis en liberte, apres qu'on l'eut exhorte bien ferieufement a ne pas fe comporter en ennemi. Deux autres Ruffes moururent dans le courant de ce mois, de forte que Korovin , qui vint joindre Solovioff avec deux de fes gens & deux autres de l'equipage de Kulkoff, arriva fort a propos. Les malades commencerent peu-a-peu a fe retablir. Le zz Juillet , Solovioff, fuivi d'un detachement dif- tribue fur deux baidars, fit une autre excurfion au nord 5 il paffa pres des bourgades dont on a parle plus haut, 6c il s'ayanca jufqu'a Igonok, fitue 10 verftes au*dela de ENTRE L'AsiE ET L'AMERIQUE, 13! Tonf.kala ; la bourgade d'Igonok eft compofee d'une feule jourte, aux bords d'un ruiffeau qui tombe des montagnes 6c porte fes eaux dans la mer. Les habitans mon- toient a. environ 30 hommes, qui vivoient avec leurs femmes & leurs enfans. De-la Solovioff continua a longer la cote jufques dans une baie, il trouva, cinq verftes plus loin, un autre ruiffeau, qui prend fa fource dans les collines, 6c qui traverfe une plaine. Sur la cote de cette meme baie, en face de l'embouchure de ce ruiffeau, il y avoit deux villages , dont un feul etoit habite 5 il portoit le nom d' Ukunadok, 6c il etoit compofe de fix jourtes : environ 3 5 des habitans pechoient du faumon dans le ruiffeau j le navire de Kulkoff avoit mouille a. deux milles de:la, mais il n'en reftoit pas de debris. Apres avoir debouque la baie, Solovioff s'avanca jufqu'a Umgaina ■, village d'ete, fitue a. fept ou huit lieues de la, aux bords d'un ruiffeau, qui prend fa fource dans un lac rempli de faumon. II y trouva le Chef Amaganak, avec dix de fes Compatriotes occupes a la peche. Quinze verftes plus loin, le long de la cote, il rencontra un autre village d'ete , appelle Kalaktak y arrofede meme par un ruiffeau qui defcendoit des collines:' les habitans etoient au nombre de foixante hommes & de cent foixante-dix femmes & enfans; ils firent a Solovioff un tres-bon accueil ; 6c ils livrereht deux otages , qui etoient de l'lfle dAkutan , voifine de cet endroit. Les Ruffes retournerent a bord, le 6 Aout, avec ces deux otages. Le 11, Solovioff alia dans l'lfle d!Umnak, accompi- M I ll;Sl ,w IP'iijI! .1 • ' v''l,!f'li f i jut il l»ll "1 1 lii iiF'il Pi! 132 Nouvellesdecouvertes gne de Korovin, afin d'y prendre differentes chofes quo ce dernier y avoit laiffe : ils furent de retour au havre le 1 j. Le 31, Shaffyrin mourut: cc&4c meme dont on a deja raconte les avantures. Le 19 Septembre , Korenoff condtiifcun detachement de Chaffeurs dans la partie du nord 5 il ne re vint que le 30 Janvier ij66. Les Ruffes qui demeurerent au havre, pendant fon abfence , n'eurent point a fe plaindte des Naturels; mais lui & fes Compagnons furent attaques a differentes reprifes. Apres avoir diftfibue aux habitans des villages ou il pafTa, des filets pour prendre des louttes de mer, il pouffa fes chaffes dans la partie orientale de l'lfle jufqu'a Kalaktak. II y arriva le 31 Octobre, & au meme inftant les habitans s'enfuitent avec precipitation', & comme rous fes efforts pour les ramener furent inutiles, il fe tint fur fes gardes. II avoit raifon; car, des le jour fuivant > ils revinrent formant un corps confiderable , armes de lances, faites, avec le fer des navires qu'ils avoient pille. Korenoff & fes Camarades, qui s'etoient prepare a les recevoir, en tuerent z6, 6c en prirent plufieurs j apres cette defaite, les autres furent plus traitables. Le 19 Novembre, Korenoff, en retournant au havre I pafla a Makushinsk , ou il fut bien accueilli du Chef, appelle Kulumanga; quant a Itchadak, on reconnut clai- rement qu'il meditoit des projets d'hoftilites. Au-lieu de rendre compte des filets qu on Id avoit confies, il fe retira fecretement j & , le 19 Janvier, luivi d'une nom- breufe troupe d'Infulaires , il effaya de furp rendre les ill ENTRE L'ASIE E T l'AmERIQU E. I33 Ruffes. La vi&oire fe declara en faveur de Korenoff, & 1-5 des Affaillans , parmi lefquels fe trouvoit Itchadak \\ refterent morts fur le champ de bataille \\ Kulumanga affura le Commandant, qu'il n'avoit aucune connoiflance de la confpiration , 6c qu'il avoit fouvent empeche fon ami, ainfi que fes autres Compatriotes, de fe livrer a des hoftilites. Korenoff fut de retour au havre le 30 Janvier; 6c; le 4 Fevrier , il partit pour une nouvelle chaffe vers la pointe oecidentale de l'lfle. II trouva un detachement envoye par Glottoff, a un endroit appelle Takamitka; il fe rendit enfuite a Umnak, ou il percut quelques tributs, & il fut de retour le 3 Mars. Pendant fon abfence, Kygi- nik, fils de Kulumanga, vint voir les Ruffes. II demanda a etre baptife, & a s'embarquer fur le Navire Ruffe} on confentit a ce qu'il defiroit. Le 13 Mai, Korovin alia, fuivi de onze hommes, chercher, a Umnak, une ancre qui etoit enterree dans le fable. Des qu'il fut de retour a bord , on fit des prepa- ratifs pour l'appareillage. Avant l'arrivee de Korovin , les Chaffeurs avoient tue 150 renards noirs &3jfoux , & le. meme nombre de loutres de mer jeunes & vieilles; depuis ils avoient pris 350 renards roux, le meme nombre de renards ordinaires 6c 15 o loutres de differentes groffeurs. Solovioff mit en mer le premier de Juin , par un vent d'Eft, apres avoir rendu la liberte a l'lnterprete Kashmak: on lui donna des prefens & un certificat de fidelice j £Y on rendit les otages a leurs parens ou aux * m I HI t'llliB ^S1 Ml 134 Nouvelles decouvertes Chefs du pays. Avant de quitteii'Ifle, il recut ime lettre de Glottoff, qui Pinformoit qu'il fe preparoflTStuli a re- tourner au Kamtchatka. Wilis ■ it) ifc, juia. z. Le vent etant contraire, le navire sejojgna peu de Journal du Ja terre.' retour de _ . , A ..., W% Solovioff. 5. Le Cap remis vers la cote j mouille 6c envoye a l'aiguade une chaloupe qui revint fans avoir vu perfonne. 6. Appareille, & le Cap mis a l'Oueft par un vent du Sud-Eft. 7. Vent favorable du Nord - Eft , 6c dans l'apres midi du Noed.: 8. Vent du Nord-Oueft 6c orageux.— Le vaiffeau en derive fous la mifaine.. 9 6c 10. Cingle.au Nord, avec un vent d'Oueft. 1 io Calme jufqu'a midi; enfirite il s'eleva une hofe du Sud, avec laquelle nous gouvernames Oueft jufqu'au len- demain a midi: a cette epoque le ^ent tournant a l'Oueft, nous changeames de route 6c mimes le Cap au Nord- Oueft. 1 z. Calme pend&ht la nuit. 13. Petite brife du Nord, avec laquelle nous gouvernames a l'Oueft l'apres midi, il y eut un calme qui dura jufqu'au 1 6. 16 A midi. A cette epoque il s'eleva une brife de l'Eft.— Gouverne a l'Oueft. Nous continuames cette route le 16, par un vent de Sud Sud-Eft. Du 19 au zz le vent fut variable du Sud-Oueft au Nord-Oueft, avec ke^iel nous changeames de dire&ioJa pour gagner l'Oueft. ; It ENTRE L'AslE ET L9AMERIQUE. 13^ Le Z3. Vent de l'Eft, le Cap mis entre le Nord & l'Oueft. Nous continuames cette route les Z4, z$ 6c z6 avec un vent du Nord. zj. Avant midi, le vent paffa au Sud-Oueft. z8, zp, 30. Vent de l'Oueft. i.er Le vent paffa a l'Eft, & rious mimes le Cap entre Juillet. l'Oueft 6c le Sud-Oueft, aVec de petits changemens de route jufqu'au 3. Le 4, arrivee a Kamtchatkoi noff; 6c, le 5, le navire entra en bon etat dans la riviere du Kamtchatka. Les Remarques faites par Solovioff, fiir les Ifles aux Defcription Renards 6c leurs habitans, etant plus detaillees que celles Renards. des premiers Navigateurs, elles meritent qu'on les nifere ici dans leur entier. Suivant fon eftime, Unalashka eft eloigne de 1500 & zooo verftes directement a l'Eft de l'embouchure de la riviere du Kamtchatka ; les autres Ifles s'etendent a l'eft vers le Nord-Eft. II evalue a 80 verftes la longueur dAkutan; a 1 50 celle d'Umnak ; & a zoo celle di Unalashka. On ne voit point de grands arbres fiir aucune des Terres ou il toucha. ElleS produifent des fous - bois, de petits buiffons 6c des plantes, femblables pour la plupart aux efpeces communes du Kamtchatka. L'hiver eft beaucoup plus doux que dans les parties orien- tales de la Siberie, & il dure feulement depuis le mois de Novembre jufqua la fin de Mars. La neige ne de- meure gueres fur la terre. Les rennes, les ours, les loujps, & les renards ardiques ne fe voient point fiir ces Ifles, mais il y a beaucoup de Illllll! 1.111'l II 3 6 N OUVELLES DECOUVERTES renards noirs, gris, bruns & roiflc. C'eft pour cela qu'on leur a donne le nom de LyJJit oflrova , ou d'Iflcs aux Renards. Ces renards font plus gros que ceux dlYakutsk, & leur poil eft beaucoup plus groffier. Ils fe tiqtment le jour dans les cavernes 6c les fentes des rochers; le foir, ils vont fur la cote chercher de la pature. Ils ont detruit depuis long-temps la race des fouris 6c des autres petits animaux. Les Naturels ne leur infpirent aucune frayeur,' mais ils fentent les Ruffes a la trace , parce qu'ils ont eprouve l'effet de leurs armes-a-feu. Le nombre des quadruples marins, tels que les lions, les ours, & les loutres qui defcendent fur ces rivages , eft tres - confiderable : on trouve , fur quelques-unes des Ifles, des fources chaudes 6c du foufre natif. fill Moeurs & ufages des habitans. • Les Isles aux Renards font en general tres-peuplees j Unalashka, qui eft la plus etendue, paroit contenir plufieurs milliers d'habitans. Ces Sauvages vivent en petites communautes feparees, chacune de 50 & quelquefois de zoo perfonnes. Ils vivent fous terre dans des jourtes qui ont 80 verges de long, de fix a huit de large & quatre a cinq de hauteur : le toit eft une efpece de grillage de bois, pofe d'abord fur une couch® d'herbages 6c recou- vert enfuite de terre. II y a au fommet plufieurs ouver- tures, par ou les habitans montent 6c defcendent avec des echelles: les plus petites de ces jourtes ont deux ou trois de ces entrees, 6c les plus grandes cinq ou fix j chaque jourte eft divifee en differentes chambres, appro- priees aux differentes families: elles n'ont d'autres cloifons que des pieux fjchis en terre. Les hommes 6c les femmes s'affeyent ■ ENTRVE L'AsiE ET l'AmeRIQUE, 137 s'affeyent a terre, 6c les enfans fe couchent, ayant les jambes repliees fous les cuiffes; on leur apprend ainfi a etre accroupis. Quoiqu'on ne faffe jamais de feu dans ces jourtes (a); elles font en general fi chaudes , que les Infulaires des deux fexes y reftent nuds. Ils fuivent fans honte tous les mouvemens de la Nature, 6C ils n'ont aucune idee de la decence. Ils fe lavent d'abord avec leur urine, & enfuite avec de l'eau. L'hiver, ils vont toujours nuds pieds; 6c s'ils veulent fe rechauffer, ce qui leur arrive fur - tout avant de fe coucher, ils allument des herbes feches, 6c ils fe promenent autour 6c pardeffus la flamme. Leurs habitations etant tres-obfcures, ils fe fervent de lampes, particulierement l'hiver. Ces lampes font une pierre creu- fee, dans laquelle il y a une meche de jonc 6c de 1'huile de baleine : ils leur donnent le nom de Tfaaduck. Ils ont des cheveux noirs, des vifages applatis, 6c leur taille eft affez haute. Les hommes fe rafent, avec une pierre aiguifee on avec un couteau , le fommet de la tete; ils Jaiffent Hotter le refte des cheveux. Les femmes coupent les leurs en ligne droite fur le front; elles les laiffent par- yenir derriere a toute leur longueur, 6c elles les nouent w\\Mw M '(a) De toutes les detneures choifies par les peuples fauvages, la jourte paroit la pLus heureufement imaginee & la plus finguliere. Ces efpeces de caves fouterraines conviennent a un pays froid, ou il n'y a point de bois; & toute la bourgade, habitant ainfi la meme maifon, ne peut etre jturprife par l'ennemi. 11*1' life i. 138 Nouvelles decouvertes dans une feule touffe. Quelques hommes laiflent croitre leur barbe, d'autres la rafent ou farrachent. II m lis gravent differentes figures fur leurs vifages & le dos de leurs mains; pour cela, ils font d'abord de petits trous avec la pointe d'une aiguille, & ils les frottent enfuite avec de l'argille noire. Ils fe font trois inciiions dans* la levre inferieure; ils placent dans celle du milieu un os platou une petite pierre coloree; &, dans celles des cotes, un long morceau d'os pointu, qui fe recourbe & va pref- que jufqu'aux orejlles. Ils fe percent aufli le cartilage du nez , 6c ils y mettent un os qui tient les naiiaes tres- ouvertes ; ils fufpendent a leurs oreilles tous les petits ornemens qujjs peuvent fe procurer. Leur habillement eft un bonnet & une jaquette qui defcend jufqu'aux genoux : leurs bonnets ordinaires font quelquefois d'une peau d'oifeau, qui a les ailes & la queue ; ils mettent fur le devant de leurs bonnets de chaffe 6c de peche une petite planche qui les garantit du foleil, ou qui fert peut-etre a diriger leur vue ; cette planche eft ornee de machoires d'ours de mer , & de grains de verre qu'ils achetent des Ruffes. Dans leurs , fetes & leurs danfes, ils portent un troifieme bonnet, beaucoup plus enjolive. La jaquette, qui les couvre, a la forme d'une chemife; elle eft fermee devant 6c derriere , & elle fe met pardeffus la tete. L'habit des hommes eft de peaux d'oifeaux, & celui des femmes de loutres 6c d'ours de mer > ils teignent ces peaux avec une terre f ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. I39 rouge; ils les coufent avec des nerfs, 6c, pour les embellir, ils y ajoutent diverfes bandes de peaux de loutres de mer & des franges de cuir. Ils ont en outre des manteaux d'inteftins des plus gros veaux & lions marins. Ils ont des navires de deux efpeces; les plus grands font des bateaux ou baidars de cuir , garnis de rames des deux cotes, 6c qui contiennent 30 ou 40 perfonnes. Les plus petits fe manceuvrent avec une pagaye double, 6c reffemblent aux? canots des Groenlandoifes: ils ne portent pas plus d'une ou deux perfonnes. Ces embarcations , n'etant qu'une charpente tres-mince, recouvertede cuir, elles nepefent jamais plus de 30 livres. Elles leur fervent cependant a paffer d'une Ifle a l'autre, & meme ils prennent le large a une grande diftance. Dans un temps calme, ils s'embarquent pour aller a la peche du turbot & de la morue; ils fe fervent pour cette peche d'hamecons d'os & de lignes de nerfs ou d'algues marines. Ils harponnent le poiffon dans les ruiffeaux a coups de darts; ils recher- chent foigneufement les baleines 6c les autres animaux marins, jetes fur la cote par les flots, 6c ils en recueillent toutes les parties. La quantite de provifions que leur fourniflent la chaffe 6c la peche, ne fuffit pas a leurs befoins;.lis fe nourriffent, la plus grande partie du temps, de varech 6c de coquillages qu'ils trouvent fur le rivage. Ils ne permettent pas a un etranger de chaffer ni de pecher pres d'un village , non plus que d'emporter aucun comeftible-, quandrHls font en voyage, & que leurs provifions font epuifees, ils mandient de bourgade en WA if ■ i icif PfPf I 'w IHJ| I Wis. breufes families, 6c qui font habiles a la chaffe & a fa peche. Quoique ces Infulaires menent une vie fauvage , ils ont de la docilite dans l'efprit, & les enfans, que les Navigateurs emmenent comme otages, apprennent en peu de temps la Langue Ruffe. ill ( a) c'eft peut-etre la maniere dont on difpofe des corps des riches, comme on le Yerra plus bas. **&#* ii P'll: U %0 Mil 142 Nouvelles decouvertes en 17^4. CHAPITRE XIL 1 VoYA G E d'Otcheredin 1 il paffe l'hiver a Umnak; arrive'e de levasheff a. Unalashka; retour d'Otcheredin a Ochotsk. Voyage JJN lj6, trojs Negocians, Orechoff de la ville dlYula, d'Otchere- / J> b , ■» din, fur le Lapin de celle de Solikamsk , & Shiloff d' Uflyug , Samt-Paul, ^qUjperent \\G navire le Saint - Paul. Ce batiment, conftruit dans le havre dJOchotsk, avoit 4z Ruffes & Kamtchadales d'equipage, 8c en outre deux Infulaires des Ifles aux Renards , Jean & Thimotee Surgeff, qui avoient ete amenes & baptifes au Kamtchatka. Aphanassei OrcHEREDiN,qui le commandoit, partit dl Ochotsk le 10 Septembre, & il arriva, le zz, dans la- cafe de Bolcheresk, ou il paffa l'hiver. Le premier Aout 1 j66 , il continua fon voyage; & , apres avoir depaffe la feconde des Ifles Kuriles , il gouverna le 6 en pleine mer. Le z^ , il atteignit la plus proche des Ifles aux Renards , auquel les Interpretes donnerent le nom d'At- chak (a), 6c, comme il furvint une tempete, il mouilla dans une baie fans voir d'habitans fur la cote. Le z6 , il remit a la voile; 6c, le zj, il decouvrit Sagaugamak | ( a) On a vu, pins haut, que des Navigateurs anterieurs a Otchere- din fappellent Atchu. W I mi I- B*i! Wk piujJC, iiili'iSiii ill ENTRE L'ASIE ET l'AmERIQUE. 143 Terre qu'il longea au Nord-Eft; 6c, le 3 1 , il fe trouva a fept milles de l'lfle d'Umnak,'on la faifon avancee & le v^fti manque d'eau & de provifions le determinerent a paffer l'hiver. Le premier Septembre, de l'avis des Interpretes, il remorqua le navire dans une' baie , pres d'une pointe de terre qui git au Nord - Oueft , & il le fit amarrer fiir la cote. En debarquant , il decouvrit plufieurs debris d'un naufrage ; & deux Infulaires, habitans des bords d'un ruiffeau, qui debouche dans la baie, lui apprirent que c'etoient les reftes d'un Navire Ruffe dont le Commandant s'appelloit Denys. II en conclut que c'etoit le batiment de Protaffoff, equipe a Ochotsk. Les habitans reunis- d'Umnak, d'Unalashka 6c des Cinq montagnes avoient maffacre l'equipage, lorfqu'il etoit divife en detachemens de Chaffeurs. Les Naturels lui raconterent aufli les mal- heurs arrives aux navires de Kulkoff 6c de TrapefhikofF fur l'lfle d' Unalashka. Cette nouvelle alarma Otchere- din, mais il n'avoit d'autre reffource que de tirer fon navire fiir la cote 6c de prendre des precautions pour ne pas etre furpris. II entretint une garde vigilante; il fit des prefens aux Chefs & aux principaux habitans du pays, & il demanda des enfans en otages. Les Naturels fe con- duifirent d'une maniere tres-paifible, jufqu'au moment ou on leur perfuada de fe rendre tributaires; car alors ils donneren't des preuves fi reiterees de leurs mauvaifes intentions , que l'equipage fe trouva dans des craintes con- tinuelles. Au commencement de Septembre , les Ruffes apprirent qu'un navire equipe par Ivan Popoff, Negociant de Lalsk _, etoit arrive a Unalashka. lim %i m 1 a. '"l>ni ■I W> IS 146 Nouvelles decouvertes dans l'ineerieur en pouffant de grands cris. Quatfe Ruffes psrirent dans cet affaut imprew, & il y en eut trois de bleffes. Mais l'ennemi, epouvante par les armes-a-feu, prit la filite. Sur ces entrefaites, un autre corps de Naturels effaya, fans fucces, de s'emparer des deux chaloupes. Les fix hommes laiffes par Poloskoff a Akutan , ainfi que les cinq Chaffeurs envoyes fur les Ifles voifines, 6c deux Ruffes de l'equipage de Popoff, qui etoient fur la pointe occidentale d'Unalaska, furent tues. Poloskoff demeura dans l'lfle dAkun , courant K&? plus grands dangers jufqu'au zo Fevrier. Comme les bleffes- fe trouverent gueris a cette epoque , il fe rendit par un bon vent, pres du navire de Popoff, qui etoit hUnalashka> 6c, le 10, il retourna fur le bord d'Otcheredin. Le navire de Popoff etant pret a appareiller au mois d'Avril, il remit a Otcheredin fes otages, qui etoient au nombre de 40. Le 30 Juillet, un autre batiment, qui appartenoit au meme Negociant Popoff, arrivade l'lfle de Bering, & jeta fancre dans la baie ou mdt&YYdit le Saint-Paul; 6c les deux equipages s'affocierent pour la chaffe, a condition de partager les benefices. Orcheredin, arme de ce renfort, determina un affez grand nombrer d'habitans a payet le tribut. Le zz Aout, le Lieutenant d'Otcheredin alia chaffer a, Unalashka 6c Akutan, avec fix bateaux & cinquante - huit hommes: trente hommes refterent a bord des deux navires dans le havre, & mon- terent la garde avec foin. ijM«i!tttii[Jijj{ ills IB in ij ENTRE L*AsiE ET l'AmeRIQUE, 147 Otcheredin 6c le Commandant de l'autre navire, otcheredin re^rent bien tot une lettre, datee du 11 Septembre 1768 , gjBgw de Levasheff, Capitaine-Lieutenant de la Marine Impe- vasheffaUna- rMe , qui avoit accompagne le Capitaine Krenitzin, dans une expedition fecrette , fur ces Ifles. II leur appreiioit qu'il etoit arrive, fur le Saint-Paul, a Unalashka , 6c qu'il mouilloit dans la baie ou le navire de Kulkoff avoit peri ; il leur demandoit une relation circonftanciee de leur voyage. Le Z4, il envoya, aupres d'Orcheredin , chercher quatre des principaux otages, & il lui ordonna de lui envoyer le tribut de fourrures qu'on avoit obtenu des Infulaires. Comme le temps eft en general fort orageux a cette faifbn de l'annee, Otcheredin ne fit partir les fourrures qu'au printemps. Le 3 1 Mai, Levasheff appa- reilla pour le Kamtchatka; 6c , en 1771, il fe rendit a Saint - P etersbourg. Otcheredin & l'autre navire demeurerent a Umnak jufqu'en 1770 , &, pendant le refte de cette re'Eache, les equipages n'eurent aucun demele avec! les Infuses. Ils continuerent leurs chaffes, qui furent tres-heureufes ; car la part du navire d'Otcheredin, ( dont on aberge ici le Journal,) monta a 530 groffes loutres de mer, 40 petites 6c 30 jeunes, 656 beaux renards noirs , 100 de qualite inferieure, 6c environ 1x50 renards roux. Otcheredin partit d'Umnak, le 2Z Mai 177c, avec cette cargaifon confiderable; il y laiffa le navire de Popoff. Peu de temps avant fon appareillage, l'autre Interprete, Ivan Surgeff, deferta a l'inftigation de fes parens. T ij M: l'M ill 148 Nouvelles decouvertes Retour Apres avoir touche fur les plus proches des Ifles d'Otchere- Aleiitiennes, Otcheredin arriva, le za Juillet, a Ochotsk ; dm a # 1 . . .f, Ochotsk. il amenoit avec lui deux Infulaires qui furent baptifes. L'un fut nomme Alexis Solovioff 6c l'autre Boris Otcheredin. Ils mouturent l'un & l'autre en allant a Petersbourg; le premier entre Yakutsk 6c Yrkutsk , 6c le fecond a Yrkutsk, ou il arriva le premier Fevrier ±77}* -I mi ■ifWItfi tW li i fijsi I J 41 lilt Y mm jMjrdJfo ENTRE L'ASIE ET l'AmeRIQUE. 149 CHAPITRE XIII J;.'■■;, : Extrait du Journal du Voyage du Capitaine Krenitzin & du Lieutenant Levasheff aux Ifles des Renards en ty68 & ijfy I depaft du Kamtchatka; arrive'e aux Ifles de Bering & de Cuivre; aux Ifles des Renards; ICrenifnn paffe l'hiver a Alaxa; Levasheff a Unalashka » Pro* duclions ^Unalashka; Remarques fur les Habitans des Ifles aux Renards; leurs Maurs; leurs Ufages, tkc. J. outes les expeditions dont nous avonsparle jufqu'ici, ont ete formees par des Negocians, qui penfoient d'abord a s'enrichir par le commerce des fourrures & enfuite a faire des decouvertes: celle - ci a ete faite aux frais de l'Imperatrice ; & le premier objet etoit de decouvrir ou de reconnoitre de nouvelles Ifles, 6c de foumettre des Tributaires, Le z 3 Juillet , le Capitaine Krenitzin appareilla, fur Krenitzin & la galiote la Sainte • Catherine , de l'embouchure de la partent de la riviere du Kamtchatka ; il etoit accompagne du Lieute- Krmtertf r1 nant Levasheff, qui montoit le hourque le Saint- Paul, en 176s. Leurs inftructions furent reglees d'apres les lumieres que procura l'expedition de Bering en 1741. Voulant fuivre Iff! 11 1 $ % ml 1^0 Nouvelles decouvertes une route un peu differente de celle de ce Navigateur malheureux; ils fe trouverent plus au Nord qupts ne le comptoient, & les Negocians & les Chaffeurs Ruffes leur dirent, qu'il y a effectivement des erreurs de pofition (a) dans la Carte de l'expedition de Bering. Ces Negocians, accoutumes depuis plus de vingt ans a fe rendre ardl| Ifles eloignees, afin d'en rapporter des fourrures, dirent a Krenitzin qu'elles etoient beaucoup plus au Sud & plus loin a l'Eft qu'on ne l'imaginoit. Le zj , il eut vue de l'lfle du Arrivee a Commodore ou de Bering, qui eft baffe & remplie de rifle de Be- rochers, fur-tout dans la parcic du Sud-Oueft. II appercut, de ce cote, un petit havre remarquable par deux collinesf qui reffemblent a des bateaux, 6c il trouva, non loin de- la, un lac d'eau douce. a l'lfle de II y a au Sud - Eft une autre Ifle \\ appellee par les Cuivre. Ruffes Mednoi oflroff, ou Ifle de Cuivre , parce qu'on trouve une grande quantite de cuivre fur la cote Nord- Eft , la feule partie connue des Ruffes. Ce metal, que les flots viennent laver, eft en fi grande abondance fur le rivage, que plufieurs vaiffeaux pourroient s'en charger (b) ; I Hi1 !'-! I (a) Ce paffage eft obfcur.-Peut-etre faut-il, pour en decousrrir le veritable fens, comparer la Carte de Krenitzin avec celle du Voyage de Bering, placee a la tete de la Relation des d^couxertes faxtes par les Ruffes de M. Muller. La route de Krenitzin fut beaucoup plus au Nord que celle de Bering & de Tfchirikoff. Par confequent il navigua au milieu du parage ou Ton fuppofoit un continent ; & il n'y trouva qu'une mer ouverte. Voyei THiftoire d'Amerique de Robertfon, a la fin du premier volume de rorigjnal; & le Chapitre premier de l'Ouvrage que nous publions ici. (£) Les Journaux des Navigateurs, qui relachent a l'lfle ds Cuivre j ne entre l'Asie et l'Amerique. 151 un navire qui en porteroit a la Chine, ou ce metal a beaucoup de debit, feroit peut-etre une excellente fpecu- lation. La plus grande partie de ce cuivre eft naturelle, & on diroit de plufieurs morceaux qu'ils ont ete en fufion. L'lfle n'eft pas elevee; mais on y voit differentes collines, dont chacune paroit avoir ete autrefois le cratere d'un volcan. Obfervons une fois pour toutes que les Ifles marquees dans la Carte, qui eft a la tete de ce Journal, font remplies de bouches a feu eteintes, auxquelies les Ruffes donnent le nom de Sopka ; on en appercoit fur chacune des Ifles, meme fur la plus petite; 8c il y en a plufieurs dont toutes les montagnes font des volcans epuifes. En un mot, la chaine d'Ifles tracees fur cette Carte, peut etre regardee comme une fuite de terres creees-depuis peu par des volcans. Tout ce qu'on y voit annonce une exiftence peu ancienne t 6c autorife cette conjecture. Les productions vegetales, qui font en affez grande quantite, ne forment pas une objection difficile a refoudre. Car lorfque les Hollandois eurent conquis fur la mer le Diftrict inferieur de la Province de Zutphen , la campagne fut couverte de moutarde fauvage fete fuivant. Toutes ces Ifles font pleines de foufre & la terre y tremble fouvent d'une maniere violente. L'Auteur du Journal ne nous apprend pas fi on y rencontre de la lave j mais il parle d'une pierre coloree, qui eft aufli pefante que le fer. On 1.if # I stp mm remarquent pas que les Capitaines en prennent; fans doute ce metal njis point de debit en Siberia & les frais de tranfport en Ruflie abforbe- roient les benefices : mais, comme le dit 1'Auteur, ce feroit une tres- j bonne /peculation d'en charger des navires qu'on enverroit a la Chines mm Arrivee am Ifles des Re nards. 1^2 Nouvelles decouvertes en peut conclure, avec vraifemblance , que le cuivre dont j'ai fait mention tout - a - l'heure , a ete fondu dans une eruption. Apres avoir depaffe l'lfle de Bering, les deux navires • QUi s'etoient fepares dans une brume, ne virent pas de terre avant la chaine dlfles ou de Promontoires marques fur la Carte dans la partie Sud-Eft de leur route En general ces Terres paroiffent baffes, les cotes en font dangereufes, fans criques; 8c la mer femble baffe dans les intervalles de l'une a l'autre. Krenitzin eut des brumes frequentes depuis ce parage jufqu'au point le plus eloi- On ne trouve du bois que fur un petit nombre de ces Ifles; 6c alors les arbres font dans les vallees aux bords des ruiffeaux. C'eft a Unalga ou Alaxa qu'il y en a le plus; ces deux Terres offrent beaucoup de courans d'eau douce 6c meme de petites rivieres; ce qui prouve que leur etendue eft confiderable. Le fol eft en general rempli de fondrieres 6c couvert de mouffe j celui dlAlaxa offre plus de terreau, 6c produit plus d'herbages. Le Saint-Paul paffa l'hiver a Unalashka. La L«v**?ff r sir ' pane 1 niver latitude de l'endroit ou il fut amarre, fut obfer.vee de a Unalashka.* 53d z^'Nord, 8c fa longitude, mefuree de l'embouqhure de la riviere du Kamtchatka , fut eftimee , d'apres le Journal de route, de zjd 5'Eft (a). UNALASHKA a environ 50 milles de long du Nord-Eft au Sud-Oueft; 6c, dans la bande du Nord-Eft, on trouve trois baies. L'une d'elles, appellee Udagha , s'etend l'ef- pace de 30 milles Eft-NordEft & Oueft-Sud-Oueft, a peu-pres a travers le milieu de l'lfle. Une autre , qui porte le nom dllgunck , 6c court Nord-Nord-Eft & Sud Sud-Eft, eft un affez bon havre, ou la fonde rapporte trois braffes & demie a la maree haute , fond de fable. Des rochers qui font a l'entree, & dont quelques-uns ne decouvrent (a) Suivant la Carte generale de RuJJie, l'embouchure de la riviere du Kamtchatka git par i78d zj' de l'lfle de Fer. D'apres l'eitime de route de'-L&vasheff, la longitude A'Unalashka eft done de 20^ 30' comp> tesdu Meridien de l'lfle de Fer, ou de i87d n' lf du Meridien de Creenvich, i \\tm liN 1^4 Nouvelles decouvertes pas, le mettent a l'abri de la houle du Nord. La maree : s'eleve de cinq pieds dans les pleines & les nouvelles Lunes; & la cote eft en^ general efcarpee 6c remplie de rochers, excepte dans la baie a. l'embouchure d'une petite riviere. II y a, fur cette Ifle, deux montagnes brulantes; l'une s'appelle Ayaghish , 6c les Ruffes donnent a l'autre le nom de Montagne rugiffante. On trouve , pres de la premiere , une fource chaude tres-abondante. La can> pagne eft prefque par-tout remplie de rochers, 6c recou- verte d'un peu de terre graffe & d'argile; l'herbe qui y croit eft tres - grofliere 6C le betail ne pourroit pas la manger. On y rencontre tres-peu d'arbres : on y diftin- Produ&ion gue le xylofieum de Tournefort, (c'eft la lonicera pyre- tfUnalashka. . , T. N1 • V • r t T • natca de Linnams,) le vaccimum uLiginojum de Lmnams, le franboifier, le farana 6c le shikshu du Kamtchatka x le kutage, le larix^ le peuplier blanc, le pin & le bou- leau (a). mw Les quadruples de terre font des renards de differentes couleurs, des fouris 8c des belettes. II y a des caftors (b), des chats 6c des lions de mer comme au 3 lllllli: (a) Les Journaux des autres Navigateurs difent tous qu'il ne croit a Unalashka que du fous-bois ou des brouffailles; mais il faut fuppofer que les arbres, dont parle Levasheff, font petits & bas, en effet, Levasheff a dit pluThaut qu'on y voit tres-peu d'arbres. (b) Le Journalrfte entend surement ici par caftors, les loutres de mer que les Ruffes appellent caftors de mer. Voyei la Part. Ill des Obfervations preliminaires. On trouve une defcription de la loutre de mer, Lutra marina, appellee par Linnauis Mufltla lutris dans les Now Comm. Petr. Vol.11, pag. 367 &fuiv* Iff I SIF ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. I ^ <( Kamtchatka. On y trouve en poiffons la morue, la perche, la pelamide, l'eperlan , le roujet, l'aiguille , le terough, & le tchafitcha. Les oifeaux font des aigles, des perdrix, des canards, des farcelles, des urili, des ari & des gadi. Les animaux dH Unalashka , dont j'ai conferve les noms ruffes, fe trouvent decrits, excepte Yari} dans l'Hiftoire du Kamtchatka de Krashihinikoff, ou dans la Relation de Steller, inferee au fecond volume des Memoires de l'Aca- demie de Petersbourg. Les habitans dlAlaxa , dTJKmnak , dUnalashka & Remarques des Ifles voifines, font d'une ftature moyenne, d'un feint tans desifl bruni & couleur de tan; ils ont des cheveux noirs. En ete, ^es Renar<*s' ils portent des vetemens (le Journal dit Parki) (a) de peaux d'oifeaux. Lorfqu'il fait mauvais temps , ou qu'ils font dans leurs canots, ils jettent pardeffus des manteaux d'inteftins de baleine, appelles Kamli. Leur tete eft cou- verte d'un bonnet de bois (b), orne de plumes de canards, & d'oreilles d'un quadrupede marin, du fchivutcha ou du lion de mer. Afin de fe parer davantage, ils y ajoutent des grains de verre de differentes couleurs, 8c de petites figures d'os ou de pierres: ils placent, dans le cartilage du nez, un os, ou la tige d'une plante noire, d'environ quatre pouces de long 6c mince comme une groffe epin- gle : les jours de beau temps ou les jours de fetes , ils (a) Parki, en Langue Ruffe, fignifie une chemife. Les vetemens de ces Infulaires ont la forme d'une chemife. (b) Outre ces bonnets de bois, il eft probable qu'ils en ont d'autres de peaux d'oifeaux : du moins quelques Navigateurs le difent. Vij ■if hi.«liP> lit1' Mil II 1^6 Nouvelles decouvertes fufpendent, aux deux extremites de cette epingle, des cercles de grains de verre , pofes les uns au-deffus des autres. Ils fe font des trous a la levre inferieure, p ils y mettent des grains de verre & de petits cailloux tailles en forme de dents. Ils attachent a leurs oreilles des cordons de verroterie, & des morceaux d'ambre, qu'ils achetent a. Alaxa pour des traits 6c des Kamli. Leurs cheveux ne defcendent fur les tempes que jufqu'aux yeux, & quelques-uns fe rafent le fommet de la tete comme les Moines. Ils les laiffent flotter parder- ricre. L'habit des femmes ne difTere gueres de celui des hommes, mais il eft de peaux de poiflons 8c non pas de peaux d'oifeaux •. elles ont des aiguilles d'os, & des intef- tins de poiffons decoupes leur fervent de fil; lorfqu'elles travaillent, elles attachent leur ouvrage a terre; elles ont la tete decouverte ; elles coupent leurs cheveux fur le devant, ainfi que les hommes ,. mais elles les relevent par-derriere 6c elles en forment un gros nceud. Elles appliquent fur leurs joues du bleu 6c du rouge; eiles portent des epingles dans le cartilage du nez , & des pen- dans d'oreilles de la meme fa^on que les hommes: elles ont de plus des colliers de grains de verre, & des bracelets barioles de differentes couleurs autour des bras 6c des jambes. Ils sont tres-fales fur leurs perfonnes : ils mangent la vermine dont leur corps eft couvert, & la morve qui tombe de leur nez. Ils fe lavent d'abord avec de l'urine, & enfuite ayec de l'eau. Quand ils font malades, ils reftent K ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQDE. I ^J couches trois ou quatre jours fans prendre de nourriture ; s'ils ont befoin d'etre faignes, ils s'ouvrent la veine avec une lancette de pierre, & ils fucent le fang. Ils se nourrissent principalement de poiffons 6c d'huile de baleine ; il eft rare qu'ils faffent cuire leurs alimens; ils mangent aufli du varech , 8c des racines, fur-tout le Sara, qui eft une efpece de lys; pour relever le gout du poiflbn ou de l'huile de baleine , ils l'afper- fent d'une herbe appellee Kutage, qui eft aigre. Ils allu- ment quelquefois du feu en laiflanc tomber une etincelle fur des feuilles feches 6c de la poudre de foufre; mais la methode la plus commune, eft de frotter deux mor- ceaux de bois l'un contre l'autre, ainfi que le pratiquent les Kamtchadales (a). Vakfel, Lieutenant de Bering, re- connut que les habitans du canton de YAmerique fepten- trionale, qu'il vit en 1741 , fuivent le meme ufage. lis aiment paffionnement l'huile 6c le beurre Ruffe; mais ils ne veulent pas manger de pain ; on ne put les determiner a gouter du fiicre, avant que Krenitzin leur en don- nat l'exemple. Des qu'ils reconnurent qu'il etoit d'un gout douceatre, ils le cacherent dans leurs vetemens pour le porter a leurs femmes. Les habitation's de ces Infulaires font des jourtes «<«! Illl ■fa ill {a) L'inftrument dont fe fervent les Kamtchadales pour allumer du feu, eft une planche qui a plufieurs trous : ils mettent un baton dans un de ces trous; & ils le tournent tres-vite jufqu'a ce que Tinterieur du trou commence a bruler, ils approchent enfuite des matieres com- buftibles de f etincelle. S. R. G. Ill, pag. zor. Ill k.'M 1^8 Nouvelles decouvertes conftruites de la meme maniere que celles des Kamtchadales : on y entre par un trou fait au milieu du toit. Une feule de ces jourtes fufEt a 30 ou 40 perfonnes de differentes families. Pour fe rechauffer , ils bmlent de l'huile de baleine, dans des coquilles qu'ils mettent entre leurs jambes} les femmes fe tiennent feparees des hommes (a). 11 Six ou fept de ces jourtes comprennent un village ^ 6c il y a feize villages a Unalashka. En general, ces Ifles paroiffent affez penplees; c'eft du moins ce qu'on peut conjecfurer d'un gtand nombre de canots qu'on voit naviguer fans ceffe le l©ng de la cote. II y a plus de mille habitans a Unalashka, & les Naturels dirent aux Ruffes que jadis la population etoit plus confiderable. Depuis que les Navires Marchands Ruffes vont y chercher des fourrures, leur nombre eft diminue; &, en effet, on a vu que dans toutes les expeditions, on en tue plufieurs: d'ailleurs ils ont effuye une famine terrible en 1762,. Me- contens de la vie fimple qu'ils menoient jadis, ils ont pris du gout pour les objets de luxe que leur apportent les Navigateurs: afin d'obtenir quelques bagatelles qui fe con- fomment ou fe detruifent bientot, ils emploient la plus grande partie de leur temps a chaffer, pour vendre les fourrures; ils negligent ainfi de faire des provifions de 1 (a) 11 ne faut pas donner une trop grande etendue a cette phrafe de TAuteur du Journal; car les Navigateurs difent que les Infulaires des deux fexes habitent pele-mele. Peut-etre Krenitzin veut-il dire que lorfqu'ils font dans leurs jourtes les femmes fe tiennent toutes d'ua cote, & les hommes d'un autre. ■»•« I- ENTRE L'A SI E ET L'AMERIQUE. I ^ 9 racines ou de poiffons; 8c il eft tres-commun de les voir laiffer mourir de faim leurs enfans. Ils p&chent avec des hamecons d'os; leurs canots, fur lefquels ils naviguent a une grande diftance de la terre, font comme ceux des Innuets ou des Efquimaux, de peaux & de legers morceaux de bois joints enfemble; ces peaux couvrent le deffus 6c les cotes de 1'embarcation, 6c fer- rcnt de tres-pres la ceinture du rameur (a). Leur pagaye eft plus large aux deux extremites que dans la pale. Quel- ques-uns de ces canots tiennent deux perfonnes, dont l'un peche tandis que l'autre rame : ces derniers femblent appartenir aux Chefs. Ils ont d'autres baidars, qui tien* nent quarante perfonnes. Ils tuent des oifeaux 8c des quadruples avec des darts d'os ou de bois, armes d'une pierre epointee. Ils fe fervent de ces darts dans les combats ; lorfque le coup porte, la pointe fe hrife 6c refte au fond de la bleffure. Ces peuplades one toute la groffierete & la ferodite naturelles a leur pofition : les Infulaires d' Unalashka font un peu moins barbares entr'eux , 6c plus civiis a l'egard des etrangers, que les Naturels des autres Ifles; cependant ils ont des querelles frequentes; alors ils fe battent a outrancc, 8c ils commettent des meurcrei fans remords. all \\fm (a) Ceft-a-dire qu'il a'y a de place que pour un homme ou deux, & que I'ouverture n'eft pas plus large que le corps d'un homme. Le deffus eft couvert de peaux, afin qu'il y entre de l'eau en rooindre quantite. if i!y 111*'! 9* III mm I il? 160 Nouvelles decouvertes lis paffent leur vie dans un etat continuel de guerres; & ils emploient toujours des ftratagemes pour devenir vain- queurs. Les habitans d' Umnak font tres-redoutes; ils font des invafions frequentes fur les autres Terres; 6c ils; enlevent des femmes, car c'eft la le premier objet de leurs hoftilites. Leurs incurfions fe portent principalement fur Alaxa (a), fuivant toute apparence, parce que cette Ifle eft la plus peuplee 6C la plus etendue. Mais ils fe reu- niffent tous pour detefter les Ruffes, qu'ils regardent comme des Ufurpateurs qui veulent foumettre tout l'Ar- chipel ; 6c ils ne manquent jamais de les aflafliner des qu'ils en trouvent l'occafion. Je viens de dire que la haine des habitans d' Unalashka eft un peu moins vive; le Lieutenant Levasheff ayant appris qu'un navire de fa Nation relachoit au detroit di Alaxa , determina quelques - uns d'entr'eux ay porter une lettre : ils la rendirent effecti- vement, malgre le danger- qu'ils coururent; ils auroient ete maffacres par leurs Compatriotes, s'ils avoient ete furpris. L'Auteur du Journal ajoute que ces peuplades n'ont aucune idee de Dieu, & que toute efpece de culte leur eft etranger. Peut-etre fe trompe-t-il: on obferve, parmi eux, des indices de Religion : car ils ont des difeurs de bonne avanture qui predifent les evenemens d'apres les lumieres que leur infpirent les Kugans ou les Demons. Ces devins qu'on confulte particulierement les jours de f£te, mettent des mafques de bois, qu'ils varient fuivant (a) Cette phrafe n'eft peut-etre pas exafte , comme on le verra plus bas. la forme.; ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. l6l . la forme, oil ils difent que le Kugan leur a apparu ; ils danfent enfuite 8c Ye livrent a des mouvemens tres-vifs; ils frappent en meme temps fur un tambour, qui eft couvert de peaux de poiffons. Afin de fe garantir des Diables, les Naturels portent aufli de petites figures fur leurs bonnets , ou ils les placent autour de leurs jourtes. Cela fufKt pour prouver qu'ils ont une forte de Religion. Cest une chofe tres - commune de voir un de ces Infulaires qui a deux, trois ou quatre femmes: quelques- uns, livres au gout contre nature, ont un amant habille en femme. Ces Epoufes ne vivent pas enfemble, mais, comme celles des Kamtchadales, elles habitent differentes jourtes. Ils font un echange de leurs femmes; 8c, dans les temps de difette , ils les vendent pour une veflie pleine de graiffe. Le mari s'efforce enfuite de reprendre fa femme s'il l'aime un peu , 8c il fe tue quelquefois, s'il n'en vient pas a bout. Lorfque-des etrangers arrivent ; les femmes font dans l'ufage d'aller a leur rencontre , tandis que les hommes reftent au fond de la jourte; cette demarche eft regardee comme un temoiffnap-e d'a- mitie, 6c une faave-garde. Si un homme meurt dans la hutte appartenante a fa femme, celle-ci fe retire dans une caverne fombre , ou elle paffe quarante jours. Le mari fait une retraite aufli longue fi fa favorite meurt. Si le pere 8c la mere meurent, petfonne ne prend fbin de leurs enfans: ces malheureux orphelins font abandon- nes a eux-memes. Plufieurs vinrent prier les Ruffes de les acheter. X "i|l!)J' 11 iU Jii W'll 162 NoUVELLES DECOUVERTES Il y a , dans chaque village, une efpece de Chef, appelle Toolcoo (a), qui ne jouit prefque d'aucune au- torite. 11 decide les diffefens par arbitrage; & les Infulaires voifins mettent en execution fa Sentence. Lorfqu'il va en mer , il eft difpenfe de travailler ; & il a, pour manoeuvrer fon canot, un Domeftique, qui porte le nom de Kale; c'eft la feule marque de diftincfion dont il jouiffe; il travaille d'ailleurs comme tout le monde. Sa di^nite n'eft pas hereditaire; on la donne a celui qui eft le plus remarquable par fes qualites perfonnelles (b), ou, a celui qui a le plus d'amis, &, par confequent, le plus d'influence. Voila pourquoi il arrive frequemment qu'on choifit celui qui a la famille la plus nombreufe. Ils celebrent des fetes en Avril, apres que la faifon de la peche eft finie. Alors les hommes 6c les femmes chantent des chanfons, Les femmes danfent feules ou deux a deux, tenant dans leurs mains des veflies eon- flees. Leurs pas font d'abord tranquilles 6c doux , 6c ils finiffent par etre tres-vifs. Les habitans d' Unalashka portent dans le pays le nom de Kogholaghi ; ceux dY Akutan 6c des Ifles fituees plus a l'Eft, jufqu'a Unimak, s'apppellent Kighigufi; 8c ceux dYUunimak 6c dlAlaxa , Kataghayekiki. Ils ne (a) Les autres Navigateurs l'appe-Ilent Toigon. (b) D'autres Navigateurs difent /implement qu'on la confere a celui qui a le plus d'enfans : peut-etre cela fe fait-il ainfi fur quelques Ifles. Pi ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 163 peuvent pas dire d'ouf viennent ces noms, Ils commen- cent a s'appeller du nom general dAleyut, qui leur eft donne par les Ruffes , 6c qui a ete emprunte des Ifles Kuriles (a). Quand on les interroge fur leur origine, ils repondent-qu'ils ont toujours habite ces Ifles, 6c qu'ils ne connoiffent pas d'autres pays que le leur. On n'a rien decouvert fur les migrations de ces peuplades, fi ce n'eft que le plus grand nombre eft venu dl Alaxa (b). lis ne connoiffent pas les bornes de cette Terre. Krenitzin a fait la reconnoiffance de cette Ifle tres-loin au Nord- Eft; il employa quinze jours en canots a cette excurfion, 6c il planta une Croix au port ou il s'arreta. Les canots des Infulaires reffemblent a ceux des Sauvap-es de YAme- rique ; mais leurs ufages 6c leur maniere de vivre , dans tout ce qui n'eft pas un effet naturel de leur pofition, femblent annoncer qu'ils viennent du Kamtchatka (c). Leurs jourtes, leur maniere d'allumer du feu 6c leur penchant a la pederaftie, autorifent cette conjecture. J'ajou- terai que les vents foufflant prefque coritinuellement de ■I ill ( a) On ne voit pas dans le Catalogue des Ifles Kuriles , donne par M. Muller, S. R. G. Ill, pag. Stf-92, qu'aucune de ces Terres foit appellee Aleyut; & on ne trouve point ce mot dans les Cartes Ruffes. (6) Cette Ifle & Alaxa eft tres-voifine de YAmerique, & il ferri- bleroit que ces peuplades font une colonie venue originairement du Nouveau - Monde. (c) Il refte toujours a favoir fi les Kamtchadales eux - memes ne viennent pas YAmerique. Lorlqu'on veut rechercher l'origine d'une peuplade, il faut rapprocher bien d'autres objets & les examiner avec plus de profondeur. Xij HH ll 11 ii fill iiii «|l«l%;Lg|jj|l m i •Hi- riwf 164 Nouvelles decouvertes; l'Oueft, il eut ete tres - difficile a ces peuplades de fe tranfplanter d'Orient en Occident. Bering 8c Tfchirikoff ne purent rencontrer des vents d'Eft qu'en cinglant au. Sud. On sait que les Ruffes vont, depuis quelques annees; chercher des fourrures fur ces Ifles, & qu'ils obligent les Infulaires a en fournir a laCourohne, par forme de tributs. Les navires fe rendent, en automne, a l'lfle de Bering 8c a celle de Cuivre, ou ils paffent l'hiver. Ils chaffent d'abord le chat de mer 6c enfuite le fchivutcha ou le lion marin j les equipages mangent la chair de ce dernier animal, quoiqu'elle foit tres - grofliere. Ils portent les peaux aux Ifles fituees plus a l'eft. L'ete fuivant, ils vont aux Ifles des Renards -, ou ils paffent un fecond hiver. lis taehent,1 par perfuafion ou par force , d'obtenir en otages des enfans , fur - tout ceux des Tookoos ou des Chefs. Ils donnent enfuite aux naturels des trappes de renards, 6c des peaux pour leurs canots, 6c ils les obligent en retour a leur apporter des fourrures 6c des provifions pendant le courant de l'hiver. Ils exigent d'ailleurs que les Naturels paient un tribut de fourrures : 6c ils delivrent des quittances. Les Ruffes en achetent aufli qu'ils paient en grains de verre, en pcrlcs fauffes, en poils de chevres, chau- derons de cuivre, haches, &c. Au printemps, ils repren- nent leurs trappes, 8c rendent les otages. Ils n'ofent pas chaffer feuls ni en petites troupes (a). Ces peuplades (a) Tons ces details, qui ne font pas rigoureufement vrais, ne s'ac- 'ill ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. l6$ ont ete long-temps a comprendre pourquoi les Navigateurs exigent des tributs au nom d'une perfonne abfente j car leurs Chefs ne jouiffent d'aucun revenu ;' & ils ne pouvoient pas concevoir qu'il y eut d'autres Ruffes que ceux qu'ils voyoient; en effet, chez eux tous les habitans d'une Ifle partent lorfqu'il fe fait une expedition, lis ont aujourd'hui quelque ideedu Kamtchatka, parce qu'ils font accoutumes a. voir des Kamtchadales 8c des Koriaques fur les Navires Marchands: comme les Kamtchadales 6c les Koriaques ont une maniere de vivre qui reffemble a la leur, les Infulaires recherchent leur fociete plutot que celle des Ruffes. Krenitzin & Levasheff furent de retour a l'embouchure de la riviere du Kamtchatka dans l'automne de i J69. La Carte qui accompagne ce^'urnal a ete compofee par le Pilote Jacob Yakoff, fous l'infoection de Krenitzin (a) 8c de Levasheff. La route du Saint"- Paul, dans l'allee 8c le retour, y eft marquee. La pofition du havre de Saint - Paul, fur l'lfle d' Unalashka , 6c du detroit & Alaxa , eft determinee d'apres des obfervations faites pendant l'hiver de 1768; 6c la chaine des Ifles marquee d'apres des relevemens pris dans deux croifieres du Saint- Paul. M. 'cordent point avec ce qu'on a dit plus haut, en parlant des autres expeditions. Ils chaffent en petites troupes, mais ils -ibnt fouvent attaques. (a) Bientot apres fon retour, Krenitzin fe noya au Kamtchatka 3 fiir uu canot appartenant aux Naturels. MIL SEi B ■li?K^lil lilJSliil MM m\\ lt%|||:j t \\m, 166 Nouvelles decouvertes Voici les Obfervations que Krenitzin & Levasheff lirent fur la deciinaifon de l'aimant. Latitude, Longitude. Pointes. 54* 40' Z04d Z Eft. 5Z ZO " ZOl t% <$z 50 15)8. . I j. 53 zo 191 30' 1. 53 40 188 1. 54 50 182. 30 of. 55 o 180 30 o~. Elii 5WI — !!■■ i n 1*1 -.11) IP'S I III I it i: y ill N MMf •i i i i i i i i WJ)irexct-J) jf.3. i Ntnwefflea J)-ecaja?ertej dej- KiufSe}~ O ■ 1 I I I I I I I I I I I I I i ■■ i I i i I I I I l l I ■! r- 4 aje'TWT, 111111 I I i i i I i i i i i I i i i i i I i i i i1 r 0 ~ % i i i i i I i- i. i t i I M I ' ' ' ' ' ' ' ' l^r-r-r-r i i i i i I i i i i i I i .i i i i I ■ i i i i | ■ ■'■ 3 I I I I T I I I I .1. I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I I | | | , | | ,', |,, Partie Nord Est d e l a. Siberie Habite'&par le 172 Nouvelles decouvertes Petit Vocabulaire de la Langue des Aleiitiens. Soleil.. . . Agaiya. Un. . . Tagatak. Lune.... Tughilak. Deux. . Alag. Vent. . . . Katshik. Trois. . Kaukoos. Tana. Quatre. Setfchi. Kighenag. Cinq. . Tshaw. Jourte. . . Oollae. Six.. . . Atoo. Chef. . .. Toigon. Sept.. . Ooloo. Hommes. Taigaya. Huit. . Kapoe. Bois. . ..; Yaga. Neuf. . Shifet. Boucher. . Kuyak. Dix. . . Afok. Loutre de mer. .. Tfcholata. Nom de la 5 Nation. Kanagift (a }• 1 Des Ifles des Renards. Il est a remarquer qu'aucun de ces mots n'a la moin- dre reffemblance avec ceux de la meme fignif|cation, qu'on trouve dans les differens dialectes que parlent les Koriaques, les Kamtchadales, & les habitans des Ifles Kuriles. Les Isles aux Renards giflent a fEft - Nord - Eft des Aleutiennes : la plus proche qu'on. appelle Atchak , en eft eloignee d'environ 800 verftes (h), & fe trouve par (a) Ce mot pourroit faire croire que ce Vocabulaire appartient a la langue des Infulaires de Kanaga* ( b) Nota. Les pofitions & les diftances dont on parle dans ce Chapitre /font tirees des Journaux des Navigateurs; & il faut les comparer a la Carte generale, qui eft a la tete de cet Ouvrage , & fur-tout a la Carte de Krenitzin, will ENTRE L'ASIE ET L'AMERIQUE. 173 56 degres de latitude Nord, & elle s'etend de l'Oueft- Sud-Oueft vers rEft-Nord-Eft. Elle reffemble beaucoup a l'lfle de Cuivre y & elle a, dans la partie du Nord, un havre commode. Depuis celle-ci , toutes les autres Ifles de la chaine courent dans la direction du Nord-Eft-quart-Eft. AmlAK fuit Atchak, & elle en eft eloignee d'envi- ron 15 verftes; elle eft a-peu- pres de la meme grandeur, 6c on y trouve un havre dans la partie meridionale. Vient enfiiite, a la meme diftance, Sagaugamak, qui eft plus petite. D'ici a Amuchta 3 petite Ifle remplie de rochers , on compte 50 verftes; 6c le meme efpace dYAmuchta a Yunakfan , autre petite Ifle. A 20 verftes dYYunakfan , on voit un grouppe de cinq petites Ifles ou plutot de montagnes; Kigal gift, Kaganila , Tjigulak , Ulaga, 6c Tana- Unok , auxquels les uns donnent le nom de Pat Sopki, ou des Cinq Montagnes. Tana Unok eft la pills'au Nord-Eft; 6c la pointe occidentale d' Umnak n'en eft eloignee que de zo Verftes. Umnak coutt du Sud-Oueft au Nord-Eft. Sa longueur eft de 15 c verftes jj a l'extremite occidentale de la cote nord 1 on trouve une baie etendue, dans laquelle il y a une petite Ifle ou rocher qui s'appelleAdugak y 8c, au cote meridicfe- nal, on rencontre Shemalga, autre rocher. La pointe occidentale d'Aghunalaska, ou d' Unalashka eft feparee de l'extremite Eft d' Umnak, par un detroit large de pres de zo verftes. La pofition de ces deux Ifles eft pareillej mais Aghunalashka eft bien plus confiderable, 8c Ya. Ion- ■ gueur eft de zoo verftes. Elle eft divifee vers le Nord-Eft y a, Si m'M ui f 1W-< Hi M fiii tfeii \\w 174 NOUVELLES DECOUVERTES en trois Promontoites, dont l'un fe prolonge dans la direction de l'Oueft, formant un cote d'une large baie \\ fur la cote feptentrionale de l'lfle; le fecond court Nord- Eft , fe termine en trois pointes 6c eft reuni a l'lfle par une petite langue de terre; le troifieme, ou le plus au Sud, eft fepare du fecond par une baie profonde.. II y a, proche d'Unalashka dans l'Eft, une autre petite Ifle, appellee Skirkin. A environ zo verftes du Promontoire Nord-Eft d'Agunalashka , giffenr quatre Ifles: la premiere, appelee Akutan, paroit avoir la moitie de la gtoffeur dYUmnak | une verfte plus loin on trouve. la petite Ifle dYAkun., 6c un peu au-dela Akunok y & enfin Kigalga., squi eft; la plus petite de ces quatre terres.., &qui, relativemenr, a Akun 6c Akunok, fe prolonge prefque du Nord au Sud. Kigalga eft fitue par 61 degres de latitude; a ij&p verftes de-la on rencontre Unimak (a) : les Naturels difent qu'il y a par^ela une grande. etendue de Pays, appelle Alashka (b), dont ils ne connoiffent pas les, bornes. Les Isles aux Renards font en general remplies de rochers , fans offrir aucune montagne d'une hauteur remarquable; il n'y croit point de bois; mais on y trouve i K;I|J I (a) Il pourroit bien y avoir de l'inexa&itude dans cette affertion, & nous renvoyons encore une fois a la Carte generale, qui eft a la tete de cet Ouvrage , & a la Carte du Voyage de Kr^tmtzin. (b) Cette Ifle d'Alakfa ou d'Alaskka eft en effet la plus etendue de ce grouppe 5 & il eft poflible que les habitans de la partie Sud-Oueft «e conuoiflent point fes bornes au Nord-Eft. Illff m lb ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. IJ^ un grand nombre de ruiflfeaux & de lacs dont la plupart manquent de poiffons. L'hiver y eft beaucoup plus doux qu'en Siberie y la neige ne commence gueres a. tomber avant le mois de Janvier, 6c elle couvre la terre jufqu'a la fin els Mars. Il y a un vqjlcan a Amuchta y 6c a Kamila on trouve du foufre fur une montagne. Tana-unok renferme des fources affez chaudes pour cuire de la viande & des legumes; 6c on appercoit de temps en temps des flammes de foufre fur les montagnes dY Unalashka 6c d'Akutan. Les Isles aux Renards font affez peuplees a proportion Remarques de leur etendue; les Habitans font entierement libres 6c tans des ifles ne paient de tribut a perfonne;iIsfbnt d'un ftaturemoyenne, auxRenards. & ils paffent l'hiver 6c l'ete fous terre, dans des jourtes. On a remaque, plus haut, que de toutes les habitations, choifies par les Peuples fauvages , celles-ci etoient les plus fingu- lieres 6c les mieux imaginees. Les especes de Sorciers 6c de Devins , qu'on trouve parmi eux , fe vantent de connoitre le paffe &c l'avenir ,• ils font tres-reveres; mais, ce qu'il y a d'extraordinaire, ils ne recoivent aucun emolument. Ces Peuples manquent de piete filiale 8c de refpecT: a l'egard des vieillards. Ils ont cependant de la fidelite les uns envers les autres. Leur cara&ere eft vif 8c gai, mais - violent 6c porte a la colore. Ils n'ont aucune*idee de la decence; & ils fatisfont tous les befoins de la Nature, publiquement 6c fans la moindre referve. m ill U. rl' i II IWiiH tli iy6 Nouvelles decouvertes Nourriture. On a vu plus haut quelle eft leur nourriture : la racine des lys fauvages, ou de quelques autres plantes, les fruits qui croiflent fur des arbriffeaux, font pour eux des frian- difes. Lorfqu'ils ont des provilions, ils mangent a toutes les heures de la joutnee ; mais, s'ils fe trouvent dans le befoin , ils paffent plufieurs jours fans prendre de nourriture. m Education des enfans. Ils nourrissent avec de la chair groffiere 6c ordinaire- ment criie, leurs enfans des leur bas-age : fi ces enfans crient, la mere les porte tout de fuite aux bords de la mer, & l'hiver comme fete, elle les plonge dans l'eau, 6c elle les y tient, jufqu'a ce qu'ils fe taifent. Cet ufage , loin de leur nuire, les endurcit contre le ftoid ; on les accou- tume ainfi a marcher nuds pieds, 6c fans incommodite, dans la faifoii la plus rigoureufe. On les habitue d'ailleurs a fe baigner fouvent dans la mer; 6c c'eft une opinion generale, parmi les Infulaires, que cette methode donne de la hardieffe aux jeunes gens, 6c les rend heureux a la peclie. Tout le commerce qu'ils font entr'eux , fe borne a eehanger des loutres 6c des ours de mer , des vetemens de peaux d'oifeaux 6c d'inteftins deffeches, des peaux de lions ou de veaux marins , avec lefquelles ils couvrent leurs baidars, des mafques de bois, des darts, du fil ou de la ficelle, fake de nerf ou de poils de renes. Meubies. Ils n'ont gueres d'autres meubles que des cruches quarrees, 8c de grands auges, qu'ils creufent dans les bois que les riots jettent fur la Cote. Les yiEiLLARos Commerce entr'eux. U»HI ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. IJJ Les vieillards d! Umnak & dY Unalashka dirent qu'ils Guei ne fe fouvenoient pas d'avoir vu les deux Ifles en guerre; & que , de leur vivant, il n'y avoit eu qu'une guerre avec les Infulairesdl Alashka.Voici quelle enfutl'occafion. Le fils du Chef d' Umnak etoit eftropie d'une main : des Naturels dYAlaskka , qui fe trouvoient a Umnak , attacherent, par moquerie, un tambour au bras eftropie du jeune-homme, & l'inviterent a danfer. Le Chef 6c fes parens furent offenfes de cette infulte; il en refulta une querelle : depuis cette epoque les deux peuplades ont vecu ennemies l'une de fautre, s'attaquant 6c fe pillant reciproquement. Ces memes vieillards ajouterent que, dans leurs incurfions fur Alashka, ils avoient rencontre des montagnes 6c des forets d'une grande etendue a quelque diftance de la Cote. Les terres , fituees au-dela. d'Alashka , paroiffent inconnues aux Habitans des Ifles des Renards. res* Il y a souvent des Fetes parmi eux, 6c fur-tout lorf- Fetes, qu'il arrive des Habitans d'une Ifle etrangere. Les hommes de la Bourgade vont a la rencontre de leurs notes en battant du tambour , & les femmes, qui les precedent, chantent 6c danfent. Lorfque les danfes font finies, les etrangers demande&t a prendre part a la fete , on ne manque pas d'y confentir; ils s'en retournent tousenfemble au village : alors ceux du pays couvrent la terre, ou la jourte, de nattes, & fervent un repas : on fe met a manger, & quand tout le monde eft raffafie , les diver-: pffemens commencent, M in I lilt* Hr;ii 178 Nouvelles decouvertes D'abord les enfans danfent, cabfiolent & frappcnt en meme-temps fijr leiirs petits tambours : fur ces cntrefaircs les Proprietaires de la cabane , hommes & femmes , fe mettent a chanter; enfuite les hommes, prefque nuds, fautent les uns apres les autres, firappent fur des tambouri plus gros; quand ils font fatigues les femmes prennent leurs places fans fe deshabiller; 6c tandis qu'elles fautent, les hommes chantent en battant du tambour. II faut remar- quef qu'un feu brule, pendant la ceremonie, & qu'on l'eteint des le moment qu'elle eft achcvee. S'il s'y trouve des.Sorciers, ils fe livrent, dans les tenebres, a leurs gambades myfterieufes ; s'il n'y en a point, les etrangers fe retiresnt, fur-le-champ, dans des habitations, qu'on leur a preparees, avec des canots & des nattes. Les Infulaires, qui ont plufieurs femmes, en offrent quelques-unes a leurs notes; & s'ils n'en ont qu'une feule j ils leur offrent des filles. La saison de la chaffe dure principalement de la fin d'Octobre , au commencement de Decembre. Ils paffent tout ce dernier mois en fetes 8c rejouiflances pareilles a celles qu'on vient de decrire ; avec cette difference, cependant, que les hommes danfent alors en mafques de bois, qui reprefentent differens animaux marins , & qui font peints en rouge, gris, ou noir, avec des terres colorees qu'on trouve fur ces Ifles. vifites. Pendant ces Fetes , les differentes bourgades fe vont voir, & les Naturels font des vifites d'une Ifle a l'autre. A m ENTRE L'AsiE ET L'AMERIQUE. I 79 la fin des rejouiflances, on met les mafques 6c les tambours en pieces, ou on les depofe dans des cavernes au fein des rochers, 8c on ne s'en fert plus. Ces tambours reffemblent a ceux dont fe fervent les Tambours. Sorciers du Kamtchatka. J'en ai vu de ces derniers au Cabinet de curiofites de Petersbourg. II eft de forme ovale, d'environ deux pieds de long & d'un de large. II eft couvert feulement, a une des extremites, comme le tambout de bafque, & on le porte a fon bras, ainfi qu'un/ bouclier. Au printemps , ils vont tuer de vieils ours de mer, Peche. des lions marins 8c des baleines. L'ete 6c meme l'hiver, lorfque le temps eft calme, ils s'embarquent 8c vont pe- cher de la morue 6c d'autres poiffons. On a deja, dit que leurs hamecons font d'os j une algue, qui a de la tena- cite 6c quelquefois 160 verges de longueur, leur fert de ligne. S'ils recoivent une bleffure dans les combats, ou par Medecinc.; quelque accident, ils appliquent une racine jaune fur la plaie, 6c ils jeunent pendant quelque temps. S'ils ont mal a la tete, ils s'ouvrent une des veines de la tempe avec une lancette de pierre. S'ils veulent coller une pointe fur la tige de leurs traits, ils fe frappent le nez jufqu'a ce qu'il faigne, 6c le fang leur tient lieu de colle. Ils ne punissent point l'affaffinat, car ils n'ont point Meurtre. Zij de Juges. tl jltl 1 !|"'K 11 mi Ente.rremenSi B 180 Nouvelles decouvertes Voici les ceremonies qu'ils pratiquent a 1'enterre- ment des morts. Ils enveloppent les cadavres des pauvres dans leurs propres habits , ou dans des nattes; ils les mettent enfuite dans une foffe qu'ils recouvrent de terre. Ils depofent les corps des riches, entoures de leurs armes 6c de leurs habits, dans un petit canot de bois; ils fuf- pendent ce canot fur des perches; 6c ils les laiffent ainfi pourrir en plein air. Les usages 6c les moeurs des Habitans des Ifles Aleiitiennes approchent beaucoup de ceux des Naturels des Ifles des Renards : les premiers font foumis & paient des tributs a la Couronne de RuJJie; la plupart favent quelques mots de la langue Ruffe; ils les ont appris des equipages des navires marchands qui abordent fur leurs terres. \\m mm / M y ill j ENTRE L'ASIE ET l'AmeRIQUE. 18-1 CHAPITRE XVL| 2).E LA longitude du Kamtchatka, & de Vextremitd orientale de lyAfic3 telle quelle ejl marquee par les Geographes Ruffes. .Lies plus celebres Geographes font fi peu Longitude / - / y^r ^e *extreml" d'accord fur la longitude de l'extremite Orientale deYAfie, te orientale . .A \\'Af qu'il ne fera pas inutile de trailer cette matiere, & d'in- e ie* diquer les principaux Ouvrages qui en parlent. Les preuves qui ont engage M. Muller 8c les Geographes Ruffes a Suivant placer cette longitude au-dela de deux cens degres du J^1, M"jIer & * " & les Geogra- Meridien de l'lfle de Fer, ou de cent quatre-vingt de- phes Ruffes. gres fix minutes quinze fecondes du Meridien de Paris ,.ii font tirees des Obfervations des Satellites de Jupiter, faites par Kraffilnikoff, au Kamtchatka 6c en dii^rentes parties de la Siberie , & des expeditions qu'ont fait les Ruffes, par terre & .par mer, du cote de Tfchukotskoi nojf. M. Fngel revoque en doute l'exa&irude de ces Obfer- Suivant vations; 6c il fixe a vingt-neuf degres de m&jhs que les M" EnSe1, Ruffes, la longitude du Kamtchatka. II a configne Yon ^ fyfteme dans les Ouvrages fuivans. T.Memoires &;Obfervations geographiques & critiques fur la fituation des Pays Septentrionaux de YAJie 6c de YAmerique. A Laufanne. 1765. i 1 fc't I III M* lib l! 182 Nouvelles decouvertes z. Geographisce und Critische nachricht veber die lage der noerdlichen gegenden von Afie und Amarica. Mhittaw. 177'z. Suivant M. de Vaugondy croit que M. Engel a tort de faire M. de Vau- ,. . . r ,. . .. . ' ec-ndy: ime diminution fi extraordinaire , 6c il ne raccourcit le Continent de YAJie que d'onze degres de longitude. II a donne a cette occafion deux Traites. 1. Lettre au fujet d'une Carte fyftematique des Pays Septentrionaux de YAJie 6c de YAmerique. Paris, 1768. z. Nouveau systeme geographique , par lequel on concilie les anciennes connoiffances fur les Pays au Nord- Oueft de YAmerique. Paris, 1774. M.Baache, M. Buache a publie, contre ces deux Auteurs, un de 1 opinion A ' des Geogra- excellent Traite, intitule: phes Rufles. Memoires fur les Pays de YAJie 6c de YAmerique^ Paris, 1755. Il se declare dans ce Memoire contre les opinions de MM. Engel 8c Vaugondy, & il defend le fyfteme des Geographes Ruffes, de cette manjere. M. Maraldi, apres avoir compare , avec les cartes, les Obfervations des Satellites de Jupiter, faites au Kamtchatka par Kraffil- nikoff, a determine ainfi la longitude dYOchotsk, Bol- cheresk , 6c Port de Saint-Pie/re 6c de Saint-Paul, a compter du premier Meridien de Paris, ft / ENTRE L?ASIE ET l'AmERIQUE. 183 Longitude (a) d'Ochotsk 9h 2,3' 30." De Bolcheresk 10 17 17. Du Port Saint-Pierre & S.' Paul. 10 2.5 5. La latitude dlOchotsk eft 5s>d n'; celle de Bolcheresk de 52/ 5 5', 8c celle du Port Saint-Pierre & Saint-Paul Les resultats suivans , deduits des Obfervations correfpondantes (b) des eclipfe&des Satellites de Jupiter, faites a Bolcheresk 6c au Port Saint-Pierre 8c Saint Paul, par KrafElnikoff, & a Pekin , par les Miffionnaires Jefuites., approchent tellement les unes des autres, que les obferva- (a) Kraffilnikoff compara fes-Obfervations avec les Obfervations correfpondantes faites a F'etersbourg_, & il eut les refultats fuivans. En conjparant une Obfervation du premier Satellite de Jupiter, faite a Ochotsk le 17 Janvier 1743^ avec l'Obfervation d'une Eclipfe du meme Satellite, faite a P etersbourg le iy Janvier de la meme annee, il reconnut que la difference de longitude entre Pe'tersbourg & Ochotsk eft de 7h 31' 29*. En eomparant deux autres Obfervations femblables, la difference de longitude fut de 7h )i' 3". JM.temps moyen eft 7h 31' %<£. En ajoutant la difference de longitude entre Pe'tersbourg & Paris , laquelle 9 Z5 s. Pierre & S. Paul. 9 zo zj a Pekin. Difference du Meridien de Pekin 6c de celui du VotzSaint-Pierre & Saint-Paul z 48 50; Janv. 3 o, Immer. du 3 .me Satellite. 1 z 5 3 o au P. &c. 9 16 30 a Pekin. Difference du Meridien ••"-T-• Fev. 5, 1." Satellite. ...... Difference du Meridien. t~. . 49 o. 8 33 z6 au P. &c: 5 6^ 45 a Pekin. mmmm———— 11 1 1 mi a 49 41. Fev. \\z, Emerfion i.er Satellite. 10 z8 49, 7 39 2-9. 49 zo. La difference de longitude de Paris a Pekin etant de.... 7 $6 zz, La difference des Meridiens de Paris 6c du Port Saint-Pierre & Saint - Paul fera. , 10 zj 36. Ce qui differe feulement d'une minute & demie de celle qu'a decouvert M. Maralcii. J741 j 'II J ENTRE L'ASIE ET l'AmERIQUE, l8^ 1741, vieil ftyle. ■tajgf Mars Z3, Emerflon z.d Satellite. i'oh 55' x$"^Bolch. 8 14 .0 a Pekin. Difference. ...... .v..-.-.i^fefr a 41 z. Decemb. 31, Immer. i.er Satell. 10 51 58 a Bolch. 8 9 45 a Pekin. zm Difference des Meridiens de Pekin 6c de Bolchereslg. z 4Z 13: En prenant un terme moyen, la difference de longitude entre Bolcheresk 8c Pekin fera de. Entre Bolcheresk 6c Pekin de.. *$h$<~< bi.~fD .ia&?A z 41 xj: 10 18 o; Ce qui differe feulement d'une minute & demie de celle qua decouvert M. Maraldi. il!?0UR jetter des doutes fur les confequences tirees des Geogra- fi on compare la longitude qu'ils aflignent au Kamtchatka . phes Ruffes. . . avec ceiie d'Yakutsk: cat cette derniere ayant ete etablie d'une maniere iuconteftahie, par une multitude d'Obfer- vations, faites a differens temps 8c par differeniesperfonnes j (i c'eft a toft qu'on place lc Kamtchatka fi loin a f£ft > on reconnoitra cette erreur dansria difference de longitude qui fe trouvera entre Yakutsk 6c Bolc&eftisk. En rappro- dfeant les Obfervations faites a Yakutsk de celies qu'a faites1 Kraffilnikoff au Kamtchatka g on voir que cet Aftronome a merke , a jufte titre, le nom d'habife Obfervateur. KRASsiiisfrKOFF, en revenant du Kan&dkatka, obferva; a YiAtttt&k, plufiews eelipfes-desSatcUwes de Jupiter : il dit que les Obfervations fuivantes font les plus exactes. I Ike.' I ' I • If Pi1 Ml. "WW ENTRE L'ASIE ET L'AMEKI'lg&E. i 8j 1744, vieii ^ftylc. (a)Fev. 7,Immer. i.er Sat. rIh zz, Immer. z.d Sat. 10 z^, Immer. z.d Sat. 13 Mars 1, Immer. 1. Satel. 11 Avril 9, Emerfion 1. Sat. 1 z -(■:.'■ 18 35 un peu deuteufe. 31 il 6 54 Z J o Zj 50 Toutes ces Obfervations exactes. Les memes eclipses, calculees par les Sables de M. Wargentin, pour le Meridien de Paris, donnent les refulteats fuivans: Fev. j, Immer. 1.« Sat. zh 49' zj, Immer. 1. Sat. z 3 Z9, Immer. z.dSat. 4 38 Mars 1, Immer. 1. Sat. 3 3 Avril 9, Emer. 1. Sat. 3 54 o // difference 8h z9' 10 r""^r-" 8 des Men- 8 35 1 // iy diens de 8 z8 37 Paris & 37 dTtffe/WJfc. 8 Z9 IZ 8 *5 2-9 4^ Terme moyen 8 Z9 5 Les Observations de M. Islenieff (b) , faites a Yakutsk , en 17 69 , ou il avoit ete envoye pour obferver le paffage de Venus, ont recu la fanction de 1'Academie Imperiale. La .'.longitude qu'il affigne a Yakutsk eft. de 8 heures Z9 minutes 34 fecondes; ce qui correfpond, d'une maniere affez exacte, avec celle <|Ji$pnt donne les Obfervations de Kraflilnikoff. (a) Nov. Comm. Petr. Tom. Ill, pag. 460. (b ) Pour ce qui regarde les Obfervations d'Yflenieff, 3 Yakutsk , voyei Nov. Comm. Tom. XIV, Part. Ill, pag. 168 a jm. A a ij IP w. mM ft 1 ..^StL?' fill ■M% Ml fell M* l88 NoUTWfeLLES DECOUVERTES Ainsi la longitude d'Yakutsk, comptee du Meridien de Paris , etant de 8 heutes z? minutes 4 fecondes , ou de izydeg. i6"min. ,'& celle de Bolcheresk de lohcur. 17 minutes 17 fdcondes, ou de 150 degres 19 minutes 15 fecondes, la difference de longitude, entre Yakutsk 6c Bolcheresk ,1 fletermmee par des Obfervations Aftro"? nomiques, eft d'ufte heure 48 minutes 8 fecondes, ou de Z7 degres 3 minutes. La latitude de Bolcheresk eft de 51 degres 55 minutes, & celle d'Yakutsk de 6z degres une minute 5 o fecondes; 8c la difference des longitudes, etant, comme on vient de le dire, de zy degres 3 minutes , la diftance de ces deux Places, mefuree fur un grand cercle du globe, fuivant les regies de la Trigonometric , fera de 16 degres 57 minutes, ou d'environ 1773 verftes^en comptant 104 ^verftes par degre. Cette diftance eft un efpace de terre & de mer; 6c ces deux places entretiennent uue correfpondance perpetuelle, au moyen d'Ochotsk I qui eft fitue fur la route. L'eftime des vai£ feaux potte a 1254 verftes, la diftance par mer de Bol- chereslck' Ochotsk > 6c la diftance par terre dlOchotsk a Yakutsk \\ eft de <^zj, ce qui donne z 181 pour le total. La diftance directe deduite?'par la Trigonometrie (en fuppofant que la difference de longitude entre Bolcheresk 6c Yakutsk, eft de z$ degres 3 minutes,) etant de 1773 , 8c la route ordinaire de z 181 , la difference eft de 408 : 6c il ne faut pas s'en etonrter puifqu'il n'y a point de chemin par .terre , 8c que les vaifleaux ne.jcinglent jamais precifement fur un grand cercle de la terre. Le rapport qu'on trouve entre la diftance, evali^ ENTRE L'AsiE ET l'AmERI QUE. I 8^ parl'eftime, & celle qu'on deduit des Obfervations, donne lieu de croire, qu'il ne peut pas y avoir une erreur de pUijfieurs degres dans ces calculs aftronomiques.' ®m Puisque la longitude entre l'lfle deeper & Peterf^ bourg eft reconnue de 48 degres; celle qui eft entf^s Petersbourg & Yakutsk de ^^ degres zi minutes; 6c que celle qui eft entre Yakutsk & Bolcheresk , ne peut pas etre moindre de Z7 degres 3 minutes, il s'enfuit que la longitude de Bolcheresk , comptee de l'lfle de Fer, n'eft pas inferieure a "174 degres Z4 minutes. Et alors comment croire a l'erreur de zj ou de 11 degres que M. Engel 8c M. de Vaugondy, reprochent aux Geographes Ruffes fur la longitude du Kamtchatka ? MIEpiWUISidlilllW iBEllf? IP1- f En comptant de l'lfle de Fer. Longitude ^Yakutsk 147d o' o". D'Ochotsk 160 7 o. De Bolcheresk 174 13 o. Du Port S. Pierre, &c. ,iy6 -$cfr; o. h-'m Comme on n'a pas fait d'Obfervations Aftronomiques Longitude plus a l'Eft que le Port Saint-Pierre & Saint Paul, il JSrM?! eft impoflible de determiner , avec quelque depre de cer- fuivant les 111 1 1 t» • -kt 1 i-n 1 ,, *r Geographes titude,la longitude du rromontoire Nord-Eft de lAJie. Ruffes. II paroit cependant d'apres les navigations faites par Bering 6c Synd, le long des Cotes, vers Tchukotskoi nojf, & d'apres d'autres expeditions, faites par terre 8c par mer, &? urn M Jt'W I90 SKkpUVELLES DECOUVERTES en d'autres^ndroits du Kamtchatka, du Pays des Koriaques 6c de la Siberie , que la Cote dYAfie, par le '64.™ parallele , s'avance au -moins jufqu'a Z3 degres z minutes 3 o fecondes duPort Saint-Pierre & Saint-Paul, ou jufqu'a environ zoo del*f6s de longitude de l'lfle de Fer. Pis I Wi mmm ii ■ii 1*111! fttffi 11! I If mm If ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. I^I ^, C HAP I T RE XVII. Position des Ifles Andreanoffsky > nombre des Ifles Aleiitiennes. IiORSQUE 1'Auteur Allemand , dont j'ai parle dans la Preface, publia , en 1766 , fon Ouvrage fiir les decou-. vertes des Ruffes entre YAJie & YAmerique , la pofition des Ifles Andreanoffsky n'etoit pas determinee. On croyoit generalement qu'elles font partie du grouppe, rencontre par Synd (a), dans fa route vers Tfchutskoi nojf. M. de Buffon (b) les>«fuppofe les jafremes que celles qui font dans la Carte de Stadblin , fous le nom dAnadirsky. L'Auteur Allemand, que je viens de citer, lesjjplace au Nord-Eft des Ifles Aleiitiennes « a la diftance de 600 Ou » 800 verifees. » II ajoute, « leur direction eft profoaflle- » ment Eft 6c Oueft; 6C quelques - unes peuvent etre » uiaes a celles des Ifles aux Renards, qui font le plus » contigues au Continent oppofe. » II avancoit cette conjecture d'apres la fuppofition que les Ifles Andreanoffsky / giffent pres de la Cote des Tfchutski., 6c que quelques- unes des Ifles aux Renards font fita&es par 61 degres de latitude, ainfi qu'on les voit marques fur la Carte gene- (a) Voyei le Chapitre XIV. (b) Voyei le Tome X,in-iz, des Supplemens a fHiftoire Naturelle. ft" i|i|!» S ■mi Wit ft ««B ml IStjiiifl; 192 .NOUVELLES DECOUVERTES- rale de RuJJie. Mais les Navigateurs ont reconnu depuis , qu'elles fe trorfvent entre les Aleutiennes 8c les Ifles aux Renards 6c qu'elles completent la chaine entre le Kamtchatka 6c YAmerique (a). On croit que ce grouppe commence a. environ 53 degres de latitude, pres de la plus Orientale des Aleutiennes , 6c qu'elles pendent vers les Ifles aux Renards. On dit que la plus Nord-Eft, eft fi pres de la plus Meridionale des Ifles aux Renards, qu'on fa prife quelquefois pour une terre de ce dernier grouppe, comme on peut le voir au commencement du Chapitre VI de cet Ouvrage; Paikoff y met Atchu 6c Amlach au nombre des Ifles aux Renards. II eft probable cependant que ces deux terres font partie d'un grouppe, appellee Negho , par un Chef Aleutien (b), 6c auquel les Ruffes ont donne le nom dYAndreanoffsky , parce qu'on a cru quMl avoit ete decouvert , pour la pre- fois, par Andre Tolftyk, dont on a rapporte le Voyage au ChapitrS'VL J'ajotjterai que 1'Auteur Allemand, en decrivant les Ifles Aleiitiennes , n'en fuppofe que trois, Attak, Se- mitshy 6c Shemiya (c). Mais leur nombre eft beaucoup «|f iiiiiii (a) Voyei lei*£hapitre V. Le Commandant du Navire Y Andre & Na~ talie a rapporte qu'il y a des Ifles a l'Eft & au Sud-Eft des Aleitifennes .- elles doivent faire partie du grouppe d'Andre'anoffskye , ou des pljjs meridionales des Ifles aux Renards. (b) Voyei le Chapitr&juiYajatj^, (c) Nous n'en n'avons indique nonplus que trois au Chapitre XV, parce que la pofition des autres n'eft pas^determinee d'une maniere affez precife. plus ^lliHl»i J ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. IQJ plus confiderable, 6c leur chaine comprend toutes les Ifles dont le Chef Aleutien fait les deux grouppes de Khao 6c Sajignan (a). II y en a plufieurs autres de marquees fur la Carte generale de Ruffle ; & les Journaux des Navigateurs, dont .nous avons donne l'abrege, ea parlent quelquefois (b). \\m ( a) Voyei le Chapitre fuivant. (J ) Voyei le Chapitre II, & particulierement le Chapitre III, oil Ton fait mention de quelques-unes de ces Ifles, fous les noms de Ybiga , Kiska & Olas. m ii Pit11*! ■i!l». . 4 %04 Nouvelles decouvertes ■Aii&sfSteLUj- m> 111 in !IW Ml ; C H AP IT R E XVIII.|; L i s t e des Ifles nouvellement decouvertes , donnie par un Chef Aleutien; Catalogue des Ifles appellees de differens noms dans les Journaux des Navigateurs RuJJes. M. Muller -La liste suivante a ete donnee par un Cnef Aleii- djvife les tjen amen£ £ Petersbourg en 1771 , & interroge, d'apres Ifles nouvel- , . . . lement de- un ordre de l'lmperatrice. M. Muller, qui eut avec lui enUVquatre ^e l°ngues conferences, divife en quatre grouppes prin- grouppes. cipaux les Ifles nouvellement decouvertes •, il s'eft regie dans cette divifion fur le langage que parlent les Naturels, & fur la proximite des differentes terres. Premier Le premier grouppe (a) auquel l'Infulaire donnoit pelle Safi- le nom de Sajignan , comprend 1. l'lfle de Bering^ gnan. 2. l'lfle de Cuivre. 3. Otma. 4. Samiya bu Shemiya, 5. Anakta. Khao,lefe- Le second grouppe, appelle Khao, comprend huit on g o p j^es^ p Imnak. z. Kiska 5. Tchetchina. 4. Ava. $.Kavia. 6. Tfchagulak. 7. Ulagama. 8. Amtschidga. Negho, le Le troisieme , appelle Negho , comprend les Ifles troifieme grouppe. j r (a ) il eft probable que les deux premiers grouppes dependent des Ifles Aleiitiennes. mm\\ ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE, 10^ connues^jies Ruffes, fous le nom dYAndreanojfskie Oftrova. L'Aleutien en comptoit feize. 1. Au AT KIN AK. z. Ulak. 3. Unalga. 4. Na- votsha. 5. Uliga. 6. Anagin. y.Kagulak. 8. Illask ou Jllak. p. Takavanga , qui renferme un volcan. 10. Kanaga, qui a auffi un volcan. 11. Leg. \\z. Shetshuna. 15. Tagaloon. Pres des Cotes des trois dernieres terres, il y a plufieurs Iflots de rocher. 14. Une Ifle fans nom, appellee par les Ruffes Goreloi (a). 15. Atchu. 16. Amla. Le quatrieme grouppe,appelle Kavalang, comprend , K*valang, in 1 t» rr i 1 « i t rr *e quatTjeme '16 Ifles j les Ruffes leur donnent le nom de Lyjfie grouppe. Ojlrova ou d'Ifles aux Renards. 1. Amuchta. z. Tfchigama. 3. Tfchegula. 4. Unijlra. 5. Ulaga. 6. Tanagulana. 7. Kagamini'S. Kigalga. 9. Schelmaga. 10. Umnak. 11.Aghun-Alaska, tz. Unimaga. A peu de diftance d' Unimaga , vers le Nord, il y a un Promontoire, appelle par les Infulaires la terre des Renards noirs, avec une petite riviere, nommee Alashka, qui fe vide , en face de la derniere Ifle , dans un golfe dont on peut faire un havre. On ne connoit pas l'etendue de cette terre. Au Sud-Eft de ce Promontoire on trouve quatre petites Ifles. 13. Uligan. 14. Antun - DuJJume. 1 j. Semidit. 16. Senagak. '" iliii.il It '.Pi m (a) Les Navigateurs Ruffes fuppofent que Goreloi eft la meme Ifle qn'Atchu, & ils la comptent parmi les Ifles aux Renards. Voyei le Chapitre VI, page premiere, & le Chapitre precedent. Bbij 1 swill Ills Ifles appellees de differens noras dans les Journaux Ruffes. .rfiliil jg6 Nouvelles decouvertes On ne trouve ni dans les Journaux ,ni dans les Cartes; la plupart de ces noms ', il ne faut pas s'en etonner, car les noms des Ifles ont ete surement alteres & corrompus par les Navigateurs Ruffes. Quelquefois le meme nom a ete donne a differentes Ifles, par les differens Capitaines: d'autres fois la meme Ifle a ete appellee de differens noms. Je vais citer plufieurs exemples de cette alteration 6c de ces changemens. Att , Attak 6c Ataku. SHEMIYA ou Sebiya. Atchu , Atchak, Atach, Goreloi ou IJle brulee* Amlach , Amlak, Amleg. Ayagh , Kayachu. ALAKSU , Alagshak , Alachfak. AghunALASKA, Unalashka, |P|II iili hi ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQTJE. KjJ CHAPITRE XIX*| § Conjectures fir la proximite' des Ifles aux Renards & du continent d'Amerique. JTlusieurs preuves, tirees de l'Hiftoire Naturelle & rapportees dans les Chapitres precedens, annoncent que les Ifles aux Renards font a peu de diftance du Continent dYAmerique y 6c il y a lieu de croire que les Navigateurs Ruffes ne tarderont pas a rencontrer la Cote du Nouveau Monde. Les saules & les aulnes que Glottoff trouva a Kadyak, , preuves de . , ,, ... -'la proximite etoient en trop petite quantite & d une taille trop peu con- des ifles aux iiderable pour prouver, d'une maniere certaine, la proxi- ^"continent mite de cette Ifle de YAmerique. Les loutres de rivieres, d'Amenque. les loups, les ours 6c les fangliers, qu'on a rencontres fur la meme terre, font des indices plus probables d'un Continent voifin : on y a pris aufli des martes, animal qui eft inconnu dans les parties Orientales de la Siberie , 6c qu'on nevoit fiir aucune des autres Ifles. Tous les quadrupedes que je viensde citer, les martes execptees, fe ttouvent a Alakjit, Terre fituee plus au Nord-Eft que Kadyak; & il y a aufli des rennes & des chiens fauvages. J'ajouterai que c'eft une opinion commune parmi les Infulaires dYAlakfu ou dYAlashka 6c de Kadyak, qu'un pays montueux, cou- vert de fbrets, & un grand Promontoire, appelle Atachtak, git plus au Nord-Eft, m f| IMP'lt " wlf 111! Jail fcSIl llhli L <\\ •,.'•;!' It 1 ill f> Italia' IB" l-Jti'mlT-jEilfii' iq$ Nouvelles decouvertes Quoiqu'on ait deja fait ufage de ces indices dans les Chapitres precedens (a), j'ai cru devoir les recapituler ici, afin de les reunir fous un meme point de vue. Plufieurs annoneent, d'une maniere inconteftable, une mer moins ouverte, &la proximite du Continent du Nouveau Monde. C'eft au Lecteur a juger a combien on peut evaluer fa diftance; 6c les Navigateurs ne tarderont pas a la determiner d'une maniere plus precife (b). On sait feulement aujourd'hui que dans tous les parages ou les Ruffes ont navigue jufqu'a prefent, il fe trouve une chaine d'Ifles, qui fe prolonge a l'Eft & au Nord-Eft ~ Eft du Kamtckatka du cote de YAmerique. On n'a encore reconnu qu'une partie de cet Archipel, & l'on ne peut former que des conjectures fur le refte. (a) Voyei les Chapitres VI, X, &c. (b) Les Vaiffeaux la Re'folution & la Difiovery, fur lefquels font morts les Capitaines Cook & Clerke, viennent d'arriver en Angleterre au mois de Septembre 1780 5 & le Journal de ce grand Voyage nous donnera de nouvelles lumieres fur cet objet. Jj^nt liliL'ii, i-'i-.f I'M l«[lf If ENTRE L'ASIE ET L'AMERIQUE. 10^ ^■| CHAPITRE XX. ■ ,: ,| "fj RjksuMi des preuves qui annoncentque Bering & Tschirikojf ont touche'fur la cote d'A- me'rique, en IJ41, ou qu'ils s3en font beaucoup approche's. JL a Cote dont Bering atteignit le travers, 6c qu'il appella Cap Sainte-Lucie , git, fuivant fon eftime, par 58 degres z8 minutes de latitude Nord ,6c zi6 degres de longitude, comptee de l'lfle de Fer | la Cote ou aborda TfehSikoff eft lituee par 56 degres de latitude & 2,41 degres de longitude (a). Steller, qui accompagna Bering dans fon expedition Preuves alle- vers YAmerique, s'efforce de prouver que ce Navigateur steller. decouvrit le Continent du Nouveau Monde, 6c il emploie les raifons fuivantes (b). Bering vit des Cotes efcarpees % 6c qui prefentoient des chaines continues de hautes montagnes , dont quelques-unes avoient tant d'elevation que leurs fommets etoient couverts de neige > leurs flancs ( a ) On trouve la Relation des Voyages de Bering & de Tfchirikoff dans l'Ouvrage de M. Muller, fur les decouvertes Ruffes. S. R. G. Vol.Ill, pag. 193, &c. (b) Voyei la defcription du Kamtchatka de Kraffilnikoff, Chapitre X de la Traduction Francoife. MSI ■ "'!': mm li 200 Nouvelles $&couvertes etoient revetus, du fommet jufques en bas, de bois epais I d'une grande etendue 6c d'une grainde hauteur (a). Steller defcen'dit a terre ou il refta quelques heures; II y obferva plufieurs efpeces d'oifeaux qu'on ne connoit pas en Siberie, 6c entr'autres I'oifeau decrit pat Catesby (b), fous le nom de geai-bleu, & qu'on n'a encore trouve nulle part que dans YAmerique Septentrionale. Le fol differoit de celui des Ifles voifines 6c du Kamtchatka , 6c il cueillit plufieurs plantes qui, fuivant les Botaniftes, font parti- culieres a YAmerique. M. Pallas m'a donne la lifte de ces plantes j je finfere ici, fans vouloir decider , fi elles ne croiffent que dans YAmerique Septentrionale. C'eft aux Naturaliftes a fixer notre opinion fur cette matiere, (a) Les dernieres navigations donnent une nouvelle force a cet argument: car toutes les Ifles nouvellement decouvertes manquent en general d'arbres ; la plus grande ne produit que du fous-bois: il faut feulement en excepter Kadyak, ou il croit de petits failles & des aulnes dans les Y.allees, a quelque diftance de la cote. Voyei \\$ chapitre X. (b) Voyei PHiftoire Naturelle de la Caroline &'de la Floride3 par Catesby. Linnee donne, a cet oifeau > le nom de Corvus Criftatus : \\'en ai vu une exa&e defcription dans PHiftoire raanufcrite des Animaux * des Oifeaux, &c. de YAmerique Septentrionale, & de THemifphere Nord, jufqu'au foixantieme degre de latitude, par M. Pennant. Lorfque cet Aitfeur ingenieux , a qui nous devons tant d'Ouvrages intereffans , publiera cette partie de ces tr$yaux, on n'aur| plus rieq a 4efirer fur la Zoologie de ces Pays. Trillium ENTRE L'AsiE ET l'AmE;RIQUE. 201 Trillium Erecfum. Fumaria Cucullarki? Une espece de Dracoatmm qui a des fcuilles qui ref- femblent a -celles de la Canna Indica, Uvularia Perfoliata. Heuchera Americana. Mimulus Luteus, plante du- Perou. Une espece de rubus \\ probablement une variete chi Rubus Idieus, mais qui porte des grajnes plus groffes, 6c un grand calice rouge decoupe. On ne trouve aucune de ces plantes au Kamtchatka , ni fur les Ifles voifines (a). Quoique ces plaisons ne prouvent pas d'une maniere decifive que Bering ait touche a la Cote dYAmirique , on (a) Suivant M. Pallas, les plantes de ces Ifles nouvellement decouvertes fontalpines, pour la plupart, comme celles de la Siberie ; il en trouve la caufe dans- la brievete & la fraicheur de Tete. Voici comment il s'enonce : « Quoique les hivers de ces Ifles foient affez tempe- i» res par Pair de la mer, de facon que les neiges ne couvrent jamais »la terre que par intervalles, la plupart des plantes y font alpines , »par la raifon que Pete y eft court & froid , a caufe des vents de » Nord qui y regnent. » Ce paffage eft tire d'un Manufcrit fur les Ifles nouvellement decouvertes. Cet Ouvrage, e^crit en francois , m'a ete communique par mon digne & fay ant ami M. Pallas, Profeffenr d'Hif- toire Naturelle a Pe'tersbourg, qui m'a d'ailleurs donne beaucoup d'autres inftruftions relativement aux Ifles nouvellement decouvertes. Ce Traite a ete envoye a M. deBuffon, qui en a fait beaucoup d'ufage dans Je cinquieme Volume in-4.0 de fes Supplemens a PHiftoire Naturelle. Cc sl 'lis kill II li! fl! Ill II: llltiP11 II if W--M lit, J r 111 111 ill II 'I. ;..i pii IIS 202 Nouvelles decouvertes peut en conclure , avec probabilite, que ce Navigateur s'eft approche beaucoup de ce Continent. Je dois AJOUTERque les Naturels des Ifles ou toucherent Bering 6c Tfchirikoff prefenterent aux Ruffes le calumet ou la pipe de paix , qui eft un fymbole d'amitic chez toutes les Peuplades de YAmerique. Septentrionale, & je remar* querai que cet ufage arbitraire leur eft particuler (a). {a ) Voyez YHiftoire d'Amerique de Robertfon, Vol, I, PoriginalS. R. G. Ill, pag. 214. pag. zy6 de if 11 flUurfH f 11 ](**. if P»F".H III llllli u> CHAPITRE XXI. Des Tschutski; les Traditions de ces Peuples fur la proximite de leur cote, de celle' de /YAmerique > femblent avoir e'ti confirmees par les Journaux des derniers Navigateurs: Plenifner envoy £ pour verifier cette idie ; rejultat de fon Voyage. \\j n sait que les Tfchutski habitent la partie Nord- Des Tschup Eft de la Siberie ; leur pays peu etendu eft borne- au S Nord par la mer glaciale; a l'Eft par 1'Ocean Oriental * au Sud par la riviere dYAnadyr, & par celle de Kovyma a l'Oueft. Le Cap Nord-Eft de cette Contree porte le nom de Tfchukotskoi-nojf , ou du Promontoire des Tfchutski: fes habitans font les feules peuplades de la Siberie que les Ruffes n'aient-pas fubjugue. L'A uteur Allemand, dont j'ai parle tant de fois, fuppofe, avec M. Muller , que YAmerique eft pen eloignee de la Cote des Tfchutski ; & il dit que cette fuppofition eft confirmee par les Voyageurs les phui reccns. Les Tschutski, en commercant avec les Ruffes, donnerent la premiere idee du voifinage de YAJie 6c de YAmerique* Des affertions vagues, faites par un Peuple barbare, font Cc ii pi! Ill J —I IHl Li sliirPI i. BPWkJ lih«in,i M Kffl «H ■fir II! 'i.UMil:<-.!ii K iilil 204 Nouvelles decouvertes peu dignes de foi; mais comme les habitans de ces region^ les ont repandues cfune maniere uniforme 6c invariable,. depuis le milieu du dernier fiecle jufqu'a ce jour y elles- meritent quelque attention* Cette idee , confignee pour la premiere fois dans rOuvrase de M. Muller fur les decouvertes des Ruffes, a ete prefentee de nouveau par M. Robertfbn, dans fon Hiftoire d' Amerique (a). Voici plufieursraifons quiajoutent encore a fa probabilite. Plenifner, natif de Courlande, fut nomme,en 1760 , Gouverneur dYOchots k, & ayant recu un ordre de la Cour de s'avancer jufqu'a Anadyrsk (b) , 6c de Ye procurer tous les renfeignemens poflibles fur la partie Nord-Eft de la Siberie , 6c du Continent du Nou- veausMonde qu'on fuppofe%i face , il fe rendit a Ana* dirs'k,. 6c de-la a Kovimskoi- OJirog; le premier de ces etabliffemens Ruffes eft fitue pres des limites Meridionales,. & le fee^nd pres des limites Oueft du Pays des Tschutski.. Non-content de recueillir des informations des Koriaques voifSbs, qui entretiennentun commerce avec les Tfchutski,. il envoya Daurkin aupres de cette derniere Peuplade. Ce Daurkin , Tfchutski d'origine, avoit ete fait prifonnier &c eleve par les Ruffes \\ il pafla deux annees avec Yes Compatriotes , & il les accompagna dans plufieurs expeditions fur les Ifles volfifies, qui giffent en travers de la Cote Orientale de la Siberie. {a) Hiftoire d'Amerique, Vol.1, pag. 174- 277- de roriginali (b) Anadirsk a ete detruit depuis par les Ruffes eux-memes.. ENTRE L'AsiE ET l'Ame'RIQ UEf# 20<$ Il decouvrit que Tfchukotskoi-noJJ'eft une Peninfule tres-etroite ; que les Tfchutski font un commerce d'e- change avec les habitans de YAmerique j qu'ils traverfent dans fix jours le detroit qui fepare les deux Continens; que dans cette navigation, ils abordent d'ifle en Ifle y & -*ji|e la diftance d'une de ces Ifles a l'autre eft fi petite , qu'ils peuvent coucher toutes les runts a terre} que plus au Nord , les deux Continens fe rapprochent encore davan- tage ; 6c qu'a. cette latitude plus elevee, le detroit n'offre que de petites Ifles. Cette decouverte s'accordoit avec les informations que les Koriaques donnerent a Plenifner. Plenifner fut de retour a Petersbourg en 1776 j & il rapporta des Plans (a) 6c des Cartes des parties Nord-Eft de la Sivirie , dont 1'Academie de P etersbourg a fait ufage dans fa Carte generale de l'Empire dcRuJjie, publiee en 1776 (b). Ainfi, la pofition du pays des Tfchutski fe trouve determinee d'une maniere plus exacte qu'elle ne 1 avoit ete jufqu'alors. ( a) La plus importante de cts Cartes embraffe le pays des Tfchutski 8c des peuplades limitrophes j elle fut dreffee principaiement pendant une feconde expedition que fit le Major Pauloffsky , concre les Tfchutski : on y trouve fa route au milieu de leur pays. M. Muller, S. R. G. Ill, pag. 134-138, rapporte la premiere expedition de cet Officier Ruffe , qui penetra- alors ju/qu'a Tfchukotskoi-nofJ. Nous n'avons aucun detail de fa feconde, pendant laquelle il eut avec. les Tfchutski- plufieurs efcarmouches, dontfl fortit victorieux; mais, a fon retour, il futfurpris & maffacre. Ceite expedition eft de Pannee 1730. (b) J'ai appris ces details, a Fetersbourg , de plufieurs perfonnes D e&C Q( Oftrova Meiviedikie/ mc hE Shaijvuuof N(7za7. De'ant&ertej- d&s JJusj'ej' Jupje ip6. Mer nu Nort> ou Mer &j,alcialle M & R Cr X ^L C I A X E Je/xtef da limine. m •w Hi g|%| far. *M M in- IS NI mi SI 1' mi: I'M:'. '■Mit 4 Ill ENTRE L'AsiE ET l'AmerIQUE* 20^ cipales, &, apres s'etre effbrces de prouver que chacune de ces portions a ete traverfee a differentes epoques, ils en concluent que le paflage entier eft praticable. Ces trois divisions font: i. dl Archangel a. la Lena. z. De la Lena au Kamtchatka. 3. Du Kamtchatka au Japon. Quant a cette derniere, la communication entre les mers du Kamtchatka cV le Japon eft demontree, par des vaifleaux Japonois qu'on trouva naufrages fur la cote du Kamtchatka , au commencement de ce fiecle, & par les differens voyages que les Ruffes, partis du Kamtchatka , ont fait au Japon (a). Aucun Geographe n'a foutenu que le premier paflage dY Archangel a la Lena s'eft fait dans une feule expedition j mais plufieurs ayant foutenu que les Ruffes ont acheve cette navigation en differentes fois, il devient neceffaire de traiter cette matiere. En 1734 > le Lieutenant Morovieff appareilla dYAr- voyage ehangel par le fleuye d'O^y. La premiere annee , il ne ?£rck*"S.e* , . J , , . a 1 Yewifeu depafla point l'embouchure du Petchora ; fete fuivant, il traverfa le detroit de Weigat\\, 6c il arriva dans la mer dcKara; il longea la cote orientale de cette mer jufqu'a '32/ 30' de latitude j mais il ne doubla point le Promontoire qui fepare la mer de Kara d'avec la Baie dYOby. En 1738, les Lieutenans Melgyin & SkuraJkoff dou- blerent ce Promontoire, apres beaucoup de peines, 6c ils (a) S. R. G. Ill, fag. 7%-lG6 , W, iiiii \\\\m tm II IMf ilii 20 8 NOUVELLES DECOUVERTES entrerent dans la baie dYOby. Dutant ces)Expeditions, les glaces offrirent de gtands dangers & de grands obftacles aux Navigateurs. On avoit fait plufieurs tentatives infru&ueufes pour paffer de la baie dYOby a YYeniJfei $ mais deux Navires, commandes par les Lieutenans Offein 6c Koskeleff, effec- tuerent enfin cette traverfee en' 1738. Tentatives La meme annee , le Pilote Feodor Menin , parti de infruftueufes xYemJfei, cJiigla vers la Lena ; il porta le cap au Nord, pour arriver derYeniffeia jufqu'au 73d 15' de latitude. Lorfqu'il fut arrive a l'embouchure du Piajida, les glaces l'arreterent j 6c ne pou- vant pas venir a bout°de forcer fon paffage, il retourna a YYeniJfei (a). Voyage de ; Au mois de JuiitXET 17 3 5, le Lieutenant ProrasJfiftsheff sheffde m P31^ d'Yakutsk , & remonta la Lena jufqu'a fon embou- ^na.ilv.ers chure, afin de fe rendre par mer a YYeniJJei. Les bouches Oueft de la Lena etoient fi remplies de glaces, qu'il fe vit oblige de d£bouquer par la plus orientale; & les vents contraires l'empecherent d'atteindre la haute mer avarit le 13 Aout. Apres avoir gouverne au Nord-Outft , le long des Ifles qui font eparfes devant les bouches de la Lena , il fe trouva par 3 od 4' de latitude, & il appercut beaucoup de glaces au Nord 6c au Nord-Eft, 6c des montagnes de glace de 14 a 60 pie4s de hauteur. II porta le cap entre ces glaces, qui ne laiffoient nulle part un paffage {a) Pag. 14y a 149 de TOuvnge cite dans la note precedenre libre "■ umm\\ fill''!''! ENTRE L'ASIE ET l'Am E*RI QUE. 200. fibre de plus de too a ioo verges de largeur. Son batiment ayant effuye des avaries confiderables, il remonta , le premier Septembre , l'embouchure de YOlenek, qui, fuivant fon eftime, git par ytd 30' de latitude, & il paffa l'hiver a peu de diftance de-la (a). Il d^bouqua YOlenek au commencement d Aout de fannee fuivantej le 3, il arriva a l'embouchure de YAna- bara, dont il trouva la pofition de73d 1/ de latitude; il y refta jufqu'au 1 o. Pendant cet intetvalle, quelques perfonnes de l'equipage penetrerentdans le pays, afin d'y chercher des mines. Le 10, il remit en mer; mais, avant d'atteindre l'embouchure du Chatanga , il fut tellement enferme par les glaces , qu'il manqua de perir; il ne sen debarrafla qu'avec beaucoup de peine. II obferva enfuite une vafte plaine de glace, qui fe prolongeoit au large; ce qui l'o- bligea a fe tenir pres de la cote , 6c a remonter le Chatanga. L'embouchure de cette riviere git par 74d 3' de latitude; de-la, changeant de route, il cingla principale- ment au Nord le long de la cote, & il atteignit l'embouchure du Taimura le 18 j il s'avanca encore plus loin, 6c fuivit la cote vers le Piajida. II y a pres de-la plufieurs petites Ifles, feparees de la grande Terre par des detroits ou la glace etoit abfolument immobile. Alors il gouverna au large , afin de doubler la chaine d'Ifles. II trouva d'abotd la mer plus praticable au Nord des Ifles, quoiqu'il vit toujours beaucoup de glaces de l'une a l'autre. II gagna enfin le travers de la derniere, qui git par yyd 15' de latitude. m\\ (a) Gmelin Reife II, pag, 4ZJ a 417. Dd ■ **,*■■' llllli bam 1§I « B #i J ! nnni - I S0 fill 210 Nouvelles decouvertes La mer etoit iprife par-tout, 6c la glace immobile entre cette Ifle & la grande Terre, ainfi que du core de lTfle qui eft plus au Nord. II effaya neanmoins de s'elever da- vantage vers le Pole-, &, des qu'il eut fait environ fix Une chaine rriilles, une brume epaiffe l'empecha d'avancer: quand cette d'lfles & la bnimefiit. diflipee, il n'appercut que dela dace tout-autour glace 1 em- r ,3.. ,, . c pechentd'ar- &. devant lui. Celle quu voyoit au large, netoit pas nxej niffti a YC" ma*s *es mau^s »accumulees les unes entre les autres, etoient fi ferrees, que le plus petit navire n'auroit pas pu paffer dans les intervalles. Redoublant d'eftorts pour paffer au Nord, il fut arrete par les glaces du Nord-Eft; &, crai- gnant d'etre enferme, il retourna au Taimura; & de la, il fe rendit \\ a travers d'une multitude d'obftacles 6c de dangers, a YOlenek qu'il atteignit le 29 Aout, Cet abrege de l'expedition de Prontshiftsheff eft tire de l'Ouvrage du Profefleur Gmelin ( ). Suivant M. Muller, qui a donne une relation fommaire du meme voyage (b) , Prontshiftsheff n'atteignit pas tout-a fait l'embouchure du Taimura , parce qu'il y trouva une chaine d'lfles, qui fe prolonge du Continent fort avant dans la mer. Ce dernier Navigateur dit que les canaux entre les Ifles etoient fi embarraffes par les glaces, qu'il n'y eut pas moyen de forcer le paffage\\ qu'apres setre eleve jufqu'a /jA 2.5' de latitude, il fut arrete par une immenfe plaine de glace fixe. Chariton Laptieff effaya,aufli inutilement,en 1739, de paffer de la Lena a YYeniJfei. Ce Navigateur raconte (a) Gmelin Reife, Vol. II, pag. 417 a 434. (b) S. R. G. Ill, pag. 149 & i)o. tmu ill! ENTRE L'ASIE ET L'AMERIQUE. 211 qu'entre les rivieres de Piafida 6c de Taimura, il y a un promontoire qu'il ne put pas doubler, parce que la mer fe trouva entierement prife dans les environs. On doit en conclure que l'efpace qui eft entre Ar~ cap entre changel 6c la Lena n'a pas encore ete traverfe ; car , en cnatanca"^ allant a l'Eft de YYeniJfei, les Ruffes n'ont pu depaffer Piafida, qui l'embouchure du Piafida ; 6c, en venant a. l'Oueft de double^1" la LenayWs ont ete arretes, fuivant Gmelin, au Nord du Piafida; 6c, fuivant M. Muller, a. l'Eft du Taimura (a). Les navires Russes , qui vont prefque toutes les annees dY Archangel 6c des autres Villes, a la Nouvelle Xemble, afin d'y prendre des lions, des veaux marins 6c des ours blancs, ie rendent a la cote occidentale; 6c aucun batiment n'a encore double l'extremite Nord-Eft de cette Terte (b). (a) Gmelin Reife , pag. 440. M. Muller dit feulement que Laptieff rencostra les memes obftacles qui obligerent Prontshiftheff a revenir fur fes pas. S. R. G. Vol. Ill, pag. ijo. (b) Quoique les decouvertes des Ruffes entrent feulement dans le plan de cet Ouvrage; comme le paffage au Nord-Eft occupe tous les Savans , il eft a propos de dire ici que plufieurs Navires Anglois & Hoilandois ont paffe, par le detroit' de Wtigat\\, dans la mer de Kara, qu'ils ont tous rencontre beaucoup de glaces , & qu'^s ont eu des peines iniraies d'effecti^er leur paffage. Voyei THiftoire Generale des Voyages , Tome XV> paflim. En 1696, Heemskirk & Barensz > apres avoir longe la cote occidentale de la Nouvtlle-Zemble, doubkrent le Cap Nord-Eft, qui git par 77 degres 2.0 minutes de latitude, & cinglant le long de la cote orientale , ne depafferent pas le 76 degre. Voyei la Relation de ce Voyage remarquable, dans la Vraie Defcription de trois Voyages de mer, par Cirard le Ver, pag. 13 a 4;; D d ij 11 li If iMMSi'-^;. m mn in Nouvelles decouvertes Examinons maintenant ce qui rcgardc la navigation de la Lena au Kamtchatka. Si Ton en croit quelques Au- jfH Ii 13 stiri- & l'Hiftoire Generale des Voyages, Tome XV, pag. in a 139- Les navires d'aucune Nation n'ont double le Cap qui s'etend au- Nord du Piafida, & qui eft marque dans les Cartes Ruffes a environ 78 degres de latitude : nous avons deja vu que les Batimens Ruffes ne font jamais alles du Piafida au Chatanga, ou du Chatanga au Piafida* Cependant quelques Auteurs afftirent, d'une maniere pofitive, que ce Promontoire a ete double; &, pour repondre aux Relations qui acteftent le contraire, ils pretendent que Gmelin & Muller ont cache , a deffein , quelques parties des Journaux tenus par les Navigateurs Ruffes; mais , fans difcuter cette affertion, je foutiens qu'elle n'eft -fondie fur aucune preuve; & jufqu'a ce qu'on en fourniffe d'inconteftables , il n'eft pas poffible de nier des faits clairs, & d'adopter des oui-dire, plutot que des Relations authentiques & bien circonftanciees. On trouve , dans l'Ouvrage de M. Engel, intitule : Eflai fur une Route par le Nord-Eft, un paffage qu'il eft a propos d'examiner ici. Cet Ecrivain affure , de la maniere la plus pofitive , que deux Navires Ruffes s'avancerent anciennement a 300 lieues au Nord-Eft de la Nouvellt* Zemble; & il en conclut qu'ils doivent avoir double ce Cap» qui s'etend au Nord du Piafida, & meme qu'ils s'avancerent a l'Eft, au moins jufqu'a l'embouchure de YOlenek. Voici comment il s'exprime. cc L'il- »luftre Societe Royale , fous 1'an 167 j , rapporte ce voyage, & dit que 35 peu d'annees auparavant une fociete de Marchands d'Amfterdam avoit » fait une tentative pour chercher le paflage du Nord-Eft, & equippe » deux vaiffeaux, lefquels etant paffes aux feptante-neuf on huitantieme »degres de latitude, avoient pouffe, felon Wood, jufqu'a 300 lieues :» de la Noiivelle-Zemble; que par confequent la route &'Archangel a la y> Lena a ete faite, &c. » Il cite, comme on voit, les Tranfa&ions Philofophiques & le Capitaine Vood, qui, en 1676, fit un voyage pour decouvrir le paffage au Nord-Eft. Ce Navigateur expofe dans fa relation plufieurs argumens, qui le portoient a'croire la poffibilite du paffage au Nord-Eft. La raifon qu'il allegue, eft la meme qui eft con- fignee dans les Tranfadtions Philofophiques, & qu'on vient de rapporter avec_Ies exprefEons de M. Engel5 il ajoute qi.e les deux navires Hol- Jandois auroient pouffe plus loin leurs decouvertes, s'il n'etoit pas fur* ■■ H ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 213 teurs, cette navigation a lieu depuis un fiecle 6C demi; 6c plufieurs vaiffeaux ont, a differentes epoques, double riiH venu un different entre les Armateurs & la Compagnie des Indes Orientates. M. Wood n'a d'autre garant de ce fait que les Tranfaclions Philofophiques. La relation, imprimee dans ce Recueil, fe trouve au y.mt vol. pag. 109, a l'article du mois de Decembre 1674. On y lit-des «■ Obfervations curienfes faites pendant plufieurs voyages, entrepris pour »trouver la route des Indes Orientates par le Nord , avec les inftructions » donnees par la Compagnie Hollandoife pour la decouverte de la fameufe 33 terre de Jejfo , pres du Japon. " Ces inftructions furent donnees en 1643, a Martin- Geritfes-Vries, Capitaine du vaifleau le Caftricum3 qui cc fut charge de decouvrir la cote orientale de la Tartarie, le royaume 33 de Catay, & la cote occidentale de YAmerique, avec les Ifles fituees » a l'Eft du Japon, & renomm^es pour Tor & 1'argent qu'on y trouve. 33 Ces inftructions ne difent rien des deux batimens, qu'on dit s'etre eteve a 300 lieues a l'Eft de la Nouvelle-Zemble. On y parle de deux navires renvoyes en 1639 , « fous le Capitaine Kwaft, pour decouvrir la cote 33 orientale de la Grande-Tartarie, fur-tout les Ifles ou 1'on fuppofe des 33 mines d'or & d'argent, & que des accidens divers obligerent de s'en »revenir re infeSd.» On rapporte enfuite un abre%£ du Journal de Kxsraft, avec les notes tenues par les Negocians qui etoient avec lui. On y dit : ccque dans la mer du Sud, par 37 degres & demi de latitude 33Nord, ou a environ 400 milles Efpagnols, ou 343 milles Hollandoisj 33 c'eft-a-dire, a 2.8 degres de longitude Eft du Japon , il y a une Ifle 33 tres-grande & tres-elevee, habitee par des Peuples blancs, d'une belle 33 figure, d'un caractere hofpitalier & affez civilifes; que cette terre 33 eft tres-riche en or & en argent, See. 33 On voit, d'apres ces extraits que, dans 1'abreg^ des Journaux des deux navires Hollandois, il n'eft pas queftion de longitude a l'Eft dela Nouvelle-Zemble; que Kwaft fit ces decouvertes dans la mer du Sud; & que, pour yarriver, il doit avoir double le Cap de Bonne-Ejpe'rance, ainfi que le Capitaine Vries > qui fit un voyage apres celui-ci. A la verite, l'Auteur de l'Abrege des Journaux pretend'que le paffage au Nord-Eft eft praticable. « Pour revenir des Indes Orientates en Europe , 33par le Nord, il faut, dit-il, cingler a l'Oueft du Japtm , le long de la vCore'e, pour voir jufqu'ou les cotes de la mer fe prolongent au Nord WW ''Iflill*;] iiii Si Deshneff a double Tfchukots- koi-noff. 214 Nouvelles decouvertes fextremfie Nord-Eft de YAJie. II eft fur a la verite, ctfafpres les relations des Ruffes , qu'on a fait des expeditions fre- quentes de la Lena a la Kovyma ; mais il eft fur egale- ment que de la Kovyma, on n'eft alle qu'une fois dans l'Oce^an oriental, en doublant Tfchukotskoi - nojf. Suivant M. Muller , ce Cap formidable fut double en r 648 : voici comme il parle de ce voyage, remarquable. « (a) En 1648 , fept navires partirent de l'embouchure de la Kovyma (b) , afin de penetrer dans fOcean oriental. On n'a jamais entendu parler de quatre de ces batimens* les trois autres etoient commandes par Simon Deshneff, Gerarfim Ankudinoff, deux Chefs de Cofaques x 6c Fedor Alexeff, Chef des Promyshleniques. Deshneff 6c Anku- 33de cette der-aiere terre , ou de quellf .maniere on peut naviguer juf- 33 qu'a la Nouvelle-Zemble, & la doufcier au Nord. Apres avoir depaffe 33 1'extremite feptentrionale de la Nouveffe^Zemble:, ou en fuivant le de- 33 troit de Wei^ati , apres avoir depafle 1'egtt^taiifteeNord de la Terre 3> d'Yelmer, on tijOHvera fu/ejaent qu'on peut eonfiinuer fa route au Sud- 33£ft, & term$aer hetSieftfeijient fon voyage.^" Mais les conjectures ne font pas des faits. N^ayant rien decouvert de pofitsf-> malgre nos re- cherches, fur ces deux navires Hollandois, quife font avances a 30° lieues de la Nouvelle Zemble, j'attendrai, pour le croire, qu'on cite des preuves. Je perfifte done a penfer, qu'il n'eft pas encore prouve, d'une maniere authentiqae, qu'38£.un navire $& jamais double, a l'Eft de la Nouvelle-Zemble, le Cap qpt git au Nord de la riviere Piafida. Voye% la relation dn Voyage de "Wood, dans la colleetioa des divers voyages &' des decouvertes faites au Sud & au.Nord, a tondres, 1694, en Anglois, page 148 ; & Memoires & Obfervations geographiqmes de M. Engel, pages 131 & 234. - (a) S- R. G. Ill, pag. 8-20. (b) M. Jtfujler Tappelle Kolyma. wiifi ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 2l^ 3 qui git le plus pres de la riviere Tfchukotskia ; Stadukin n'a jamais 33 atteint ce grand promontoire , pres duquel on trouve des Ifles dont a> les habitans fe percent les levres inferieures, & y mettent des deTenfes 33 de cheval de mer, travailles en forme de dent. Ce Cap fe prolonge 33 entre le Nord & le Nord-Eft. On le reconnoit, du cote qui appartient 33 a la Ruffie, par la petite riviere de Stanovie, qui coule dans la mer, 33 pres de i'endroit ou les Tfchutski ont eleve un amas d'os de baleines, 33 qui reffemble a une tour. De ce promontoire, la cote court vers 33 YAnadyr; & il eft poflible, en trois jours & trois nuits, avec un bon 33 vent, de fe rendre de-la a cette riviere. Il n'eft pas plus long d'y aller S3 par terre. 33 Deshneff dit, dans un autre Memoire : '$ Qu'on lui ordonna »d'aller par mer del1Indigirka a la Kovyma, & de-la au fleuve d'Ana- "^dyr, qu'on venoit alors de decouvrir; que la premiere fois qu'il ap- 33 pareilla de la Kovyma, il fut force, par les ghees, de retourner a 33 I'endroit d'ou. il etoit parti; que, l'annee fuivante , il remit a la voile , 33 & qu'il arriva enfin a l'embouchure de YAnadyr, apres beaucoup de 33 dangers> d'accidens & la perte d'une partie de fon equipage. Sta- »dukin ayant effaye envain d'y aller par mer, fe hafarda a traverfe* 3>des chaines de montagnes alors inconnues; &, de cette maniere, 33 il atteignit YAnadyr. Soliverftoff & fon equipage, qui.fe querellererit 93 avec Deshneff, partit de Ja Kovyma & fe rendit aufli a 1'Anadyr par 33 terre. Il envoya enfuite les fourrures de tribut a la Kovyma, a travers 33 les montagnes, qu'il etoit dangereux de paffer au milieu des peu^ aoplades de Koriaques & de Yukagirs, que les Ruffes venoient de fou- "33 mettre. 33 Dans un jtroifieme Memoire , Deshneff fe plaint amerement de Soliverftoff, & il affure , « Que Seversfta Martemianoff, gagne par portance ENTRE L'ASIE ET L'A^iRIQUE. 217 portance a ces details nautiques. II ne fait point d'obferva- tions utiles aux Marins, avant d'avoir atteint le grand promontoire des Tfchutski. II ne dit pas qu'il fut arrete par les glaces, 6c probablement il n'en rencontra point, car il obferve, dans une autre occafion , que la mer n'eft pas toujours aufli libre quelle le fut cette annee. II commence fon Journal par une defcription du grand promontoire. « II eft tres-different, dit-il, de celui qui git a l'Oueft-de » h.Kovyma, pres de la riviere Tfchukotskia. II fe trouve » entre le Nord 6c le Nord-Eft, 6c il fe plie dans une ■ direction circulaire du cote de YAnadyr. On le recon- » noit du cote qui appartient a. la RuJJie , (c'eft le cote » occidental) par un ruiffeau qui tombe dans la mer. Les a Tfchutski ont eleve pres de-la.un amas d'os de baleine, » qui reffemble a une tour. Vis-a-vis de ce promontoire, » (Deshneff ne dit pas de quel cote ) il y a deux Ifles, fur » lefquels j'appercus des habitans de la tribu des Tfchutski, » qui portoient des defenfes de cheval marin aufli travail-. mm » Soliverftoff, fut envoy 6. ^Yakutsk; qu'il y debita que Soliverftoff avoit 33 decouvert les cotes qui font au Nord de YAnadyr, ou on trouve un 33 grand nombre de chevaux marins. y> Deshneff ajoute, a cette occafion : « que Soliverftoff & Stadukin n'ont iamaip atteint le promontoire 33 de rocher, qui eft habite par des peuplades nombreufes de Tfchiitski, 33 &en travers duquel il y a des Ifles, dont les Naturels portent des dents 33 artificielles, dans des trous quails* fe font a la levre inf&ieure. Ce n'eft pas »leCapappelldiWioz-nq/^ qu'on rencontre envenant de la riviere Kovyma, 33 mais un autre beaucoup plus confiderable , dont je connois tres-bien 33 la pofition; on y trouva le batiment d'Ankudinoff, qui y avoit peri 33par un naufrage, & je fis prifonnier quelques habitans, qui voguoient •ofjfur des canots. Il eft tris-fiSr qu'il y a encore loin, de ce Cap au fleuve » d' Anadyr, 33 Ee •if jjfjlil! MU we Hli It Mb II 2I8 Nouvelles decouvertes » en forme de dents, dans les trous de leurs levrcs infe> » rieures. II eft poffible d'aller en trois jours, avec un bon » vent, de ce promontoire au fleuve Anadyr; 6c oa » peut s'y rendre par terre dans le meme efpace de terns. » Le navire d'A nkudinoff ftt naufrage fur ce promontoire, & l'equipage fut diftribue a bord des deux autres batimens. Le 20 Septembre, Desnneff & Fedot Alexeeff defceri3irent a terre •, il y eut une efcarmougfie avec les Tfchutski oil Alexeeff fut bleffe. Les deux navires fe feparerent bientot, & ne fe revirent plus. Celui de Deshneff fut entralne pat des vents orageux jufqu'au mois d'Octobte, epoque on il fit naufrage bien au Sud de YAnadyr, non loin de la riviere Olotura. Nous dirons plus bas ce que devinrent Fedot AlexeefP& fon monde. Deshneff 6c fes compagnons, au nombre de vingt-cinq \\ chercherent alors a retrouver Pnnadyr ; mais, ne connoiflant aucunement finterieur du pays, ips'ecoula dix femaines avant quils puffent arriver aux bords de ce fleuve, a peu de diftance de fon embouchure. Ils n'y-trouverent ni bois,ni habitans. L'annee suivantV, Deshneff remonta la riviere, &: batit Anadirskoi-Ofirog. Le 2.5 Avril 1751, quelques Ruffes, qui etoient venus par terre de la riviere Kovyma, arri« verent pres de lui. En i6^t, ayant conftruit un navire, il defcendit YAnadyr jufqu'a fon embouchure , & il trouva fur la cote feptentrionale un bancde fable, qui fe prolonge bien avant dans la mer. Les habitans de la Siberie donnent le nom de korga a ces fortes de bancs; il remarque qu'ur* grand nombre de chevaux maims freqteenten-t l'embouchure de YAnadyr. Deshneff raflembla des dents de ees ENTRE L'AsiE ET l'AmeRI-QUE. ZIC) quadrupedes 5 6c ces richeffes lui parurent iwt-ample de- dommagement des peines de fon expedition. L'anriee fui- vante, il fit couper des bois pour conftruire un navire, dans lequelil fe propofoit d'envoyer par mer a Yakutsk (a) les tributs qu'il avoit exiges j mais, manquant des autres chofctsineceflaires pour equiper le batiment, il renonca a ce projet. D'ailleurs on lui dit que la mer aux environs de Tfchukotskoi-nojf tYc& pas libre de glaces toutes les annees. En 1654, on fit un autre Voyage au Korga, afin d'y charger des dents de cheval marin. Un Cofaque, nomme Yusko Soliverftoff, etoit, de l'expedition j il avoit accom- pagne peu de temps auparavant, Michel Stadukin , daiias un Voyage entrepsis pour faire des decouvertes dans la mer glaciale. Soliverftoff paritit d'Yakmsk, avec ordre de rapporter des denude cheval de mer pour lecompte dela Couronne. Ses inftructions faifant mention d'une riviere Yentshendon, qui tombe dans la Baie de Penshinsk 6c de Y Anadyr , on le chargea d'exiger un tribut des Habicans des bords de cesjrivieres j car w* ignoroit encore a Yakutsk les fuites de l'expedition de Deshneff. Ceci occafionna de nouveaux mecontentemens. Soliverftoff reclama la decou- verte du Korga, il dit qu'il y avoit aborde, en 1649, lors de fon Voyage avec Stadukin. Mais Deshneff prouva que Soliverftoff navoit pas meme atteint Tfchukotskoi- \\W (a) C'eft-a-dire, par mer, depuis l'embouchure de YAnadyr, autour de Tfchukotskoi-nojf, jufqu'a la Lena, & enfuite de remonter cette riviere jufqu'a Yakutsk. E eij !*;]|f liPi U> 'I*™ lira Sill1 220 Nouvelles decouvertes noJJI qu'on le voyoit clairement a la maniere dont il parloit « Tfchukotskoi-nojf, ajoute Deshneff, n'eft pas » le premier Promontoire qui s'offre, fous le nom de » Svatoi-nojf(a). On le reconnoit a. deux Ifles fkuees » en face 6c dont les Habitans, ainfi qu'on l'a deja dit, » mettent un morceau de dent de cheval marin dans les » trous de leurs levres inferieures. J'ai vu feul ces Peu- »3 pladesj & ni Stakudin , ni Soliverftoff, ne les ont jamais 33 appercues 5 le Korga , ou le banc de fable qui eft a s> l'embouchure de YAnadyr, Ye trouve a quelque dif- » tance de ces Ifles. » Tandis que Deshneff faifoit le relevement de la Cote,, il rencontra, dans une habitation des Koriaques, une femme qu'il fe reffouvint d'avoir vu , a la fuite de Fedot Alexeeff. HMui demanda des nouvelles de fon Martre, & elle repondit « que Fedot & Gerafim ( Ankudinoff ) etoient morts •• du fcorbut 3 qu'une partie de l'equipage avoit ete tue y m que les autres Ruffes avoient pris la fuite fur de petits » navires, & qu'on n'en avoit jamais entendu parler. » On en a retrouve depuis quelques-uns au Kamtchatka , iilllll (a) Les Memoires de Deshneff annoncent que Soliverftoff, en s'ef- forfant de prouver qu'il avoit navige autour de l'extremite orientale de YAfie , prenoit Svatoi-noff pour Tfchukotskoi-nojf; fans cela , pourqu'oi Deshneff, en le refutant, commenCer'oit-il par etablir que Svatoi-noff, n'eft pas le meme Cap que Tfchukotskoi-noJ}'? Le feul Cap marque dans les Cartes Ruffes, fous le nom de'Svutoi-noff, git i~xy degres a l'Oueft de la Kovyma; mais, en cingl.ant de la Kovyma vers Y Anadyr, le premier promontoire qui fe prefente , eft neceffairement a l'Eft de la Kovyma. Svatoi-noff', en langue Ruffe, figriiffe promontoire facre; & les Ruffes donnent quelquefois ce nom a tous les Caps qu'il eft difficile de doublet. BK tlwi-lii if:l'ij lit SI If 111?! ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 221 oil ils etoient probablement arrives avec un vent favorable, en fuivant la Cote 6c remontant la riviere qui porte le meme nom que cette Peninfule. Lorsque Volodimir Atlaffoff, en 1697, penetra dans le Kamtchatki pour le foumettre, il s'appercut que les Habitans avoit deja. quelques connoiffances des Ruffes: aujourd'hui meme c'eft une tradition commune parmi eux qu'avant l'expedition d'Atlaffoff, un nomme Fedotoff (a), ( qui etoit probablement le fils de Fedot Alexeeff) 6c fes Compagnons avoient pafle quelques-temps parmi eux, & avoient epoufe des femmes du Pays. On lui montra I'endroit qu'habitoient ces Ruffes, 6c les debris de leurs cabanes, a l'embouchure de la petite riviere de Nikul, . qui tombe dans celle du Kamtchatka , 6c que les Ruffes appellent Fedotika ; mais Atlaffoff ne trouva aucun de ces Ruffes •, il reconnut que les Naturels avoient eu beaucoup de veneration pour eux, qu'ils les avoient prefque mis au rang des Dieuxj les gens du pays crurent d'abord qu'aucune puiffance humaine ne pouvoit faire du mal a ces mortels privilegies', mais ils fe detromperent en voyant les Ruffes fe battre entr'eux, & le fang couler de leurs bleffures, Feodotoff 6c fes camarades fe feparerent a cette occafion; plufieurs furent tues par les Koriaques au rnj$f ■ment ou ils fe rendoient a la mer de Ptnshinsk, &lereftc fut maffacre par les Kamtchadales. La riviere Fedotika tombe dans celle de Kamtckatka, environ r8o verftes au-deffous de l'Oftrog fuperieur de Kamtchatkoi. (a) Fedotoff, en langue Ruffe, fignifie fils de Fedot, liiili if lw WJM i..i*rfr. 111 NoUVEtLES DECOUVERTES On ne peut citer aucun Navigateur (a) pofteriftj^ a Deshneff, qui ait reellement double l'extremite Nord- Eft de YAJie , malgre toutes les tentatives qu'on a faites pour effe&uer ce paffage, en partant du Kamtchatka (b) ainfi que de la mer glaciale. lltiiC if*is lU' » r. (a) M. Engel pretend a la verite que le Lieutenant Laptieff doubla, en 1739 > Tfckiikotskoi-noff, Il fonde fon affertion fur l'autorite de Gmelin. (Suivant ce dernier Auteur, Laptieff paffa de la Kovyma a Anadirsk, & il fit une partie de cette route par mer, & l'autre par terre.) Il fou- tient enfuite qu'il eft impoffible d'aller de la Kovyma a Anadirsk par terre & par mer, fans traverfer de la Kovyma a l'embouchure de YAnadyr, fur un navire, & de-la a Anadirsk, fur terre. Mais M. Muller, qui ra- conte cette expedition d'une maniere plus circonftanciee , nous ap- prend que Laptieff & fon equipage, apres avoir paffe l'hiver pres del'Indigirka, s'embarqua a Tembouchure de cette riviere, & fe rendit a la Kovyma fur de petits canots; & comme il etoit dangereux, a caufe des Tfchutski, de longer Ja cote plus loin, par mer ou le long du rivage, il fe rendit, par l'interieur du pays, a Anadirsk , & de-la a l'embou- chure de YAnadyr. Gmelin, Reife. vol. II, page 440. S. R. G. Ill, page ij/. Gmelin parle aufli d'un homme qui partit de la Kovyma fur un canot, & atteignit la mer de Kamtchatka, en doublant Tj'chukotskoi-noff': M. Engel n'a pas manque de citer ce nouveau fait a l'appui de fon fyfteme j^Sii- lement il fe fonde fur l'autorite de Muller , au lieu de fe fonder fur celle de Gmelin 5 mais, comme nous n'avons pas le Journal de cette expedition, c^'que la maniere dont s'exprime Gmelin, fuppofe qu'fl n'avoit d'autres garants que des oui-dire , on ne peut pas compter fulr une tradition auifi vague & aufli incertaise. Voyei Gmelin, Reife. vol. II, page 437. Mem. & Obferv. geogr. &c. page 10. (b) Bering) quinavigua, en 1628, du Kamtchatka sets Tfchukotskoi-noff, longea la cote des Tfchutski jttfqu'a 67 degre"s 18 minutes de latitude; & obfervant que la cote prenoic la direction de l'Oueft, il en a concljj trop promptement qu'il avoit depaffe l'extremite Nord-Eft d.£ YAJie. Craignant d'etre enferme par les glaces, s'il s'avancoit plus loin, il retourna au Kamtchatka. S'il avoit continue fa route, ilauroic reconnn Xl mm Shalauroff. ENTRE L'ASIE ET l'AmeRIQUE. 223 Shalauroff , apres avoir conftruit un Shitik a Yes Voyage^ de propres frais, defcendit la Lena, en 1761. II etoit accom- pagne d'un Officier de la Marine Imperiale exile, qu'il trouva en Siberie , & a qui nous devons la Carte de cette expedition. Shalauroff debouqua par la bouche Me- ridionale de la Lena, au mois de Juillet, mais les glaces lui oppoferent tant d'obftacles, qu'il conduifit fon navire a l'embouchure de YYana , ou il fut detenu par les glaces jufqu'au 2,9 Aout, jour ou il remit a la voile. Les glaces l'empecherent de nouveau d&tenir la haute merj il longea la Cote 6c apres avoir double Svatoi-nojf, le 6 Septembre, ii decouvrit, a peu de diftance, au Nord, une terre montueufe, qui eft probablement une Ifle inconnue de la mer glaciale j il paffa 8 jours du 7 au 1 5 a traverfer le detroit qui eft entre l'lfle de Diomede 6c la Cote de la Siberie ; il en vint a bout, mais avec des peines _exceffives. Depuis le 16, il rencontra une mer libre 6c un bon vent de Sud-Oueft, qui le porta en vingt-quatre heures par-dela l'embouchure de Ylndigirka. Cette brife favorable continua, 6c , le 18 , il depaffa Alaska. Bientot apres le navire, s'approchant trop de la Cote, fe trouva preffe de tous cotes, par d'enormes glaces flottantes entre quelques Ifles (a) 61 la grande terre. L'approche de la imm, que ce qu'il prenoit pour la Mer du Nord, £toit feulement une baie profonde, & que la cote des Tfchutski, qui lui paroiffoit tourner conf- tamment a TOueft > reprend la direction du Nord. S. R. G. Ill, page 117. (a) Ces Ifles portent le nom de Medviedkie-oftrova ou d'lfles eux ours; on les appelle aufli Kreffstojfskye-oftrova, parce qu'elles giffent en travers de l'embouchure de la petite riviere de Krejtova. On a repandu, pen- |l!| li fr3 ' fcnlnHw 224 Nouvelles decouvertes maiwaife faifon obligea Shalauroff a chercher une place il paffe l'hi- d'hivernage 5 & il echoua fon batiment dans une des bouches bouchurede ^e ^ kovyma. L'equipage conftruifit une barque qu'il la Kovyma. environna d'un rempart de neige glacee , appuye contre. une batterie de petits canons. Les rennes fairwages fe ren-> dant a cet endroit en grands troupeaux, les Ruffes en tuerent une grande multitude du haur. de leurs remparts^ Avant que l'hiver commencjit, differentes efpeces de fau- mons 6c de truites remonterent la riviere j ces poiflons procurerent aux Ruffes une fubfiftance abondante 6c les preferverent du fcorbut (a). 11 remet a j L'embouchure de la Kovyma ne fut pa^debarraffee mo^°deJuil- ^es g^accs avant le ir Juillet 1761: a cette epoque, let. Iiiii dant long-temps, que le Continent de YAmerique s'etend le long de la Mer glaciale, tres-pres de la Siberie. Quelques perfonnes pretendent 1'avoir appercu non loin des rivieres de Kovyma & de Kreftova; mais la fauf- fete de ces traditions populaires a ete demontree en 1764 , par des Officiers Ruffes , qu'envoya dans ces parages Denys Ivanovitch Tfchit- cherin, Gouverneur de Tobolsk. Ces Officiers partirent de l'embouchure de la Kreftova , fur des trainaux, conduits par des chiens, au moment que la mer etoit gelee. Ils ne decouvrirent que cinq petites Ifles, remplies de rochers, appelles depuis Ifles aux Ours. Elles etoient inhabited ; mais on y trouva des cabanes en mines; ils appercurent de plus, fur une de ces terres, une efpece de plate-forme de bois notfe*, qui ferffbloit avoir ete une redoute. Ils penetrerent affez avant fur la mer glaciale; mais i!s ne virent aucune trace de Continent. Des montagnes elevees de glace les ayant arr£tes, ils furent obliges.de s'en revenir. Voyei la route de cette expedition'fur la carte du voyage de Shalauroff, qui eft a la tete de ce Chapitre. (a) Les habitans de ces Pays du Nord regardent le poiffon era cainme un prefervatif contre le fcorbur, Shalauroff i;iii ENTRE L'AsiE ET l'AMERIQUE, 22<$ Shalauroff remit a. la voile, & porta le cap au Nord-Eft \\ Nord, 6C au Nord - Eft § Eft jufqu'au z8. II obferva la declinaifon de faimant, a terre j 6c il reconnut quelle etoit donze degres quinze minutes Eft. Le z8, un vent contraire, qui futfuivi d'un calme, l'obligea de mouiller & le retint a l'ancre jufqu'au 10 Aout, qu'il fit voile avec une brife favorable ; il s'efforca alors de gouverner a quelque diftance de la Cote, en cinglant plus a l'Eft & au Nord-Eft j Eft. Mais il en fut empeche par d'enormes glaces flottantes, & un courant fort, qui fembloit avoir fa direction a l'Oueft & faire une verfte par heure. II fut ainfi beaucoup retarde dans fa route. Le 18 , le temps etant epais & brumeux, il rencontra, pres de la Cote, devant lui, au moment ou il ne s'y attendoit pas , une multituded'Ifles de glaces qui l'enfermerent le 19 de toutes parts. II demeura dans cette pofition, 6c au milieu d'une brume continuelle, jufqu'au z 3, qu'il fe debarrafla, & s'efforca de gouverner Nord-Eft pour gagner la haute mer, qui etoit moins remplie de glaces que le voifinage de la Cote. Mais des vents contraires le jetterent au Sud-Eft 6c a l'Eft, parmi des glaces flottantes tres-grofles. 'Apres avoir depafle ce radeau de glaces, il remit le cap au Nord-Eft , afin de doubler Shelatskoi-nojf (a) y mais, avant de gagner les Ifles qui giflent pres de ce Cap, les {a) S'il ne pouffa pas plus avant, il ne paroit point que ce fut a raifon des difficultes qu'il rencontra en doublant Shtlatskoi-noff; & s'il revira de bord, ce fut uniquement parce que la faifon s'avancoit. Shelatskoi-noff tire fon nom de Shelagen , tribu des Tfchutski. On a fuppofe que ce Cap eft le meme que Tfchukotskoi-nojf. S. R. G. Ill, page ,z. Ff il IIP*; Pill jj£fg fill Hi lllr 'HS IP 111 i if wu7* H iw Sbelatskoi- noff, il re- tourne vers la Kovyma. 226 Nouvelles decouvertes vents contraires lui firent perdre un fi long-temps, que la faifon avancee l'obligea de chercher une place d'hiver- nage. En confequence, il cinglaau Sud vers une Baie ou- Ne pouvart verte , qui git, fur le cote Oueft de Shelatskoi-nojf, & pas doubler . , . , , AT . , . • • qui n avoit ete reconnue par aucun Navigateur avant lui. II y cntra le 25 , 6c il toucha contre un bas-fbnd, fitue entre une petite Ifle 6c une pointe de terre, qui fe pro- jette de la Cote Orientale de cette Baie. II eut toutes les peines du monde a fe remettre a flot. II fit route pendant quelque-temps au Sud-Eft, 6c enfuite il tourna au Sud- Oueft. II debarqua alors afin de decouvrir un lieu propre a y conftruire des baraques d'hiver , il trouva deux petits ruiffeaux > mais il n'appercut ni arbres, ni bois flottans. Le navire fut remorque le long de la Cote Meridionale de la Baie, jufqu'a l'lfle de Sabadei. Le 5 Septembre, il appercut des huttes de Tfchutski, pres du canal etroit qui eft entre Sabadei 6c la grande terre > les Naturels s'enfuirent a fon approche. Ii N'ayant pas decouvert de pofition convenable, it remit en mer, & cingla autour de l'lfle de Sabadei le 8, jour 011 il amarra le navire a une maffe enorme de glaces; mais le batiment fut entraine dans l'Oueft-Sud- Oueft par un courant qui faifoit cinq verftes par heure* Le 10 il vit, dans le Nord-Eft^ Nord, fort loin, une 1 montagne, & il gouverna le 11 6c le 12 vers I'endroit dc II paffe un . ,& ' & i ^ . . £. fecond hrver la riviere de Kovyma, ou il avoit pafle le premier hiver, re^eVovy- Shalauroff fe propofoit,l'annee fuivante, de doubler She- ma, &il re- latskoi-nofiy mais le defaut de provifions & la mutinerie tourne a la , - , . , , .. v v _ , leria. de fon equipage 1 obligerent a retourner a la Lena > en ENTRE L'ASIE ET l'AmeRIQjUE. 1Z*J 176$. II eft a obferver que, durant tout le Voyage , il trouva les courans venans prefque uniformement de f Eft. 11 appercut deux rochers remarquables, pres de la pointe ou la Cote tourne au Nord-Eft, vers le canal qui fepare l'lfle Sabadei du Continent. Ces rochers peuvent fervir de guides aux Navigateurs. L'un eft Saetshie Kamen , ou Rocher du Lievre ; il s'eleve comme une corne recourbee, 8c l'autre Baranei Kamen, ou Rocker du Mouton ,* il eft de la forme d'une poire , plus etroit au pied qu'au fommet; fon elevation eft de vingt-neuf verges au-deffus de la marque de la maree haute. Quoique Shalauroff n'eut pas $reuffi dans fa pre- Seconde •in. r J' j »-i / . expedition mierft tentative , il refta perfuade cependant quil etoit de Shalauroff. abfolument poflible, malgre les obftacles, de doublet Tchukotskoi-nojf; 6c il forma une feconde expedition. II equipa de nouveau le meme Shitik, &, en 1764, il partit de la Lena comme dans fon precedent Voyage. Nous n'avons aucun detail pofitif de Gelui-ci, car on n'a jamais revu Shalauroff ni perfbnne de fon equipage. II y a lieu de croire que , la troifieme annee de fon depart de la Lena , il fut tue, avec tout fon monde, proche de fAnadyr par les Tfchutski. A-peu-pres dans ce temps les Koriaques de YAnadyr refuferent d'acheter, des Ruffes, la farine qu'on leur portoit a chaque annee ; & le Gouverneur dYAnadyrsk ayant fait des recherches, il reconnut que les Tfchutski leur en avoient vendu une affez grande quantite : ceux-ci l'avoient tiree, fuivant toute apparence, du navire de Shalauroff. De ces faits, qui @nt ete con- firmes depuis par les depofitions des Koriaques & des Ffij liiilil OTl IwM n«M LlfSlirl nil liSl ii" mr Ill til. 228 Nouvelles decouvertes Tfchutski, on a conclu que Shalauroff avoit double lc Cap Nord-Eft de YAJie. Mais cette aflerfcibn n'eft fondee que fur une conjecture, car l'arrivee des Ruffes a l'embouchure de YAtiadyr ne prouve pas d'une maniere decifive, qu'ils avoient double l'extremite Nord-Eft de YAJie. Ils pouvoient avoir gagne les bords de ce fleuve, en venant du cote Occidental de Tfchukotskoi-nojf.. En examinant ce qu'on a ecrit des differens Voyages des Ruffes dans la mer glaciale, 6c dans leu¥s tentatives pour decouvrir le paffage au Nord-Eft, il refulte que le Cap qui fe prolonge au Nord du Piafida n'a jamais ete double, 6c que fexiftence d'un paffage autour deTfchukats- koi-no(f, n'eft fondee que fur l'autorite de Deshneff. Mais^ a fuppofer que la navigation foir praticable autour de ces dei^|R£omofotoires, quand on reflechit fur les obftacles & les dangers qu'ont rencontre les Ruffes dans les parages de la mer glaciale, qu'ils ont reellement parcourus; fur le long efpaee de temps, qu'ils ont employe pour faire peu de chemin, 6c fur l'inutilife de la plupart des tentatives, lorfqu'on examine d'ailleurs qu'on ne ne peut entreprendre ces voyages qu'au milieu d'un ete tres-court, & feulement dans ks intervalles , ou des vents particuliers chaflent les glaces vers la haute mer , & laiffent les cotes moins obftruees , on eft en droit de conclure que jamais la route du commerce ne s'etablira le long des Cotes de la met glaciale. Pour que la navigation dans h mer glaciale fut d'une otilite generale, il faudroll qu'on put l'effe&uer a quelque if . MM EtffRE L'AsiE ET l\\AmeRIQuA 22$ diftance de la Nouvelle-Zemble 6c dela Siberie , 6c quand on conviendroit de la poffibilite de faire voile au Nord- Eft & a l'Eft de la Nouvelle-Zemble , fans que la terre ou les glaces offriffent des obftacles infurmontables, la route des Indes ou de l'Amerique par le Nord- Eft ne feroit pas encore prouveej elle dependroit d'ailleurs d'un paffage libre (a) , entre la Cote des Tfchutski 6c le Continent dYAmerique. Mais ces difcuffions n'entrent pas dans le plan de cet Ouvrage , je me propofe de raconter des faits, 6c non d'etablir des hypothefes. % Je me suis born£ aux Relations des Ruffes, & je me fuis abftenu de rien dire des decouvertes qu'on pretend avoir ete faites par les Capjtaines Cook 6c Clarke dans la mer qui eft entre YAmerique 6c YAJie. Le troifieme .Voyage de Cook ne tardera pas a paroitre, il eclaircira probablement nos doutes fur les queftions geographiques traitees dans cet Ouvrage, & il nous donnera la veritable pofition des Cotes Occidentales du Nouveau-Monde. m WW' (a) J'ai dit un paffage libre ; car, en corK^uant de la rel^on du voyage de Deshnef, que ce paffage exifte r^ellement; fi les navires ne purent reffe&uer que par intervales , (les Ruffes ne pretenderit pas l'avoir acheYe plus d*une fois) il ne fera jamais utile au commerce. *%$?> :i'!T tit .iiir fin*- it. Ikii in ii DIH 230 NoUVELLxEjS DECOUVERTES -s^Sta ~1*jU &> •f CHAPITRE XXIII. LisTES des principales Cartes fur lefquelles font trace'es les decouvertes des Ruffes. J e c r o 1 s devoir dire un mot des Cartes publiees juf qu'ici (en 1780) touchant les decouvertes des Rufles. On peut compter fur l'exacfitude de cette liftej jel'accom- pagnerai de quelques Remarques. 1. Carte des nouvelles Decouvertes au Nord de la Mer du Sud, tant a l'Eft de la Siberie & du Kamtchatka, qu'a- l'Oueft de la Nouvelie-France , dreffee fur les Memoires de M. Delifle, par Philippe Buache, 1750. L'Auteur publia bientot apres un Memoire relatif a cette Carte, avec le titre fuivant \\ Explication de la Carte des nouvelles Decouvertes au Nord de la Mer du. Sud, par M. Delifle, Paris 1752, in-4.0 Le Chapitre premier de cet Ouvrage fait allufion a cette Carte. 2. Carte des nouvelles Decouvertes entre la partie Orientale de I'Afie & Occidentale de I'Amerique, avec des vues fur la grande Terre, reconnue par les Rujfes 3 en 1741 , par Philippe Buache, 1752. 5. Now elle Carte des Decouvertes faites par des vaijfeaux Rujfes aux cotes- inconnus de I'Amerique IHHW ENTRE l'AsIE ET l'AmeRIQUE. 231 Septentrionale, avec les Pays adjacens, dreffie fur les Memoires authentiques de ceux qui ont affifte a ces decouvertes , & fur d'autres connoiffances , dont on rend raifon dans un Memoire fe'pare: a Saint-Petersbourg \\ a :KAcademie Imperiale des Sciences. 1754, 1758. Cette Carte a ete publiee fousl'infpection de M. Muller 2 & fe trouve a la tete de fon O^jrage fur les decouvertes des Ruffes (a). La partie qui offre les Ifles nouvellement decouvertes & la Cote dAmerique, a ete tiree principa- lement de la Carte de l'expedition de Bering. Le Continent y eft reprefente comme s'avancant entre les 50 6c 60 degres de latitude, a peu de diftance du Kamtchatka. Lorfqu'elle fut publiee, on ne foupconnoit pas que des Navigateurs aufli habiles que Bering & Tfchirikoff euffent pris cette chaine d'lfles pour des Promontoires du Nou- veau- Monde; mais des Navigateurs pofterieurs, en cin- glant au milieu des parages ou l'on fuppofoit la projection du Nouveau-Monde, ont reconnu cette erreur. 4. Une seconde Carte , publiee par FAcademie Imperiale : elle potte le meme titre que la precedente: mais M. Muller n'a pas prefide a fa compofition. Novvelle CARTE des Decouvertes faites par des vaijfeaux Rufftens aux cotes inconnus de I'Amerique, 6cc. 1775. (a) Cette Carte a ete publiee par Jefferys, a Londres, avec ce titre: « Carte des Decouvertes faites par les Ruffes autour de la cote Nord- » Oueft ^I'Amerique, publiee par l'Academie Royale des Sciences de vPe'tersbourg, & public de nouveau par Thomas Jefferys, Ge>g*tphe »de SaMajefte, 1761.» mmim {» 111 ill if ll 232 Nouvelles decouvertes C'est , dans fa plus grande partie, une copie d'und Carte manufcrite connue en RuJJie , fous le nom de Carte des Promyshleniques, ou des Negocians Aventu- riers, 6C faite fur les fimples rapports de ceux qui ont navige au milieu des Ifles nouvellement decouvertes. Cette Carte de l'Academie eft tres-fautive, relativement a la grandeur & a la pofition des nouvelles terres 5 mais la Cote dYAmerique n'y eft pas'( comme dans toutes les Cartes anterieures) prefque contigue au Kamtchatka , entre le cinquantieme 6c le foixantieme parallele. De plus, elle eloigne du deux cens dixieme au deux cens vingt-quatrieme degre de longitude , la partie duNouveau- Monde , qui git par 66 degres de latitude j 6c elle marque a. la place une grande Ifle qui fe prolonge entre les 64 degres 6c les 71 degres 30 minutes de latitude , du 207.me degres de longitude au 2i8.me , a une petite diftance des deux Continens. C'eft aux Navigateurs a venir a de- eider fi cette feconde alteration eft aufli bien fondee que la premiere (a). II ill (a) M. Muller a reconnu, depuis long-temps, de la maniere la plus franche, que la premiere Carte reprefente mal-a-propos YAmerique comme contigue au Kamtchatka; mais il ibutient toujours le voifinage des deux Continens dans une latitude plus elevee. Il ecrivoit , en 1774 '• « la aspofterite jugera fi la feconde Carte de TAcademie , qui eloigne le » Continent d'Amerique , doit etre preferee a la premiere , qui le fup- sipofe pjres de la cote des Tfchutski. Synd , qu'on doit croire plutot »que les Promyshleniques, perfifte dans Tancien fyfteme, il rapproche ■» YAmerique de Tfchukotskoi-noff', comme le faifoient autrefois les Geo- »graphes j & il ne connoit point cette grande Ifle, appellee Alashka, *> qu'iiya met a la place de la pointe du Continent, & a laquelle il faut » affigner -une pofition plus au Sud 011 au Sud-Eft. 5. Carte \\mh entre l'Asie et l'Amerique. 233 5. CARTE du nouvel Archipel du Nord decouvert par les Ruffes dans la mer du Kamtchatka & de UAnadyr. Cette Carte eft a la tete de la defcription du nouvel Archipel du Nord , par M. Sthadin \\ dans la Traduction rAngloife de cet Ouvrage, elle porte le nom de « Carte as du 'nouvel Archipel du Nord, decouvert par les Ruffes, » entre les mers du Kamtchatka eft de YAnadyr.» Elle ne differe de la quatrieme que dans la grandeur 6c la pofition d'un petit nombre d'lfles, 6c dans l'addition de fix nouvelles : elle eft aufli incorrecte. Les Ifles nouvellement decouvertes y font divifees en trois grouppes qui portent le nom d'lfles dYAnadyr (a) Ifles Oloturiennes (b) & Ifles Aleutiennes. On fait allufion aux Cartes quatre 6c cinq au Chapitre premier de cet Ouvrage. ii iw m 11 ( a ) M. de Buffon, dans fa Carte des deux Regions polaires, publie"e dernierement, ( Voyei le Tome X , in-iz, des Supplemens a 1'Hiftoire Naturelle,) a adopte la denomination & la fauffe pofition des Ifles d'Anadyr. (6) Les Ifles Oloturiennes tirent leur nom dela petite riviere d'Olotura, quia fon embouchure dans la mer du Kamtchatka, par environ Si degres de latitude. Les remarques fuivantes, touchant ce grouppe, font threes d'une Lettre de M. Muller , citee dans la note prec^dente. « Cette » denomination d'lfles Oloturiennes n'eft pas en ufage au Kamtchatka. »Les Ifles apellees Oloturiennes giffent, fuivant la Carte des Promys- ashleniques & la Carte de l'Academie, tres-loin de la riviere Olotura ; as & il femble qu'on les a rapprochees du Kamchatka pour leur donner »le nom de cette riviere. Il paroit sur qu'elles ne font pas fituees fi *>pres de la cote , puifqu'elles n'ont ete vues ni par Bering, en 172-8, I ni par les Negocians Novikoff & Bacchoff, quaud ils cinglerent, en ill »Fl Mi! Ill PH-hl :iii; 234 Nouvelles decouvertes 6. UtfE ExqELLENTE Carte de l'Empire de RuJJie; publiee , en 1776' , par le Departement Geographique de l'Academie des Sciences de Saint-Petersbourg, comprend la plus grande partie des Ifles nouvellement decouvertes. Celle qui fe trouve a la tete de cet Ouvrage; en etant une copie reduite, je dirai feulement fur quelle autorite on y a marque les Ifles nouvellement decouvertes. Les Ifles Aleutiennes , font prifes en partie de celle d'Otcheredin (a), dans fon Voyage , 6c rapporte au Chapitre II , ainfi que d'autres Cartes manufcrites des differens Navigateurs. Les Ifles fituees ptes de la Cote des Tfchutski ont ete copies fur la Carte de Synd j 6l celles aux Renards, fur la Carte d'Otcheredin. Le Lec- teur obfervera que la pofition de ces dernieres terres, fur la Carte generale de RuJJie, differe beaucoup de celle que leur affigne la Carte du Voyage de Krenitzin & de Levasheff: elles y font marquees comme fe prolongeant entre les 56 degres 61 minutes de latitude Nord 6c les. 210 & 230 degres de longitude, comptes de l'lfle de 1; Il JFjHfJB » 1748, de YAnadyr a l'lfle de Bering. » Voyei le Chapitre III de cet Ouvrage. (a) Je pofsede une copie'manufcrite de la Carte d'Otcheredin,- la Carte generale de l'Empire de Ruffle y a pris la pofition des Ifles aux •Renards. L'Auteur Allemand, dont j'ai fondu l'Ouvrage dans celui-cis femble avoir fuivi, en plufieurs points , la Carte d'Otcheredin, & le Journal de ce Navigateur , pour ce qui regarde la longitude, la latitude , la grandeur & le giffement des Ifles nouvellement decouvertes. Je n'ai pas cru devoir faire graver la Carte, qui eft a la tete de l'Ouvrage Allemand, puifque la Carte reduite de l'Empire general de RuJJtt peut y fuppleer. ENTRE L'AsiE ET l'AMeIrIQUE. 23^ Fer; & dans la Carte de Krenitzin & de Levasheff elles fe trouvent entreaty degre®a,o minutes de latitude, 6c 199 degres 30 minutes, 6c 207 degres 30 mfotatqs de longitude. Suivant les dentfe-res nouvelles de Peterf bourg (a), la Carte generale de RuJJie leur donne une pofition beaucoup trop au Nord 6c a l'Eft, & il paroit qu'il faut compter davantage fur celle de Krenitzin. •ytMffft 7. Carte des decouvertes Ruffes dans la mer Orientale 6c en Amerique , pour fervir a l'effai (b) fur le com- (a) Ceci a ete e^crit en 1780. (b) Le douzieme Chapitre de cet Effai traite des decouvertes & du commerce des Ruffes dans 1'Ocean oriental. Ce que dit l'Auteur des Terres decouvertes par les Ruffes, eft une traduction de l'Ouvrage de M. Sthaelin; il y a joint, par forme de fupplement, une defcription du Kamtchatka, fy quelques pages fur le commerce que font les Ruffes aux Ifles nouvellement decouvertes 5 & en Amirique. Si on Ten croit, les Ruffes ont aborde en Amirique, & meme ils forment chaque annee , fur ce Continent, des e^abliffemens paffagers, pareils a ceux des Europeans , fur le Banc de Terre - Neuve. Voici comment il s'exprime : jjccll eft done certain que les Ruffes ont decouvert le Continent de »r'Amerique; mais on peut affurer qu'ik n'y ont encore aucun port, »aucun comptoir. Il en eft des edrbliffemens de cette Nation, dans la »grande Terre, comme de ceux des Nations Europeennes dans l'lfle »de Terre-Neuve. Ses vaiffeaux ou fregates arrivent en Amerique; les » equipages & les Cofaques chaffeurs s'etabliffent fur la cote; les uns ?> fe retranchent, & les autres y font la chaffe & la peche du chien tomarin & du narval; ils reviennent enfuite au Kamtchatka, apres avoir » ete releves par d'autres fregates fur les memes parages, ou a desi" y> diftances plus ou moins eloigners.» Voyei l'Effai fur le commerce de la RuJJie, pag. 191-2.91. C'eft ainfi qu'on trompe le Public par des affertions fauffes & exager^es. Ggij ill m 1 In iff m I* «"JM III MW ■if' 111 Hi I 236* Nouvelles decouvertes, <£V. merce de RuJJie, 1778 , Amfterdam. II feroit naturel de fuppofer qu'une Carte fi recente eft meilleure que toutes les precedentes 5 mais elle eft infiniment plus incorre&e & plus inexa&e que toutes les autres. Fin de la premiere Partie. m.' 1 4 SECONDE PARTIE CONTESTANT '■"'" L'Hl STOIR E de-la Conquete de la SlBiRIE, 6Q du Commerce qui fe fait entre la Rl?SSIE <5G la. CHINE. il in mm ii M ,aMti*^ !;■ *''j ill "■ 111! il 1 ft II sn m ROW M mMi III -41 i^slfoJB IMW^U Mil W fP -'? * 239 ;■'"■ CHAPITRE PREMIER. ; ||^. Premiere irruption des Ruffes dans jmhH r ■" 7 delaSibene» &z Siberie j feconde irruption-; Yermac chaffe des environs du Volga jwzr le C%ar de Mofco- vie, fe- retire a Orel, Etabliffement Ruffe ; il entre dans la Sibe'rie avec une cirrn&e de Cofaques; fes progres & fes exploits; il de/- Jait Kutchun- Chan ; il fait la conquete de fes Domaines; il les cede au Cj^ar; il ejl furpris par Kutchun ^Chan ; fa difaite & fa mort; refpecl pour fa me'moire ; les Troupes Ruffes evacuent la Sibene j elles y rentrmt & foumettent tout le Pays ; leurs progres arrete| par les Chinois. JLes Russes ne connurent gueres la Siberie avant le Premiere' milieu du feizieme fiecle (a) quoiqu'ils euffent penetre, ^^ittt Ir- fous le Regne d'lvan Wafliliefitch premier , dans les bene i fous parties Nord-Oueft de ce Pays jufqu^au fleuve d'Oby, van^affilie- quoiqu'ils euffent rendu tributaires plufieurs tribus de v"c^ § Tartares, 6c amenes prifonniers a Mofcow quelques-uns de leurs Chefs. Cette expedition reffembla plus a une I 11 li i m 0 S. R. G. VI, pag. 199 -in. Fis. Sib. Gef. Tom. I. % mm 240 Nouvelles decouvertes incurfion paflagere faite par des Barbares, qua un etablifle-' ment permanent fait par une Nation civilifee. En effet, les fiiitesr;de cette conquete ,ne tarderent pas a s'evanouir; & on ne trouve dans l'Hiftoire Molcovite , aucune trace de communication avec la Siberie ayant le regne d'lvagl Walfilievitch II. A cette epoque cette contree attira l'at- tention des Czars. M lb;J. Strogonoff Anika Strogonoff , Negociant Ruffe , qui venoit commence a d'etablir des falines a Solvytshegodskaia, Ville du Gouvcr- ttablir nn ., * , 7 y j" u commerce nement d Archangel, commence un commerce a ecnange avec les ha- ayec \\es Habitans des parties Nord-Oueft de la Siberie : bitan s de la . \\ \\ . liberie. ces Habitans apportoient cnaque annee a la viae dont on vient de parler, une quantite confiderable de belles fourrures. Strogonoff renvoyoit avec eux des agents, qui traverfoient les montagnes & commercoient dans l'inte- rieur du pays. II obtenoit ainfi des fourrures precieufes a tres-bas prix, car il les payoit avec des bagatelles & des mafchandifes de peu de valeur. Ce trafic ayant dure plufieurs annees fans aucune In* terruption . Strogonoff fit, en peu de temps, une brillante fortune (a). Le Czar Ivan Waflllievitch II, prevoyant alors Seconde jr- les avantages fans nombre que procureroit a fes fujets f^ff°n a^\\ un commerce plus etendu 6c plus regulier avec ces peu- a Siberie > plades , s'occupa vivement de cet objet. II envoya un corps fous le regne , j 1 c ■ z. - • 1 r U .. r • • t d'lvan waf- de troupes dans Ja liberie ; les loldats luivirent la route ftlievitch % decouvette par les Rufles dans la premiere expedition, ru Ru 1 I101 («)-S. R. G. VI, pag. 220-213. Fif. S$. Gef. p. 182. 6C pratique? raiiii ENTRE L'ASIE ET L'AMERIQUE. 24* 6c pratiquee par les Negocians de Solvytshegodskaia ; ils longerent. d'abord les rives de la Petchora 6c traver- ferent enfuite les montagnes Yugoriennes , qui forment les limites Nord-Eft de YEurope ; ils ne paroiffent pas avoir paffe YYrtisk, ou penetre au-dela de la branche Occidentale du fleuve Oby. Quelques tribus Tartares furent a la verite foumifes a des contributions, & un Chef nomme Yediger confentit a payer annueliement un tribut de mille zibelines. Mais cette efpece de conquete ne produifit pas d'effets durables; car bientot apres Yediger fut battu & fait prifonnier par Kutchun Kan, defcendant 4u celebre Zengis Kan, qui venoit d'etablir fon Empire dans ces Contrees. On peut fixer ; au milieu du feizieme fiecle, le temps de cette feconde incurfion; puifque le Czar WaJplietvich II, prcnoit, des fan 15'5.8 > le titre de Prince de toutes les terres de la Siberie, avant la conquete que fit Yer- mac de ce Royaume (a); mais il eft probable que ce qu'on appelloit alors la Siberie , comprenoit feulement le diftrift rendu tributaire: a mefure que les Ruffes eten- dirent leurs conquetes, cette denomination fut enfuite appliquee a toute l'.etendue du Pays qui le porte au- jourd'hut js$ On a lieu de croire que le Czar laiffa paffer quelques- temps, avant de faire des tentatives pour recouvrer l'autorite qui lui avoit enleve Kutchun Chan dans ces regions IJ-: 'its ill III 1 III .limn lirl •(a) S. R. G. VI, pag. 217. Hh 5 A ni i III j :i 11 Z^Z INOUVELLES DECOUVERTES eloignees. Son attention fe reporta vers cette partie du globe , par une fuite d'incidens auxquels il ne prit d'abord aucune part, mais qui finirent par lui procurer des Do- maines immenies. +i« mK strogonoff Strogonoff , qui avott le premier ouvert un commerce forme des | ^ . j * etabliffe- avec les Habitans de la Siberie , obtint du Czar de vaftes Kama & la concef&«is; il fonda des Colonies fur les bords des rivieres TchmTovaia. fe Kama 6c de Tchuffbvaia, 6c ces edabliffemens, en ©ffrant une afyle a Yermac Ifeiofeeff, produifirent la foumiflBn entiere de la Siberie. Yermac etoit un Cofaque du Don, fugitif 6c Chef d'une troupe de bandits qui infeftoient les Cotes de la mer Cafpienne ; mais comme il a reuni a. l'Empire de RuJJie des Colfcrees fi vaftes, il ne fera pas irSatile de developper lesi'»oirconftances-qui l'amenerent des environs de la mer Cafpienne fur les bords de la Kama , 6c de fuivre fes progres dans l'interfeur de la Siberie. IK Les victoires qu'Ivan Wafflietvich remporta fur les Tartares de Cafan 6c d'Aftracan , reculerent jufqu'a la mer Cafpienne les Domaines de ce Monarque, &etablirent un Yermac commerce avec les Perfans & les Habitans de la Bu- cotes de la charie. Mais les Negocians, qui alloient dans ces Con- mey.pien". trees, etant pilles continuellement par les Cofaques du aeIan 1177- J r . . , Don , & les chemins pratiques fur les bords de ce fleuve 6c du Kolga, fe trouvant infeftespar ces bandits, le Czar envoya une armee confiderable j les Tartares furent attaques 6c vaincus ; tout ce qui echappa au fer 6c a la captivite 11 ENTRE L'ASIE ET l'AmeRIQUE. 243 prit la fuite : fix mille Cofaques, commanded par Yermac Timofeeff, fe trouverent au nombre des fuyards(a). Ce celebre Avanturier conduifit fa troupe dans i'interieur de la Province de Cafan f il fuivit enfuite les bords de la Kama , jufqu'a Orel (b ). Cette Colonie Ruffe, nouvellement etablie, etoit gouvernee par Maxime, petit- fils d'Anika Strogonoff. Au-Iieu de faire le fiege de la place & de piller les habitans, Yermac fe comporta avec une moderation qu'on n'attendoit pas d'un Chef de bandits; comme il fut accueilli par le Gouverneur, qui lui fournit tout ce dont il avoir befoin pour la fubfiftance de fes troupes , il fixa fes quartiers d'hiver a Orel. Mais fon caracfere inquiet 6c entreprenant, ne lui permit pas de demeurer long-temps inactif ; 6c ayant pris des eclairciffe- n fe deter- mens fur les forces des Tartares voifins de la Siberie, il ^f fueP^a' 5 hirla Siberie; dirigea fes armes contr'eux. W;M Une partie de la SiBERIE etoit alors fbumife a 4ifferens Princes; le refte etoit habitee par des hordes de Tartares independans. Kutchun Chan etoit le plus puif- fant de ces Princes; il poffedoit l'etendue de pays qui forme ^ujourd'hui la partie Sud-Oueft de la Province de Tobolsk ; 6c fes Domaines s'etendoient des bords de XIrtish 6c de i'0^y,a ceux de Tobol & de la Tura. II faifoit fa refi4- dence principale a Sibir(c), petite EortereiTe fur f'Irtish, Etat de la Siberie* (a) S. R. G. VI, p. 132- Fif. Sib. Gd.p. iSf. \\b) S. R. G. VI, p. 2-33. {-c) Plufieurs Auteurs croient que Ja Siie'rie prit ce nom de cette Hhij 11 ™b II, Jtt'"»-JI 244 Nouvelles decouvertes non loin de la ville acfuelle de Tobolsk $ on en voit encore des ruines. Quoiqu'il fut puiffant, quelques circonftances lui etoient defavorables. II venoit de conquerir une grande partie defes Etats ',6c fon zele intolerant pour la Religion Mahometane ( a) avoit aliene le cceur de fes Sujets Idolatres. ivi;l V >i% Strogonoff ne manqua pas d'avertir Yermac de tous? ces details; il vouloit d'abord fe debarraffer de ce Chef d'Avanturiers, & fe venger de Kutchun Chan qu'il hai'ffoit: celui - ci avoit excite fecretement un corps nombreux de .Tartares a envahir les etabliffemcns Ruffes for- la riviere de Tfchuffovaia $ & il avoit envoye contre la nouvelle Colonie des troupes fbus le commandement de Mehemet Kul fon coufin. Ces deux tentatives n'eurent pas de fuite, 6c l'ennemi avoit commis des ravages & des devaftations qu'on , ne pouvoit oublier (b). Yermac enchante de cette decou- contre les verte, ne penfa phis qu-'a faire des conquetes. Apres avoir "sibfrie? a ernP^°y^ l'hiver aux preparatifs de fon expedition, il entra en campagne l'eti de fannee fuivante, 1578, 6c il s'avanca lli Fortereffe, peu de temps apres que les Ruffes s'en furent etnpares fous Yermac j mais cette opinion eft deftituee de fondement; car cette denomination de Sibir etoit inconnue aux Tartares, qui appellbient le Fort Isker. D'ailleurs la partie meridionaie de la province de Tobolsk , a laquelle on donna originairement le nom de Siberie x etoit ainfi appellee par les Ruffes, avant rinvafion d'Yermac. H eft probable que le nom de Siberie vient des. Permiens & des Sirjaniens, qui porterent chez les Ruffes les premieres nouvelles de fexiftence dela Siberie. S. R. G. VI, p. 180. (a) S. R. G. ibid] {b) Fif. Sib. Gef. I, p. i8?v ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE, 24^ le long des bords de la Tfchujfovaia. Comme il manquoitde guides, & qu'il n'avoit pas pris d'ailleurs toutes les precautions neceffaires, fa marche fut retalrdee , & il fe vit fiirpris par l'hiver avant d'avoir penetre bien avant. A 1'ap- proche du printemps, fes provifions epuifees, 1'obligerent u retourne de retourner a Orel. ■- a °rel- Ce mAuvais succes ne diminua point fon ardeur pout la meme entreprife ; feulement il prit mieux fes precautions. A force de menaces, il obtint de Strogonoff tous les fecours qu'exigeoit fon expedition ; il emmena une quantite fuffifante de vivres. II donna des fufils, des balles 6c de la poudre a fes foldats, qui jufqu'alors n'avoient pas eu d'armes a feu ; 6c afin que fes troupes reffemblaffcnt davantage a une armee reguliere , il diftribua a chaque compagnie des drapeaux, ornes,. comme ceux des Ruffes, d'images de Saints. Se croyant alors fur de reuflir, il fe mit en route Sa feconde . f if- • -jet! t • r K-.n expedition. pour la leconde fois, au mois de Juin 157P 5 fon armee etoit compofee de 5000 hommes, avanturiers endurcis a la fatigue, 6c ne craignatir. point les dangers. Ses foldats avoient en lor urie con fiance fans bornes , 6c ils etoiefifc animes du meme efprit. II fit route par terre 6c par eau; mais il trouva la navigation des rivieres fi lon'g-'ue, 6C les chemins fi mauvais & ff difficiles, qu'il nlarriva qu'apres dix-huit mo£a Tchingi, petite^yille fituee fur les bords- de la Tura (a).. (a) S. R. G. VI, pag. i+y-n&ZzG-U Mp „Ml m If I ■mm 1^6 Nouvelles decouvertes bjk. y fit la revue de fes troupes, qui etoient confi- -deflablement diminuees; la fatigue, les maladies & les efcajfrribuches conr.ee les Tartares en avtbieSp^^feit perk un grand nombre. line lui reftoit plus qu'environ 1500 hommes effect-ifs j 6c avec cette poignee de foldats, il n'hefita point de marcher contre-Kutchun Chan. Ce Prince, qui avoit en le temps de fe preparer a la defenfe, etoit d'ailleurs refolu de garder fa couronne jufqu'a la derniere extremite. Ayant raffemble fes forces, il detacha plufieurs corps volants contre Yermac , & il fe mit a la tete de fes meil- leurs guerriers; ces detachemens furent repouffes avec une perte confiderable, 6c battus en differentes occafions. Le brave Yermac s'avancoit hardiment, triomphant de tous les obftacles, 6c il parvint au centre des Etats de fon ennemi. 303 , XO£$fJ£X 1 3t£T, Il avoit paye cher fes fucces; car il ne lui reftoit plus que 800 hommes. Kutchun Chan etoit campe (a) a peu de diftance, fur les bords de YIrtish , avec des forces tres-fuperieures,. 6c determine a livrer bataille. Yermac, que la fugeriorite de fon ennemi n'effrayoit point, fatten dit avec une confiancc qui ne l'abandonna jamais. Ses troupes defiroient impatiemment le moment de faction,-& ne vouloient que vaincre ou mourir. L'evenement repondit a leur courage. Apres qn combat opiniatrejfaitdans toutes les regies de la Ta&ique, la viiloire fe decida en faveur (a) VArmee Tartare etoit campee a un endroit appelle Tfckuvatch'j c'eft une langue de Terre lavee par VIrtish, pres de Tembouchure de la Tobolks, dans ce fleuve. £a* Sib. Gef. pag. 20 j. ENTRE l'As>IE ET l'AmeRIQUE. 247 d'Yermac ; les Tartares effuyerent la deroute la plus com- I defait pletej 6c le carnage fut fi general, que Kutchun Chan chan, en eut les plus grandes peines de s'echapper. IJ81. ed oner Cette defaite fut decifive. Kutchun-Chan fe vit abandonne de fes fujets; 6c Yermac , qui favoit profiler de la victoire , aufli-bien que la fixer en fa faveur, marcha fans delai a Sibir, refidence des Princes Tartares. II favoit bien que le feul moyen de conferver fa conquete etoit de s'emparer de cette fortereffe importantej il comptoit y trouver une garnifon nombreufe, determinee a perir plutot que d'abandonner la place , mais le bruit de fa vi&oire avoit repandu une confternation generale , 6c.Sibir etoit H s'afli entierement delert. II fit done Ion entree triompnante de Kutchun-- dans la Ville, 6c il s'aflit fur. le trone, fans rencontrer. la ciian' moindre oppofition. II y etablit fa demeure, 6c il recut le ferment de fideJite des Peuplades voifines, qui ayant ap- pris cette revokision inattendue , arrivoient de toutes parts. Les Tartares futenr fi frappes de fon intrepraite 6c de fes brillans exploits, qu'ils ne balaml&rent point a fe foumettre a fon autorite , & a lui payer le tribut accoutume. Ainsi , ce Cofaque entreprcnant, ce Chef de bandits, s'eleva tout-a-coup au rang de Prince Souvctain. L'Hiftoire .ne nous apprend pas fi , en- penetrant dans la Siberie, fon deffein etoit reellement de la conquerir, ou d'amafler un butin confiderable. II eft probable que fes defirs fe bor- nerent d'abord a ce dernier objet. Ses rapides fucces, 6c la defaite entiere de Kutchun Chan, etendirent enfuite fes vues 6C accrurent fon ambition y quels que fuffent fes Slii n villi ili 'I'iSL PI ill li? ii tpt^ sir! t 248 Nouvelles decouvertes^. projets, il merita, par fa valeur & fa prudence, de les voir couronnes. II ne s'enorgueillit point de fa profperite inattendue; 6c letat fubit d'une couronnc , ne l'eblouit point.. II avoit, dans le maintien, une dignite aufli naturelle 6c aufli affuree que s'il etoit ne fut le Trone. Il commencoit a jouir, ainfi que les braves compa- gnons, des recompenfes qu'ils avoient achetees par des fatigues & des vicloires incroyables. Les Hordes des environs de Sibir lui temoignetent une foumiflion entiere. Les Princes eux-memes venoient des Cantons les plus eloignes fe reconnoitre fes tributaires, & reclamer fa pro- teftion. Mais ce calme fut de peu de duree; Kutchun Chan fomentoit des foulevemens; 6c quoique chaffe de fes Etats, il confervoit encore beaucoup d'influence fiir fes anciens fujets. Etatprecaire Yermac fentit combien fa grandeur etoit precaire; le ou fe trouve . & / Yermac. petit nombre de fes foldats, qui avoient echappe a tant de combats, fe trouvoit diminue , par des embujfeades de l'ennemi; 6c , ne pouvant pas compter fur l'affeition de fes nouyeaux fujets, il fe vit oblige de demander des fe- cours etrangers, ou d'abandonner fa conquete. Dans cet embarras, il eut recours au Czar de Mofcovie; il lui offrit les Pays qu'il venoit de conquerir, a condition qu'on lui enverroit fur-le-champ des renforts. La maniere adroite dont il conduifit cette negociation , annonce fon habilcte dans fart de la politique, comme dans celui de la guerre. Il depecha a. Mojcow, a la tete de 50 Cofaques, un de fes compagnons les plus afHdps; il lui oraonna de re- prefenter ENTRE L'AsiE ET lAlMERIQUE. 249 ' prefenter a la Cour le progres que les troupes Ruffes, commandees par Yermac, avoient fait dans la Siberie ; d'ajouter qu'elles venoient de conquerir un Empire etendu il cede fes au nom du Czar ; que les habitans du Pays, forces de preter czar de M<>f- ferment de fidelite a la Couronne de Ruffie, confentoient covie- a payer un tribut annuel. Cette deputation etoit accom- pagne d'un ptefent des fourrures les plus precieufes (a). Le Czar recut cette ambaflade avec les marques de fatis-; faction les plus diftinguees. II fit rendre a Dieu des a&ions de graces dans la Cathedrale; il vanta publiquement les fervices d'Yermac ; il lui accorda un pardon general; 6C, pour lui temoigner fa faveur , il envoya des recompenfesi a lui & a fes foldats. Parmi ceux qui furent deftines a Yermac, il y avoit une fourrure que le Czar Iui-meme avoit portee , ce qui etoit J a plus grande faveur qui s'a<> cordat a un fujet. II y joignit une fomrne d'argent \\ 6c la promeffe de lui faire pafler promptement des troupes 6c des munitions. :MW nil !«! i# E!n attendant le retour de fon Depute, Yermac, malgre finferiorite de fa petite armee, ne demeura pas inacfif dans la fortereffe de Sibir. II arreta toutes les tentatives que forma Kutchun Chan pour recouvrer fa Cou- jronne , 6c il fit prifonnier le plus habile General de ce Prince. II penetra dans lesProvinces voifinps j il etenditfes conquetes d'un cote jufqu'a la fource de la Tajfda, 6c de l'autre jufqu'au diftrid fitue fur le fleuve Oby, au - deffus de fa reunion avec Ylrtisk. il« ii l ill Ik'Pl a) S. R. G. IV> pag. 304. I i m M 1 WW 2^0 NOUVIELLES DECOUVERTES II recoitun Enfln les fecours promis par le Czar arriverent a Sibir; TroupesRuf- ils confiftoient en 500 Ruffes, fous le commandement du ies' Prince Bolkoski, qui etoit nomme Wayvode ou Gouver neur de la Siberie. Avec ce renfort, Yermac continua fes conquetes, deployant fon acfivite ordinaire. II remporta plufieurs vi&oires fanglantes fur differens Souverains, qui vouloient maintenir leur independance. I M .,3MB tm Dans une de ces expeditions, il mit le fiege devant Kullara , petite fortereffe fur les bords de Ylrtish, qui appartenoit encore a Kutchun Chan; mais il la trouva fi bien detendue par ce Monarque, que tous fes efforts pour l'emporter d'afiaut, furent inutiles. A fon retour a Sibir, l'ennemi le fuivit, prct a l'attaquer au premier moment favorable, 6c il ne tarda pas a trouver un heu- reux moment pour cela. Les Ruffes, au nombre d'environ 300 , etoient portes fans precautions, dans une petite Ifle, Yermac fur- qui forment deux branches de YIrtish. La nuit etoit obf- chun-cha " cure ^ P^uvieu^ei & les troupes, fatiguees d'une longue" marche , dormoient, ne penfant point aux dangers Des que Kut<§hun-Chan l'eut appris, il s'avanca vers le milieu de la nuit, avec un detachement d'elite , 6c, apres avoir paffe la riviere au gue, il fondit fur eux avec tant d'im- petuofite, qu'ils ne purent pas recourir a leurs armes. Les tenebres 6c la confufion acheverent de nuire aux Ruffes, qui furent tailles en pieces, prefque fans refiftancej 6c ces ?eiinemis, qu'ils avoient coutume de vaincre 6c de meprifer, les maffacrerent comme dans une boucherie; on dit qu'il ne s'echappa qu'un homme, lequel porta a Sibir la nou- velle de cette cataftrophe. IlPi ENTRE L'AsiE ET l'AmerIQUE. 2^1 Yermac lui-meme perit dans la deroute,mais non par Mort d'Yer- lefer de l'ennemi-, au milieu du bouleverfemeut, effet or- mac' dinaire de la furprife], il garda fon fang-froid j & les dangers de fa pofition augmenterent fon intrepidite , loin de la ralentir: apres les actes d'heroifme les plus defefperes, il s'ouvrit un chemin a travers les troupes qui l'environnoient, & il fe rendit fur les bords de Ylrtish (a). Comme on le fuivoit de pres, il voulut fe jetter dans un bateau qui etoit fur la cotej maisj n'ayant pas eu la force de fauter affez avant, il tomba dans le fleuve, ou le poids de fon ar- mure le precipita tout de fuite au fond (b). , Son corps fut, peu de temps apres, retrouve au milieu de Ylrtish, 6c expofe par fordre de Kutchun-Chan a toutes les infultes que la vengeance infpire a des barbares, dans la phrenefie du fucces. Ces premiers tritnfports de ref- fentiment furent a peine calm.es, que les Tartares temoi- iiii««i ( a) On a beaucoup difpute fgd Ja branche de Ylrtish, dans laquelle Yermac fe noya. On convient aujourd'hui qu'il perit dans un canal qu'il avoit fait pratiquer, lui-meme, peu de temps avant fa mort, non loin de I'endroit ou le Vagal tombe dans Ylrtish , celui - ci forme un coude de fix verftes; en coupant un canal en ligp.e droite des deux extremites de cette courbure , il abregea la Navigation. S. R. G. pag. )6) -166. (b) Cyprien fut nomme premier Archeveque de Siberie en i6n. A fon arrivee a Tobolsk, il demahda des nouvelles de plufieurs des Compagnons d'Yermac, qui vivoient encore; & il apprit d'eux les principals circonftanccs de l'expedition de ce Cofaque & de la conquete de la Siberie. Il en ecrivit tous les details , & l'Hiftoire de la Siberie eft fondee fur ces Memoires. Sava YefimofF, qui fut un des Comr pagnons d'Yermac , eft un des Analiftes les plus exacfs de cette epoque. Son Hiftoire defcend jufqu'en i6}6. pis. Sib. Gef. I, pag. 4,30. • Iiij im ill- 2^2 Nouvelles decouvertes gnerent l'indignation la plus vive contre la ferocite lache de leur Chef. Les exploits d'Yermac , fa valeur & fa magnanimite, vertus auxquelles ces peuples mettent un. grand prix, s'offrirent a leur memoire j 6c, paffant bruf quement d'une extremite a l'autre , ils reprocherent h leur Prince d'avoir outrage le cadavre d'un Heros fi refpec- table. Leur imagination echauffee, en vint jufqu'a confa^ crer fa memoire j ils 1'enterrerent avec toutes les ceremonies du paganifme , #s ils offricent des facrifices a fes manes* Refpe£lpour jLS repandirent bientot fur fon compte une mul> d'Yermac. titude d'hiftoires miraculeufes , qui furent crues aveugle- meri§. lis dirent que l'attouchement de fes os guerifloit, a 1'inftant, toutes les maladies , 6c que fes vetemens 6c fes armes avoient la meme propriete. Ils ajouterent que des flammes s'elevoient par intervalles autour de fa tombe| 6c partoient de-HTquelquefois pour s'elancer en faifceaux lumineux vers le Ciel. On attribua a fon efprit une influence preponderante dans les operations de la chaffe 6c de la guerre: chaque jour la foule allpit fe precipiter fur fon tombeau & implorer fes fecours. Si ces vaines fables annoncent la credulite fuperftitieufe des Tartares, elles prouvent en meme temps leur veneration pour la. memoire d'Yermac; 6c cette veneration contribua finou-' lierement aux progres que fkent enfuite les Ruffes dans cette partie du monde (a ).. i (a)Versle milieu du dernier fiecle,la veneration pour la memoire d'Yermac fubiiftoit encore. On dit qu'Allai,. Souverain puiifant des> in li )ene. ENTRE L'AsiE ET L'AMERIQUE. 2^3 L'autorite des Ruffes en Siberie, s'eteignit pendant quelques temps avec Yermac. Des que la garnifon de Sibir fut inftruite de fa defaite & de fa mort, cent cinquante foldats, refte de cette armee terrible, qui avoit remporte une fuite de viftoires, qu'on a peine a conce- voir, fe retirerent de la fortereffe , 6c evacuerentla Si- Les Ruffes birie. Malgre ce defaftre, la Cour de Mofcow n'abandonna s^1/6 pas fes projets fur ce Pays, que des circonftances favo-, rabies lui montrerent comme facile a conquerir. La faga- cite d'Yermac avoit decouvert des chemins nouveaux 6c commodes pour la marche des troupes, a travers ces regions fauvages. La rapidite avec laquelle il parcourut en vainqueur les Etats de Kutchun Chan , apprft aux Ruffes a croire les Tartares aifes a vaincre. La plupart des Hordes, rendues tributaires par Yermac, s'etoient fbu- mifes de bonheur a l'autorite du Czarj 6c elles paroif fbient difpofees a rentrer, au premier moment, fous fa domination. D'autres, convaincues de l'inutilite de leur refiftance, trembloient au nom d'un Rufle. La force naturelle du pays , qui navoir pu fe fouftraire au joug lorfque les habitans des differens cantons reunirent leurs efforts, fe trouvoit affoiblie par des divifions inteftines. iiii1'! Calmouques, fe guerit d?une maladie dangereufe, en buvant de 1'eau infufee dans de la terre prife fur la tombe de ce H^ros j on ajoute que ce Prince portoit toujours avec lui un peu de cette terre facree, des qu'il formoit une entreprife importante : il etoit perfuade qu'avec ce talifman, fes affaires ne pouYoient manquer de bien r^uflir.' S.. R~ C*. VoL VI, pag. %%M ill I wm <€llt; pi Les Ruffes jrentrent en Siberie. Ils conqui- rent de nou- Veau les ter- mtoires qu'ils poffedoient ancienne- ment. Toute la Siberie conqui- fe. Les Ruffes y • etabliffent par-tout des Colonies. 2^4 Nouvelles decouvertes Des que la garnifon de Sibir fe fut retiree, Seyidyak; fils du premier Souverain que Kutchun Chan avoit detrone 6c mis amort, s'emparade cette Fortereffe ainfi que du pays adjacent. D'autres Princes profiterent de la confufion generale pour retablir leut independance; 6c Kutchun Chan eut peine a recouvrer une legere portion des Domaines que lui avoit enleve Yermac. Sur ces entrefaites , la Cour de Mofcow envoya I en Siberie, 300 hommes qui penetrerent , prefque fans oppofition, aux bords de la Tura jufqu'a Tfchingi. Ils y conftruifirent le Fort de Tumen, 6c reprirent leur auto- rite fur le.pays des environs. Renforces enfuite par de nouvelles troupes , ils etendirent leurs operations, 6c ils conftruifirent les Fortereffes de Tobolsk, Sir gut 6c Tara. Des qu'ils eurent bad ces Citadelles 6c plufieurs autres, ils ne tarderent pas a reconquerir tous les cantons qu'Yerr mac avoit foumis au joug de la RuJJie. Ce succes promettoit des acquifitions plus impor- tantes : les Ruffes poufferenc leurs conquetes bien avant dans le Pays : ils foumirent ou exterminerent par-tout les Tartares j ils batirent de nouvelles bourgades, 6c ils eta- blirent des Colonies de tous les cotes. En moins d'un fiecle, cette vafte etendue de Pays , appellee aujourd'hui Siberie , qui s'etend des confins del'Europe jufqu'a l'Ocean Oriental , 6c de la mer glaciale, jufqu'aux frontieres actuelles de la Chine, fut reunie aux domaines de la RuJJie. Il est probable que les Czars auroient acquis un ter- ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQU E. 2^ ritoire encore plus etendu, 6c que toutes les Hordes de Progresdes la Tartarie independante, qui habitent entre l'extremite |^" Mr^les Sud-Eft de l'Empire de Ruffle, 6c la muraille de la Chine, chinois, auroient eprouve le fort de celles de'la Siberie , fi l'Em- pereur de la Chine netoit pas venu tout-a-coup arreter . leurs progres. lip HIS! • i m z$6 Nouvelles decouvertes CHAPITRE IL Commencement des hojlilite's entre les Ruffes & les Chinois i difputes fur les limites des deux Empires ; Traite' de Nershinsk ; Ambajfadeurs envoy ds a Pekin par la Cour de Ruffie j Traite' de Kiachta •■> dtablijfement du Commerce entre les deux Nations. Origine de J\\\\j milieu du dix-feptieme fiecle, les Ruffes s'etendoient 1'an.imoiite . , v ,,rn i * ' j r> • encrelesRuf- rapidement a lElt, du cote des Provinces importantes, fes & les chi- £tUees de chaque cot6 du fleuve dAmoor (a) f ils redui- firent en peu de temps plufieurs Hordes de Tungufes in- dependans, 6c ils conftruifirent une chaine de petites for- tereffes le long des bords du fleuve dont # SB 1l;f 2^8 Nouvelles decouvertes Les Chinois, en apprenant cette nouvelle, fe mirent en marche vers ce fleuve, afliegerent de nouveau Albafin, avec une armee de 7000 hommes, & un train nombreux d'artillerie. lis canonnerent la forrereffe pendant plufieurs femaines, fans pouvoir y faire une breche & fans effayer de l'emporter d'affaut. Quoique les Affieges fouffriffent peu des canonnades mal-adroites de l'ennemi, les maladies & la famine avoient epuife leurs forces ; ils conti- nuoient cependant a faire une vigoureufe refiftance j mais ils n'auroient pas tarde a fuccomber, fi les Chinois ne s'etoient retires , lorfque les Negotiations com- mencerent entre les deux Cours de Pekm 6c de Mofcow. Golowin, Ambaffadeur de RuJJie, etoit parti de Mofcow des fan 1685, accompagne d'un corps de troupes nombreux , afin de mettre en surete fa perfonne &: de rendre fa Negotiation plus impofante. La difBcuIte de fe procurer , dans ces contrees fteriles, de la fubfiftance pour une fi grande multitude, jointe a l'efcarpement 6c a la mauvaife qualite des chemins, & a la longueur de la route, ne lui permirent pas d'arriver a Selengtsk avant fan 1 687. De-la. il expedia des Deputes, qui portoient des ouvertures de paix, au Gouvernement Chinois de Pekin. Apres plufieurs delais, fuites de la politique & de la pofition des affaires dans le pays des Tartares, par out ils devoient paffer, les Ambaffadeurs Chinois partirent de Pekin au commencement de Juin 1689. Golowin avoit propofe de les recevoir a Albafin; mais, tandis qu'il fe rendoit a cette fortereffe, les Envoyes de Ja Chine fe prefenterent aux portes de Nershinsk , efcortes d'une \\J% ENTRE L'ASIE ET L'AMERIQUE. 2<(9 groffe armee, 6c d'un train d'artillerie fi formidable , que la frayeur obligea Golowin de conclure la Negotiation aux termes qu'ils voulurent. Les conferences fe tinrentfous des tentes, dans une plaine ouverte , pres de la Ville de Nershinsk ; les Pleni- potentiaires des deux Cours fignerent & fcellerent le Traite. Lorfqu'il fut queftion de le ratifier par ferment, les Ambaffadeurs Chinois offrirent de jurer fur le Crucifix, mais Golowin aima mieux qu'ils le fiffent au nom des Dieux de leur pays. Ce Traite arreta les progres des Ruffes dans ces Wfc& de Contrees lointaines; & il pofa les fondemens d'un Commerce important entre les deux Nations. Par le premier 6c le fecond article, les limites Sud-Eft? de l'Empire de RuJJie , furent fixees a une chaine de montagnes qui fe prolongent au Nord du fleuve Amoor, depuis la mer dlOchotsk jufqu'a la fource de la petite riviere de Gorbit^a (a); enfuite de cette riviere jufqu'a (a) Il y a deux rivieres de Gorbit[a ; l'une tombe dans YAmoor, pres le confluent de YArgoon & de la Shilka; & l'autre fe jete daps. la Shilka. Les Ruffes ayant voulu appliquer a la premiere cet article du Traite, les Chinois one foutenu qu'il etoit queftion de la feconde > & ils font venus a bout de le perfuader. Les limites acluelles font un peu differentes de celles que le texte du Traite femble etablir. Elles commencent aujourd'hui au point ou le Shilka & YArgoon fe- reuniffent pour former le fleuve d'Amoor; elles fe prolongent a l'Oueft le long de la Shilka > jufqu'a l'embouchure de~la Gorbiqa occidentale : de-la elles vont jufqu'a la fource de cette derniere riviere, en fiii- Kk ij 1 !« II i i fl mm >> 1 iip.fi II tl j Si m B\\jnM Hi m* Ml 11 H!l !#! 0,j ffRnfii'M'ii m m ili'll m 2f;o Nouvelles decouvertes fon embouchure dans YAmoor, 6c enfin a YArgoon, de« puis fa jondion avec la Shilka jufqu'a fa fource. Le cinquieme Article accorde une liberte reciproque de Commerce a tous les fujets des deux Empires, pour- vus de paffeports de leurs Cours (a). Ce Traite fut figne le zj Aout 1689, fous le regne d'lvan & de Pierre Alexievitch. II enleva aux Ruffes, independamment d'un territoire etendu, la navigation du fleuve dYAmoor. On ne fentoit pas alors 1'importance de cette perte j on fa reconnu feulement depuis la decou- verte du Kamtchatka 6c des Ifles fituees entre YAJie 6c YAmerique. Les productions de ces nouvelles Terres pour- roient etre conduites fiir le fleuve & Amoor, dans le Diftrict, de Nershinsk| de-la le tranfport par terre eft facile; au lieu qu'on eft oblige de les debarquer a Ochotsk , & de les trainer enfuite a travers une vafte etendue de pays, fur des rivieres d'une navigation difficile, ou fur des chemins efcarpes & prefque imp-raticables. Commence- Les Russes obtinrent, par forme de compenfation, ce ment du ,.. , r . j . . ^ Commerce °tulls aefiroient depuis long-temps, un Commerce per- avecleschi- manent & regulier avec les Chinois. Les premiers echan- nois. ° r ges , entre les deux peuples , fe fitent au commencement du dix-feptieme fiecle (b ). A cette epoque, les vant les chaines de montagnes fpecifiees dans le Traite* Par ce chan- gement, la Cour de Ruffle a perdu du terr*'"- (a) S. R. G. II, pag. 43 j. (b) S. R. G. VIII, pag. fof 6- fuiv. -_ ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. z6l Negocians de Tomsk & des autres Villes adjacentes ache- terent, des Calmouques, une petite quantite de productions Chinoifes, brutes ou manufacfurees. La vente rapide & lucrative de ces marchandifes, engagea les Wayvodes de Siberie a etablir cette branche de commerce directe- ment avec les Chinois. Pour cela, ils envoyerent a Pekin, a. differens intervalles , plufieurs deputations de Tobolsk , Tomsk 6c des autres etabliffemens Ruffes: ces deputations n'obtinrent pas tout ce qu'elles demandoient, mais elles eurent des fuites importantes. L'accueil qu'on leur fit, excita les Negocians Ruffes a envoyer, de temps en temps, des Agens a la Capitale de la Chine. lis entre- tinrent ainfi de foibles liaifons avec cette Metropolej les Chinois apprirent a connoitre les avantages du commerce de RuJJie , 6c les efprits fe difpoferent infenfiblement aux conventions des deux Cours. Les hoftilites fur le fleuve dYAmoor fufpendirent entierement ces premieres liaifons. Mais, des que le Traite de Nershinsk fut figne, les Ruffes fe livrerent, avec une ardeur extraordinaire, a cette branche de commerce. Elle offroit des avantages fi confide- rables, que Pierre le Grand concut le projet de lui don- ner encore plus d'etendue. Dans cette vue , il fit partir, en 1691 , pour Pekin, Isbrand Ives , Hollandois, qui etoit a fon fervice. Ce Depute obtint, pour les Carava- nes, la liberte du commerce de la Chine , que le dernier Traite accordoit aux Patticuliers. Les Carava- nes obcien- nent la per- mifllon de D'apres cet arrangement, des Caravanes fe rendirent <;°™mercei'a ° ! Pekin. de RuJJie a Pekin. On leur accorda un Caravanferay, & l'Empereur de la Chine les defraya pendant leur fejour A"* In: rJfm v MM mM [fife „,-.:iiiil| mm i6z Nouvelles decouvertes dans cette Metropole. La Couronne jouiffoit feul du droit de les envoyer , 6c des benefices qu'elles rapportoient. Sur ces entrefaites, des Negocians particuliers continuoient, comme auparavant, leurs echanges avec les Chinois, non- feulementa Pekin, mais aufli dans les quartiers generaux des Mongols. Le camp de ces Tartares errans etoit ordi- nairement place pres du confluent de YOrchon 6c de la Tola, entre les frontieres meridionales de la Siberie, 6c le defert des Mongols. Les Marchands Ruffes 6c Chi- nois tenoient, a cet endroit, une efpece de foire annuelle; chacun d'eux y amenoit fes marchandifes, & il y demeu- roit jufqu'a ce qu'il les eut vendues. La confufion & le defordre troublerent bientot cet entrepot, & l'Empereur de la Chine recut des plaintes multipliees de l'ivrognerie & de la mauvaife conduite des Ruffes. Ces plaintes firent d'autant plus d'impreflion que les Ruffes, qui fe trouvoient a Pekin , s'y livroient a de pareils exces. Camhi, frappe des remontrances journalieres de Yes fujets, menaca de chaffer les Ruffes de fes Etats, & de leur interdire tout commerce dans fon Empire 6c dans le pays des Mongols. Ambaffade QBS differends occafionnerent une autre Ambaflade a Plkfe. Pekin, en 1719. Leff Waflilievitch Ifmai'loff, Capitaine . des Gardes Ruffes, charge de la Negotiation , la termina heureufement & a la fatisfacfion des deux Cours. A fon depart de la Capitale de la Chine, on lui permit d'y laiffer Laurent Lange, avec le titre d'Agetat des Cara- vanes & le droit de veiller fur la conduite des Ruffes. ill ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 263 Sa refidenoe dans cecte metropole fut de peu de duree j car les Chinois l'obligerent bientot a retourner dans fa Patrie. Son renvoi fut feffet d'un caprice fubit de ce peuple defiant, & de la mefintelligence qui venoit d'e~ clater entre les deux Nations, relativement a quelques hordes Mongoles, limitrophes de la Siberie. Un petit nombre de ces Mongols, qui s'etoient mis fous la protection duCzar, ayant ete reclames par la Cour de Pekin, la RuJJie refufa de les abandonner, fous pretexte qu'on ne pouvoit etendre aux Mongols aucun article du Traite de Nershinsk. L'Empereur|de la Chine fut irrite de ce refusj fon reffentiment devint plus vif en voyant la conduite defordonnee des Marchands Ruffes, qui n'etant plus con- tenus par leur Refident , fe livrerent fans contrainte a leurs exces accoutumes. Camhi expedia, en ijzz , l'ordre les Ruffes • collies c\\& de chaffer tous les Ruffes de fes Domaines 6c du pays pekin. des Mongols. On l'executa a la rigueur; &, des ce moment, toute communication entre les deux Empires cefla. Cette rupture fubfifta jufqu'en 172,7 : alors le Comte Ambaffade Sava Vladiflavitch Ragufinski, Dalmate au fervice de la s|| RuJJie, fut envoye a Pekin. II avoit ordre de terminer, a quelque prix que ce flit, le differend qui regnoit entre les deux Cours, relativement aux Tribus Mongols, & de fixer les limites meridionales de l'Empire de RuJJie, dans cette partie du globe : on le chargeoit d'ailleurs de renouer les liaifons de Commerce avec la Chine. Cet Ambafladeur prefenta a. Yundschin , fils 6c fucceffeur de Camhi , le plan d'un nouveau Traite touchant les bornes & le Commerce des deux Pays; il propofa de fixer les frontieres ii Trait£ de Kiachta. 264 Nouvelles decouvertes telles qu'elles exiftent aujourd'hui; il y ajouta des Regie; mens pour retablir le Commerce fur une bafe folide, & prevenir a l'avenir, autant qu'il etoit pollible, toutes les fburces de divifion. L'Empereur de la Chine , ayant approuve ce plan, nomma des Commiiflires, qui allerent traiter, avec l'Eavoye de RuJJie, fur les bords de la Bura, petite riviere qui coule au Sud des confins de la Siberie, dans YOrchon, pres de la jon&ion dc celle-ci avec la Selenga. A cette conference, les anciennes limites mention- nees dans le Traite de Nershinsk fluent prolongees, de l'embouchure de YArgoon, a l'Oueft, jufqu'a la m on eigne de Sabyntaban, qui fe trouve a peu de diftance de I'endroit ou le confluent de f Uleken 6c du Kemt-cak forme le fleuve Yenijfei, Ces nouvelles bornes feparent les Domaines de la RuJJie du territoire des Mongols qui eft fous la protection de la Chine. Il fut stipule de plus, qua l'avenir toutes les Negotiations feroient conduites entre le Tribunal des Affaires etrangeres de Pekin 6c le Bureau des Affaires etrangeres de Petersbourg; 6C, pour les matieres moins importantes, entre les Commandans des frontieres ( a ). Voici les Articles les plus efleij.tiels de ce Traite tou- chant le Commerce. (a) Cet article futinfeV£, parce que l'Empereur de la Chine, d'apres one idee ridicule de fa fuplnoritlj refiifa, avec hauteur, d'eDtteteaici aucune correfpondance avec la Cour de RuJJie. Il fut kegle ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE, z6^ It fut regle qu'une Caravane Ruffe iroit tous les Articles du trois ans a Pekin , mais quelle ne feroit pas compofee Tra^ reIatif > r i au Commer- de plusde zoo perfonnes j que pendant fa refidence dans ce. cette Capitale, elle feroit defrayee par l'Empereur de la Chine $ qu'immediatement apres fon arrivee fur les fron- tieres, elle en informeroit la Cour ; 6c qu'un Officier Chinois iroit la prendre pour l'accompagner a Pekin. Le Privilege, dont jouiffoient auparavant les Parti- culiers, de faire toute forte de commerce dans les terri- toires Chinois 6c Mongols, fut aboli; 6c fon convint que les macehandifes, appartenantes a des Particuliers, ne paf- feroient pas les frontieres. Mais, pour conferver aux indi- vidus le privilege de commercer, on liomma , fur les confins de la Siberie, deux places, ou ils pouvoient fe rendre; l'une qui feroit appellee Kiachta , du nom d'un ruiffeau qui coule aux environs: 6c l'autre qui feroit nominee Zuruchaitu. Les fujets des deux Nations obtin- rent la liberte de commercer a ces deux endroits. On permit aux Ruffes de batir'une Eglife dans fen- ceinte de leur Caravanferay a Pekin (a) ; d'y entretenit (a) La premiere Eglife Ruffe qu'on ait vu a Pekin, fut batie en faveur des prifonniers de cette Nation, pris a Albajin. lis furent conduits dans cette Capitale ; on les logea dans une rue, qui fut appellee rue des Ruffes, nom qu'elle conferve encore. Us furent fi bien traites des Chinois, qu'a la prife de Nershink, ils refuferent de retourner dans leur patrie"; & comme ils epouferent des femmes du pays, leurs defcendans font au'jourd'hui naturalifes, & la plupart ont adopte la langue & meme la religion de la Chine. Quoique leur premiere Eglife ne foit pas demolie, LI z66 Nouvelles decouvertes quatre Pretres pour l'exercice de leur culte , 6c meme des Ruffes (a ) charges d'apprendre la Langue Chinoifc, 6c deftine a fervir d'Interpretes entre les deux Nations. Ce Traite , qui porte le nom de Kiackta, fut figne & ratifie, le 14 Juin 172.8, par le Comte Ragufmski & trois Plenipotentiaires Chinois, a I'endroit ou fon a bad depuis la ville de Kiachta : c eft la bafe de toutes les operations entre les deux peuples (b). Il est a propos de rapporter ici une innovation dans le commerce de la Chine , qui s'eft introduit depuis l'avenement de l'Imperatrice aftuelle, Catherine II, au Trone. Des fan 1755 , on n'a pas envoye de Caravanes a Pekin. Une mefintelligence furvenuc , en Caravanes 17 5 9 , entre les deux Cours, les a fait ceffer. On ne les Defcription de Kiachta, ville frontiere appartenante aux Ruffes; de Zuruchaitu > ville fron- latiere appartenante aux Chinois; fes batimens, fes PagodeSj &c. JLe DERNLER Traite ayant ftipule que le commerce 1 entre la RuJJie & la Chine, fe feroit aux confins de 'Ilk furleruiffeau Siberie , pres du defert des Mongols , a Kiachta & a Zuruchaitu, je Vais donner, dans ce Chapitre, la Defcription de ces deux Villes. Elles sont sittj:ees dans une vallee pittorefque; environnee de montagnes elevees, remplies de rochers & bien couvertes de bois. La vallee eft coupee par le ruiffeau de Kiachta, qui a fa fource en Siberie, 6c qui, apres avoir lave les murailles de la Ville Ruffe 6c de la Ville Chinoife, fe'jete dans la Bura , a peu de diftance des frontieres. situation de J'ai deja dit que la Ville des Ruffes s'appelle Kiachta d ^achta u nom ^u ru^eau : eu"e e^ utuee- Par I2-4 degres 18 minutes de longitude du meridien de l'lfle de Fer ^ ENTRE L'AsiE ET L'AMERIQUE. 269 6c 3 y degres de latitude Nord, a 5 514 verftes de Mofcow & a 1532, de Pekin. Il y a une Fortereffe batie fur une petite elevation : La Forte- reffe*. c'eft un quarre enferme de paliffades, 6c garni de baftions de bois aux differens angles: les trois portes font gardees par des Soldats : l'une fait face au Nord , une feconde au Sud regarde les fronrieres de la Chine, 6c la troifieme eft a l'Eft, tout pres du ruiffeau de Kiachta. Les princi- paux batimens publics font une Eglife de bois; la maifon du Gouverneur ; la Douane , le Magafin des provifions 6c le Corps-de-Garde. Elle renferme aufli une rangee de boutiques, de magafins, de baraques pour la garnifon | plufieurs maifons qui appartiennent a la Couronne. Celles- ci font ordinairement habitees par les principaux Negocians. La plupart de ces edifices four de bois. La Ville , qui eft environnee de remparts de bois I La ville. couverts au fommet de chevaux de frife, ne contient pas plus de 12.0 maifons tres-irregulieres; on y trouve le meme nombre de portes que dans la Fortereffe, 6c il y a aufli des fentinelles. En dehors des murailles, fiir le grand chemin qui conduit a Selenginsk , on voit un petit nombre de maifons 6c le magafin de la rhubarbe. Cet etabliss&ment n'a pas beaucoup d'eau; 6c elle y eft d'une affez mauvaife qualjte j quoique le ruiffeau de Kiachta lave les mu-ailles de la Fortereffe , il eft fi bas en ete , qu'il ne fuffit a la provifion des habitans ^u'apres des pluies abondantes. L'eau y eft trouble & & i!**p hi BMH iikM RWl IBs 270 Nouvelles decouvertes mal - faine j & les fources qu'il y a aiix environs, font fales 6c faumatres; les principaux habitans envoient cher- cher la leur a une fontaine du Diftrid , qui appartiertt aux Chinois. Le fol des environs eft prefque par-tout de fable ou de rocher, 6c extremement fterile. Si les frontiers de la RuJJie s'etendoient environ 9 verftes plus au Sud du ruiffeau de Bura , la ville .de Kiachta auroit une bonne eau , un fol fertile, & du poiffon en abondance; les Chinois feuls jouiffent de cet avantage. La Garnison de Kiachta confifte en une Compagnie reguliere de foldats 6c un certain nombre de Cofaques: les premiers changent de temps en temps, mais les der- niers habitent toujours cette ville. Le Commandant a l'infpection des frontieres, & il eft charge, de concert avec le Prefident des Negocians Chinois, de decider toutes les affaires fubalternes : dans celles qui ont de l'im- portance, il faut recourir a la Chancellerie de Selenginsk 6c au Gouverneur cXIrkutsk. II n'y a gueres a Kiachta que des Negocians Ruffes 6c les Agens de la Compagnie du Commerce de RuJJie. Les limites qui setendent a l'Oueft de cet etablilte- ment , jufqu'a la riviere du Selenga, & a l'Eft jufqu'a celle de Tchikoi, font garnies de chevaux de frife, def tines a empecher la contrebande du betail, dont Importation paie un droit confiderable a la Couronne. Tous les poftes avances, lc long des frontieres a l'Oueft, jufqu'aux Gouvernement de Tobolsk, & a l'Eft jufqu'aux monta-r gnes de neige, dependent du Gouverneur de Kiachta. ENTRE L'ASIE ET l'AmERIQUE. 271 La plus elevee des montagnes qui environne la vallee de Kiachta , 6c que les Mongols appellent Bur- gultei, commande la Ville frontiere des Ruffes ainfi que celle des Chinois; c'eft pour cela que les Chinois, lors des Negotiations du dernier Traite , touchant les confins, en demanderent la ceffion; ils donnerent pour pretexte que quelques-uns de leurs Ancetres , mis au rang des Dieux , etoient enterres au, fommcr. Les Ruffes le leur accorderent, 6c fouffrirent la retrop-reffion des bornes au cote feptentrional de la montagne. La Ville 6c frontiere Chinoife eft appellee, a la Chine Maimatschin. 6c dans le pays des Mongols , Maimatschin, ce qui figni- re apparte_ fie Ville de Commerce. Les Ruffes lui donnent le nom na^e aux Chinois. de Village Chinois, ( Kitaiskaia Slohoda ) 6c de Nai- matschin , expreffion corrompue de Maimatschin. Elle eft a environ 140 verges au Sud de la Fortereffe de Kiachta, dans une pofition qui lui eft prefque parallelc. A mi - chemin , entre cette Place 6c la Fortereffe des Ruffes , on trouve deux poteaux eleves d'environ dix pieds, qui marquent les confins des deux Empires', l'un porte une Infcription Ruffe 6c l'autre une Infcription en caracteres Manshurs ( a). Maimatschin n'a d'autre fortification quun rem- part de bois & un petit fofle large de crois pieds, creufe, WA (a) Sur la montagne a TOueft de Kiachta, les confins font encore marques, du cote de la RuJJie, par un amas de pierre & de terre, fur- monte d'un ecrit, & du cote de la Chine, par un tas de pierre, en forme de pyramide. Pallas, Reife. Ill, pag. no. « 1 w* tyz NOUVELLES DECOUVERTES en 1756, pendant la guerre entre les Chinois &c les Cal- mouques. La Ville eft d'une forme oblongue; fa longueur eft de fix cens verges, 6c fa largeur de quatre cens. II y a, aux quatre cotes, une grande porte en face des principalis rues, 6c, fur chacune de ces portes, un Corps-de- Garde en bois, habite par la Garnifon Chinoife, compofee de Mongols, qui portent -des habits deguenilles 6c des maflues. En-dehors de la porte, qui regarde les frontieres de la RuJJie, & a environ huit verges de l'entree , les Chinois ont eleve un parapet de bois, qui empeche de voir ce qui fe pafle dans les rues. 1 ii p. is i IBiNlf Mr Cette Ville contient zoo maifons j & environ 1100 habitans; elle a deux rues principales, larges d'en- viron huit verges, qui fe coupent l'une 6c l'autre vers le milieu a angles droits ; 6c deux autres plus petites , qui fe prolongent du Nord au Sud. Elles ne font pas pavees ; mais couvettes de gravier 6c d'une proprete finguliere. Maifon. L£S maisons , qui font fpacieufes 6c baties en bois d'une maniere uniforme, ont un feul etage, 6c leur hauteur n'excede pas 14 pieds j elles font enduites de platre & peintes en blancj elles ont toutes au milieu une cour de 70 pieds en quarre , parfemee de gravier , 6c elles paroiflent fort propres: elles contiennent une falle, quelques magafins 6c une cuifine. Le toit de celles qui appar- tiennent aux gens les plus riches, eft de planches; mais le toit des autres eft de lattes recouvertes de.terre. Du cote de la rue, la plupart de ces edifices ont des arcades de bois, 1 ENTRE L'AsiE ET l'AMjEIUQUE. 273 de bois, foutenues par de gros poteaux. Les fenetres font grandes, ainfi qu'en Europe; mais, comme le verre & le talc de RuJJie font chers, elles font ordinairement de papier, avec quelques carreaux de vitre dans la falle. Cette Salle a rarement vue fur la rue : c'eft une efpece de boutique, ou les differens echantillons des mar- chandifes font places, dans des armoires garnies de rayons, 6c fermees avec des portes. de papier pou'r en ecarter la pouffiere. Les fenetres font communement ornees de petites peintures , & les murailles tendues en papier de li Chine. Une moitie du plancher eft d'un argille bien.. battue, 6c l'autre eft couverre de planches & s'eleve d'environ un pied. C'eft la que la famille s'affied le jour 6c dort la nuit. A cote de cette efpece d'eftrade , & a-peu-pres fur le meme niveau, il y a un poe'le quarre de brique, furmonte d'une excavation cylindrique droite &perpendiculairej on le chauffe avec de petits morceaux de bois. Le tuyau de fumee fort du fond du poele, 6c, Ye prolongeant en zigzag au-deflous de l'eftrade , aboutit a une cheminee, laquelle debouche dans la rue. Ainfi, quoique le poe'le foir toujours ouvert & la flamme vifible , jamais la chambre n'eft remplie de fumee. On ne trouve prefque aucun meuble dans finterieur de la maifon, excepte une grande table a manger, & deux autres petites, verniffees, fur l'eftrade; l'une de celles-ci porte toujours un rechaud rempli de feu, ou on allume les pipes, quand le poe'le n'eft pas chaud. On voit, dans la grande piece, plufieurs petites niches Mm iiiii'i mm si 274 Nouvelles decouvertes couvertes de rideaux de foie , devant lefquelles il y a de§ lampes qu'on allume les jours de Fete: ces niches renfermenc des Idoles de papier peint ; un vafe de pierre ou de metal y ou fon raffemble les cendres de l'encens; plufieurs petits ornemens & des fleurs artificielles; les Chinois permettent volontiers aux Etrangers de tker ces rideaux 6c de regarder leurs Idoles, Les Negocians tm BuccUARIE (a) habitent le quartier Sud-Oueft de Maimatfchin $ leurs maifons ne font ni aufli grandes, ni aufli commodes que celles des Chinois,. cependant la plupart font un commerce confiderable. Le Gouverneur de Maimatfchin. Le Surgutschei, on Gouverneur de Maimatfchin, eft charge de la Police, &; de la direction de toutes les affaires- relatives au commerce; il eft ordinairement d'un rang; difiingue j quelquefois c'eft un Mandarin, qui s'eft mat comporte dans une autre place, & qu'on envoie ici pour le punir. On le reconnoit au bouton de cryftal de fon chapeau &aux plumes de paon (b) qui pendent parderriere. wm\\ m (a ) Les principals marchandifes que les Buchasriens amenent ei> RuJJie, font, le coton , les etoffes de demi-foie, le coton file, les peaux d'agneaux, les pierres precieufes , la poudre d'or, le nitre non prepare, le fel ammoniac >• &c. Voyei k Livre intitule : RuJJia , or the compleate account of all the nations that compofe that Empire, Vol. II, pag. 141. Ouvrage curieux & intereffant, public dernierement a Londres. (b) A la Chine, les Princes du Sang portent trois plumes de paon j les Nobles de diftinction , deux i & la claffe inferieure de la Nobleffe | une. C'eft aufli une marque d'un rang eleve d1 avoir une vokure a quatre roues. Le Gouverneur de Maimatfchin fort dans une qui n'en a que^ e^tre l'Asie et l'Amerique. 271; Les Chinois lui donnent le titre d'Amban, ce qui fignifie Commandant en Chef, 6c perfonne ne paroit devant lui fans plierlegenou; celui qui vient prefenter une Requete, doit demeurer dans cette pofture, jufqu'a ce qu'il reeoive la reponfe. Les honoraires de ce Gouverneur ne font pas confiderables; mais les prefens que lui font les Negocians montent tres-haut. I ; Les batimens publics les plus remarquables de Maimatfchin , font la maifon du Gouverneur, le Theatre, & les deux Pagodes. La maison du Gouverneur eft plus grande que les Maifon du autres 6c mieux meublee. On la reconnoit d'ailleurs a Gouverneur- une chambre ou fe ticnt la Juftice ; 6c a deux grands poteaux , fiirmontes d'un payillon qui font a l'entree. Le Theatre eft au pied de la muraille de la ville, Theatre, pres de la grande Pagode; c'eft une efpece de hangard, proprement peint, ouvert fur le devant, 6c qui n'a que fefpace neceffaire pour contenir les Acteurs > les Spe&ateurs fe tiennent dans la rue. II y a aufli, a cote du Theatre, deux poteaux eleves, fur lefquels on arbore , les jours de Fetes, de grands pavilions qui portent des Infcriptions Chinoifes. Alors les domeftiques des Negocians, jouent de petites farces burlefques en 1'honneur de leurs Idoles. deux. Tous les Chinois portent des boutons de differentes couleurs a leur> chapeaux; ces boutons denotent leur rang. Pallas Reife III,pag. M m ij wf fir H»' La petite Pa gode. L'Idole Tien. z*]6 Nouvelles de c ouvertes La plus petite des deux pagodes eft un batiment de bois foutenu par des poteaux au centre de la ville, a I'endroit ou fe croifent les deux principales rues. C'eft une tour Chinoife de deux etages, orne a l'exterieur de petites colonnes, depeintures & de petites cloches de fer, 6cc. Le premier etage eft quarre & le fecond o£togone. Dans celui qui eft le plus bas, on voit un tableau du Dieu Tien, mot qui , fuivant 1 explication des plus habiles Chinois, fignifie le Dieu tout-puiffant qui dirige les trente-deux' Cieux. On dit que les Manshurs donnent a cette Idole le nom d'Abcho , & les Mongols celui de Tingharu, ou de Dieu du Ciel; il eft reprefente affis, la tete decouverte, 6c environnee d'une Couronne (a) pareille a celle qui en- vironne la tete de Jefus-Chrift dans quelques peintures des Catholiques: fes cheveux font longs 6c flottansj il tient en fa main droite un fabre nud, 6C il etend la gauche jj comme s'il donnoit la benediction. A fun des cotes de cette figure, on a peint deux jeunes gens; 6c a l'autre une jeune fille & un vieiilard qui a les cheveux gris. L'etage le plus eleve renferme la figure d'une autre Idole qui porte un chapeau raye de noir 6c de blanc, 6c (a) Le Gouverneur de Maimatfchin, qui donna a M. Pallas la perrniflion de voir ce Temple, raffura que les Jefuites de'Pekin , & leurs profelytes, adoroient cette Idole- L'Ecrivain Ruffe conjecture que la reffemblance entre cette Idole & les pom-aits de J. C. chez les Catholiques, a donne lieu a cette affertion; ou que les Jefuites, afin d'exciter la devotion de leurs convertis, ont donne, par politique, a la figure de J. C. une reffemblance a celle du Tien des Chinois. Pallas Reife III, pag. us. ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. ZJJ qui eft egalement entouree de trois jeunes perfonnes 6c d'un petit vieillard. On ne voit point d'Autels dans ce Temple 6c il n'y a pas d'autres ornemens que lespeintures 6c leurs chaffis: il s'ouvre feulement les jours de Fete, & les etrangers ne peuvent pas le voir fans permiflion. La grande Pagode (a) fituee devant la maifon du La grand* r> ft § J i • • i • J Pagode & fes Gouverneur, 6c pres de la principale porte qui regarde idoles. au Sud , eft plus vafte & plus magnifique que la premiere. Les Etrangers la voient en tout temps fans la moindre difficuke , pourvu qu'ils foient en compagnie d'un des Pretres, quife trouve toujours au milieu de la cour. Cette cour eft environnee de chevaux de frife : on y entre du cote du Sud} il y a deux portes avec un petit batiment entr'elles. L'exterieur de ce petit batiment offre deux niches clefendues par des grillages, au fond defquelles on trouve' deux chevaux d'argilles de grandeur naturelle , grofliere- ment faits. lis font felles & brides: a cote d'eux, il y a deux hommes habilles comme deux palfreniers. Le cheval 4 droite eft chatain; l'autre eft plus haut, 6c fa criniere 6c fa queue font noires. Le premier eft dans l'attitude du galop, & le fecond dans l'attitude du pas. On appercoit, pres de chacun, une banniere deployee d'etoffe de foie jaune , avec des dragons d'argent en broderie. ( a) On rie trouve pas la grande pagode dans la gravure du Mai* matfchin, qui eft a la tete de ce Chapitre. Cette omiflion vient de ce: querArtifte fut obli%&dev&ttivdeKiachta., avant d'avoir fini fon defltrr. La planche eft d'ailleurs complete & de la plus grande exactitude, ainfi que je fai appris d'un Anglois, qui a ete dans ces Villes frontieres. 278 Nouvelles becouvertes Deux tours de beds, environnees de gal cri es, font au milieu de cette cour ; la tour Orientale contient une groffe cloche de fer, qu'-on frappe de temps-en-temps avec "tin maillet de boisj l'autre renferme deu» tym bales cfune grandenr enorrne, pareiiles a celles don? les Cal- mouks fe fervent dans leurs ceremonies Relieieufes. Des- batimens, habites par les Proves du Temple, regnenp tout autour de la cour. Cette cour exterieure communique, par une belle porte, avec la cour interieure; celle-ci eft bordec, dc chaque cote, de petits compartimens, ouverts fur le devanit 6c defendus par un grillage ; ces compartimens offrent les legendes des Idoles reprefentees dans une fuite de tableaux Jbi^oriques. A l'extremite la plus eloignee de cette fecondf cour, on voit un grand batiment conftruit du meme ftyle que l'architecfure du Temple. En-dedans il a 60 pieds de long & 30 de large; il eft rempli d'anciennes armes 6c d'inftrumens de guerre d'une groffcur prodigieufe, telJes que des lances, des faulx, de longues.piques qui one un large fer, des boucliers , des cottes d'armes & des trophees militaires qui reprefentent des mains (a) & des tetes de dragons 6c d'autres figures fculptees. Tous ces inftrumens dc guerre font bien dores, 6c ranges par ordre fur des echafauds le long de la muraille, En face del'entree, on voit flotter un grand etendart jaune, orne de broderies, qui reprefentent des feuUlages 6c des dragons d'argent \\ (a) Ces ?aaics refjepib^ent aux etendarts manipulaires des Romaa^ ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 279 Au-deflbus, il y a , fur une efpece d'Autel, une fuite de petites tables oblongues qui portent des Infcriptions Chinoifes. *$s Une gaLerie ouverte, ornee des deux cotes de pots de fleurs , conduit de la porte de derriere de l'arfenal a la colonnade du Temple. On remarque dans les entreco- lonnemens deux tablettes d'ardoife, entourees de cadres de bois d'environ fix pieds de haut 6c larges de deuxj on y lit des longues Inferiprions relatives a la batiffe du Temple. Devant l'une de ces tablettes, on voit par terre une petite Idole d'une forme hideufe enfermee dans une caiffe de bois. Le Temple eft un edifice elegant dans le gout Chinois; II eft richement decore, a l'exterieur de colonnes verniffees, defculpturesdorees,depetites cloches 6cd'autresornemens particuliers a l'architecture Chinoife. II regne en-dedans une grande profufion de dorures , qui respondent a la parure de l'exterieur. Les murailles font prefque toutes couvertes de peintures qui reprefentent les exploits les plus ceiebres de la principale Idole. Ce Temple renferme cinq Idoles dune ftature colof" fale , aflifes les jambes croifees , fiir des piedeftaux, dans trois niches qui rempliffent tout le cote du Nord. La principals Idole eft affife feule dans la niche du Ghcffur milieu, entre deux colonnes, autour defquelles font entor- CJ- a"e \\%Qi*t tilles des dragons couverts de dorure : de grands drapeaux de foie qui pendent du plafond, voilent la partie fupe- #f 280 Nouvelles decouvertes rieure de cette Idole. Elle porte le nom de Ghedfur ou Ghefllir Chan (a). Les Chinois l'appellenc Loo-ye, ou le premier & le plus ancien; & les Manshurs, Guanloe , ou le Dieu fuperieur : fa taille gigantefque excede de plus de' quatre fois la ftature humaine, fon vifage eft brillant comme de l'orj & fes cheveux 6C fa barbe font noirs. II porte une Couronne fur la tete, 6c les Chinois difenc qu'il eft vetu fort richementj'fes vetemens ne font pas modeles en argille, tn&is ils font d'une etoffe de foie tres- fine. II tient dans fes mains une efpece de tablette qu'il paroit lire avec beaucoup d'attention. Deux petites figures de femmes qui reffemblent a de jeunes perfonnes d'en- viron 14 ans font debout, de chaque cote de fldole, fur le meme piedeftal ; l'une d'elles empoigne un rouleau de papier. A droite de fldole on voit fept traits d'or, 6c a fa gauche un arc. Il y a devant fldole un affez grand efpace, enferme d'un grillage, en-dedans duquel fe trouve un Autel avec quatre figures coloffales qui reprefentent probablement (a) Ce font les Mongols & les Calmouques qui lui ont donne le nom de Gheffur Chan; &, quoiqu'ils ne le comptent pas parmi leurs pivinites, ils le regardent comme un grand Heros; le Bacchus & l'Her- cule de IxTartarie orientale , qui naquit a la fource du Choango, 8c qui defit plufieurs monfh.es. Ils ont une tres-longue Hiftoire de fes exploits heroiques. Voici le Titre de ces Ouvrages Merits en langue Mongole : Arban Zeeghi ejpn Ghejjur bogdo Chan \\ le. Roi des dix points du compas, ou le Monarque Gheffur Chan. Je pofsede une copie de ce Manufcrit Mongol dont M. Pallas m'a fait pcefent; je le commujiiquerois , avec plaifir , a un favanq verf<$ dans les Langues Orientales,. les principaux ENTRE L'AsiE ET l'AMERIQUE, 281 les principaux Mandarins de Gheffur qu'on a Deifie. Deux de ces figures portent des robes de Juges, 6c tiennent de petites tablettes, pareilles a celles qui font dans les mains de fldole. Les deux autres font revetues d'une armure complete j l'une porte un turban & fur l'epaule gauche un grand fabre dans fon fourreau; la derniere, qui a un vifage hideux, couleur de cuivre , & un gios ventre , tient, dans fa main dtoite, une lance dont le fer eft tres-large. Quoique toutes lesIdoles du Temple foient d'une gran~; deur enorme, celle de Gheffur Chan l'eft bien davantage. La premiere Idole , qui eft dans la niche a droite, Maooanj; s'appellc Maooang, ou l'Otfchibanni des Mongols; elle a trois vifages effares, couleur de cuivre, & fix bras; deux de fes bras agitent au-deifus de fa tete deux fabres qui fe croifent; un troifieme tient un miroir; un quatrieme une tablette quarree qui paroit etre d'ivoire. Les deux autres bras font occupes a bander un arc arme d'une fleche qui eft prete a partir. Cette Idole a la poitrine couverte d'un miroir", & un ceil au nombril: elle a pres d'elle deux petites figures dont la premiere tient un trait & la feconde un petit animal. L'Idole qui vient enfuite & qui eft dans la meme niche, Tfaudfinj eft appellee, par les Chinois , Tfaudfing ou le Dieu d'or &c d'argent, & par les Mongols Tfagan-Dfambala. Elle a un chapeau noir; 6c elle porte de magnifiques robes telles qu'on les met a la Chine les jours d'appareil; elle tient a la rnain une petite caffette de bijoux. Elle a aufli pres d'elle ilp "1 M&' vm. 282 Nouvelles decouvertes deux petites figures debout, dont l'une tient une branche d'arbre coupee. Chusho. Dans la niche, a gauche, on voit le Dieu Chusho, auxquels les Manshurs donnent le nom de Chua-Schan, 6c les Mongols celui de Galdi ou de Dieu du feu. Son vifage colore de rouge , eft farouche 6c effrayant; il eft revetu d'une armure complete ; il tient un fabre a moitie tire du fourreau , & il paroit fur le point de s'elancer de fon fiege. II eft accompagne de deux petits hallebardiers, dont l'un a fair de crier; 6c l'autre porte fur fa main un oifeau qui reffemble a un faifan de mer. Niu-O. L'autre Idole de la meme niche eft Niu-o, le Dieu des boeufs : il eft affis: fon maintien eft tres-compofe ; il eft habille comme un Mandarin : & il porte une Couronne fur la tete : fa poitrine, ainfi que celle des autres Idoles, eft couverte d'un miroir. Les Chinois croient que c'eft le meme Dieu que l'Yamandaga d^s Mongols; on dit que chez les Manshurs il s'appelle Chain Killovaj & chez les Mongols Bars-Batir , l'Heros des Tigres, denomination qui lui donne quelque analogie avec Gheffur. Devant ces differentes Idoles, on voit des tables ou des Autels fiir lefquels on place, les jours de Fetes 6c de prieres, des confitures , de la patifferie , des fruits fees & de la viande: il y a meme des occafions ou on y met des moutons tout entiers: des flambeaux & des lampes y briilent jour & nuit. Le plus remarquable des uftenfiles du Temple , eft un vafe de la forme d'un carquois, ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 283 rempli de pieces plates de rofeaux, fur lefquelles il y a de petites devifes Chinoifes. Les Chinois vont tirer ces devifes le jour du nouvel an ; ce font pour eux des Oracles qui annoncent ce qui leur arrivera de bien ou de mal pendant l'annee qui va secouler. On remarque aufli fur une table, un cafque de bois verniffe en noir , que tous les devots ne manquent point de frapper avec un morceau de bois , lorfqu'ils entrent dans le Temple. Ce cafque eft fi facre qu'on ne permet point aux Etrangers de le toucher, quoiqu'on ne les empeche pas de toucher les Idoles. On pratique les ceremonies du cuke, le premier jour de la nouvelle & de la pleine Lune. Les Chinois fe rendent au-moins une fois dans le Temple, chacune de ces Fetes; ils y entrent fans oter leurs chapeaux (a). Ils joignent les mains devant leur vifage; ils font cinq ou fix reverences a chacune des Idoles, &, apres avoir touche avec leur front le piedeftal fur lequel elles font affifes, ils fe retirent. Les principales fetes fe celebrent le premier mois de leur annee, qui repond a notre mois de Fevrier. Ce mois auquel ils donnent, ainfi que les Mongols, le nom de mois blanc , eft regarde comme favorable a l'expedition des affaires : ils arborent alors des pavilions devant les Pagodesj ils placent, fur les tables des Idoles, des viandes que les Pretres enlevent le foir , & qu'ils vont manger dans la cour interieure. Afin de mieux celebrer (a) Ils n'otent pas leur chapeau par refpecl:; car a la Chine, ainfi que chez tous les peuples d'Orient > c'eft un manque d'egards de ie decouvrir la tete devant fes Superieurs. Nn ij II 1 F# nr h-l: ~1 Superftiiion des Chinois. 284 Nouvelles decouvertes cesfolemnites, on joue la Comedie en l'honneur des Idoles-; les Pieces font ordinairement fatyriques, 6c dirigees pour la plupart contre les Magiftrats ou les Juges qui manquent d'equite. Quoiqu'il y ait peu de ceremonies dans le cuke re- ligieux des Chinois , ils font tres-adonnes a la fuperftition. M. Pallas dit que ceux de Maimatfchin (a) fe livrent aux folies que voici, lorfqu'il fiirvient une eclipfe de Lime. Le foir du jour de l'eclipfe, tous les habitans pouflent des cris 6c des hurlemens horribles; ils font un tapage extraordinaire, en frappant contre du bois ou contre des chauderons; ils fonnent les cloches & ils touchent fur les tymbales de la grande Pagode. Ils croient que le mechant efprit de fair , appelle , par les Mongols, Arachula , attaque la Lune, 6c que ce bruit 6c ces cris epouvantables l'effraient. M. Pallas, pendant fon fejour a Maimatfchin, obferva un autre exemple de fuperftition. Le feu prit dans la Ville avec tant de violence, qu'au meme inftant plufieurs maifons fe trouverent embrafees. Aucun des hafiitans (a) Cette Defcription de Kiachta & de Maimatfchin eft three du Journal des Voyages de M. Pallas en Sibirie, pag. xx\\, 109 & iz£. Tous les details fur la Religion des Peuples de l'Orient, font fi inte- reffans, que j'ai era faire plaifir aux Le&eurs en traduifant ce qu'on vient de voir fur les Pagodes & les Idoles de la Chine. L'Auteur inge- nieux du Journal cite tout-a-rheure, decrit de plus, d°apres its pro- pres obfervations, les mceurs, les ufages, Thabillement, les jeunes & plufieurs autres particularity relatives aux Chinois. Quoique cette partie de fon Ouvrage foit tres-curieufe, elle m'a paru trop etrangese an plan de celui - ci pour I'y inferer. Aucun Ecrivain n'a jete plus de jour que M. Pallas fur la Religions I pif i ENTRE l'AsIE ET l'AmeRIQUE. 28^ n'effaya de donner du fecours; ils fe tenoient autour du feu dans une confternation oifive ', quelques uns feulement y jettoient, par intervalles, des gouttes d'eau pour appaifer le Dieu du feu \\ qui, a ce qu'ils imaginoient, avoit choifi leurs habitations pour un facrifice. Si les Ruffes n'avoient pas eteint fincendie, toute la Ville auroit ete reduite en cendres. & 1'Hiftoire des Nations Tartares; on en trouve des preuves a chaque page de fon precieux Journal. Il a eclairci encore davantage cette matiere obfcure , dans un Ouvrage tres-recent, fur les Tartares qui habitent les differentes parties de la Siberie, & le territoire fitue entre ce pays & la muraille de la Chine. Le premier Volume de cet excellent Livre parut en 1776; il contient les Migrations , l'Hiftoire , les loix, les Mceurs & les Ufages de ce Peuple extraordinaire, connu fous le nom de Calmouques , de Mongols & de Burates. Le fecond Volume, qu'on attend avec impatience , developpera , d'une maniere exadte & detaillee, les Dogmes & les Ceremonies Religieufes qui difc tinguent les Se6tateurs du Shamamifme de ceux du Dalai Lama , ( ce font les deux grandes Se<5tes qui partagent ces Tribus.) Pallas Samlung Hiftoricher Nachrichten Veber die Mongolifchen Volker Schasfter. I ru ISjJi ht kll wp- &■■}%■ 286 Nouvelles decouvertes -sjk&is -■2£Jj- ^ CHAPITRE IV. Commerce entre les Chinois & les Ruffes; Etat des principales Exhortations & Importations ; Droit de la Douane : EjSmation generale du Commerce fait par les Ruffes. Negocians de Maimatfchin. es Negocians de Maimatfchin viennent des Provinces Septentrionales de la Chine, 6c principalement de Pekin, Nankin , Sandchu 6c des autres grandes Villes. Ils ne font pas fixes a cette Place avec leurs epoufes 6c leurs families j car il eft a remarquer qu'il n'y a pas une femme a Maimatfchin £ c'eft un effet de la politique du Gou- vernement Chinois qui interdit au fexe la plus legere communication avec Ies_ Etrangers. Les Negocians qui font le commetce de RuJJie, ont tous un Aflocie; ils fe relayent mutuellement: l'un refte un certain temps, pour fordinaire une annee, a Kiatchia f 6c lorfque fon Affocie amene une nouvelle pacotille de marchandifes ; il s'en retourne dans fa Patrie, emportant des marchandifes de **#* (*)• wm : fi; tpl • M. La plupart des Negocians Chinoisentendent la Langue fylongole, dans laquelle fe terminent ordinairement les (4) Pallas Reife III, pag. im m ENTRE L'AsiE ET L'AMERIQUE. z8j affaires de commerce. Un petit nombre d'entr'eux difent quelques mots de Ruffe; mais leur prononciation eft fi molle 6c fi delicate, qu'il eft difficile de les comprendre. Us ne peuvent pas prononcer R.; ils en font toujours un L, 6c lorfque deux confonnes fe rencontrent, ce qui arrive fouvent dans la Langue Ruffe, ils les divifent, en interpofant une voyelle (a). Cette impoffibilite d'arciculer la Langue Ruffe , femble particuliere aux Chinois; on ne la remarque pas dans les Calmouks, les Mongols, ni les autres Nations voifines (b). Le commerce entre les Ruffes 6c les Chinois, fe fait tout par echange. II eft defendu aux Ruffes d'exporter de l'argent de leur Pays, & meme les Chinois n'en rece- vroient point, fi cette prohibition n'avoit pas lieu; car a la Chine, il n'y a, dans le commerce , que des lingots (c). (a) Bayer, dans fon Mufeum Sinicum, donne plufieijrs exemples de la maniere dont les Chinois articulent les lettres qui ne fe trouvent pas dans leur langue. Ils changent les B. D. R. X. Z. en P. T. L. S. S. Ainfi, pour Maria, ils difent... Ma-li-ya. Pour Crux Cu-lu-fu. Pour Baptizo Pa-pe-ti-fo. Pour Cardinalis Kia-ul fi-na-Ji-fu. Tour Spiritus.... - Su-pi-li-tu-fu. Pour Adam Va- tarm Pour Eva Nge-va. Pour Chriftus Ki-li-fu-tu-fu. Hoc eft Corpus meura... Ho-ke , nge-fti-tu , Co-ul-pu- Bayer, Tom. I, pag. if. fu| me-vum. (i) Palias Reife III, pag. 134. (c) Les Chinois n'ont point de monnoie d'or ou d'argent : les paie- mens fe font en lingots , &, pour en determiner la pefanteur, les IMG,' s 288 Nouvelles decouvertes Les Ruffes trouvent plus d'avantages a recevoir des marchandifes en echange qu'a prendre des lingots au taux des Chinois. Voici comment fe font les operations de commerce. Le Negociant Chinois vient a Kiachta, examiner dans les magafins Ruffes, ce qu'il veut acheter, il va enfuite trouver le Proprietaire dans fa maifon, 6c ils conviennent du prix , en prenant une taffe de the. L'Acheteur 6c le Vendeur retournent alors au magafin ; & les marchandifes font fcellecs en prefence du Negociant Chinois. lis partent l'un & l'autre pour Maimatfchin ,• le Ruffe choiflt ce qui lui plaic, n'oubliant pas de fe premunir conrre la fraude par un exarnen tres-rigoureux. Lorfqu'il a fini, il a foin de laiffer, dans le magafin du Chinois, une perfonne de con- m Marchands portent toujours leur balance. L'or etant tres-rare parmi eux, l'argent eft la mefure du Commerce la plus commune. Lorfque. plufieurs Auteurs affurenT que les Ruffes tirent beaucoup d'argent de la Chine, ils etabliffent en fait general ce qui arrive feulement quelquefois. Pendant la guerre entre les Chinois 8$. les Calmouques, les premiers acheterent a Kiachta des provifions, d°s chevaux, des cha- meaux , qu'ils payerent en argent, & cela repandit en Siberie une fi grande quantite de ce metal, que fon prix tomba fort au-deffous de fa valeur intrinfeque. La livre d'argent, qui fe paie aujourd'hui 1 f a 16 roubles) n'en valoit alors fur les frontieres que 8 ou <>; mais, depuis que la reduction entiere des Calmouques fous Tautprit^ de l'Empereur de la Chine, a mis fin a la guerre, IzRuJJie recoit peu d'argent des Chinois. S. R. G. Ill, pag. f9 3 $ Its fuiv. L'argent importe a Kiachta vient fur-toift des Negocians de hBucharie; qui, apres avoir donne aux Chinois du betail en echange de ce metal , le livrent aux Ruffes en paiement des marchandifes d'Europe. lis appor- tent auffi quelquefois de la poudre d'or; mais la quantite de ces me- taux qui arrive a-Kiachta, eft fi peu confiderable, qu'eile*toerite a peine qu'on en faffe mention. Tout ce qu'il en vint, en 1777, n'exceda pas |8,if; roubles. frmce, ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. 289 fiance, qui veille fur les marchandifes jufqu'a ce qu'elles foient emmenees a Kiachta (a). Voici les principaux articles que la RuJJie exporte a la Chine. Fi 'ourrures E soie de la meilleure qualite eft icvalue • 150 roubles. De la derniere qualite 75 Les soies travajllees , que vendent les Chinois, font, de differentes fortes & de differens prix : on diftingue les fatins, les taffetas, les damas, les rubans, &c. Coton cru & travaille. Les Russes importent beaucoup de coton cruj comme il fert a envelopper les autres marchandifes de la Chine, on le conduit dans l'interieur de la RuJJie prefque fans frais. Le poude de coton fe vend de 4 roubles 80 copecs a 12.. Il se fait un debit prodigieux de coton travaille , auquel les Ruffes donnent le nom de kitaika: 6c les Anglois celui de nankin j c'eft la plus durable, 6c en proportion 1 U 811 ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. 293 de fa qualite, la moins chere de toutes les etoffes de la Chine; elle eft teinte en roux, bran , gris 6c noir. "This. Les thes qu'on amene en RuJJie ont une faveur 6c une qualite bien fuperieures a ceux qu'on envoie de Canton en Europe. 11 eft probable qu'originairement ce font les memes thes, mais on conjecture que le tranfport par mer diminue beaucoup fon parfum aromatiqueCLes Negocians Ruffes regardent comme l'article d'importation le plus avantageux , cette production devenue d'une con- fommation fi commune parmi nous. \\ La livre de the de la premiere qualite (a), eftevaluee a Kiachta % roubles. Du commun., 1 D'une qualite inferieure.. o 40 copecs. Porcelaines de toute efpece. Depuis quelques annees les Chinois amenent a Kiachta des porcelaines dont la peinture reprefente des figures Europeennes, 6c des fujets tires de la Mytholo- gie Grecque 6c Romaine. Des boites du Japon y des tables 6c des chaifes verniffees, d'autres boites incruftees de nacre de perle, 6cc. (a) A Pe'tersbourg, une livre de the yerd, de la premiere qualite, fe vend 3 roubles. Ifli il nil'" aft" I III ! II ill * i ll 294 JNOUVELLES DECOUVERTES Des ev entails , des joujoux 6c d'autres bagatelles. Des fleurs artificielles. Des peaux de tigre 6c de panthere. Des rubis (a) : mais les Chinois n'en vendent pas beaucoup 6c ces pierres ne font pas d'une grande vaieur. Du blanc de plomb; du vermilion & d'autres couleurs* Des canes. Du tabac. Du riz. Du fucre - Candi. Du gingembre confis; 6c d'autres confitures. De la rhubarbe (b). Du mufc. Il est tres-diffjclle de fe procurer le veritable mufc du Thibet; parce que les Chinois en achetent d'une mau- -vaife qualite, qui vient de la Siberie , 6c ils le melent avec celui que la Nature produit au I 'hibet (c). Chi ommerce avec les Chinois procure de grands; Avantages Le c Ruffle de ce avantages a la Ruffe : elle y trouve un debit lucratif de Commerce, fes produ&ibns, 6c en particulier de fes fourrures & de fes pelleteries. La plupart des fourrures qui viennent des parties riff (a) Les rubis font de contrebande. Les Ruffes vendent aufli aux Chinois, a tres-haut prix, des perles qui font defendues : les Chinois les enlevent avec empreffement, & on pourroit en faire une branch§ de commerce tres-utile. (b ) Nous ferons un Chapitre a part fur la Rhubarbe. Cc)S. R. G. HI, pag. J7i-J?i. Pallas Reife , P. Ill,pag. i44-s j5. Si ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 1Q$ les plus Orientales de la Siberie , font Ci mauvaifes, qu'elles ne valent pas les frais de tranfport en RuJJie j 6c celles qui fbnrprecieufes 6c qu'on vend tres-cher aux Chinois, n'auroient pas, a caufe de leur cherte, des Acheteurs dans les Domaines de la Czarine. La RuJJie the d'ailleurs de la Chine, en echange, plufieurs articles importans qu'elle feroit obligee de payer a tres*haut prix aux Puif- fances de 1'Europe , ce qui augmenteroit contr'elle la balance du commerce. J'ai deja observe quel'exportation 6C Importation des principaux articles de la Chine, etoient autrefois defendues aux particuliers : aujourd'hui il n'y a plus de prohibes que ceux-ci. Parmi les exportations; les armes a feu, & tout ce qui a rapport a l'artillerie; la poudre a canon 6c les balles; for & l'argent monnoye 6c en lingots; les etalons 6c les cavales : le poil de caftor; la potaffe , la refine , les galonsftf,) j parmi les importations; le fel, l'eau-de-vie, les poifons, la monnoie de cuivre 6c la rhubarbe. Les Negocians Russes paient de tres-gros droits : une grande partie des marchandifes eft raxee a.. 25 pour cent. Les fourrures , le betail 6c les provifions en paient un de 2,3 Les marchandifes forties des manufactures Ruffes 18 m 1 ( a) Il y a un grand profit a porter, en contrebande, des galons aux Chinois; car ils les paient prefque aufli cher que1 s]ils etoient d'argent maflif. S. R. G. Ill, pag. jS8. . i fk ffl Table des importations §t des expor- tauons. 296 Nouvelles decouvertes Les douanes percoivent d'ailleurs un par cent du prix de toutes les marchandifes, pour creuler le lit de la Selenga 6c 7 par cent pour l'entretien des Douaniers. Il y a quelques articles d'exportation 6c d'importation qui ne paient rien; on a mis , au nombre des premiers, le papier a ecrire , le papier royal 6c le papier de pofte; les etoffes de fahrique Ruffe de toute efpece 6c de toute couleur, le drap des payfails excepte: 6c au nombre des feconds, lesfatins;les cotons crusj laporcelaine, la faiance, le verre, le corail, les joujoux, leseventails, tous les inf- trumens de Mufique , les meubles, les ornemens verniflffs & emailles ; les aiguilles, le blanc de plomb, le riz; le gingenbre confit 6c d'autres confitures (a). La Table suivante montrera de quelle importance le commerce de la Chine eft pour la RuJJie. Exportations & importations de I'annee 1777 (aKiachta.) roubles cop. Les droits percusa la douane ont montea. 481,460 59^ L'importation des marchandifes de la' Chine , a., 1,466,497 3^ de for 6c de l'argent , a,.- t r,x 1 5 Total des importations.. 1,484,71 z 3- L'exportation des marchandifes ou productions Ruffes, a b 1,313,621 33 Ainfi la fomme totale des exportations 6c des importations a ete de......... . i,^68, 9 9? 33 3 (a) Pallas Reife, P. Ill, pag. iy+. La contrebande. ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. 297 La contrebande , qui forme un article tres-confide- rable, n'eft pas comprife dans ce calcul; &c f annee 1777,' n'ayant pas ete aufli favorable que les preceaentes (a) au commerce interlope , on peut eftimer, fur un taux moyen le commerce total de la Chine , a 4,000,000 de roubles. in (a) En 1770, 1771, 177* les droits percus a la Douane de Kiachta ont produit, fuivant M. Pallas , P. Ill, pag. if4 , 75°,°°° roubles. Si Ton prend un terme moyen entre cette fomme & celle de 481,460, montant des droits percus en 1777 , il fera de fij,7)°. Comme les droits percus en 1777 font a-peu pres la fixieme partie de la valeur totale des exportations & des importations ; en multipliant yi;,73o par 6, on aura pour la valeur totale ( moyenne ) des exportations & des importations, 3,094,580. Mais plufieurs articles ne paient rien, & le Commerce interlope etant evalue d'apres le taux le plus bas, au cinquieme des exportations & des importations} le total du Com-" tnerce de la Chine eft d'environ 4,000^000 de roubles. pP M 111! 3 "W . E2 aag^sg&fefcKga Psffl&«swj 2o8 Nouvelles decouvertes m Mti& m& CHAPITRE V. M. m BBSS Defcription de Zuruchaitu. Mill Description de Zuruchaitu; fon Commerce ; tranfport des marchandifes dans Vinti- rieur de la Siberie. J'ai donne, dans le Chapitre precedent, Ietat general du commerce de la RuJJie avec la Chine ^ parce qu'il fe fait ptefque tout a Kiachta. Ainfi, je ne m'arreterai pas long-temps fur la defcription de Zuruchaitu, autre place ou le Traite de Kiachta avoit fixe l'entrepot de ce commerce. Zuruchaitu , eft fitue par 137 degres de longitude; & 49 degres zo minutes de latitude Nord, fur la branche occidentale de la tiviere Argoon a peu de diftance de fa. fource. On y entretient une petite garnifon, & on y voit quelques mauvaifes baractues entourees de chevaux de frife. Aucun Negociant tveft etabli dans cette place; ils y arrivent tous les etes de Nershinsk , 6c des autres villes de la Czarine, afin d'y faire des echanges, avec deux deta- chemens des troupes Mongoles; ces troupes pattent des villes Chinoifes de Naun 6c de Merghen, 6c elles fe trouvent fur les frontieres, aux environs du mois de Juillet; elles campent pres de Zuruchaitu , de l'autre cote de YArgoon y 6c elles echangent, avec les Negocians de la Siberie . un petit nombre d'Articles de la Chine. entre lasie et lamerique. 299 Le commerce de Zuruchaitu etoit autrefois plus confiderable ; mais il eft aujourd'hui reduit a fi peu de chofe, qu'il merite a peine qu'on en parle. Les Mongols four- niflent, au diftrid de Nershinsk , du mauvais the 6c du tabac, des foies de mauvaife qualite, 6c des cotons d'une qualite ordinaire-, ils recoivent des fourrures communes, des etoffes, du betail 6c du cuir de RuJJie. Ces echanges durent environ un mois ou fix femaines; 6c les douanes ne rapportent gueres plus de 500 roubles annuellement. Vers le milieu du mois d'Aout, les Mongols sen vont; les uns fe rendent a la Chine , & fes autres defcendent le fleuve d'Amoor jufqu'a fon embouchure , afin d'obferver, fi les Ruffes n'ont pas outrepaffe les limites. En meme- temps, les Negocians Ruffes retournent a Nershinsk, 6c fans la petite garnifon qu'on y laiffe, Zuruchaitu feroit alors inhabite (a). Les marchandises de RuJJie , fe tranfportent par Tranfport terre de Petersburg 6c de Mofcow a Tobolsk : de-la les des marchan- dues de la Negocians peuvent les embarquer fur Ylrtish , jufqu'a la Ruffie&dela jondion de ce fleuve avec 10by: quand on eft fur Wby iSS^fe on remorque les bateaux, ou on les fait marcher a voile , la Siberie. jufqu'a Narym, ou on entre dans leKet, qu'on remonte jufqu'a Makojfskoi- Oflrog. Ici les marchandifes font conduces par terre, l'efpace de 90 verftes jufqu'a YYeniJfei; on les rembarque fur cette riviere , la Tunguska, 6c YAngara , jufqu'a Iakutskj elles traverfent le lac Baikal 6c elles remontent la Selenga prefque jufqu'a Kiachta. (a) S. R. G. Ill, pag. 46;. Pallas Reife, P. Ill, pag. 4z8. P p-y tiikii I Pi «i 300 Nouvelles decouvertes Il est si difficile de remonter les courans de tanc de rivieres rapides, que cette navigation peut a peine s'achever dans un ete (a). C'eft pour cela que les Negocians preferent ordinairement la route de terre. Lafoire de Tibit, pres de Tobolsk eft leur rendez-vous general; de-la ils vont l'hiver, en cratneaux, jufqu'a Kiachta , ou ils arrivent aux environs du mois de Fevrier, temps ou fefait le principal commerce avec les Chinois. Ils achetent fur leur chemin, toutes les fourrures qu'ils trouvent dans les petites villes, 011 on les apporte des cantons d'alentour. Lorfqu'ils s'en reviennent au printemps, amenant les marchandifes 6c les productions de la Chine, qui font d'un poids 6c d'un volume plus gros que celles des Ruffes, ils fuivent la route d'eauj ils defcendent les courans de la plupart des rivieres , telles que la Selenga , YAngara , la Tunguska, le Ket 6c YOby, jufqu'a fa joncfion avec Ylrtish : ils remontent ce fleuve jufqu'a Tobolsk, & ils continuent leur route par terre, jufqu'a.Mofcow 6c P/~ tersbourg. Tranfport Avant qu'on eut decouvert , en 1716, le paffap-e ucs fourrures duKamtchat- $ Ochotsk a Bolcheresk | la feule communication entre ka a Kiachta. je Kamtchatka 6c la Siberie , fe faifoit par terre j on fe rendoit par Anadyrsk a Yakutsk. Les fourrures (b) du (a) Quelques - unes de ces rivieres font feulement navigables au Printemps , lorfque la neige fe fond : en hiver , elles font gelees pour l'ordinaire. ( b) Les fourrures qu'on debarque communement fuj; la cote orientale du Kamtchatka, s-'envoient par mer a Bolcheresk , ou fe tranf- portent fhiver a travers la Peninfule, fur des Traineaux menes par ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE. 30I Kamtchatka 6c des Ifles a l'Eft font maintenant conduites par eau , de cette Peninfule a. Oohotsk; de-la a Yakutsk fur le dos des chevaux ou par des rennes: les chemins paffant a travers un pays montueux 6c efcarpe, ou des forets mare- cageufes, font fi mauvais, que le voyage dure au-moins fix femaines. Yakutsk eft fitue fur la Lena, 6c c'eft la principale ville ou on amene les belles fourrures, lorfqu'on les conduit a Kiachta ; on les y mene egalement du Kamtchatka 6c des parties Septentrionales de la Siberie qui giffent fur les rivieres de la Lena , de YYana 6c de YJnd'girka. On s'embarque a. Yakutsk , fur la Lena , les petits navires remontent cette riviere jufqu'a Vercholer.sk ou meme jufqu'a Katsheg; de-la on prend la route de terre pendant quelque-temps jufqu'a la petite riviere de Burgul- deika : on la defcend jufqu'au lac Baikal; on traverfe ce lac, jufqu'a l'embouchure de la Selenga , qu'on remonte jufqu'aux environs de Kiachta. Afin de donner au Le&eur une idee de cette vafte etendue de pays, que les marchandifes traverfent ordinai- rement par terre, je vais joindre une mefure des diftances. Ii y a de P etersbourg a Mo flow.... 734 verftes. de Mofcow a Tobolsk 2385. de Tobolsk a Irkutsk 19 1 8. di Irkutsk a Kiachta 471. 6508. des chiens : c'eft la methode qu'on fuit dans le pays a cette faifon de Tannic Les tranfports fontinterrompus Tete, parce que la Peninfule manque de boeufs, de chevaux & de rennes. S. R. G. Ill, pag. 478. 9M If if I -J 302 Nouvelles decouvertes Il y a d'Irbit a Tobolsk 410 verftes. dt Irkutsk a Nershinsk 11z?. de Nershinsk a Zuruchaitu. . . 370. dYOchotsk a Yakutsk 92.7. dYYakutsk a Irkutsk 2.43 3. de Selenginsk a Zuruchaitu. . 850. de Zuruchaitu a P.ekin 1588. de Kiachta a Pekin 15 3 z. Les Chinois tranfportent leurs marchandifes a. Kiachta principalement fiir des chameaux. 11 y a quatre ou cinq jours de chemin de Pekin a. la muraille de la Chine g & 45 de-la a travers le defert des Mongols jufqu'a Kiachta (a). O) Pallas Reife, P. Ill, pag. 134. ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQUE, 303 -j^^szCg?=2ijU. •%* CHAPITRE VI. Rhub ajibb de la Tartarie ? qu'amenent a Kiachta les Negocians de la Bucharie; maniere dont on examine & dont on achete les racines; differentes efpeces de Rheum qui donnent la plus belle Rhubarbe; Prix de la Rhubarbe en Ruffle? Exportation ; fupJriorite de la Rhubarbe de Tartarie fur celle de /'hide. A Russ 1E 6c les Indes orientales fourniffent de la rhubarbe a toute YEurope. II y a deux fortes de racines; l'une eft connue fous le nom de rhubarbe de Turquie, parce qu'on la tiroit autrefois du Levant, ou on l'achetoit des Turcs qui la tiroient des Buchariens par la Perfe. Elle a confetve cette denomination , quoique fentrepot ne foit plus a Conflantinople, mais a Kiachta, ou les Negocians de Bucharie l'apportent aujourd'hui aux Ruffes. Cependant plufieurs Auteurs lui donnent quelquefois les noms de rhubarbe de RuJJie , de Tartarie , de Bhubarbette Bucharie 6c du Thibet. Elle nous vient de RuJJie en gros Tartarieoud« , , ° Tnrrmie. morceaux arrondis, fans ecorce, & perces d un trou au milieu. Elle eft, a l'exterieur, d'une couleur jaune, &, quand on la coupe, on la voit bigarree de rayures d'un rouee tres - vif. Turquie. ahs WSi i l SSH i j©4 Nouvelles decouvertes Rhubarbe La seconde espece eft appellee, par, les Droguiftes; dellnde. rbubarbe de Ylnde; elle nous vient de Canton en mor- ceaux plus longs , plus durs , plus pefans 6c plus compares que la premiere; elie eft aufli plus aftringente 6C fon parfum eft moins aromatique; mais, comme elle eft a bon marche , on s'en fert plus generalement que de celfe de Tartarie ou de Turquie. Le Gouvernement Ruffe s'eft referve, ainfi qu'on l'a dir, le privilege exclufif d'acheter & de vendre la rhubarbe ; elle eft amenee a Kiachta par des Negocians de Bucharie, qui ont un traite pour fournir cette racine a la Couronne, en echange de fourrures; ils viennent de la Ville de Selin , fituee au Sud-Oueft deKoko-nor ou du Lag Bleu, du cote du Thibet. Selin 6c toutes le Villes de la petite Bucharie, telles queKashkar, Yerken, A;trar, 6cc. dependent de la Chine. La meilleure rhubarbe qu'on achete a Kiachta croit fur une chaine de rochers: ces rochers tres-eleves, & la plupart fans bois, fe trouvent au Nord de Selin , 6c Laplantede s'etendent jufqu'a Koko-nor. On reconnoit les bonnes la rhubarbe v . . , , croit fur les racines a des tiges larges & epaiffes. Les 1 anguts qu on montagnes ernploie a les titer de terre , commencent leurs travaux de la petite ' r . ,,. .. ' , , .' . 5 ^ucbarie. au mois dAvnl ou de Mai. Au moment ou lis les arra- chent, ils les nettoient & ils les fufpendent aux arbres voifins pour les lailTer fecher, Us les portent aux Nego-r cians de Bucharie. Apres fes avoir enveloppees dans des facs de laine, ils en ecarterit avec foin la plus legere humidite; ENTRE LASIE ET l'AMERIQU E. 30^ humidite ; 6c on les amene ainfi emballees a Kiachta fiir des chameaux. L'Empereur de la Chine a defendu, fous" les peines les plus feveres, l'exportation de la rhubarbe de la premiere qualite ; mais il en arrive une affez grande quantite en Europe, parce qu'on la mele fecretement avec les racines moins bonnes, & qu'on la fait entrer en contrebande fans aucun melange. Le College de Commerce de P"etersbourgpeut feul recevoir cette drogue; 6c il nomme pour cela'des Agents a Kiachta : on la choifit avec beaucoup Examen des j r ■ 11 n. ■ ' '1- j tvt' • racines a de loin; elle eft examinee, en prefence des Negocians Kiachta. Buchariens, par un Apothicaire que le Gouvernement en- tretient dans cette Ville. Toutes les racines mangees des vers font rejettees: celles qui paroiffent bonnes font per- cees, afin de voir fi finterieur n'a rien de gate ; 6c on coupe en petits morceaux toutes celles qui ont fair d'etre un peu endommagees. Cette operation retranche un fixieme de celles que les Vendeurs jugeoient excelleutes > le rebut eft jette au feu, pour qu'on ne le ramene pas au marche l'annee fuivante (a). LinnjEus a diftingue les differentes efpeces de rhu- Differentes barbe, par les noms de Rheum palmatum , Rheum rha- rhubarbe.6 (a) Pallas Reife Part. Ill, pag. 1 fy-if9. Lorfque M. Pallas etoit a Kiachta, le Negociant Bucharien , qui fournit de la rhubarbe a la Couronne , apporta quelques morceaux de rhubarbe blanche, ( Von Milchveiflen rhubarber) qui avoient une faveur douce, & qui produifoient les memes effets que celle de la premiere quality. <2i I *s3 P Mi' 306 Nouvelles decouvertes phonticum(a), Rheum rhabarbarum , Rheum compaclum 6c Rheum ribes. Les Botanistes difputent depuis Jong-temps fur celle de ces efpeces qui eft la veritable; 6c cette queftion n'eft pas encore refolue d'une maniere fatisfaifante. Suivant l'opinion la plus commune, c'eft le Rheum palmatum ( b). La graine de celle -ci, qu'on obtint jadis d'un Negociant de la Bucharie , s'eft repandue dans les principaux Jar- dins Botaniques de YEurope. Depuis cette epoque , elle a ete cultivee parmi nous avec beaucoup de fucces. Le favant Docteur Hope , Profeffeur de Medecine 6c de Botanique a l'Univerfite dYEdimbourg , ayant eflaye la poudre de cette racine, ( du cru d'Europe ) dans la dofe qu'on adminiftre la rhubarbe. etrangere, a reconnu qu'elle produit les memes. effets, 6c on a conclu de - la , avec affez de vraifemblance, que c'eft f efpece qui donne la veritable rhubarbe. Cette induction n'eft cependant pas tres - sure j les memes epreuves, faites fur les racines du Rheum rhaphonticum 6c du Rheum rhabarbarum , ont eu le meme fucces. Rheum rha- Les feuilles du Rheum rhaphonticum font arrondies & phonticum. 1 r • 1 1 * t r^ . r ^ r quelquefois plus larges que longues. Cette elpece le Ml? {a) Voyei Tedition de ^Murray du Syftema Vegetab. de Linnee- Gott. i774> dans les premieres editions, le Rheum Rhabarbarum porte le nom de Rheum Undulatum. (b) M. Pallas j a qui je dois ces details fur la rhubarbe ce la Tartarie & de la Chine, m'a affure qu'il n'a jamais troifve le Rheum. Palmatum dans aucune partie de la Siberiet. \\ ENTRE L'AsiE ET l'AmeRIQLE. 3 07 trouve, en abondance, dans les deferts marneux 6c fees qui font entte le Wolga 6c YYaik (a), du cote de la mer Cafpienne. C'eft probablement de celle - ci que le nom de Rha , ( denomination du Wolga chez les Tartares ) a ete donne par les Medecins Arabes a plufieurs efpeces de Rheum. Mais les racines, qui croiffent dans ces plaines echauffees du Soleil, font un peu trop aftrin- gentes, & il y a bien des cas ou elles ne doivent pas etre adminiftrees. Les Calmouques fappellent Badshona ou ftomachique. Les rejets de cette plante, qui pouffent en Mars 6c en Avril , paffent pour un bon anti-fcorbSfe- tique , 6C les Ruffes s'en fervent fouvent comme ayant cette propriete. Le Rheum rhaphonticum ne fe trouve point a l'Oueft du Wolga. Les graines de cette efpece ont produit, a Petersbourg , des plantes beaucoup plus groffes que les fauvages ; les feuilles etoient larges, de forme un peu ronde 6c approchante de celle du cceur. Le RHEUM RHABARBARUM croit dans les fentes Rheum rha- des rochers fteriles, 6c fur le gravier 5 on le trouve barbarum. plus particulierement dans les vallees du pays pittoref- que qui eft ficue au-dela. du lac Baikal. II ne pouffe pas avant la fin d'Avril , 6c il refte en fleur tous le mois de Mai. Les Tartares mangent criies les tiges de la feuille : elles produifent prefque toujours, fur les perfonnes qui n'y font pas accoutumees , une efpece de contraction fpafmodique a la gorge, laquelle fe diffipe en quelques (a) L'yaik tombe dans la mer Cafpienne, a environ quatre degres a l'Eft du Volga. $$$¥ ^\\m^mm. nH It 308 Nouvelles decouvertes heures j mais cet effet revient chaque fois qu'on en prend, jufqu'a ce qu'on y foit habitue. Les Ruffes mettent de ces feuilles dans leurs hochepots: ce mets fait fur les etrangers 1'effet qu'on vient de dire. En Siberie, on con- fit la tige , & c'eft un ufage parmi les Allemands de fervir a leurs tables, en place de choux-fleurs, les bourgeons de cette plante, ainfi que du Rheum palmatum* ■UjB Rheum rha- Lje Rheum RHAPHONTICUM , qui croit ordinaire* phonticum. \\ 1 r 1 ment pres des torrents, a prefque toujours, comme le Rheum rhabarbarum de Siberie , la partie fuperieure de Yes racines pourrie, a caufe de la trop grande humidite: il n'y a qu'une tres-petite portion de l'extremite inferieure qui foit bonne. Le College de Medecine de RuJJie fait recueillir, en Siberie, une grande quantite de ces racines pour les Hopitaux Militaires, & il f ordonne fous le nom de Rhapontia. Mais les hommes employes a. les tirer de deffous terre, 6c a les preparer, font fi peu inftruits, qu'ils perdent les meilleurs fucs. Ces racines devroient etre recueillies au printemps , immecfiatement apres h fonte des neiges, lorfque la plante conferve toute fa faveur & toute fa force; cependant on ne fait pas cette recolte avant le mois d'Aout, epoque ou elles font gatees par l'accroiffement de la tige & 1'expanfion des feuilles. J'ajou- terai que ,des que les racines font arrachees, on les coupe en petites tranches pour les fecher , methode qui dimi- nue fenfiblement leurs proprietes. Maniere de fecher les ra- les memes racines qui produifoient peu d effet pre- rhaphonti- parees fuivant la methode ordinaire, font devenues excel- cum. **«> ENTRE L'AsiE ET l'AmERIQUE. 309 lentes lorfqu'on les a fechees avec les precautions conve- nables. Voici la methode que fuit M. Pallas : des qu'on a tire les racines, on les fufpend autour d'un poele, on les feche peu -a- peu; elles fe degagent de la terre qui couvroit leur enveloppe: quoiqu'on les cueille en automne, elles acquierent ainfi la couleur, le tiffu & les qualit.es purgatives de la meilleure rhubarbe , & elles produifent, a tous egards, les memes cffets. Un Apothicaire Allemand , nomme Zuchert ; fit de femblables epreuves, avec autant de fucces, fur le Rheum rhabarbarum 6c le Rheum rhaphonticum , qui croit dans toute fa perfection fur les montagnes des environs de Nershinsk. II en forma des plantations fur le penchant d'un rocher (a ) couvert d'un pied de bon terreau, 6c d'une quantite egale de fable 6c de gravier. Si fete etoit fee, il laiffoit les plantes en terre, mais fi la faifon etoit pluvieufe, apres avoir cueilli les racines, il les expofoit quelques jours a. l'ombre pour les fecher, & enfuite il les replantoit. Par cette methode, il eut, en fept ou huit ans, des racines tres-groffes 6c tres-faines, que la couche du rocher avoit empeche de penetrer trop avant; 6c un fcrupule de ces racines fechees avec foin , produifoit autant d'effet qu'une demi-drachme de rhubarbe de Tartarie. >t Plantation de rhubarbe en Siberie. Les racines du Rh. rhaphonticum & du Rh. rhabarbarum , produifent quelquefois les memes effets que la rhubarbe de Tartarie. (a) Pour qu'une plantation de Rhubarbe reuflifle bien, & procure des racines faines & fecnes, on a befoin d'un fol leger appuye fuf une bafe de roche ou Thumidite filcre aifement. hi I fWW 'W lirli 310 Nouvelles decouvertes Il suit , des Obfervations precedentes, qu'outre le Rheum palmatum, il y a d'autres plantes dont les racines ont la meme apparence .& produifent les memes effjbis , que la meilleure rhubarbe. D'apres des recherches fiites a Kiachta , fur la forme 6c les feuilles de la plante qui donne celle- ci, il paroit que ce n'eft pas le Rheum palmatum , mais une efpece qui a des feuilles arrondies & a languettes, 6c probablement le Rheum rhaphonticum. M, Pallas, pendant fon fejour dans cette Place, demanda des eclairciffemens a un Negociant de Bucharie , qui four- nit actuellement cette drogue a la Couronne , & la defcription qu'on lui donna de la plante, repond a celle du Rheum raphonticum. L'exactitude de cette defcription fut confirmee par des Voyageurs Mongols , qui avoient ete aux environs de Koko-nor 6c du Thibet , & qui avoient vu la rhubarbe telle quelle croit fpqntanement fur ces montagnes. D'ailleurs les experiences faites par Zuchert, & par d'autres, fiir les racines du Rheum rhabarbarum 6c du Rheum rhaphonticum , prouvent affez que ces racines font un excellent purgatif. Mais comme le pere du Negociant de Bucharie, dont on vient de parler, donna, a M. Pallas, de la graine du Rheum palmatum, en lui difant que cette graine prdduiroit la veritable rhubarbe , il y a lieu de croire que jes Afiatiques recueillent indifferemment ces trois efpeces, le Rheum palmatum, le Rheum rhaphonticum 6c le Rheum rhabarbarum, lorfquils les trouvent dans un clitnat plus fee & plus doux , & que la-groffeur de ii ENTRE L'ASIE ET l'AmERIQUE. jlf la plante femble promettre une belle racine. Peut-etre ilyaproba- la difference remarquable, qu'on appercoit entre les diffg- fj^J-sef'v rens morceaux de rhubarbe qui s'exportent a Kiachta, cesdeplantes- provient-elle de ce qu'on cueille indiftinctement les racines ftntlav^rka-. de trois efpeces. II eft siir qu'elles croiffent routes les Me rhubarbe. trois fur les montagnes du Thibet , 6c fans la moindre culture j 6c celles qu'on voit pres de Koko-nor 6c aux environs de la fource du Koango , font reputees les meilleures. Autrefois la Couronne de RuJJie s'etoit refervee l'exportation de la rhubarbe en pays etrangers; & les Agens feu'ls du Gouvernement pouvoient faire ce commerce ; mais l'Imperatrice actnelle a detruit ce monooolej & tout le monde exporte-aujourd'hui de la rhubarbe de Pe'tersbourg en payant les droits. Le College de Commerce en fait la premiere vente au profit du Souverain, 8c la conferve dans les Magafins de la Capitale: il en fixe toutes les annees le prix courant. Les Negocians de Bucharie lechangent a. Kiachta Prix de la , r • i n ' i ' v rhubarbe ea contre des fourrures : ce premier achat elt evaiue a Ru{j-ie> i 6 roubles le poude. En y ajoutant le falaire des Com- miflionnaires qui fach'etent &.de l'Apothicaire qui l'exa- mine, 6c les autres depenfes neceffaires,le prix du poude, pris a Kiachta, revient a 2.5 roubles g on en compte cinq de plus pour les frais cfe tranfport des frontieres de la Siberie a Pe'tersbourg ; ainfi, le poude coute 3 o roubles a la Couronne. L'exportation la plus confiderable qu'on ait jamais fait de la rhubarbe de RuJJie, eut lieu en 17 6 y, on en exporca cette annee 1350 poudes a 65 roubles chacun. . ifc^ r v 94 Jt2 Nouvelles decouvertes Exportation de la Rhubarbe de Saint-Petersbourg. fa 76 I dollars Hoi- v En 1777, on en exporta x$ poudes! landoifes (a) , ou 13 livres J91 roubles 30 copec* [le poude. En 1778 , 13 poudes 7 livres , a 80 dollars ou 96 roubles. En 1778 , les Negocians de Bucharie en amenerent 1055 poudes a Kiachta , parmi lefquelles il y en avoit 680 & 19 livres de choifie. La confommation interieure qui sen fit, en 1777, dans tout l'Empire de RuJJie., monta feulement a fix poudes cinq livres (b). Superiority La superiority de la rhubarbe de Tartarie, fur celle de la rhubar- , . , ~ . 111 1 'r be de Tartar °iu on Clre de Canton , vient probablement des caufes ne fur celle QUe Voici>lU de l'Inde. ^UC V 1C * i.° Les parties meridionales de la Chine ne con- vienjnent pas a cette plante , autant que les montagnes de la petite Bucharie. > a.° Celle qu'on achete des Chinois, a Canton, ne s'examine pas aufli foigneufement que celle qui s'achete des Buchariens a Kiachta. Les Negocians qui l'achetent a Canton font obliges de la prendre en gros, fans feparer les mauvaifes racines, 6c fans couper les parties gatees. 3.0 Il est probable aufli qu'une longue navigation nuit a. la rhubarbe, a caufe de i'humidite quelle contradte pendant le voyage. (a) On evalue ici la dollar d'Hollande a une rouble 20 copecs. (b) Ce caleul ne comprend que la rhubarbe achetee aux differens Magafins dp. College de Commerce > il faut y ajouter ce qui entre en eontrebande. TABLE 313 Bs;t^^fcs:s*^.*3gaay^fy3fg*3»^x«j£CT:na^ T j $ Des Longitudes & des Latitudes. ai cru devolt , pour la commo^ite des Le<3etirs, reunir, dans une meme page, la Longmide 6c h Latitude des principaux endroits, dont parle cet Ouvrage. La Longitude eft comptee du premier meridien de l'lfle de Fer, & de cekiide l'Obfervatoire K<§^al de Greenvich\\ La difference de Longitude entre Greenwich &cpyifie de Fer eft de ijA 34' 45". La Longitude des endroits marques d'une etoile * a ete prife par des Obfervations Aftronomiques. LONGITUDE. & Pe'tersbourg.... . . * Mojcow || Archangel * Tobolsk ^ Tomsk * Yrkutsk fy Sflenglnsk Kiachta M Yakutsk #• Ochotsk * Bolcheresk jf Port de Saint-Pierre & Saint- Paul. Extremire orientale de la Siberie {Suivant liCarte teener, de RuJJie. UnalasAkOvlSo*™"* la Carte Jde Krenitiin & Ide Levasheff. MH ty.fi ! 1 i-'^m J? ■Tl : (a) J'ai omis les Secondes dans la Longitude de Greenvich. FIN. 3*4 APPROBATION. J'a i Lu^kpar ordre de Monfeigg&iftle Garde des Sceaux, un Manufcrit s intitule j Noiifelles De'- couvertes faites par les Ruffes , entre VAjie & VAmerique : traduit de VAnglois de M. Coxe ; 8c je n'y ai rien trouve qui m'ait paru devoir en ^mpecher l'impretfion. A Paris, le 16 Novembre 1780. Signe, SUARD. Fib f r f! ,_ W M. D C C. L X X X I. =-■ s??iB| en r- im ml 1 4 u ^ - rV wm m HI 'at*-, m B5|b H KJiWMLLij^Mfti'W^Bma^ ^H >m.x ■ ■P ,* ES ft I^^HI IP ^9 """@en, "French translation
Includes bibliographic references
Other copies: http://www.worldcat.org/oclc/503583978"@en ; edm:hasType "Books"@en, "Travel literature"@en ; dcterms:identifier "F5907 .C842 1781"@en, "II-0130-vi"@en ; edm:isShownAt "10.14288/1.0305875"@en ; dcterms:language "French"@en ; edm:provider "Vancouver : University of British Columbia Library"@en ; dcterms:publisher "Paris : Hotel de Thou"@en ; dcterms:rights "Images provided for research and reference use only. For permission to publish, copy, or otherwise distribute these images please contact digital.initiatives@ubc.ca."@en ; dcterms:source "Original Format: University of British Columbia. Library. Rare Books and Special Collections. F5907 .C842 1781"@en ; dcterms:subject "Discoveries in geography--Russian"@en, "Islands of the Pacific"@en, "Siberia (Russia)--History"@en ; dcterms:title "Les nouvelles découvertes des Russes, entre l'Asie et l'Amérique, avec l'histoire de la conquête de la Sibérie & du commerce des Russes & des Chinois"@en ; dcterms:type "Text"@en ; dcterms:description ""@en .