"Arts, Faculty of"@en . "French, Hispanic, and Italian Studies, Department of"@en . "DSpace"@en . "UBCV"@en . "Lavigne, Daniel"@en . "2011-03-04T17:55:07Z"@en . "1972"@en . "Doctor of Philosophy - PhD"@en . "University of British Columbia"@en . "Caylus, graveur et archeologue, a ecrit pour se delasser, un nombre considerable d'ouvrages dont une bonne partie est restee inedite. Le but de cette etude est de presenter et d'analyser son oeuvre litteraire, qui n'a fait jusqu'ici l'objet d'aucun travail comprehensif.\r\n\r\nEcrivain amateur, Caylus s'est essaye a peu pres ai tous les genres: essais moraux, comedies de societe, parades litteraires, nouvelles galantes, contes orientaux, contes de fees, contes licencieux, romans-memoires et recits facetieux dans la veine poissarde. Une grande partie de son oeuvre editee est reunie dans les douze volumes des Oeuvres Badines.\r\n\r\n\r\nLes oeuvres les mieux connues de Caylus sont: l'Histoire de M. Guillaume cocher (1737), Les Ecosseuses ou les oeufs de Paques (1739), Les Faeries nouvelles (1741), les Soirees du Bois de Boulogne ou nouvelles francaises et anglaises (1742), les Contes orientaux (1742) et les recueils Merits en collaboration avec les notes de la Societe du bout du banc, Les Etrennes de la Saint-Jean (1742) et le Recueil de ces Messieurs (1745).\r\nL\"oeuvre romanesque de Caylus fait echo aux diverses modes litteraires de l'epoque: les fecits poissards s'inscrivent dans la mode de l'encanaillement des annees trente et quarante; les contes orientaux dans celle de l'orientalisme provoquee par la traduction des Mille et une nuits. Les Soirees du Bois de Boulogne, malgre le cadre emprunte a la tradition boccacienne, par le ton serieux et parfois tragique, restent dans le sillage de la nouvelle galante qui attire encore at l'epoque un bon nombre de lecteurs. Avec les Faeries Nouvelles et Cinq contes de fees, Caylus tente de faire revivre le conte de fees classique en l'agrementant de l'esprit contemporain.\r\n\r\n\r\nCaylus sait, selon le genre, adopter plusieurs tons: lourd et grave dans ses essais, serieux et parfois pathetique dans ses nouvelles, ses romans et ses comedies, fidele au style oriental dans ses contes orientaux, il montre une grande desinvolture dans ses contes de fees et ses faceties. II garde souvent vis-a-vis de sa narration, une distance ironique qui lui permet de s'observer\r\na l'oeuvre et de se moquer de l'illusion fictive qu'il cherche a creer. A cet effet, dans ses prefaces, il utilise plusieurs subterfuges auxquels les romanciers de l\u00E2\u0080\u0099epoque ont recours pour justifier leur fiction. Ainsi, dans l'une, il declare malicieu-sement qu'il a trouve le manuscrit qu'il presente au public a titre d'editeur, et dans l\u00E2\u0080\u0099autre, que les faits qu'il rapporte sont vrais et authentiques.\r\nLes themes de predilection dans ses essais et dans sa fiction,\r\nsont des problemes moraux, traditionnels et modernes, qui recueillent la faveur des esprits dans la premiere moitie du dix-huitieme siecle: l\u00E2\u0080\u0099amour-propre et ses manifestations, l'a-mour et l'amitie, le bonheur et ses conditions et la survivance morale de l'individu dans une society corrompue. Le theme du jeune homme faisant son apprentissage de la vie en societe est courant dans l\u00E2\u0080\u0099oeuvre romanesque de Caylus. Dans les essais, il se montre plus hardi en abordant des problemes qui retiennent particulierement l\u00E2\u0080\u0099attention des philosophes. La position de Caylus, face a la religion, la loi naturelle, les passions et le gouvernement, cadre a peu pres avec celle des encyclopedistes de qui il se dit pourtant l'ennemi.\r\n\r\nAu fond moral de son oeuvre, s'integre une critique des moeurs qui ne s'eieve guere au-dessus des poncifs de la production\r\nlitteraire de l'epoque. Caylus fustige en particulier, l'empire du bei esprit et de la galanterie ainsi que l'ignorance et l'oisivete des grands.\r\nLes meilleurs ouvrages de Caylus sont ceux ou l'imitation des genres a la mode, cdede la place ea l'observation directe de la realite. Libre a l'egard de toute tradition litteraire, il a pu mettre en oeuvre ses dons d'observateur et sa curiosity naturelle\r\npour le fait saillant, et, en meme temps, laisser libre cours a sa fantaisie facetieuse. Caylus fut ainsi un initiateur du genre poissard et ses Ecosseuses ou les oeufs de Paques, se classent parmi les meilleurs Merits du genre.\r\nL'oeuvre romanesque de Caylus a connu une certaine vogue au dix-huitieme siecle parce qu'elle faisait revivre les gouts et les preoccupations morales et sociales contemporaines, mais pour le lecteur moderne, elle offre peu d'interet: le contenu moral a perdu son actualite et le support romanesque a vieilli. L'interet principal reside dans la portee historique de l'oeuvre: elle reste un document vivant sur la vie dans la premiere moitie du dix-huitieme siecle."@en . "https://circle.library.ubc.ca/rest/handle/2429/32080?expand=metadata"@en . "\5l3\ LE COMTE DE CAYLUS MORALISTE ET CONTEUR by DANIEL MARCEL LAVIGNE B.A., University of Ottawa, 1960 B.Ed., University of Ottawa, 1961 M.A., University of Washington, 1964 A THESIS SUBMITTED IN PARTIAL FULFILMENT OF THE REQUIREMENTS FOR THE DEGREE OF DOCTOR OF PHILOSOPHY in the Department of FRENCH We accept t h i s thesis as conforming to the required standard THE UNIVERSITY OF BRITISH COLUMBIA December, 1972 In presenting t h i s thesis in p a r t i a l fulfilment of the requirements for an advanced degree at the University of B r i t i s h Columbia, I agree that the Library shall make i t freely available for reference and study. I further agree that permission for extensive copying of t h i s thesis for scholarly purposes may be granted by the Head of my Department or by his representatives. It is understood that copying or publication of this thesis for financial gain shall not be allowed without my written permission. Department of French The University of B r i t i s h Columbia Vancouver 8, Canada DISSERTATION ABSTRACT Caylus, graveur et arch^ologue, a e'er i t pour se d^lasser, un nombre considerable d'ouvrages dont une bonne partie est rest6e in\u00C2\u00A3dite. Le but de cette \u00C2\u00A3tude est de presenter et d'analyser son oeuvre l i t t ^ r a i r e , qui n'a f a i t j u s q u ' i c i l'objet d'aucun t r a v a i l comprehensif. E c r i v a i n amateur, Caylus s'est essay\u00C2\u00A7 a peu pres ai tous les genres: essais moraux, comedies de soci^te, parades l i t t ^ r a i r e s , nouvelles galantes, contes orientaux, contes de f\u00C2\u00A3es, contes licencieux, romans-m\u00C2\u00A3moires et r e c i t s fac^tieux dans l a veine poissarde. Une grande partie de son oeuvre 6dit6e est r6unie dans les douze volumes des Oeuvres Badines. Les oeuvres les mieux connues de Caylus sont: l ' H i s t o i r e de M. Guillaume cocher (1737), Les Ecosseuses ou l e s oeufs de Paques (1739), Les Faeries nouvelles (1741), les Soirees du Bois de Boulogne ou nouvelles francaises et anqlaises (1742), les Contes orientaux (1742) et les r e c u e i l s Merits en collaboration avec les notes de l a Soci6t6 du bout du banc, Les Etrennes de l a Saint-Jean (1742) et l e Recueil de ces Messieurs (1745). L\"oeuvre romanesque de Caylus f a i t 6cho aux diverses modes l i t t ^ r a i r e s de l'6poque: les f\u00C2\u00A3cits poissards s'inscrivent dans l a mode de 1'encanaillement des ann6es trente et quarante; les contes orientaux dans c e l l e de 1'orientalisme provoqu^e par l a traduction des M i l l e et une n u i t s . Les Soirees du Bois de Bou-logne , malgr\u00C2\u00A3 l e cadre emprunte ci l a t r a d i t i o n boccacienne, par le ton s^rieux et parfois tragique, restent dans l e s i l l a g e de l a nouvelle galante qui a t t i r e encore at l'6poque un bon nombre de lecte u r s . Avec les Faeries Nouvelles et Cinq contes de f&es, Caylus tente de f a i r e revivre l e conte de f\u00E2\u0082\u00ACes classique en 1'agrementant de 1'esprit contemporain. Caylus s a i t , selon l e genre, adopter plusieurs tons: lourd et grave dans ses essais, s#rieux et parfois path^tique dans ses nouvelles, ses romans et ses comedies, f i d e l e au s t y l e o r i e n t a l dans ses contes orientaux, i l montre une grande d^sinvolture dans ses contes de \u00C2\u00A3&es et ses f a c ^ t i e s . II garde souvent v i s - a - v i s de sa narration, une distance ironique qui l u i permet de s'obser-ver a\" 1'oeuvre et de se moquer de 1 ' i l l u s i o n f i c t i v e q u ' i l cherche a cr\u00C2\u00A3er. A cet e f f e t , dans ses prefaces, i l u t i l i s e plusieurs subterfuges auxquels les romanciers de l*6poque ont recours pour j u s t i f i e r leur f i c t i o n . A i n s i , dans l'une, i l declare malicieu-sement q u ' i l a trouve l e manuscrit q u ' i l pr^sente au public a t i t r e d'editeur, et dans 1\"autre, que les f a i t s q u ' i l rapporte sont v r a i s et authentiques. Les themes de pr e d i l e c t i o n dans ses essais et dans sa f i c -t i o n , sont des problemes moraux, tr a d i t i o n n e l s et modernes, qui re c u e i l l e n t l a faveur des esp r i t s dans l a premiere moitie du dix-huitieme s i e c l e : 1 1 amour-propre et ses manifestations, l ' a -mour et l'amitie, l e bonheur et ses conditions et l a survivance morale de l ' i n d i v i d u dans une society corrompue. Le theme du jeune homme faisant son apprentissage de l a vie en societe est c o u r a n t dans 1*oeuvre romanesque de Caylus. Dans les essais, i l se montre plus hardi en abordant des problemes qui retiennent particulierement 1'attention des philosophes. La position de Caylus, face a l a r e l i g i o n , l a l o i naturelle, les passions et l e gouvernement, cadre a\" peu pres avec c e l l e des encyclop\u00C2\u00A3distes de qui i l se d i t pourtant l'ennemi. Au fond moral de son oeuvre, s'integre une c r i t i q u e des moeurs qui ne s'eieve guere au-dessus des poncifs de l a produc-tion l i t t ^ r a i r e de l'6poque. Caylus fustige en p a r t i c u l i e r , 1'empire du bei e s p r i t et de l a galanterie a i n s i que 1'ignorance et l ' o i s i v e t e des grands. Les meilleurs ouvrages de Caylus sont ceux ou 1'imitation des genres 3. l a mode, cdde l a place ei 1'observation directe de l a r\u00C2\u00A3alite. Libre 3. l'\u00C2\u00A3gard de toute t r a d i t i o n litt\u00C2\u00A3raire, i l a pu mettre en oeuvre ses dons d'observateur et sa c u r i o s i t y na-t u r e l l e pour l e f a i t s a i l l a n t , et, en meme temps, l a i s s e r l i b r e cours a sa f a n t a i s i e facetieuse. Caylus fut a i n s i un i n i t i a t e u r du genre poissard et ses Ecosseuses ou les oeufs de Paques, se classent parmi les meilleurs Merits du genre. L'oeuvre romanesque de Caylus a connu une certaine vogue au dix-huitieme s i e c l e parce qu'elle f a i s a i t revivre les gouts et les preoccupations morales et sociales contemporaines, mais pour l e lecteur moderne, e l l e o f f r e peu d'interet: l e contenu moral a perdu son ac t u a l i t e et le support romanesque a v i e i l l i . L ' i n t e r e t p r i n c i p a l reside dans l a portee historique de 1'oeuvre: e l l e reste un document vivant sur l a vie dans l a premiere moitie du dix-huiti&me s i e c l e . TABLE DES MATIERES Page AVANT-PROPOS i CHAPITRE I - Introduction 1 CHAPITRE II - Les oeuvres inedites: les ebauches romanesques, les essais et l e s comedies 44 CHAPITRE III - Les contes feeriques 107 Les contes de f&es 112 A. Physionomie g\u00C2\u00A3n\u00C2\u00A3rale: structure et themes 114 B. Le bagage f^erique et romanesque 128 C. La peinture des moeurs, l a c r i t i q u e s ociale et p o l i t i q u e 139 D. Le ton general des contes de f#es 158 Les contes orientaux 163 A. Structure et themes 166 B. Le cadre et les proced^s romanesques 172 Les contes licencieux feeriques 178 CHAPITRE IV - Les nouvelles 186 CHAPITRE V - Les oeuvres badines et poissardes 220 CONCLUSION 298 NOTES - Avant-propos et chapitre I 310 - Chapitre II 319 - Chapitre III 325 - Chapitre IV 334 - Chapitre V 337 - Conclusion 346 BIBLIOGRAPHIE 347 AVANT PROPOS \"Caylus c'est Vad\u00C2\u00A3 avec 1*accent de Candide\" . C'est a i n s i que les Goncourt , dans un chapitre consacr\u00C2\u00A3 ci Caylus precurseur du realisme, designent cet 6 c r i v a i n badin aujourd'hui pourtant bien oublie. On n'a qu'ci consulter les repertoires bibliographiques pour s'en rendre compte. Henriot l u i consacre 2 un chapitre dans Les l i v r e s de second rayon l e mettant a peu pres au meme rang que Cr6 b i l l o n f i l s . Caylus f a i t aussi l'objet 3 d'un chapitre dans l e De Ronsard ci Baudelaire de Fleuret et puis c'est l e silence jusqu'ii 1 ' a r t i c l e de Rene Godenne consacr4 4 aux Oeuvres Badmes . Avec Rene Godenne, on peut s'etonner que Caylus, f o r t apprecie dans son temps, digne representant de l a l i t e r a t u r e 16gere et f r i v o l e , grand maitre du poissard, n'ait pas int\u00C2\u00A3ress\u00C2\u00A3 davantage les chercheurs. D'autant plus que ses oeuvres, s i on en juge d'apres les renditions, continuerent ^ etre appr6ci6es jusqu'H l a f i n du 19e s i e c l e . Comme l e souligne Godenne, l'hom-me et 1'oeuvre meritaient un meilleur sort. II faut preciser que ce sort ne s'applique qu'ei Caylus conteur badin. Caylus, archeologue, graveur et c r i t i q u e d'art occupe une place assez i i p restigieuse dans l ' h i s t o i r e de l ' a r t . Rocheblave dans son 5 Essai sur l e Comte de Caylus , a bien mis en lumiere l e role de pr^curseur q u ' i l a joue comme h i s t o r i e n de l ' a r t et jusqu 'S quel point Winckelman l u i e t a i t redevable. S i ce c r i t i q u e se montre eiogieux pour 1'amateur et l e savant, i l condamne impi-toyablement toute sa production romanesque: Platitude, fadeur, grossi&rete, v o i l i i , en t r o i s mots ce que les Oeuvres Badines nous offrent presque partout. Quant aux perles qu'on pour-r a i t decouvrir dans ce fumier, les cherche qui en aura l e temps et l e gout^. Les \"perles\" qu'on peut y trouver sont certes, c e l l e s d'un 7 auteur mineur mais i l s u f f i t de l i r e l ' H i s t o i r e de Guillaume g ou les Contes Orientaux pour juger de l'exces de ce jugement, plus moral que l i t t e r a i r e . Porter un jugement l i t t e r a i r e plus Equitable sur 1*oeuvre romanesque de Caylus, sera l e but du present t r a v a i l . Je ne pretends pas, dans cette etude, resoudre toutes les incertitudes bibliographiques qui entourent l a production l i t t e r a i r e de Caylus. Ecrivant pour se d i v e r t i r , i l a f a i t de nombreuses ebauches dans presque tous les genres - comedie, essai, roman, conte et poesie badine - ebauches dont un grand nombre est reste i n e d i t . Certains manuscrits sont autographes, (e.g. l a plupart des comedies), d'autres portent simplement des corrections de sa main et d'autres encore ne l a i s s e n t pa-r a i t r e l a moindre trace de son 6 c r i t u r e . F a u t - i l l u i attribuer tous les manuscrits faisant partie de son \" p o r t e f e u i l l e \" d6pos\u00C2\u00A3 ei l a Biblioth\u00C2\u00A3que de l a Sorbonne? F a u t - i l s'en t e n i r unique-ment aux manuscrits Merits de sa propre main, quand on s a i t que Caylus f a i s a i t recopier ses b r o u i l l o n s comme le prouve 1'existence de plusieurs formes manuscrites d'une meme oeuvre? Peut-on avoir recours uniquement ci des c r i t S r e s s t y l i s t i q u e s quand les oeuvres publi\u00C2\u00A3es montrent q u ' i l pouvait adopter d i f -ferents styles selon le genre q u ' i l i m i t a i t ? Ce sont IS des problemes qui pourraient f a i r e l'objet d'un t r a v a i l p a r t i c u l i e r D'autre part, des incertitudes bibliographiques existent \u00C2\u00A3gale-ment pour les oeuvres publi^es. Les Oeuvres badines sont l e f r u i t d'un t r a v a i l c o l l e c t i f et on ne saurait attribuer I Caylu tous les morceaux du r e c u e i l , meme s * i l en est l'auteur p r i n -c i p a l . Quelle attitude adopter face \u00C2\u00A3i ces problemes d ' a t t r i -bution? Pour les oeuvres manuscrites, j ' a i accept^ l a c l a s s i -f i c a t i o n des divers catalogues et f i c h i e r s des biblioth^ques ou el l e s sont d\u00C2\u00A3pos6es, mais en signalant ct 1'occasion les dispa-r i t y de st y l e et les id\u00C2\u00A3es contraires ci 1'orientation g\u00C2\u00A3n6rale i v de l a pens^e de Caylus. En ce qui concerne les r e c u e i l s badins , comme Le Recueil de ces messieurs et l e Pot-pourri, je me suis born6 3. d\u00C2\u00A3crire leur portee g6n\u00C2\u00A3rale et leur ton p a r t i c u l i e r sans essayer de trouver l'auteur de chaque morceau. D'autres r e c u e i l s , plus homog^nes, comme les Fetes roulantes et les r e -grets des pet i t e s rues, Les Aventures des bals de bois et les M&noires de l'Academie des colporteurs semblent etre 1 ' e f f o r t d'un seul auteur et on peut affirmer avec l'6diteur des Oeuvres Badines que Caylus y a eu l a plus grande part. Tenant compte des l i m i t e s bibliographiques ci-dessus mentionn\u00C2\u00A3es, cette 6tude se d\u00C2\u00A3roulera comme s u i t . Dans un pre-mier chapitre d'introduction je s i t u e r a i Caylus par rapport cl ses contemporains en interrogeant les Merits et les memoires de l'\u00E2\u0082\u00AC.poque. J'examinerai brievement ses r\u00C2\u00A3cits de voyages, ses memoires et reflexions et en dernier l i e u , je f e r a i l e point de ses recherches notamment sur l a l i t e r a t u r e du Moyen Age. Viendra ensuite 1 'etude de ses oeuvres in\u00C2\u00A3dites qui nous montrent chez Caylus un moraliste avis\u00C2\u00A3 et un penseur har-d i , ce qui dement l e mythe de l'antiquaire misanthrope, i n d i f -ferent aux problemes i n t e l l e c t u e l s de son \u00C2\u00A3poque. Ces manus-c r i t s nous fournissent aussi de pr^cieux renseignements sur les diverses tentatives l i t t e ' r a i r e s de Caylus, notamment dans l e roman et l e the'atre (chapitre II) . Des chapitres successifs examineront ses contes f&-6riques (chapitre I I I ) , ses nouvelles (chapitre IV) et ses Merits badins et poissards (chapitre V). Dans l a conclusion je t e n t e r a i de porter un jugement c r i t i q u e sur l'oeuvre et l a pens\u00C2\u00A3e de Caylus. CHAPITRE I Introduction En f e u i l l e t a n t les p\u00C2\u00A3riodiques, les chroniques scan-daleuses et les memoires de l'^poque, on est 4tonn6 de constater combien peu de place Caylus y occupe. Pourtant i l a &t& mele ci l a vie mondaine et galante de l a premiere moiti6 du 18e 10 s i e c l e ; i l 6 t a i t 1'inspirateur de l a Soci6t\u00C2\u00A3 du Bout du Banc , c^lebres soupers oil entre autres, Duclos, Piron, C r ^ b i l l o n f i l s et C 0 I I 6 r i v a l i s a i e n t de bon mots et de g a i l l a r d i s e s ; i l fr\u00C2\u00A3-quentait l e salon de Mme Geoffrin, se fro t t a n t un peu malgr\u00C2\u00A3 l u i aux philosophes mais pr\u00C2\u00A3f6rant l a compagnie des a r t i s t e s . II a prot\u00C2\u00A3g6 et pratique l a l i t t e r a t u r e 6rotique, voire obsce-n e ^ . II 6 t a i t membre de 1'Academic des Inscriptions et B e l l e s -Lettres pour laquelle i l a r6dig\u00E2\u0082\u00AC plusieurs memoires touchant 12 \u00C2\u00A3i l a peinture, 1'arch^ologie et l ' h i s t o i r e . Bref, i l \u00C2\u00A3tait une figure bien connue S son 6poque, La raison de cet efface-ment est que Caylus, d*esprit ind^pendant et r&serv6 en dehors du cercle de ses amis intimes, r e s t a i t en dehors des cabales d'auteurs et des r i v a l i t ^ s publiques. Certes i l n'aimait pas les philosophes qui d ' a i l l e u r s l e l u i rendaient bien, mais i l - 2 -enfermait son m\u00C2\u00A3pris dans un silence hautain et obstin\u00C2\u00A3. II avait horreur de l a m\u00C2\u00A3disance et croyait que l a vie personnelle ne devait pas s e r v i r de pature aux propos m^disants d'un public o i s i f . En re'ponse aux louanges que V o l t a i r e l u i adressait dans une premiere ed i t i o n de son Temple du gout, i l 6 c r i t : \"Un hom-me simple, retir\u00C2\u00A3 de toute a f f a i r e , n'aime point que l e public 13 . . parle de l u i \" . Dans sa correspondance avec l e P. Pacxadi, s ' i l g l i s s e quelques c r i t i q u e s de ses contemporains, c'est pour r\u00C2\u00A3pondre aux s o l l i c i t a t i o n s de son correspondant, fria n d des nouvelles parisiennes. Ces c r i t i q u e s sont toujours braves et incidentes. \"Je connais peu Diderot, parce que je ne l'estime point, mais je c r o i s q u ' i l se porte bien. II y a de certains 14 bougres qui ne meurent pas\" En dehors du cercle de l'A;cad\u00C2\u00A3mie, les quelques por-t r a i t s et les a l l u s i o n s a son caractere, ne sont pas f l a t t e u r s . Marmontel, qui avait rencontre\" Caylus chez Mme Geoffrin, a l a i s s \u00E2\u0082\u00AC de l u i un p o r t r a i t des plus v^nimeux: A peine avais-je connu l e caractere du person-nage que j'avais eu pour l u i autant d'aversion q u ' i l en avait pour moi. Je ne me suis jamais donne l e soin d'examiner en quoi j'avais pu l u i d ^ p l a i r e : mais je savais bien, moi, ce qui me d\u00C2\u00A3plaisait en l u i . C ' ^ t a i t 1'importance q u ' i l se donnait pour l e merite l e plus f u t i l e et l e plus mince de ses talents; c ' e t a i t l a - 3 -v a l e u r q u ' i l a t t a c h a i t a ses recherches m inutieuses e t a cUs fcabioteantiques; c ' e t a i t l 'espece de domination q u ' i l a v a i t usurp6e sur l e s a r t i s t e s e t dont i l a b u s a i t , en f a v o r i s a n t l e s t a l e n t s mediocres q u i l u i f a i s a i e n t l a cour e t en deprimant ceux q u i , p l u s f i e r s de l e u r f o r c e , n ' a l l a i e n t pas b r i g u e r son appui. C ' e t a i t e n f i n une v a n i t y t r e s a d r o i t e e t tr\u00C2\u00A3s r a f f i n ^ e , e t un o r g u e i l t r e s apre e t t r e s imp^rieux, sous l e s formes b r u t e s e t simples dont i l s a v a i t 1'envelopper. Souple e t soyeux avec l e s gens en p l a c e de q u i d#pendaient l e s a r t i s t e s , i l se donnait pres de c e u x - l a un c r e d i t dont c e u x - c i redou-t a i e n t 1 * i n f l u e n c e . I l a c c o s t a i t l e s gens i n s t r u i t s , se f a i s a i t composer par eux des m\u00C2\u00A3moires sur l e s breloques que l e s brocanteurs l u i vendaient, f a i s a i t un magnifique r e c u e i l de ces f a d a i s e s q u ' i l donnait pour a n t i q u e s ; p r o p o s a i t des p r i x sur I s i s e t I s i r i s pour a v o i r l ' a i r d ' e t r e lui-meme i n i t i e dans l e u r s mysteres; e t avec c e t t e c h a r l a t a n n e r i e d'eru-d i t i o n i l se f o u r r a i t dans l e s Academies sans s a v o i r n i grec n i l a t i n . I I a v a i t t a n t d i t , t a n t f a i t d i r e ses proneurs qu'en a r c h i t e c t u r e i l e t a i t l e r e s t a u r a t e u r du s t y l e simple, des formes \"simples\", du \"beau simple\", que l e s i g n o r a n t s l e c r o y a i e n t ; e t par ses r e l a t i o n s avec l e s d i l e t t a n t e s i l se f a i s a i t passer en I t a l i e e t dans t o u t e l'Europe pour 1 ' i n s p i r a -t e u r des Beaux-Arts. J ' a v a i s done pour l u i c e t t e espece d ' a n t i p a t h i e n a t u r e l l e que l e s hommes simples e t v r a i s ont t o u j o u r s pour l e s c h a r l a t a n s 1 5 . I n u t i l e de d i r e qu'un t e l p o r t r a i t nous en d i t a u s s i long sur l e c a r a c t e r e de Marraontel que sur c e l u i de C a y l u s . Son b i o g r a -16 phe, Le Beau , e t Rocheblave ont b i e n montre que Caylus n ' a v a i t r i e n du c h a r l a t a n e t du c o l l e c t i o n n e u r maniaque. Caylus a - 4 -d ' a i l l e u r s lui-meme b i e n expos\u00C2\u00A3 sa cause e t d^fendu l ' a r c h ^ o l o g i e c o n t r e l e s r a i l l e u r s de l'^poque, notamment l e s philosophe J e ne p u i s m'empecher de d i r e , que l'\u00C2\u00A3tude de l ' A n t i q u i t ^ ne ressemble en aucune f a -con el l ' i d ^ e qu'on a p r i s e g6n\u00C2\u00A3ralement dans l e monde. On ne l ' a p o i n t approfondie; on ne l a v o i t que par un cot6 q u ' i l e s t f a c i l e de t r o u v e r r i d i c u l e . J e p r i e l e l e c t e u r d ' e t r e persuade que j e s a u r a i s me moquer t o u t a u s s i b i e n qu'un a u t r e , d'un homme q u i ne se-r a i t occup\u00C2\u00A3 que de l'examen d'un vieux pot, ou d'une s t a t u e m u t i l e e - ^ . Mais t e l l e n'\u00C2\u00A3tait pas l ' e n t r e p r i s e de C a y l u s . S ' i l r e c u e i l l e des d e b r i s e t l e s r e p r o d u i t , c ' e s t pour l e s c l a s s e r , l e s compa r e r e t en t i r e r des renseignements p r ^ c i e u x sur l ' h i s t o i r e des moeurs e t des c i v i l i s a t i o n s . J e compare l e s b e l l e s a n t i q u i t ^ s aux b e l l e s dames e t aux beaux messieurs dont l a t o i l e t t e e s t complete, q u i a r r i v e n t dans une compagnie, se montrent, e t n'aprennent r i e n ; au l i e u que j e r e t i r e q u e l q u e f o i s d'un morceau f r u s t e , que j e comparerai en ce cas ti. un homme crott6 e t q u i marche a p i e d , l e s u j e t d'une d i s s e r t a t i o n ou l ' o b j e t d'une d\u00C2\u00A3couverte^\u00C2\u00AE. L ' E r u d i t i o n , l o i n d ' e t r e une f i n en s o i , n'est que l e p o i n t de depart d'une r e f l e x i o n morale, par l e b i a i s de l ' h i s t o i r e , sur l'homme e t l a soci\u00C2\u00A3t\u00C2\u00A3: Toutes l e s n a t i o n s dont i l s u b s i s t e des monu-- 5 -ments sont subordonn^es a 1'antiquaire. II est H port\u00C2\u00A3e de juger de leurs moeurs, de leur caractere et de leur conduite. II est conduit aussi ci des reflexions sur l a len-teur et l a m^diocrite\" du genie i n v e n t i f que les hommes s'attribuent; i l v o i t l e temps et les moyens que les hommes ont employes pour parvenir au plus 16ger progres; l'6tude de l'antiquite\" ^ c l a i r e aussi les origines de l a s uperstition et l ' i n a n i t e des r o i s - et en montrant ci 1\"antiquaire des m i l l i o n s d'hommes noy\u00C2\u00A3s dans l'abime du temps, e l l e l u i donne l e sentiment de sa propre v a n i t e 1 ^ . Bien qu'ennemi des philosophes, Caylus n'endemeure pas moins philosophe mais a sa maniere. Ce qui l e separe de Diderot et ses amis ce n'est pas tant une divergence d'opinions p o l i t i q u e s , r e l i g i e u s e s ou autres, qu'une difference de tempe-rament, d'imagination et de technique. Ce que Diderot par exem-ple abomine chez Caylus c'est sa passion de collectionner et de reconstituer un passe a p a r t i r de bribes de ruines. II l u i reproche en somme d'etre archeologue, c' est-ii-dire de manquer de chaleur et d'enthousiasme po^tique et a i n s i de r ^ t r ^ c i r l'an-20 t i q u i t e . On connaxt l'^pitaphe q u ' i l adressait ii Caylus: C i - g i t un antiquaire acariatre et brusque Ah q u ' i l est bien loge\" dans cette cruche \u00C2\u00A3trusque Comme autre temoignage contemporain, i l faut mention-ner c e l u i de Grimm, plus nuance\" et moins malveillant que c e l u i - 6 -de Marmontel. L'auteur de l a Correspondance remarque surtout chez 1'antiquaire, l a s i n g u l a r i t y de son accoutrement o r d i n a i -re: \"des bas de lai n e , de bons gros Souliers, un habit de drap brun avec des boutons de cuivre, un grand chapeau sur l a t e -22 te\" . Se faisant l'6cho des \"gens du monde\" i l l a i s s e enten-dre que cette n e g l i g e n c e vestimentaire avait comme mobile, l e d6sir secret de se si n g u l a r i s e r par des manieres rustres tout et f a i t oppos\u00C2\u00A3es & c e l l e s de sa classe. En parlant vaguement de sa bonhomie, i l termine sechement: \" i l \u00C2\u00A3crivait placement, sans imagination et sans grace\" 2\"*. Ajoutons une curieuse c r i t i q u e de l a part de Voisenon, lequel affirme que Caylus \u00C2\u00A3tait jaloux de Duclos et des gens de l e t t r e s en g6n\u00C2\u00A3ral, et nous avons les al l u s i o n s les plus s i g n i -f i c a t i v e s sur Caylus en dehors du milieu acad\u00C2\u00A3mique^. L'image de Caylus qui en ressort s'accorde d i f f i c i l e m e n t avec l'id\u00C2\u00A3e qu'on se f a i t de l'amant de Mile Quinault et de l'hote de l'une des plus joyeuses societ\u00C2\u00A3s de P a r i s . Quoique les c r i t i q u e s malveillantes du clan philosophique soient anim\u00C2\u00A3es par un es-p r i t de coterie, i l faut admette que Caylus grand Seigneur, f a -rouchement independant, 6 t a i t d'un commerce s o c i a l assez d i f -f i c i l e . Le p o r t r a i t qui se d^gage d'une^pitre anonyrae adress\u00C2\u00A3e H Caylus en 1733 semble plus conforme iL l'auteur des Oeuvres Badines: O Toy, sage Caylus, dont l a philosophie A secoue\" l e joug de ce vain pr\u00C2\u00A3jug6, Que ton sort & mes yeux paroit digne d'envie, Qu' i l rend afreux l'\u00C2\u00A3tat ovt je suis engage\". Tu connois t o i l e pri x d'une douce paresse, Tu partages ton tems e n t r ' e l l e et ta maitresse, Tu goutes S long t r a i t s ces biens, ces v r a i s p l a i s i r s . Depuis longtemps, h\u00C2\u00A3last l'objet de mes d\u00C2\u00A3sirs, La fatigue et 1'ennui qui nous nuisent sans cesse Sont pour toy, cher Caylus, un tourment inconnu. A penser sagement des longtems parvenu, Ton coeur ne connoit plus cette injuste D\u00C2\u00A3ese, Qui l a flamme a\" l a main, de climat en climat, Nous rend les instrumens de ses noirs attentats. Tranquile dans l a paix? sans soin et sans envie Rien ne peut a l t ^ r e r l a douceur de ta v i e 2 5 . La douceur de v i e , dont parle l'auteur n'est pas tant l e r\u00C2\u00A3sul-ta t d'une attitude flegmatique que d'un a r t de s'occuper et de suivre tranquillement les i n c l i n a t i o n s de son humeur. S i on examine les nombreux t\u00C2\u00A3moignages des milieux a r t i s t i q u e s et academiques, l a figure du grand seigneur prend une toute autre silhouette. Caylus n'est plus 1'antiquaire acariatre-et jaloux, mais un o r i g i n a l b i e n v e i l l a n t et d\u00C2\u00A3vou6. Le Beau, son collegue ct l'Academie des Belles-Lettres et Inscriptions et son biographe o f f i c i e l , resume a i n s i son ca-ractere : - 8 -Un fond in\u00C2\u00A3puisable de bonty naturelle, une tendresse courageuse qui o s a i t se declarer hautement pour ses amis dans leurs disgraces, un z&le i n v i o l a b l e pour l e Prince et pour l a Patrie , une p o l i t e s -se vraie et sans appret, une probity r i -goureuse, une haine g6n4reuse des fanfa-rons et des f l a t e u r s , une compassion e f f i c a c e pour les mis^rables, une sim-p l i c i t y de caractere qui passait peut-etre un peu trop jusque dans son ext6-r i e u r 2 ^ . C'est ce p o r t r a i t \" o f f i c i e l \" q u ' i l faut r e t e n i r pour comprendre l'auteur badin. C'est aussi c e l u i qui a 6t& transmis & l a pos-t e r i t y , romance\" quelque peu par les Goncourt et Henriot. Et cela malgre\" l e d\u00C2\u00A3sir malveillant du peintre Cochin qui dans 27 ses M^moires s'est yvertuy & peindre Caylus comme un grand Seigneur ambitieux et assoiffe\" de g l o i r e , jaloux de son auto-28 r i t y et tyrannisant l e s a r t i s t e s . Comme l ' a montry Nisard , Cochin avait voulu se venger de Caylus en attribuant H. son dy-vouement pour les beaux-arts, des mobiles bas et mesquins. Malgry les divers tymoignages de ses collogues, l a 29 figure de Caylus reste ynigmatique: on connait mal son enfance , 30 son education , les p a r t i c u l a r i t y s de son expyrience m i l i t a i -31 32 re, ses a c t i v i t y s dans l a sociyte de sa mere au Luxembourg et enfin toutes les circonstances qui entourent sa production romanesque. Une l e t t r e de Mme Caylus al Mme de Maintenon, nous - 9 -l a i s s e entrevoir quelques ombres au tableau de son existence au Luxembourg. Apr&s avoir deplore\" l e manque de pi\u00C2\u00A3t6 et d'am-b i t i o n chez son f i l s , e l l e d\u00C2\u00A3crit a i n s i l e t r a i n de leur p e t i t e v i e : Je dine, je soupe seule ou avec mon f i l s . Pour 1'ordinaire, apr\u00C2\u00A3s mon diner, mon f i l s et moi nous jouons ensemble au t r i c t r a c : je cause avec l u i , je t r a v a i l l e , i l me f a i t l a l ecture; sur les quatre ou cinq heures, i l me vient du monde, quelques f o i s trop; ci h u i t heures tout part: je demeure seule dans ma solitude. J ' a i retenu une f o i s Madame de Barneval et monsieur d'Auxerre, plus pour mon f i l s que pour moi: i l est s i assidu ci me t e n i r compagnie; je c r o i s q u ' i l l u i est s i bon q u ' i l s'en fasse une habitude que j ' a i grand soin q u ' i l ne s'ennuie pas t r o p 3 3 . Les habitues de l a society de Mme Caylus se composaient de l a grande noblesse sans emploi et sans pension du regne de Louis XIV. II n'est nul doute que l a vue de cette noblesse o i s i v e en pleine decadence n' a i t inspire cette conviction profonde chez Caylus, que l'homme ne se r e a l i s e que par une a c t i v i t y productive. A propos du Mar6chal de V i l l e r o y , ami de sa mere, i l remarque: Ce n'est pas son grand age qui l e tue: c r o i r i e z -vous bien que l e chagrin de se meler de ri e n l u i a nouxri dans l e coeur un ver qui l e f a i t p\u00C2\u00A3rir. C'est un beau sujet de morale et qui - 10 -nous d o i t b i e n engager a nous occuper de t o u t ce q u i peut n o u r r i r e t amuser 1 * e s p r i t 3 4 . Nous touchons l a l a c l e f de l a p r o d i g i e u s e p r o d u c t i o n de Caylus, q u i en a r t comme en l i t t e r a t u r e , f u t d'abord e t avant t o u t , un amateur. S i nous ne savons ii peu p r l s r i e n sur l e s activit\u00C2\u00A3s s o c i a l e s et litt\u00C2\u00A3raires de Caylus & l'\u00C2\u00A3poque de sa jeunesse, nous avons deux documents pr\u00C2\u00A3cieux q u i e c l a i r e n t sa pensee 35 v e t son c a r a c t e r e : l e Voyage d ' l t a l i e e t l e Voyage a Constan-3 6 t i n o p l e . C'est pourquoi i l c o n v i e n t i c i de s ' a t t a r d e r q u e l -que peu sur ces documents q u i ne f i g u r e n t pas dans l e s Etudes b i o g r a p h i q u e s e x i s t a n t e s . L a P a i x de Rastadt l a i s s e l e jeune Caylus dans une i n a c t i v i t y q u i ne s e y a i t gu\u00C2\u00A3re ci son temperament fougueux. I I 37 ne veut p l u s s e r v i r . C'est a c e t t e epoque, de 1714 ei 1715, q u ' i l entreprend son voyage en I t a l i e . I I a v a i t a l o r s 22 ans. Le r\u00C2\u00A3cit de ce voyage dont Rocheblave deplore l a p e r t e , a 6t\u00C2\u00A3 retrouve\" e t p u b l i c en 1914 par Amilda A. Pons d'apres l e manus-c r i t que Caylus a v a i t confie\" a son ami M a r i e t t e . S i c e l u i - c i ne 1 ' a v a i t pas o f f e r t au p u b l i c apres l a mort de l ' a u t e u r , i l e s t f o r t p robable q u ' i l en a v a i t r e c u defense f o r m e l l e . On - 11 -s a i t que Caylus a v a i t une r e s e r v e d i s c r e t e en ce q u i concerne son f o n d s i n t i m e . I I se l i v r a i t d i f f i c i l e m e n t , meme dans ses 38 l e t t r e s . A c e t t e d i s c r e t i o n s'ajoute une pudeur l i t t e r a i r e de gentilhomme. On s a i t que Caylus, q u i n'aimait pas l e s au-t e u r s de p r o f e s s i o n , s ' e s t t o u j o u r s d\u00C2\u00A3fendu d ' a v o i r aucune p r e t e n t i o n l i t t e r a i r e . S e u l l e b e s o i n de s'occuper e t de se d i v e r t i r l ' a engage ci e c r i r e . Le Voyage d ' l t a l i e n'echappe pas ei l a r\u00C2\u00A3gle: c ' e s t une s o r t e de j o u r n a l e c r i t probablement pour sa mdre e t ses amis i n t i m e s . C'est, d i t Pons, \"un b r o u i l -39 Ion sxmple e t d i s c r e t \" . A u s s i l e s t y l e en e s t - i l monotone, 40 banal e t souvent i n c o r r e c t . Le jeune voyageur presente d'une d'une facon decousue ses impressions e t ses r e f l e x i o n s , se con-t e n t a n t t r o p souvent de l e s r a t t a c h e r par des c o n j o n c t i o n s . Ses o b s e r v a t i o n s manquent d ' e l a b o r a t i o n s e t de nuances: une e g l i s e e s t b e l l e , e x c e l l e n t e , j o l i e ou v i l a i n e . Mais par con-t r e , i l e v i t e l ' e n f l u r e e t 1'exageration q u i a f o r c e d ' e t r e prodiguees, p r o d u i s e n t une egale monotonie. Caylus k c e t t e epoque e s t p l u t o t l ' e p i c u r i e n que l e grave savant q u ' i l deviendra ei sa m a t u r i t e . I l note s u r t o u t ce q u i l u i p l a i t , que ce s o i t une experience, un paysage, un monument ou un t a b l e a u . S ' i l donne des p r e c i s i o n s m a t e r i e l l e s (logement, n o u r r i t u r e etc.) c ' e s t pour en s o u l i g n e r l'agrement. - 12 -Pourtant, ses commentaires sur l e s monuments l a i s s e n t d e v i n e r l e s p r e o c c u p a t i o n s f u t u r e s de 1'archeologue. S ' a g i t - i l d'une v i l l e ? C'est d'abord l e coup d ' o e i l g e n e r a l de 1 ' a r t i s t e , 1'im-p r e s s i o n g l o b a l e q u ' i l cherche e n s u i t e a e l u c i d e r par des de-t a i l s p l u s p r e c i s : l a d i s p o s i t i o n des rues, 1 ' a r c h i t e c t u r e des batiments, l e s p r i n c i p a l e s c u r i o s i t e s . Viennent e n s u i t e s'a-j o u t e r des remarques sur l e s s i t u a t i o n s p o l i t i q u e s e t s o c i a l e s e t en d e r n i e r l i e u , un jugement sur l ' i n t ^ r e t de l a v i l l e comme m a n i f e s t a t i o n h i s t o r i q u e . Du p o i n t de vue de 1'observation des moeurs, l e Voyage d ' l t a l i e e s t l o i n de montrer l e meme i n t e r e t que par exemple l e s notes de voyage d'un Montesquieu. Le jeune voyageur n'est pas p h i l o s o p h e . I l se contente de s i g n a l e r Cct e t let quelques s i n g u l a r i t ^ s de moeurs avec p a r f o i s un commentaire moral. Nul p a r t i p r i s , n u l l e these a d\u00C2\u00A3montrer. Mais par ce f a i t meme ses notes f o u r n i s s e n t une bonne source de renseignements sur l ' l t a l i e au debut du 18e s i e c l e . V e n i s e , ci cause de sa s i n g u l a r i t y , l'amene \u00C2\u00A3i d ^ c r i r e p l u s longuement l a s t r u c t u r e p o l i t i q u e e t s o c i a l e . V o i c i a t i t r e d'exemple comment i l d e c r i t l a r i v a l i t e \" des c l a s s e s : Le peuple ne peut s o u f f r i r l e s no b l e s . l i s - 13 -les appellent souvent en les voyant passer, \"pantalons\". Cela ne leur f a i t pas de mal, i l s l e souffrent, mais pour rem^dier aux inconv^nients qui pourraient a r r i v e r , sous l e pr\u00C2\u00A3texte d'empecher les assassinats et les bastonnades, i l est d^fendu tr\u00C2\u00A3s rigou-reusement de porter aucune arme i i feu ou s t y l e t ou meme couteau f a i t d'une maniere approchante> sous peine de l a corde qui est l'estrapade. Cet arret s'execute avec exac-t i t u d e . Pendant mon s\u00C2\u00A3jour S Venise, on a execute cinq ou six f o i s . Cela r e t i e n t un peu l a populace ci qui ces sortes d'armes pla i s e n t beaucoup 4 . S i dans l a description des moeurs l e ton est presque toujours neutre, i l devient moral et ironique quand Caylus observe l a vanity, l a pretention et 1'i n j u s t i c e : Les hommes ne peuvent, pour leur ajustement, d\u00C2\u00A3penser qu'en perruques. Quelques-uns sont bien c o i f f e s , mais generalement l'on peut dire que les queues des vaches, les \u00C2\u00A3pou-va n t a i l s des chenevieres et les brigadiers sont dans leur antre a Venise. Pour que Messieurs les nobles puissent plus ais^ment prendre leurs p l a i s i r s , dans l a v i l l e et se re s s e n t i r moins de 1'aversion du peuple, grand nombre de citadins ou bourgeois, portent l e meme habit qu'eux 4 2. Les marchands ordinairement achltent l a no-blesse, pour l o r s leurs crimes sont ou peu s'en faut, impunis. La vanite\" se j o i n t a leur ignorance: revetu d'une grande robe, les v o i l H nobles et trait\u00C2\u00A3s d'excellence com-me les a u t r e s 4 3 . S i Caylus est t r i s mordant pour les parvenus, c'est q u ' i l se - 14 -f a i t de l a noblesse une idee tr\u00C2\u00A3s eievee: i l v o i t en e l l e une droiture d'esprit, un sens de l'honneur, une certaine maniere de v i v r e qui ne s'acquiert pas avec de 1'argent ou une perru-que. Dans ses M^moires et Reflexions i l affirme: \"Jamais je n'ai discute sur les r e l i g i o n s et sur l e gout. Etes-vous hon-44 nete-homme? Tout est bon\" . Cet id e a l dix-septiimiste de l'honneur et de l'honnetete occupera toujours une position pr6-eminente dans les reflexions morales et sociales de Caylus. C'est au nom de cet i d e a l q u ' i l condamne 1'injustice, l ' o r g u e i l et l a vanite des venitiens et q u ' i l les accuse de he pas f a i r e honneur au genre humain. Pas un homme du pays ne se veut engager n i comme soldat n i comme matelot: aussi l a prudence pantalone e s t - e l l e f o r t em-barrassee et l e merite bien. Les nobles ne se commercent point entre eux, cela leur est defendu. Les etrangers ont peine a les v o i r , generalement parlant i l s n'ont point de commerce. Un ambassadeur de quel-qu'un qui a rapport (avec l u i ) est evite plus qu'un serpent, a i n s i l e nom specieux de l i b e r t e pour laquelle i l s t r a v a i l l e n t toute leur v i e , est une chimere plus grande que c e l l e qui ordinairement conduit les hommes, car pour 1'avoir i l s se l'ostent et tous les p l a i s i r s de l a v i e , d'abord que l e com-merce et l a societe en sont ostes. Les gen-tilhommes de terre ferme qui sont sous leur domination sont t r a i t e s comme des esclaves quand i l s les vont s o l l i c i t e r pour leurs a f f a i r e s . I l s ne leur font nul l e honnetet\u00C2\u00A3, au contraire, i l s les t r a i t e n t durement, non - 15 -seuleraent pour leur f a i r e s e n t i r leur p r o -minence mais aussi du cote\" de l ' i n t O r e t . S i t o t qu ' c l ces pauvres gentilshommes i l est a r r i v e l a moindre a f f a i r e , l o i n de l a diminuer, i l s l'augmentent et font c o n f i s -quer ou vendre leurs terres qui sont aus-s i t o t achetOes par des nobles qui possedent presque tous les biens de terre ferme, vont l'este\" a des maisons de campagne et ne com-mercent plus comme i l s f a i s a i e n t a u t r e f o i s 4 ^ . Chez les chevaliers de Malte, \" l a medisance, l a mechancete, 1'indiscretion, l e mensonge et les faux a i r s \" l'indignent et l'amenent ci remarquer que ces travers ne devraient pas se trou-46 ver \" parmx les gens qux composent ce beau corps\" . Une image abandonnOe que l e Pape p o r t a i t jadis, en procession, l u i i n s -p i r e une constatation morale qui e c l a i r e tout son comportement u l t e r i e u r , comme savant et homme du monde: l e besoin chez l'hom-me de nouveaute et de changement, l e besoin d'alimenter 1'esprit par 1'exploration de nouveaux horizons. Tout change, tout a une periode dans l e monde, et i l faut de l a nouveaute jusques dans les choses saintes: cette pauvre image jadis i l -luminee, portee en procession, ornee d'ex-voto, est ei present dans un coin sans nul hommage, presque point regardee 4^. Caylus, d'ordinaire s i d i s c r e t ou i n d i f f e r e n t sur les questions r e l i g i e u s e s , se prend a\" r a i l l e r l a crOdulite et l a superstition des I t a l i e n s . Les miracles et les reliques sont - 16 -pour l u i matiere a pl a i s a n t e r i e s bien que sa c u r i o s i t y l'amene quelquefois ii v e r i f i e r les pr^tendus e f f e t s miraculeux de cer-tains objets. Le ton devient plus agre s s i f quand i l parle des j\u00C2\u00A3suites, cet ordre \"orgueilleux\" auquel i l reproche l e s ing6-rences dans l e s a f f a i r e s temporelles. II est heureux de cons-* 48 tater, qu'en I t a l i e , i l s sont tenus \"tres bas\" . I l approuve fortement les mesures prises par l e Pape, autorisant les V\u00C2\u00A3ni-tiens a s ^ c u l a r i s e r une p a r t i e des biens des moines. II souhai-t e r a i t que cette \"permission fut donn\u00C2\u00A3e pour les t r o i s quarts 49 de ceux de l a France\" Le jeune Caylus partage avec ses contemporains l e gout des anecdotes singulieres et un sens trds affine\" du r i d i c u l e et de l ' i n s o l i t e . Temoin 1'observation suivante dans une \u00C2\u00A3glise de Padoue: L'on pretend que l e caveau sent tr&s bon. Pour cet e f f e t l'on s'approche derriere l ' a u t e l et tout l e monde, ii toute heure va s e n t i r par les fentes. J ' a i vu des bonnes gens se moucher auparavant avec une tres grande v\u00C2\u00A3n6ration, s'approcher, s e n t i r et s'en a l l e r en r e n i f l a n t 5 0 . Le r\u00C2\u00A3cit, toutefois, est remarquablement sobre en ce qui con-cerne les aventures galantes et les a l l u s i o n s g r i v o i s e s . Caylus se contente d'observer que dans une t e l l e v i l l e l e s femmes sont - 17 -p a r t i c u l i e r e m e n t b e l l e s ou f r i v o l e s mais jamais i l ne r e l a t e ses propres a v e n t u r e s . E s t - c e par r e s p e c t pour sa mere q u i e t a i t devenue, ia c e t t e epoque, quelque peu devote? Q u o i q u ' i l en s o i t , son voyage en I t a l i e f u t p l u s qu'un voyage d'agrOment: ce f u t un voyage de d\u00C2\u00A3couverte e t d'6tude. I I v i s i t e avec i n -t\u00C2\u00A3ret e t c u r i o s i t e l e s O g l i s e s e t l e s monuments; i l admire l e s s c u l p t u r e s e t l e s p e i n t u r e s ; i l achate des d e s s i n s e t des e s -tampes. On peut v o i r a i n s i que sa v o c a t i o n d'amateur d ' a r t e t d*arch\u00C2\u00A3ologue commence a se d e s s i n e r . Ce gout de l ' ^ t u d e e t l ' a t t r a i t de l a nouveaute\" l'amenent b i e n au dela\" de l ' i t i n ^ r a i r e h a b i t u e l des voyages en I t a l i e : au voyage complet de l a p6nin-51 s u l e , Caylus a j o u t e une tourn^e en S i c i l e e t a1 Malte . A i n s i t a n t par l'^tendue du parcours que par 1'absence de p a r t i p r i s , l e r\u00C2\u00A3cit de Caylus c o n s t i t u e un t a b l e a u important de 1 ' I t a l i e au d\u00C2\u00A3but du 18e s i e c l e . Caylus p r o j e t a i t un voyage en Allemagne mais l a mort du r o i l e ramene a\" P a r i s , l e 2 octobre 1715. H u i t mois a p r i s , i l q u i t t e sa r e t r a i t e p a i s i b l e au Luxembourg pour s a i s i r au pas-sage 1'occasion d'un voyage en P r o c h e - o r i e n t , pour accompagner M. de Bonac, d e s i g n ^ ambassadeur de France ci C o n s t a n t i n o p l e . Le j o u r n a l de ce p e r i p l e , r^dige\" en cours de route, perdu e t longtemps recherche, a \u00C2\u00A3te\" retrouve\" e t p u b l i c par Shazmann en - 18 -1938 . Par r a p p o r t au Voyage d ' l t a l i e l e Voyage & C o n s t a n t i -nople e s t p l u s p e r s o n n e l , p l u s i n t i m e , moins charge\" de d e s c r i p -t i o n s de monuments, d'objets d ' a r t e t certainement mieux com-p o s t . Caylus y raconte sobrement l e s perip\u00C2\u00A3ties de son voyage, p ^ r i p e t i e s que l ' o n c r o i r a i t t i r o e s d'un roman d'aventures. I I brave l e s tempetes, a f f r o n t e l e danger des b r i g a n d s e t ne r e c u l e guere devant l a peste q u i s e V i s s a i t a l o r s au P r o c h e - o r i e n t . I l se d^guise en e s c l a v e pour mieux v i s i t e r C o n s t a n t i n o p l e . Par-f o i s , quand l e s ^ j o u r dans un p o r t l e permet, i l s'\u00C2\u00A3chappe hors des v i l l e s pour s'aventurer a\" l a recherche de r u i n e s ou de mo-numents; une n a t t e l u i s e r t de matelas e t une s e l l e , d ' o r e i l l e r . Son aventure avec l e b r i g a n d C a r a c a y a l i , rapport\u00C2\u00A3e par Le Beau, e s t r e s t 6 e c e l e b r e e t a du certainement c o u r i r l e s s a l o n s . Le r e c i t qu'en f a i t Caylus e s t p l u s sobre que c e l u i de son biographer Pour moy, q u i ne voyageais que par c u r i o s i t y , j e r ^ s o l u s d ' a l l e r a Ephese, mais l ' o n me d^tourna de ce p r o j e t en me d i s a n t que l e pays \u00C2\u00A3tait peuple\" de v o l e u r s . Cependant en me promenant par l a v i l l e , j e v i s des hommes dont 1'Equipage e s t a i t d i f f e r e n t des a u t r e s e t , m'^tant informe de l e u r e t a t , j ' a p p r i s q u ' i l s e t a i e n t de l a troupe du C a r a c a y a l i que jamais l e Grand Seigneur n ' a v a i t pu soumettre e t que depuis quelque temps, i l l a i s s a i t en p a i x . J e fus tr\u00C2\u00A3s s u r p r i s de l e s v o i r avec t a n t de f a m i l i a r i t y dans l a v i l l e , mais on me r ^ p o n d i t qu'on l e s m^nageait beaucoup dans l a c r a i n t e du mal q u ' i l s pouvaient f a i r e . J e r6fl\u00C2\u00A3chis sur t o u t c e l a , e t j e r ^ s o l u s - 19 -de f a i r e marche avec ces bandits, pour me conduire jusqu'ci Ephese, mais de remettre 1'argent en main t i e r c e pour ne l e recevoir qu'cl mon retour. Nos conventions furent bientot f a i t e s et je p a r t i s tout seul avec eux sur un de leurs chevaux q u ' i l s devaient me f o u r n i r . Je ne p r i s avec moy qu'un j u i f pour me s e r v i r d ' i n t e r p r i t e . Quelques o f f i c i e r s du vaisseau et mes camarades de voyage me dirent adieu comme s ' i l s ne devaient plus me v o i r . I l y en eut d'autres qui se moquerent du p a r t i que je prenais. Mais cette a f f a i r e e s t a i t bien ais6e a c a l c u l e r . Car enfin, ceux a qui je me c o n f i a i s etaient int\u00C2\u00A3ress\u00C2\u00A3s 5. ma conser-vation. Je n'emportai point d'argent sur moy. Un habit de t o i l e de v o i l e , enfin tout ce que j'avals, n'aurait pu me f a i r e v a l o i r 15 francs. Done mon retour devenait leur propre a f f a i r e . Au retour, tous mes camarades furent tres faches de n'avoir pas f a i t ce voyage, quand i l s me virent de retour, car l e risque que j'avais courru l e rendait plus recom-mandable que ce que j'avais vu, dont je ne voulus jamais leur p a r l e r 5 3 . Cette aventure singuliere, tout en montrant l e caractere intr\u00C2\u00A3-pide et indOpendant de Caylus, tOmoigne aussi de son int\u00C2\u00A3ret pour 1'archOologie et l ' h i s t o i r e . Cet i n t ^ r e t est manifeste: i l parcourt l a campagne de Troyes cherchant l e s i t e de l'ancienne v i l l e : i l observe l a s i t u a t i o n du port de Smyrne et remarque, \"Le peu d'espace de son port me confirme encore dans l'idee 54 que j'ay de l a navigation des anciens\" . Se mefiant toujours des l\u00C2\u00A3gendes et de l ' h i s t o i r e , i l veut observer lui-meme avant de juger. Sur l a maniere de Caylus, Shazmann 6 c r i t : - 20 -Sobre en presence d'un paysage, connaisseur d ' a r c h i t e c t u r e , gonial innovateur dans l a recherche de 1'antique, jamais i l ne mani-f e s t e son enthousiasme aux d\u00C2\u00A3pens de 1'ob-s e r v a t i o n . I l procede par comparaison, omet l a l a b a n a l i t y , c r i t i q u e p l u s souvent q u ' i l ne l o u e . S ' i l approuve une oeuvre d ' a r t ou s ' i l se p l a i t S d ^ t a i l l e r un p o i n t de vue, i l e s t convaincu sans r e s e r v e de l e u r s p l e n -deur. A l o r s jamais i l ne se t r o m p e 5 5 . I I n'est n u l doute que ce voyage eut sur 1 ' o r i e n t a t i o n de sa v i e , une i n f l u e n c e d e c i s i v e . Comme dans l e r\u00C2\u00A3cit precedent, on trouve des r e f l e -x i o n s morales^ sur l e s ev^nements, l a bizarrerie des hommes, l a v a r i ^ t e des coutumes, 1'ignorance e t l a s u p e r s t i t i o n . Ce sont lei des themes qu' i l a p p r o f o n d i r a dans ses D i s c o u r s e t q u i i n s -p i r e r o n t ses contes de fyes e t ses comydies. Le s p e c t a c l e de l a misere e t de l a s o u f f r a n c e l u i i n s p i r e l e s o b s e r v a t i o n s s u i v a n t e s q u i a t t e s t e n t de c e t t e bonty de tempyramment dont p a r l e Le Beau: Je n ' a i r i e n vu de s i m i s y r a b l e . Les b l e s s e s y t a i e n t presque sans secours e t l ' o n ne com-prend pas comment des hommes soutiennent ce que j'-y v i s . Le s p e c t a c l e en e s t a i t a f f r e u x , c a r aux h o r r e u r s de l a guerre, c e l l e s de l a misere y y t a i e n t j o i n t e s e t 1'humanity s o u f -f r a i t encore de v o i r une q u i n z a i n e de Turcs, femmes, p e t i t s enfants e t v e i l l a r d s q u ' i l s s ' y t a i e n t a t t a c h y s comme des chi e n s , presque nus, S l ' a v a n t du v a i s s e a u , l e d y s e s p o i r e t - 21 -l a douleur peints sur leur visage... Je concus ais\u00C2\u00A3ment que l'on se r u i n e r a i t pour racheter de t e l s hommes et les renvoyer chez eux, quand on a que de 1\"argent pour l e s r e t i r e r d'un semblable \u00C2\u00A3tat 5 6. A cet 6gard, i l faut souligner, que Caylus, detach^ du faste, du luxe et des honneurs, extremement modeste dans ses besoins, a prodigue\" sa fortune H aider les a r t i s t e s indigents et ii en-courager les a r t s . A sa mort, i l leguera ses biens ii ses do-mestiques, aux ouvriers de ses terres et aux pauvres de sa 57 paroisse Six ans apr&s ce voyage a Constantinople, i l fera un autre voyage d'etude en Belgique, en Hollande et en Angleterre. Le journal, dont Thibaudeau signale 1'existence, a malheureuse-58 ment 6 t 6 perdu Un autre document qui Oclaire l a pens^e de Caylus ii 59 l'\u00C2\u00A3poque de sa jeunesse est les Memoires et Reflexions C'est un ouvrage h\u00C2\u00A3t\u00C2\u00A3rogene, compose d'anecdotes poli t i q u e s sur l e s personnages importants du regne de Louis XIV, d'apho-rismes moraux dans l e gout des Maximes de La Rochefoucauld, de bons mots et de courtes reflexions tir\u00C2\u00A3s de ses lectures en h i s t o i r e ancienne. L'oeuvre montre chez l e jeune homme un es-p r i t curieux porte\" vers l ' h i s t o i r e et l a r e f l e x i o n morale sur - 22 -l'homme e t l a s o c i e t y . S ' i l n'y a r i e n de p a r t i c u l i i r e m e n t o r i g i n a l dans ses r e f l e x i o n s dicousues, on y trouve en germe l e s p r e occupations morales de ses e s s a i s e t de sa f i c t i o n . P l u s i n t ^ r e s s a n t s sont ses commentaires sur l a l i t e -r a t u r e f r a n c a i s e sous L o u i s XIV. Caylus c o n s i d ^ r e l'epoque de Racine e t de M o l i e r e , comme 1'apogee de l a l i t e r a t u r e f r a n c a i s e e t doute f o r t q u ' e l l e s o i t jamais \u00C2\u00A3gal\u00C2\u00A3e. I I v o i t l a l i t t e r a -t u r e f r a n c a i s e menac^e par l e relachement dans l e s etudes e t l a mode de 1'anglomanie. Selon l u i l a prose e t l e s vers contem-p o r a i n s ont moins de \" c o r r e c t i o n e t d'eiegance\" qu'au s i i c l e precedent. C e l a v i e n t d i t - i l , de l'abus de 1 ' e s p r i t q u i a \"passe? l e s bornes\". La p h i l o s o p h i e e s t devenue, s e l o n l u i , \"une espece d'epidemie q u i gagne t o u t e s l e s t e t e s sans pourtant 60 a m e i i o r e r l e jugement e t l a l o g i q u e \" . A i n s i , c o n c l u i - i l ^ , g race \"au pretendu philosophisme venu de Londre\", l e s a r t s \"mar-61 chent ei grands pas vers l e u r decadence\" A i n s i ce document montre Caylus fortement imbu de 1 ' i d e a l c l a s s i q u e e t ferocement anti-moderne. Nous verrons q u ' i l defend l e meme dogmatisme c l a s s i q u e dans ses r e f l e x i o n s sur l ' a r t . Suivons done Caylus dans ses recherches sur l ' a r t , 1 ' a r cheologie, l ' h i s t o i r e e t l a l i t t e r a t u r e du Moyen Age. - 23 -Ses recherches historiques se sont eiaborOes au sein de deux compagnies dont i l fut raembre \u00C2\u00A3i t i t r e d'honoraire: 1'Acad^mie Royale de peinture et de sculpture et 1'AcadOmie des Belles-Lettres et des Inscri p t i o n s . II est eiu 3 l a premiere assembled en 1731 mais i l ne siege que rarement avant 1746. Sa premiere preoccupation 62 sera de r e t a b l i r 1'usage des conferences , et de relever 1*6-tude et 1 *enseignement de l ' a r t en l e plagant sur un t e r r a i n 63 purement technique . Le lyrisme l i t t e r a i r e l a manie're de Diderot) applique \u00C2\u00A3 l ' a r t , selon l u i , conduit a des absurdites et n'enseigne r i e n au futur peintre. Dans l e meme e s p r i t i l r^dige des discours sur l ' a r t , qui etant anterieurs de neuf ans au premier des Salons, l u i valent l'honneur d'avoir inau-gure\" ce genre de c r i t i q u e d'art. Toujours dans un but pedago-64 gique i l ecrxt entre 1747 et 1751, plus de 18 biographxes dont 1'intOret est plus technique que l i t t e r a i r e . Le s t y l e en est p l a t voire souvent incorrect. Farcies de reflexions sur l ' a r t et d'aphorismes moraux, ces biographies montrent Caylus imbu d'un classicisme intransigeant. II preconise en a r t l e p r i n -cipe d'autorite, autorite i n t e l l i g e n t e et e c l a i r e e mais absolue. I l deplore l a d i s p a r i t i o n du gout \"magnifique\" du s i e c l e prece-dent; l ' a r t s'est rapetisse en prOfOrant l e \"bibelot\", l e vernis - 24 -de l a nouveaute au s o l i d e e t au sublime. Ce gout de l a nou-veaute\" q u i c a r a c t e r i s e son \u00C2\u00A3poque e s t pour l u i l e pl u s grand ennemi de l ' a r t q u i e s t un e t permanent. Ce sont i l l des id\u00C2\u00A3es q u ' i l e i a b o r e r a en une th\u00C2\u00A3orie de l ' a r t e t q u i g u i d e r o n t ses recherches en arch\u00C2\u00A3ologie. A peu pres S l a meme 6poque oil i l f o u r n i t ses p l u s grands e f f o r t s pour r e l e v e r 1'etude e t 1'enseignement de l ' a r t a l'Academie Royale, Caylus e s t nomme\" membre h o n o r a i r e ci l ' A -cademie des B e l l e s - L e t t r e s e t des I n s c r i p t i o n s . C'est dans ce m i l i e u savant q u ' i l f a u t 1*observer pour s a i s i r 1 ' o r i g i n a l i t y de sa pens\u00C2\u00A3e e t l'^tendue de ses recherches, notamment dans l a l i t e r a t u r e du moyen age. Fondle en 1663 pour r e c u e i l l i r l e s i n s c r i p t i o n s e t l e s m e d a i l l e s devant i l l u s t r e r pour l a p o s t e r i t y , l a g l o i r e du r o i s o l e i l , l'Academie a v a i t au debut un c a r a c t e r e assez mo-des t e . E l l e s u b i r a des r^formes importantes au cours de son h i s t o i r e pour de v e n i r au 18e s i e c l e l e c e n t r e de recherches h i s -t o r i q u e s . A cause de son c a r a c t e r e o f f i c i e l 1 * e s p r i t q u i regne et l'Academie e s t t r e s orthodoxe e t cons e r v a t e u r . Fr\u00C2\u00A3ret e s t envoye\" a l a B a s t i l l e pour y a v o i r l u un m^moire sur l ' o r i g i n e 65 \u00E2\u0080\u00A2\u00C2\u00BB de l a monarchie q u i d\u00C2\u00A3plut au r o i . Mais peu & peu 1 ' e s p r i t moderne, v o i r e p h i l o s o p h i q u e , p\u00C2\u00A3netre dans l e m i l i e u en meme - 25 -temps que se renouvelle l a conception de 1'etude his t o r i q u e . En 1732, FrEret met en cause les fondements de l a v i e i l l e Eru-d i t i o n dans ses Reflexions sur 1'Etude des anciennes h i s t o i r e s 66 et sur l e degrE de certitude de leurs preuves . L'h i s t o r i e n ne doit plus se preoccuper seulement de questions de source et d'authenticity car 1'authenticity d'une source ne garantit pas l a v E r i t E de son contenu. Au l i e u d'Staler son erudition, l e savant doit, comme 1'avait montre Bayle, porter un jugement c r i t i q u e sur les f a i t s , et insurer ses reflexions dans un cadre plus large de considerations sur 1'homme et l a sociEte. C'Etait par l e f a i t meme s o r t i r 1'Erudition de l a poussiere, l a rendre plus attrayante et moins rebarbative. Charles l e Beau, l'ami de Caylus, d E f i n i t a i n s i les buts de 1'AcadEmie: f a i r e \" l ' h i s -t o i r e de 1*esprit humain et des divers systemes q u ' i l a en-fan tEs\" 6 7 . Ce n'est done pas au sein d'une assemblEe de pEdants 68 que Caylus eut d r o i t de seance en 1742 . L'AcadEmie e t a i t f i e r e de s'attacher un grand seigneur possEdant un riche c a b i -net d'antiquitEs et ami du Ministre Maurepas par s u r c r o i t . Caylus se f a i t tout de suite remarquer par son assiduitE et ses intErets les plus variEs pour les recherches. De 1744 Ii 1765 -dans l'espace d'une vingtaine d'annEes - i l fera une cinquantaine - 26 -de l e c t u r e s a l'Academie sur une i n f i n i t e de s u j e t s q u i deman-dent des connaissances f o r t d i v e r s e s . Caylus e s t p a r t i s a n de l a n o u v e l l e e c o l e en ce q u i concerne l a recherche h i s t o r i q u e . Comme i l 1'a p r e c i s e \u00C2\u00A3 maintes r e p r i s e s , l e but de ses travaux n'est pas une c o m p i l a t i o n s t e r i l e de f a i t s ou de vieux pots 69 mais 1'etude des moeurs des c i v i l i s a t i o n s d i s p a r u e s . Ses memoires h i s t o r i q u e s , l o i n d ' e t r e p o n d e r s e t i n d i g e s t e s ci f o r c e de l o u r d e u r methodique, sont p l u t o t des r e f l e x i o n s spon-tanees provoquees par l a l e c t u r e de t e x t e s anciens ou l'examen d'un monument a n t i q u e . Ses recherches t o u t e f o i s , tendent ci se grouper autour d'un c e r t a i n nombre de probldmes techniques e t p r a t i q u e s par l e s q u e l s i l t e n t e d ' e x p l i q u e r e t de r e c o n s t i t u e r l ' a r t a n c i e n . Mais ce q u i nous i n t e r e s s e i c i , p l u t o t que l a nature de ces recherches, c ' e s t sa methode de t r a v a i l ou 1'es-p r i t c r i t i q u e avec l e q u e l i l aborde 1'etude h i s t o r i q u e e t a r -c h e o l o g i q u e . Le premier problime q u ' i l pose e s t c e l u i de l'examen scrupuleux des t e x t e s . En c e l a i l se rapproche de l'empirisme des p h i l o s o p h e s . Son e s p r i t c r i t i q u e s * exerce d'abord ei exami-ner l e s t r a d u c t i o n s pour v o i r s i e l l e s ne f a u s s e n t pas 1 * e s p r i t de l ' a u t e u r o r i g i n a l . Caylus s'eieve c o n t r e ceux q u i , t r a d u i -sant. des ouvrages q u i depassent l e u r competence, se contentent - 27 -d'approximations . Avec un e s p r i t t o u t p h i l o s o p h i q u e i l r e -commande d ' a l l e r aux sources, e t avant de d i s s e r t e r sur l e s causes de b i e n s ' a s s u r e r du f a i t . A c e t t e f i n une etude b i o -graphique peut e t r e u t i l e : e l l e permet de d\u00C2\u00A3celer l e s pr4jug6s d'un auteur e t son tour d ' e s p r i t p a r t i c u l i e r . Comme i l l e p r e c i s e , \"Pour d i s t i n g u e r nettement e t avec v\u00C2\u00A3rite l e s o b j e t s 71 e l o i g n e d , l e c h o i x des v e r r e s n'est pas i n d i f f e r e n t \" Apres l'examen des sources, i l s 'attache ci v e r i f i e r l e s f a i t s . Dans l e s travaux a r c h e o l o g i q u e s p a r t i c u l i e r e m e n t , i l s ' a s t r e i n t ii une methode rigoureusement empirique: examen minutieux de l ' o b j e t , comparaison a t t e n t i v e , q u i permettent de c o n c l u r e par i n d u c t i o n ou par a n a l o g i e . E t quand c e l a s'avere p o s s i b l e i l d^montre ou d^mentit 1 ' a s s e r t i o n d'un auteur par des e x p e r i e n c e s . Caylus a resume lui-meme c e t t e methode de t r a v a i l : L ' i n s p e c t i o n de p l u s i e u r s monuments ra p p r o -ches avec s o i n en d\u00C2\u00A3couvre 1'usage, comme l'examen de p l u s i e u r s e f f e t s de nature, combi-nes avec o r d r e , en decouvre l e p r i n c i p e : e t t e l l e e s t l a bonte de c e t t e methode que l a m e i l l e u r e facon de c o n v a i n c r e d ' e r r e u r 1 ' a n t i -q u a i r e e t l e p h y s i c i e n , c ' e s t d'opposer au premier de nouveaux monuments e t au second de n o u v e l l e s e x p e r i e n c e s ^ 2 . Le triomphe de ce genre d'experimentation s e r a l a decouverte de l a peinture. a.Ie/icaustique, decouverte que D i d e r o t - 2 8 -contestera dans un pamphlet malveillant . Dans cette contro-verse, l ' h i s t o i r e et l a science donneront raison \u00C2\u00A3i Caylus. Rocheblave resume comme s u i t sa contribution ci l ' h i s t o i r e de l ' a r t : Avant Caylus, au sein des deux Academies, dans une discussion sur l ' a r t ancien on pouvait entendre 1'artiste trancher sans preuve, l e savant raisonner sans competence, l'un trop f o r t de son gout, 1'autre de son e r u d i t i o n . Apr&s Caylus, i l ne fut plus dEsormais possible ci 1'artiste d'aborder de t e l s sujets sans etre suffisamment savant, au savant sans etre suffisamment a r t i s t e ^ 4 . Voila\" en gros l a nature des a c t i v i t E s de Caylus ii 1 'AcadEmie des Belles Lettres et des I n s c r i p t i o n s . Les mEmoires q u ' i l y l u t ne constituent cependant qu'un prelude ii son oeuvre c a p i t a -l e dans l e domaine de l ' a r t et de 1'archEologie, l e Recueil 75 d'antiquitEs Ce r e c u e i l de gravures a &t& constituE au fur et ii mesure que l'auteur dEcouvrait des antiquitEs dignes d'etre gravEes. A p a r t i r de ces objets i l rEdigeait des notices pour en dEgager des conclusions historiques sur les moeurs ou pour construire des hypotheses sur les origines et l e s procEdes. Les prefaces des divers r e c u e i l s marquent les grandes lignes princ i p a l e s des preoccupations de Caylus en matiere d'art. Sa - 29 -c u r i o s i t E s ' e x e r c e par p r e d i l e c t i o n sur des problemes de t e c h -nique e t d * e x e c u t i o n , de genese e t d ' o r i g i n e , problemes q u i s e l o n l u i , e c l a i r e n t l ' h i s t o i r e des c i v i l i s a t i o n s q u i se t rouve i n s c r i t e dans l e s \"morceaux f r u s t e s \" . \" L ' e c l a i r c i s s e m e n t d'une d i f f i c u l t e h i s t o r i q u e depend p e u t - e t r e d ' u n fragment d ' a n t i q u i -7 6 te . . . \" a i m e - t - i l S r e p e t e r Le R e c u e i l montre q u ' i l poss&de un sens h i s t o r i q u e remarquable pour l ' e p o q u e e t q u ' i l e v i t e par consequent d ' a t -t r i b u e r c\ de d i f f e r e n t s p e u p l e s , des m e n t a l i t e s contemporaines . I l r e c o n n a i t que chaque peuple a un gout e t un s t y l e q u i l e c a -r a c t e r i s e n t , e t c ' e s t sur ce p r i n c i p e so l idement e t a b l i q u ' i l se base pour a t t r i b u e r un o b j e t d ' a r t ou une a n t i q u i t e , s o i t aux G r e c s , s o i t aux Romains. A i n s i , ci p a r t i r de b r i b e s e t de r u i n e s , i l a pu r e c o n s t r u i r e p a r t i e l l e m e n t l ' h i s t o i r e des c i v i l i s a t i o n s , grace 3. un r i g o u r e u x enchainement d ' o p e r a t i o n s e t de r e f l e x i o n s q u i c a r a c t e r i s e sa methode. B i e n q u ' i l se mefie de l a t h e o r i e e t des e x p l i c a t i o n s a b s t r a i t e s dans l e domaine de l ' a r t , ses recherches l e c o n d u i -sent a\" poser c e r t a i n e s hypotheses sur l ' a r t a n c i e n et sur l ' a r t en g e n e r a l . Avant Winckelman, i l pose l e p r i n c i p e que l e s a r t s se developpent r e g u l i i r e r a e n t e t successivement s e l o n des l o i s g O n e r a l e s . - 30 -On n'est pas 6tonn\u00C2\u00A3 de v o i r que dans tous l e s pays l a marche (des A r t s ) e s t uniforme, que p a r t o u t i l s s u i v e n t l a meme route, e t , s ' i l e s t permis de d i r e , que pour p a r v e n i r de l ' e n f a n c e S l'age mur, i l s r e c o i v e n t l e s memes accroissements s u c c e s s i f s . On d i r a i t qu 'e i c e t \u00C2\u00A3gard, comme a d'autres, l a nature s u i t constamment l a meme l o i 7 ^ . Ce passage nous permet d\u00C2\u00A3j\u00C2\u00A3i de d e c e l e r l e s t r a i t s p r i n c i p a u x de sa conc e p t i o n de l ' a r t . Grand c l a s s i q u e , i l c r o i t que l ' a r t e s t un dans l e monde e n t i e r , q u ' i l a un modele f i x e e t q u ' i l n'a i n v e n t ^ , pour a i n s i d i r e , qu'une s e u l e f o i s . L ' H i s t o i r e a r t i s t i q u e de chaque peuple n'est qu'un Episode p a r t i c u l i e r de l a marche g\u00C2\u00A3n\u00C2\u00A3rale de l ' a r t . I I se transmet d'une c i v i l i s a t i o n \u00C2\u00A3i 1'autre par 1'interm\u00C2\u00A3diaire des guerres, des conquetes e t des ^changes commerciaux. Chaque peuple m o d i f i e c e t a r t commun s e -l o n son g\u00C2\u00A3nie e t son m i l i e u . Quant a l ' o r i g i n e de l ' a r t , e l l e 7 8 se perd dans l e s i l e n c e des 6poques p r e l i i s t o r i q u e s . T e l l e e s t l a conc e p t i o n de l ' a r t q u i se d^gage des d i v e r s travaux de Caylus consacres a l ' a r t e t a 1 ' a r c h ^ o l o g i e . Par l e b i a i s de l ' h i s t o i r e de l ' a r t , e t des antiquit\u00C2\u00A3s f r a n g a i s e s , i l s ' e s t a u s s i interess\u00C2\u00A3 a l a l i t e r a t u r e e t a l ' h i s -t o i r e du Moyen Age. L o r s q u ' i l p r i t s i e g e ci l'Academie des I n s -c r i p t i o n s en 1742, l e s Etudes medieVales c o n s t i t u a i e n t d\u00C2\u00A3ja une p a r t i e assez importante des travaux de l a compagnie. En 1724, - 31 -Camille Falconet, reconnaissant l'6normite des recherches & f a i r e avant d'arriver JI une vue synthetique de l ' h i s t o i r e m\u00C2\u00A3-dieVale, dEplorait l e manque de chercheurs et proposait un programme de travaux c o l l e c t i f s . A l a suite de cette declara-ti o n , Monfaucon, l e savant benedictin, Sainte-Palaye et Le Grand d'Aussy, entreprirent respectivement, des recherches sur les monuments nationaux, sur les troubadours et les fabliaux. Sainte-Palaye p r ^ c i s e r a plus tard, dans son Plan de t r a v a i l pour l'Academie des Belles Lettres et des I n s c r i p t i o n , 1'esprit dans lequel doivent se f a i r e les recherches: Je voudrais que 1'Academic s'occupast bien plus a\" f a i r e de v r a i s ouvrages qu'a composer de p e t i t e s dissertations et que chaque mem-bre attach^ a un plan d'etudes suivies se proposast un but et rendist compte a l a Com-pagnie du progr^s de son t r a v a i l , de ses decouvertes et de ses d i f f i c u l t y . La ma-t i i r e alors ne manqueroit pas, et l'on reme-d i e r o i t et un autre d6faut de cet e t a b l i s s e -ment... II consiste en ce que dans les travaux de l'Academie, i l n'y a point d'ensemble... C'est dans ce courant d'id\u00C2\u00A3es nouvelles en etudes historiques que se situent l e s recherches de Caylus sur l e Moyen Age. II faut p r ^ c i s e r qu'et cote de ce v e r i t a b l e renouveau du Moyen Age, entrepris par les erudits de l'Academie des Inscriptions, co-e x i s t a i t un engouement l i t t e r a i r e pour les vieux romans et les - 32 -v i e i l l e s chansons, dans l a t r a d i t i o n chevaleresque. La C a l -prenede et Honors d'Urfe trouvaient encore des lecteurs dans l a premiere moitie\" du 18e s i e c l e . Mile l ' H 6 r i t i e r , Mile de Lubert, Moncrif et Tressan contribuerent a cette mode en adap-tant au gout moderne des oeuvres medieVales. Caylus lui-meme ne put r e g i s t e r au courant: i l donne en 1737 une e d i t i o n fran-caise de Tyran l e Blanc, roman chevaleresque espagnol, et une N 80 traduction d'un roman de Marinx, Le Coloandre Fidele Les m^moires de Caylus consacres au Moyen Age datent de 1746 ei 1748. I l s t^moignent d'une connaissance v e r i t a b l e de l ' h i s t o i r e et de l a l i t t ^ r a t u r e m6di\u00C2\u00A3vales. Le m^moire l e plus interessant et l e plus o r i g i n a l est c e l u i consacre\" aux Fabliaux L ' h i s t o i r e du fa b l i a u comme genre litt\u00C2\u00A3raire vivant se c l o t dans l e second quart du XVIe s i e c l e ; c e l l e du f a b l i a u objet de recherches Erudites s'ouvre d6finitivement au mois de j u i l l e t 1746 avec un discours prononce\" par l e comte de Caylus \u00C2\u00A3 1'Acad^mie des I n s c r i p -tions et Belles L e t t r e s 8 2 . Voila\" ce qu'affirme Nykrog dans son apercu c r i t i q u e des travaux r e l a t i f s aux fabliaux. Caylus ne fut pas cependant l e premier a d^couvrir l e genre. Claude Fauchet, grand philologue fran-gaxs du 16e s i e c l e , mentionne quelques auteurs de fabliaux dans son Recueil de l ' o r i g i n e de l a lanque et l a poesie francaises, - 33 -mais i l se \"borne; a. re'sumer brievement leurs contes. Au IJe siecle; on ne trouve; que deux ouvrages. qui signalent l e s f a b l i a u x : Les origines de l a langue. francaise: de Menage, et. l e Tres or de Recherches de; Borel. Ces deux ouvrages en montrant 1 'origin\u00C2\u00A9 latine: du mot f a b l i a u \"fabula\" 1, ne presentent. pas une ide*e bien netter du genre; e t de ses circonstances. historiques. Au debut du I8e s i e c l e deux etudes consacrees a l a poedie frangaise. abordent d'une; fagcon incidente- l e s fabliaux, sans dormer beaucoup de pre c i s i o n s et sans porter de jugements c r i t i q u e s ; H i s t o i r e de l a poesie frangaise:- (1706) de Mervesin et Histoire de l a poesie frangaise (1739) de; Massieu. \"Ce f u t done une ve r i t a b l e decouverte que f i t l e comte de Caylus (1692.-1765) quand i l se mit a etudier l ' a c t u e l B.N. , 19,152' e t en r e t i r a une idee juste et detaiHee 83 de ce genre presque oublie'\"' . Le m^moire de Caylus, imprime en 1753 dans: l e s Memoires de; l'Academie des Inscriptions, et B e l l e s -Let tres;, ( t . XX) a contribue; a former l e s jugements portes sur l e genre dans l e s generations posterieures. II es>t f o r t probable; que Caylus a i t ete i n s p i r e dans ses recherches par S a i n t e - P a l a y e 8 \ l e grand medieviste de l'epoque. Le; grand D'Aussy declare que presque tous les contes de son r e c u e i l , Fablaiux et contes. l u i ont ete signales par c e l u i - c i . ^ i l ne f a i t aucune mention de^ Caylus. - 34 -Le problime central qui semble preoccuper Caylus est c e l u i de l ' o r i g i n e . Un bref apercu des contes dans les temps recul^s, l u i permet de postuler que les sources des fabliaux se perdent dans \"1'ignorance et 1*obscurity qui ont precede\" l e 86 onzieme s i e c l e . . . . II pretend tracer l ' o r i g i n e jusque dans 1'antiquity, E1 1'apologue, aux contes et aux r\u00C2\u00A3cits fabuleux et meme l a parabole de l a B i b l e . Parents assez lache soutenue par l e seul f a i t q u ' i l s avaient en commun avec les fabliaux l e but d'amuser et d ' i n s t r u i r e . II l u i pa r a i t evident que \"les X l l e et X H I e s i i c l e s ou meme ceux qui les ont pr^cEd^s, n'ont pu former des poetes et des auteurs sur l e modele des anciens, dont les pr\u00C2\u00A3cieux restes n'etoient pas r e t a b l i s par cette sa-87 vante c r i t i q u e . . . \" . Mais i l conclut que malgre leur \"prodi-gieuse ignorance\" les auteurs des fabliaux avaient tout de meme une certaine connaissance des anciens. Cette connaissance, selon l u i , s'est transmise indirectement par 1'interm^diaire des Arabes qui avaient t r a d u i t les l i v r e s grecs. Les traduc-tions ont 6t& port\u00C2\u00A3es en Espagne par les Maures et de l a en France. II admet aussi 1'influence possible de l'Inde. Mais pourquoi l e genre s ' e s t - i l surtout deVeloppe en France? Pour repondre & cette question,Caylus a recours a 1'id\u00C2\u00A3e vague de 1'esprit gaulois. \"Je c r o i s pouvoir avancer que les Francois - 35 -n6s gais, lagers, et badins, ont s a i s i ce genre de contes avec plus d'avidity que les autres nations de 1'Europe, et i l me paroit presque prouve\"... q u ' i l s ont ensuite communique\" ce gout 88 a\" leurs v o i s i n s , surtout aux I t a l i e n s \" . Les fabliaux ont f l e u r i , a j o u t e - t - i l , vers l a f i n du regne de Philippe Auguste ou pendant c e l u i de Saint Louis. Quant ci l ' o r i g i n e du mot f a -b l i a u , e l l e vient du vieux mot francais \"fabel\" conserve en allemand. Caylus porte ensuite des jugements c r i t i q u e s sur l e genre. Imbu des m\u00C2\u00A3thodes d'analyse de son temps, i l d\u00C2\u00A3finit d'abord l a doctrine du genre pour vo i r ensuite comment les exem-ples p a r t i c u l i e r s r ^ a l i s e n t l ' i d ^ a l d o c t r i n a i r e . Le fabliau est \"un poeme qui renferme l e r\u00C2\u00A3cit elegant d'une action inven-ted, p e t i t e plus au moins intrigu\u00C2\u00A3e, quoique d'une certaine etendue, mais agr^able ou plaisante, dont l e but est d ' i n s t r u i r e 89 ou d'amuser\" . Le module d e f i n i , i l remarque: \"On n'exigera pas, je c r o i s , que chacun des Fabliaux qui ont \u00C2\u00A3te f a i t s dans l e X l l e et dans l e X H I e s i e c l e , r^unisse toutes les conditions que je viens d'expliquer, et qui sont necessaires pour l a per-fection d'un ouvrage de ce genre: mais je c r o i s pouvoir assurer q u ' i l n'y a aucune par t i e qui, en quelques endroits de ces Fabliaux, 90 n'ait \u00C2\u00A3te\" rendue de facon a s e r v i r de modele\" . En g6n6ral, i l s - 36 -n'ont pas les defauts des romans de l a meme epoque: fausse erudition, d i f f u s i o n choquante, repetitions ennuyeuses, anachro-nismes, incidents absurdes, et erreurs de geographie et d'at-t r i b u t i o n de moeurs. I l s sont brefs, gais et bien n a r r i s : Caylus aime surtout l e ton facetieux et mystificateur. II de-plore toutefois l e caractere obscene de certains contes, \"trop 91 l i b r e s pour etre c i t e s \" . \"Ma c r i t i q u e ne tombe point tant sur des mots qui n'etant que des conventions peuvent etre admis ou bannis par 1'usage ou par l a p o l i t e s s e , mais sur l e s fonds qu'en saine morale i l n'est pas possible d'admettre, encore 92 moins de rendre public\" . VoilSl une remarque f o r t curieuse venant de l'auteur du Bordel qui avoue quelque part aimer les 93 -mots crus et les obscenites . Plutot qu'un scrupule moral i l faut v o i r une simple concession sociale que Caylus f a i t \u00C2\u00A3 l ' i l -l u s t r e assembiee de l'Academie. Pour donner une idee du genre, i l resume ensuite quel-ques fabliaux (le Castoiement, l a Male Honte, A r i s t o t e , l e Co-voiteus, l e S a c r i s t a i n , et Guillaume au Faucon) apres quoi, i l f a i t l a remarque suivante qui montre son admiration profonde pour cette l i t t e r a t u r e : \"Ce qui me surprend, je l'avoie, c'est qu'avec de t e l s modiles, notre poesie et nos connoissances soient retombees dans l a barbarie ovi e l l e s ont e te f o r t peu de - 37 -temps apres\" . Heureusement, p o u r s u i t - i l , qu'apres c e t t e r e -g r e s s i o n , un r e t o u r au fond ancien, a permis it c e r t a i n s auteurs comme R a b e l a i s , La Fontaine e t M o l i e r e , de donner une n o u v e l l e v i gueur S l a l i t t e r a t u r e n a t i o n a l e . Les I t a l i e n s , e t p l u s p a r t i c u l i e r e m e n t Boccace, se sont a u s s i i n s p i r e s largement des f a b l i a u x . Caylus termine par une d e s c r i p t i o n du contenu des c o d i -ces q u i montre b i e n 1 ' o r i g i n a l i t e e t l'6tendue de ses re c h e r c h e s . A i n s i t o u t 6 t o i t pdlemele, morceaux q u ' i l (al s a v o i r l e p r o p r i e t a i r e du volume) c r o y o i t h i s t o r i q u e s , l^gendes, p r i x de marchandises i n d i c a t i o n s de f o i r e s , m o r a l i t ^ s , romans, contes e t f a b l i a u x , dans l e s p l u s l i b r e s desquels on v o i t indifferemment r\u00C2\u00A3pandues des p i e u s e s e t longues t i r a d e s , s u r - t o u t de l ' A n c i e n Testament. Une t e l l e s i m p l i c i t e f a i t l ' e l o g e de nos peres, e t nous d o i t au moins prouver l a f o i s i n c e r e e t l a p i e t e des hommes de ce temps-1*95-. Caylus e s t done l e s e u l au 18e s i e c l e a a v o i r \u00E2\u0082\u00ACtudi\u00C2\u00A3 s\u00C2\u00A3rieusement l e f a b l i a u comme genre litt\u00C2\u00A3raire. Comme l e remarque Nykrog, son m4moire s e r a l a source p r i n c i p a l e d ' i n s p i r a t i o n pour ceux q u i 6 c r i r o n t sur l e s u j e t apres l u i . Le C h e v a l i e r de J a u c o u r t , dans son a r t i c l e \" f a b l i a u \" pour 1'Encyclopedic, r\u00C2\u00A3pete presque mot pour mot l e s termes de C a y l u s . Sa t h e o r i e de l ' o r i g i n e - a s a v o i r que l e s f a b l i a u x sont d e r i v e s de l a l i t t e r a t u r e n a r r a -- 38 -ti v e de 1'antiquity, retrouv\u00C2\u00A3e au Moyen Age par 1 * intermediaire des Arabes - preVaudra jusqu'au dernier quart du 18e s i l c l e . S i l e s travaux de Gaston Paris et de Joseph B^dier ont depuis completement Eclipse\" ceux de Caylus, i l revient c i c e l u i - c i l e mErite d'avoir deblaye\" l e t e r r a i n . Caylus fut aussi un des premiers c i a t t i r e r 1'atten-t i o n sur Guillaume de Machaut dans deux memoires q u ' i l consacre 96 au poete alors presque inconnu . Selon son habitude i l aborde 1'etude l i t t e r a i r e dans une perspective historique, regardant 1'oeuvre d'art plus comme un document de moeurs qu'une forme esthEtique. \"J'avoue que l e Poete m'a semble\" plus intEressant 97 du moment que j ' a i pu l e regarder comme un h i s t o r i e n \" . I l ayoue d ' a i l l e u r s connaitre tres mal sa poesie. L'objet de son t r a v a i l est d ' e t a b l i r qui E t a i t Guillaume de Machaut, de prEsen ter les conditions de sa vie , de preciser les rapports avec ses contemporains et d'examiner les jugements que ceux-ci ont por-tes sur l u i . \"Je me contenterai de rapporter tous les f a i t s qui l e regardent et que ses ouvrages peuvent seuls f o u r n i r : j ' o u b l i e r a i d'autant moins les personnes avec lesquelles i l a v\u00C2\u00A3cu et dont i l parle, qu'elles sont les plus considerables de _ . \u00C2\u00AB , - I I 98 son s i e c l e Comme dans ses travaux archEologiques, Caylus montre - 39 -l e meme souci d'exactitude empirique: i l examine soigneusement les documents, les confronte les uns avec l e s autres pour porter ensuite un jugement c r i t i q u e aussi o b j e c t i f que possible. Peu soucieux d'^blouir ses collegues par ses decouvertes, i l pre-sente en meme temps que les f a i t s et les conclusions, les pro-cedes de recherche, l e s incertitudes, les lacunes, l e tout pouvant s e r v i r de guide aux futurs chercheurs. De l a les nora-breuses digressions qui rendent l e s memoires d i f f u s et obscurs. Le premier memoire est un ve r i t a b l e guide de recherche. Caylus y signale notamment deux projets d* investigation qui m^rite-raie n t 1'attention des savants. D'abord un t r a v a i l sur les noms et les usages des machines de guerre qu'on employait \u00C2\u00A3i cette epoque chevaleresque. Cela pour mieux comprendre les ma-noeuvres rapportees par les auteurs et peut-etre aussi pour en t i r e r quelques applications pratiques. Ensuite une etude de l a marine et plus particulierement des moyens dont les chevaliers se servaient pour embarquer leurs chevaux. Sujet int\u00C2\u00A3ressant qui pourrait en plus s'averer u t i l e car ses contemporains, a j o u t e - t - i l , consid&rent ces operations quasi-impossibles. Comme on l e v o i t , 1'interet q u ' i l porte \u00C2\u00A3 Guillaume de Machaut n'a r i e n de litt\u00C2\u00A3raire. Dans l e reste des deux memoires Caylus rapporte, avec des commentaires c r i t i q u e s , l a narration que - 40 -f a i t Machaut de l a vie de Pierre de Lusignan, r o i de Chypre. Le poeme n a r r a t i f de Machaut 1'intEresse uniquement comme do-cument hi s t o r i q u e . Dans l a meme veine historique, Caylus compose un au-tre mEmoire consacrE au Moyen Age: MEmoire sur l ' o r i g i n e de l a 9 9 chevalerie et des anciens romans . Une t e l l e etude n'avait r i e n de nouveau \u00C2\u00A3 l'Epoque. Des travaux consacrEs ii l a cheva-l e r i e s'Etaient poursuivis depuis l a f i n du Moyen Age, de sorte que HonorE de Sainte-Marie remarque en 1716 dans l a preface de sa Dis s e r t a t i o n historique et c r i t i q u e sur l a chevalerie^\"^, que \" l e sujet passe pour EpuisE\". Cet intE r e t pour l a chevale-r i e venait surtout de 1'ar i s t o c r a t i e qui cherchait des assises morales et pol i t i q u e s pour j u s t i f i e r ses prerogatives de classe. Avant Sainte-Palaye les Etudes sur l a chevalerie se bornaient a dEcrire les r i t e s , les tournois et l a gEnEalogie des families nobles et e l l e s avaient l a facheuse tendance \u00C2\u00A3 i d E a l i s e r l ' E -poque fEodale en l a prEsentant comme une apogEe morale et . , 101 sociale Mais Caylus s'Ecarte de cette voie commune pour s'atta-quer encore une f o i s au probleme des origi n e s . Le but du mEmoi-re est de prouver que l e regne de Charlemagne est & l a base et - 41 -l a source de tous l e s romans de c h e v a l e r i e de 1'Europe . Com-me Huet dans son O r i q i n e des Romans i l a t t r i b u e aux F r a n g a i s l ' o r i g i n e des romans chevaleresques q u i se sont repandus dans t o u t e 1'Europe. Mais i l d e c l a r e q u ' i l veut a l l e r p l u s l o i n que son d e v a n c i e r . I l examine d'abord l ' h i s t o i r e pour v o i r q u e l s renseignements e x i s t e n t sur l a c h e v a l e r i e . I I observe qu'a l'epoque de Charlemagne l e s combats chevaleresques t e l s que de-c r i t s dans l e s romans, ne semblent pas e x i s t e r . I l d i s c r e d i t e e n s u i t e l e roman de Turpin comme source de renseignements h i s t o -r i q u e s , l e d e c l a r a n t faux e t purement 16gendaire. I I c o n c l u t que l e c a r a c t e r e chevaleresque des legendes c a r o l i n g i e n n e s e s t l a c r e a t i o n des eipoques u l t e r i e u r e s . Pour appuyer c e t t e a s s e r -t i o n , i l s o u l i g n e 1'invraisemblance des r e c i t s , 1*existence du m e r v e i l l e u x e t des geants. I I c r o i t c e t element f ^ e r i q u e i n s -p i r e de l ' a n c i e n testament. I I s i t u e done l a na i s s a n c e de l a c h e v a l e r i e e n t r e l e regne de Charlemagne e t l'epoque de T u r p i n . Les c h e v a l i e r s Ytaient a l ' o r i g i n e des g u e r r i e r s f ^ r o c e s e t i n -dependants e t ce n'est que graduellement q u ' i l s se sont c i v i l i -s e s . B i e n que Caylus r e s t e t r e s vague quant ll l ' o r i g i n e exacte de l a c h e v a l e r i e , i l ne semble pas s o u s c r i r e aux deux theses courantes au 18e s i e c l e . Gossman l e s resume a i n s i : While the a d m i n i s t r a t o r s and the c o u r t a r i s - 42 -t o c r a c y o f triumphant a b s o l u t i s m saw c h i v a l r y as a development o f c e r t a i n forms o f Roman m i l i t a r y o r g a n i z a t i o n and as an instrument o f c e n t r a l i z a t i o n (one might c a l l t h i s the \"Romanist T h e s i s \" i n the h i s t o r y o f c h i v a l r y ) , the w r i t e r s who expressed the aims o f the s t i l l s t r u g g l i n g and r e b e l l i o u s nobles o f the e a r l y seventeenth century and who exhorted them t o remain t r u e t o t h e i r p a s t greatness - Andre Favyn, Vulson de l a Colombidre - presented i t as an o r i g i n a l c r e a t i o n o f t h e i r F r a n -k i s h a n c e s t o r s , an instrument o f noble government and a g l o r i o u s t r a d i t i o n from the golden age of t h e i r c l a s s ^ 3 . Q u e l l e que s o i t l a p o s i t i o n de Caylus, contrairement aux f e r -vents germanistes, i l ne confond pas l a lEgende avec l a r E a l i t E h i s t o r i q u e . I l se r e f u s e ci i d e a l i s e r l a c h e v a l e r i e en l a p r e -sentant comme une apogee morale e t s o c i a l e e t s'en t i e n t r i g o u -reusement a des o b s e r v a t i o n s h i s t o r i q u e s ou a des hypotheses corroborEes par des f a i t s . Sa documentation semble s o l i d e : i l d e c l a r e q u ' i l a l u l e s romans des 13e e t 14e s i e c l e s e t l e s h i s t o r i e n s jusqu'au 16e s i e c l e . Mais c e l a ne l'empeche pas d'avancer des hypotheses douteuses comme c e l l e s e l o n l a q u e l l e l a legende d'Arthur s e r a i t un caique de l a lEgende de Charlema-gne. Les A n g l a i s , j a l o u x de n ' a v o i r pas p r o d u i t un Charlemagne, en ont invente un de toutes p i e c e s . Malgre son chauvinisme h i s t o r i q u e , malgre ses c o n c l u s i o n s a u j o u r d ' h u i dEpassEes par l e s recherches modernes, i l l u i r e s t e l e mErite d ' a v o i r o r i e n t e - 43 -les etudes mEdieVales vers des voies plus empiriques et plus objectives. T e l l e e t a i t l'Etendue des recherches de Caylus, en art, en archEologie et en l i t t E r a t u r e du Moyen Age, recher-ches q u ' i l poursuivit jusqu'a sa mort, survenue en 1765 it l'age de 73 ans. V i t e oublie\" apr&s sa d i s p a r i t i o n , l ' E r u d i t sera remis en honneur au s i e c l e suivant. En 1889, Rocheblave a pu E c r i r e , \" I l domine enfin, en France et dans l e monde sa-104 vant, par l'imposante masse de ses travaux CHAPITRE II Les oeuvres inEdites: les Ebauches roma-nesques, les essais et les comedies \"Son e s p r i t a besoin de pature, v o i l a ce qui l e f a i t produire tant d'ouvrages\"\"*\". C'est a i n s i que BarthElemy j u s t i f i e l a production prodigieuse de Caylus. Outre 1'oeuvre publiee, i l existe un nombre considerable d*Ebauches, de b r o u i l l o n s , d'essais et de confErences, tous i n E d i t s , qui constituent le 2 f o u i l l i s problEmatique de ses papiers . II est presque impos-s i b l e de trancher dEfinitivement l a question d'appartenance car tous le s manuscrits ne sont pas autographes. Puisque Caylus se f a i s a i t l'Editeur des Elucubrations provenant des sociEtEs badi-nes dont i l f a i s a i t p a r t i e , on ne saurait l u i attribuer tous les E c r i t s de son p o r t e f e u i l l e , surtout ceux E c r i t s en vers - l a v e r s i f i c a t i o n n'Etait pas son f o r t . Certains morceaux sont de sa main, d'autres portent des corrections autographes et provien-nent de l u i , d'autres encore l u i ont simplement EtE donnEs. C'est sans doute par a l l u s i o n aux f e u i l l e t s de son p o r t e f e u i l l e que Caylus E c r i v a i t dans l a prEface du Recueil de ces Messieurs: \" S i l e public agrEe cette c o l l e c t i o n , je f e r a i parvenir a sa 3 connaissance, d'autres morceaux aussi intEressants que ceux-ci\" . - 45 -Q u o i q u ' i l en s o i t l e s contes e t l e s v e r s du manuscrit 1162 ont une parente manifeste avec ceux des Etrennes de l a S a i n t -Jean e t du R e c u e i l de ces M e s s i e u r s 5 . Ce sont de p e t i t s v e r s g a l a n t s e t f a c 6 t i e u x avec f o r c e calembours e t sous-entendus e r o t i q u e s , sur des anecdotes d i v e r s e s se r a p p o r t a n t p r o b a b l e -ment & des c i r c o n s t a n c e s p r e c i s e s . Typique du genre e s t l e caf6 r^pendu, conte en v e r s , donnant un j o l i t a b l e a u de l a v i e des s a l o n s en meme temps que 1'atmosphere des reunions de l a S o c i e t e du bout du banc . Un dejeuner du m e i l l e u r ton Se donnoit, chaque h u i t a i n e , T e l que dans toute l a semaine I l n'en e t o i t de p l u s charmant, d i t - o n . Lai, non contente d ' e t r e aimable, La maxtresse de ce l o g i s , Sur l a p l u s e l e g a n t e t a b l e D e s i r o i t que t o u t f u t e x q u i s . De t o u t e evidence, i l s ' a g i t du s a l o n de Mme G e o f f r i n , que Caylus lui-meme a v a i t frequents e t s i l ' o n en juge d'aprds l e ton e t l e s id\u00C2\u00A3es, i l e s t f o r t probable que l e conte s o i t de l u i . I I a pour but de montrer que l e s o i - d i s a n t bon gout a souvent un bon fondsde p r e t e n t i o n e t de f a u s s e t e . Pour i l l u s t r e r ce p o i n t l ' a u t e u r a r e c o u r s at une p e t i t e anecdote quelque peu s c a -t o l o g i q u e . La maxtresse q u i a p p o r t a i t un grand s o i n at l a prepa-r a t i o n de son c a f e , 1 ' a v a i t mis at r e f r o i d i r dans un c e r t a i n - 46 -\" l i e u de mystere\". Un maladroit l e renverse et ne voulant pas perdre un E l i x i r s i precieux, i l l e recupere avec une Sponge servant & des f i n s \"non culinairei*. Le r^ s u l t a t ? l a troupe bien choisie A ce caff6 trouva plus de saveur, C'etait un nouveau gout, un parfun, une odeur, Qui tenoit f o r t de l'ambroisie. Pour n'en pas perdre l a recette Decidement on veut savoir Qui rend a i n s i l a chose plus p a r f a i t e . Quant a l a morale, e l l e est tout H f a i t conforme \u00C2\u00A3 l a tournure d'esprit de Caylus Je l e soutiens, l'opinion f a i t tout, L'autorite\" l a plus f r i v o l e Souvent decide de notre gout. On aime et l'on h a i t sur parole; Tout devient un jeu de hasard, Et peut-etre e s t - i l plus commode De reduire tout au seul a r t , De savoir se mettre S l a mode. Cet exemple s u f f i t pour montrer que ce genre de poesie de c i r -constance ne constitue guere un ragout l i t t e r a i r e de haute q u a l i t y . L'intHret, plus historique que l i t t e r a i r e , est passe avec 1'actuality qui en c o n s t i t u a i t l e fond p r i n c i p a l . On verra d'autres exemples dans les r e c u e i l s badins (Chapitre V),. Plus int\u00C2\u00A3ressant est l e manuscrit 653 qui renferme quelques \u00C2\u00A3bauches de romans, inspir\u00C2\u00A3es manifestement de modeles - 47 -grecs. Dans Le Jeune Alcibiade aux ecoles, Caylus u t i l i s e un cadre romanesque fl o u pour explorer et dEbattre des idEes assez hardies sur 1'homosexuality. Mais ce n'est lei qu'un prEambule d'une discussion plus grave sur l a nature et les l o i s . Ce ro-man est un des rares exemples ou Caylus aborde dans sa f i c t i o n des sujets philosophiques. Le jeune Alc i b i a d e est confiE a un maitre qui s'Eprend de l u i et essaie de l e sEduire. L'adolescent recule d'horreur quand i l dEcouvre l a pEdErastie de son tuteur. C e l u i - c i se defend, allEguant que l e p l a i s i r sexuel est une f i n en s o i et q u ' i l n'est pas t r i b u t a i r e de l a procreation. Tout ce qui ap-porte de l a jouissance est voulu par l a nature. De plus, l ' a -mour entre membres du meme sexe est plus naturel et tout indiquE, etant donne\" l a plus grande compatibility de caractere, d'intE-ret et de temperament. S i les arguments du maitre ne s'elevent guere au-dessus des lieux communs, l e jeune Alcibiade ne trouve que de f a i b l e s raisons pour les re'futer. II ne faudrait p-r i e u r e , e x i g e ant d'eux une g r a t i t u d e e t une soumission, a l a f o i s h u m i l i a n t e e t d\u00C2\u00A3gradante. Ce genre de c h a r i t y n'est r i e n d*au-t r e qu'une forme t r e s s u b t i l e de 1 ' i n s t i n c t de domination e t de - 65 -tyrannie morale oil 1'amour-propre en t i r e tout l e p r o f i t . C'est ce qui explique, selon l u i , l e manque de reconnaissance de l a part de ceux qui ont regu des b i e n f a i t s . L'honnete-homme doit savoir manager 1'amour-propre de ceux q u ' i l oblige en prenant garde de ne pas f a i r e s e n t i r l a superiorite de sa condition. Pour i l l u s t r e r ses prEceptes, Caylus a recours au p o r t r a i t selon l a formule de La Bruyire. Damis a rendu de v r a i s services ci beaucoup de gens, qui l o i n d'etre attaches, sont aujourd'hui ses ennemis; i l se p l a i n t de 1'ingratitude des hommes. S ' i l se connais-s o i t i l s e n t i r o i t q u ' i l s'est attire\" cet humiliant chagrin. Damis est f i e r , avan-tageux ne faisant cas que de son propre mE-r i t e : i l rend ses amis de sociEtE, a i n s i que ses ennemis, l'objet de ses p l a i s a n t e r i e s et de ses bons mots. NE avec un coeur peu sensible, i l affecte une i n s e n s i b i l i t E plus grande que c e l l e q u ' i l a rEellement. I l parle bien, mais n'ecoute jamais... 2 5. Caylus conclut que l e seul moyen de se f a i r e aimer est de se rendre aimable: on ne peut acheter l'estime et 1'affection d'autrui. Touchant de pres l a bienfaisance et l a s o c i a b i l i t E est l e probleme de 1'amitiE qui occupe une large place dans les t r a i t E s moraux du 18e s i e c l e . Montaigne avait consacrE Ii l'ami-t i E les passages le s plus lyriques de ses Essais. Saint-Evremont - 66 -e c r i v a i t que l'une des r a i s o n s pour l e s q u e l l e s i l t e n a i t en s i haute estime l a morale d'Epicure 6 t a i t 1'importance q u ' e l l e 26 a c c o r d a i t a l'amitie\" . En 1716, Montesquieu, dans son d i s c o u r s de r e c e p t i o n a l'Academie de Bordeaux, a p p e l l e l'amitie\" \" l e l i e n 27 l e p l u s f o r t q u i f u t parmi l e s hommes\" . Dans l e s L e t t r e s Persanes, i l p l a i n t l e s A s i a t i q u e s de ne pas c o n n a i t r e \"ce doux 28 engagement du coeur q u i f a i t i c . i l a douceur de l a v i e \" . Sur l e meme ton Mme de Lambert f a i t l ' a p o l o g i e de l'amitie\" dans son Traite\" de l'amitie\" (1732). Ce probleme a 6galement pr^occupe\" C a y l u s . On r e t r o u v e ce theme dans presque t o u t e s ses oeuvres e t notamment dans ses 29 comedies e t ses contes de f\u00C2\u00A3es. Son e s s a i sur l'amitie\" a pour but de d\u00C2\u00A3finir l a v r a i e amitie\" e t de l a d i s t i n g u e r du \"commerce\" que l ' o n p r a t i q u e en soci\u00C2\u00A3t\u00C2\u00A3. La v r a i e a m i t i e e x c l u t l a j a l o u -s i e e t l a r i v a l i t e : e l l e e s t un ^change non pas t a n t de s e r v i c e , que de c o n f i a n c e , de comprehension e t de sympathie. E l l e se r e c o n n a i t par sa g6n\u00C2\u00A3rosit\u00C2\u00A3, son a p t i t u d e ei p a r t a g e r l e s i n f o r -tunes a u s s i b i e n que l e s f o r t u n e s . L'amitie\" v e r i t a b l e e s t r e a -l i s a b l e seulement e n t r e 6gaux parce qu'une t r o p grande d i f f e r e n c e de rang b l e s s e sans cesse 1'amour-propre des p a r t i e s * En soci\u00C2\u00A3t\u00C2\u00A3, ce qu'on a p p e l l e amiti\u00C2\u00A3, c o n t i n u e Caylus, n'est qu'une l i a i s o n s u p e r f i c i e l l e q u i se noue e t se denoue au gre de 1 ' i n t ^ r e t e t - 67 -de 1'amour-propre. II conclut que 1'homme du monde f a i t d i f f i -cilement un bon ami parce q u ' i l entretient trop de rapports pour etre attache\" ei quelqu'un de p a r t i c u l i e r . II termine par une de ces considerations pessimistes qui montrent en l u i un moraliste reprobateur. \"Les hommes en general ne sont occupes que de leur i n t E r e t et de leurs p l a i s i r s . Tous parlent de 1'amitiE, peu l a connaissent et moins encore en pratiquent les 30 devoirs\" . Dans un long essai, Dissertation sur les epicuriens et les st o i c i e n s , Caylus aborde systematiquement l e probleme que les moralistes du 18e s i e c l e ont f a i t passer au premier plan: c e l u i du bonheur. On considire q u ' i l n'existe chez l'hom-me aucun sentiment plus naturel et plus inseparable de sa volonte\" 32 que c e l u i d'etre heureux. Selon Mauzi les rEfErences a\" l ' E -picurisme et au stoicisme, reviennent sans cesse dans les t r a i t E s sur l e bonheur au 18e s i e c l e . En parlant des passions, on s a i t que l a philosophie Epicurienne manifestait un regain de v i t a l i t y dans l e cercle de Ninon de Lenclos. On invoque Epicure au nom d'une morale du p l a i s i r epuree car l e philosophe grec n'est pas a leurs yeux l'apotre de l a jouissance effrynye mais c e l u i de l a jouissance t r a n q u i l l e et modyrye qui apporte a l'ame paix et repos. - 68 -Ce reve epicurien est traverse\" au dix-huitieme par un autre courant de pensEe a\" 1' autre pole - l e stoicisme. Montesquieu, Diderot et Rousseau manifestent leur enthousiasme pour cette philosophie de depassement dont l e sens profond est, selon Mauzi, \"une possession t o t a l e du monde par l ' e s p r i t de l'homme\"33. Caylus examine les deux philosophies mais, peut-etre pour une raison de nettete, les rEduit a\" des li m i t e s c a r i c a t u -r a l e s , que leur assignait l e christianisme. A i n s i i l reproche aux s t o i c i e n s de mettre l'homme en guerre contre lui-meme. La philosophie a ses fanatiques a i n s i que l a r e l i g i o n . Cette vertu que nous vantent les stoici e n s n'est qu'une fastueuse chimere qui ne peut se r E a l i s e r ; un homme peut avoir as-sez de courage pour re g i s t e r aux divers ac-cidents de l a vie et meme aux attaques de l a douleur mais 1'effort q u ' i l se f a i t pour dompter l a nature l u i coute bien cher; i l est l e pre-mier martyr de son sisth6me 3 4. I l adresse l e meme reproche au christianisme et refuse de cr o i r e que l a promesse d'un bien futur puisse f a i r e l e contre-poids d'une v i e malheureuse. L'Epicurisme, a, selon l u i , mieux reconnu le s d r o i t s de l a nature que l e stoicisme, mais ses adeptes ont f a i t fausse route en prEtendant que l e bonheur reside dans l a s a t i s f a c t i o n - 69 -des sens. Ayant v\u00C2\u00A3cu sous l a Regence, Caylus a peu d ' i l l u -s i o n s sur ce p o i n t : l'abus du p l a i s i r mene t r e s v i t e a l a s a -t i a t e , au dugout e t souvent a l a s o u f f r a n e e . Recusant l'extr\u00C2\u00A3misme des deux systemes, Caylus adop-t e une p o s i t i o n de j u s t e m i l i e u : une sagesse de bon sens q u i garde un e q u i l i b r e e n t r e 1 ' e f f o r t , 1'action e t l e s d e v o i r s , d'une p a r t , 1'abandon, l e s pas s i o n s e t l e s p l a i s i r s , de 1'autre. A i n s i , au bonheur des 6 p i c u r i e n s e t des s t o l c i e n s , i l oppose c e -l u i de 1 'honnete-homme: une s o r t e de volupte\" du corps e t de 1'es-p r i t q u i r e a l i s e une j u s t e t e n s i o n entre l e repos e t 1 * a c t i v i t y , l e s b e s o i n s de 1 ' i n d i v i d u e t ceux de l a soci\u00C2\u00A3t\u00C2\u00A3, p o l e s e n t r e l e s q u e l s , comme l ' a montre\" Mauzi, o s c i l l e n t l e s t h e o r i e s du bonheur au d i x - h u i t i e m e s i e c l e . On remarque que l e s personnages heu'reux de son t h e a t r e e t de ses contes, ne sont n i l e s mondains a f f a i r e s , n i l e s s o l i t a i r e s a t r a b i l a i r e s mais ceux q u i , sans se detacher du monde, ont su garder l e u r d i s t a n c e pour ^ l a b o r e r un s t y l e de v i e p e r s o n n e l . Ce bonheur de moderation, ei l a f o i s p e rsonnel e t s o c i a l , a f f r a n c h i des p r ^ c e p t e s Chretiens, garde t o u t e f o i s son ancienne a f f i l i a t i o n et l a v e r t u : Contentons-nous des avantages r\u00C2\u00A3els que nous procure l a v e r t u sans l u i en supposer de c h i m ^ r i q u e s . C'est e l l e q u i nous donne c e t t e p a i x de l'ame sans l a q u e l l e i l n'est point en e f f e t de v r a i bonheur. E l l e nous rend contents de nous-memes, avantage qui ne peut etre compare\" ii aucun autre^S. Mais cette vertu n'a r i e n de p r o h i b i t i f et d\"austere: e l l e ne consiste pas & changer ou a supprimer l a nature, mais ii l a rec-t i f i e r et it l a s u r v e i l l e r en tenant compte de l a faib l e s s e hu-maine. \" E l l e nous apprend ii apprEcier chaque chose ei sa juste 3 6 valeur et Ii nous contenter du nEcessaire de notre Etat\" . E l l e ne s'oppose pas au p l a i s i r , e l l e en modire seulement l'usage. Etre vertueux consiste essentiellement ti rEgler son comportement pour l e plus grand bien de tous: mais en ce faisant on s'acquiert l'estime de ses semblables et l a s a t i s f a c t i o n personnelle que procure une conscience t r a n q u i l l e . Le plus heureux sans doute est c e l u i a qui sa conscience ne peut r i e n reprocher et qui, prenant un juste milieu entre l e dangereux Sistheme d'Epicure et 1 *impraticable austE-rite\" des st o i c i e n s , soumet sa conduite et meme ses p l a i s i r s aux l o i s de l'honneur et l a probitE. II s a i t mettre des bornes a ses dEsirs, i l j o u i t mieux qu'un autre des dou-ceurs de l a vie, et des presents que l u i f a i t l a fortune, mais i l supporte ses disgraces avec courage. La vertu raErite notre estime et notre admiration; nous ne devons r i e n n\u00C2\u00A3-g l i g e r pour 1'acqu\u00C2\u00A3rir37. Cette morale de moderation, comme on l e v o i t , est en gros c e l l e des epicuriens (comme Saint-Evremont et Fontenelle) que Caylus - 71 -attaque, f a u t e de 1* a v o i r b i e n interpr6r.ee. Les 6picuriens l o i n de proner l a j o u i s s a n c e effr6n\u00C2\u00A3e, v e u l e n t garder aux p l a i s i r s l e s managements n ^ c e s s a i r e s pour ne pas compromettre ceux du lendemain. Caylus ne d i t pas a u t r e chose. C e t t e a t t i -tude c o n d u i t logiquement it une morale de c a l c u l - l a morale de l ' i n t e r e t . On v o i t a u s s i que meme s i Caylus se d i t a n t i -38 p h i l o s o p h e , i l partage l e u r s id6es maxtresses en morale. Son a v e r s i o n pour l e s d o c t r i n e s a b s o l u t i s t e s i m p r a t i c a b l e s , son s o u c i du p o s s i b l e e t l a recherche d'un id6al q u i p u i s s e e t r e t r a d u i t en a c t i o n , sa sagesse moderee q u i s ' i n s p i r e de l a nature mais que l a r a i s o n approuve, l e cadrent parmi l e s penseurs 6-c l a i r ^ s de son epoque. Un a u t r e e s s a i oil Caylus se montre \" 6 c l a i r 6 \" e s t c e l u i q u ' i l consacre al un s u j e t f o r t c o n t r o v e r s y au d i x - h u i t i e m e s i d -c l e , c e l u i de l a r e l i g i o n . I I s ' a g i t de ses R e f l e x i o n s sur l a . . 39 super s t x t x o n Dejat au 17e s i e c l e , l a r e l i g i o n r e v ^ l e e a v a i t 6te l ' o b j e t d'attaques nombreuses de l a p a r t des l i b e r t i n s . Apres eux, B a y l e e t F o n t e n e l l e examinent c r i t i q u e m e n t l e s dogmes r e l i -gieux pour juger s ' i l s sont conformes a l a r a i s o n . Les p h i l o -sophes cherchent al 6 t a b l i r l a concordance ou l e d i s a c c o r d de l a r e l i g i o n avec l e s a s p i r a t i o n s humaines e t l e s l o i s de l a morale - 72 -n a t u r e l l e . V o l t a i r e , en p a r t i c u l i e r , s'attache ti montrer l e s consequences n e f a s t e s des r e l i g i o n s i n t o i e r a n t e s q u i se p r e t e n -dent l e s d e p o s i t a i r e s uniques de l a v 6 r i t 6 . C'est c e t t e demar-che h i s t o r i q u e qu'adopte Caylus dans ses R e f l e x i o n s sur l a s u -p e r s t i t i o n . L ' h i s t o i r e morale de l a r e l i g i o n e s t , s e l o n l u i , c e l l e de 1'ambition, de l ' o r g u e i l e t de l a c u p i d i t e , autant de v i s a g e s du z e l e r e l i g i e u x e t l a s u p e r s t i t i o n . S e l o n Caylus, l e c h r i s t i a n i s m e apr&s un debut modeste, ne t a r d a pas H s' imposer, ii dominer e t e n f i n \u00C2\u00A3. persOcuter. \"Les m i n i s t r e s d'un d i e u de p a i x a t t a q u e r e n t l e f e r a l a main, ceux q u i r e f u s e r e n t de penser comme eux\". La r e l i g i o n d e v i n t t y r a n -nique. D i f f e r e n t e s s e c t e s p r i r e n t n a i s s a n c e , chacune c r o y a n t e t r e d e p o s i t a i r e de l a v O r i t e . P u i s dans une v a s t e fresque que V o l t a i r e a u r a i t pu s i g n e r , l ' a u t e u r dresse un t a b l e a u des d i s -putes f u t i l e s e t des guerres sanglantes que l e fanatisme e t 1 ' i n t o l e r a n c e ont engendrOes: l e s c r o i s a d e s , l a guerre c o n t r e l e s Maures en Espagne, l e s guerres de r e l i g i o n en France e t en Europe e t e n f i n 1'expulsion des Huguenots. P a r t o u t i l c o n s t a t e que, entoures de dOvots, l a p i e t e des p r i n c e s dOgenere l e p l u s souvent en p l a t e s u p e r s t i t i o n e t d e v i e n t a l o r s 1'instrument de 1'ambition, de 1'avarice e t de l a t y r a n n i e des gens de l ' e g l i s e . \"On e s t b i e n f o r t l orsqu'on peut p a r l e r au nom du c i e l e t donner - 73 -ses propres d e c i s i o n s pour des a r r e t s eman\u00C2\u00A3s du c o n s e i l du t r e s haut\". A i n s i l ' a u t e u r s'attaquant au pouvoir temporel de l ' e -g l i s e , i r o n i s e v o l o n t i e r s : \"C'est un a t t e n t a t c o n t r e l e c i e l que d'oser e x i g e r pour l e s b e s o i n s de l ' E t a t une p a r t i e des bi e n s consacr^s au Seigneur; c ' e s t un crime que de v o u l o i r a p p r o f o n d i r l ' o r i g i n e de c e t t e c o n s e c r a t i o n e t de d i s t i n g u e r ce q u i e s t d e s t i n e aux a u t e l s de ce q u i e n t r e t i e n t e t n o u r r i t l e luxe de ses m i n i s t r e s \" . Au niveau de l a conscience l e dogme exerce l e meme despotisme; l e s e s p r i t s 6 c l a i r 6 s q u i osent chercher \u00C2\u00A3t compren-dre sont condamn^s e t pers6cut6s. L ' e g l i s e , se pr^tendant l a s e u l e d ^ p o s i t a i r e de l a v ^ r i t e , assure sa perp^tuite\" en ne t o -l e r a n t aucune d i s s e n s i o n e t en exigeant chez ses f i d e l e s une f o i humble e t soumise. C e t t e i n t o l e r a n c e i n t r a n s i g e a n t e a f a i t n a i t r e des schismes, que l a p e r s e c u t i o n a n o u r r i s e t f a i t sub-s i s t e r . Caylus c r o i t que l e s h e r e s i e s se s e r a i e n t 6teintes d'elles-memes sans l e s p e r s e c u t i o n s . Comme V o l t a i r e , i l v o i t dans l e fanatisme r e l i g i e u x , deg\u00C2\u00A3n6rant jusqu'a l a l u t t e armee, l e comble de 1*absurdity humaine: des peuples q u i s'egorgent pour s o u t e n i r des dogmes q u ' i l s ne comprendront jamais. C o n t r a i -rement aux philosop h e s l e s p l u s o p t i m i s t e s , i l ne semble pas c r o i r e que l e progres des lumieres d i s s i p e r a l a s u p e r s t i t i o n e t - 74 -le fanatisme qui sont aussi \"anciens que l e monde et sans doute dureront autant que l u i \" . Un autre sujet qui a Egalement pr^occupe\" les penseurs de l'Epoque est l a p o l i t i q u e . On discute de l ' o r i g i n e des sys-temes po l i t i q u e s et des motifs qui les condamnent ou les j u s t i -f i e n t . On construit des utopies oii r&gnent des conditions E g a l i t a i r e s et justes. V o l t a i r e , dans ses Lettres philosophi-ques expose l e mecanisme de l a constitu t i o n anglaise, et l e controle du parlement; Montesquieu discute du d r o i t public dans Les Lettres persanes et^ dans 1'Esprit des l o i s , passe hardiment en revue les diverses formes de gouvernement pour conclure que l a meilleure est c e l l e ou les pouvoirs s'equilibrent. Caylus aborde les memes sujets dans ses Reflexions 40 sur l ' o r i g i n e et les avantages des di f f E r e n t s gouvernements Puisque l e manuscrit ne contient aucune date, i l est d i f f i c i l e d ' e t a b l i r ce que Caylus doi t ci ses contemporains. Quoiqu'il en s o i t , c'est en moraliste en et h i s t o r i e n , plutot qu'en j u r i s t e et en philosophe, q u ' i l aborde l a r e f l e x i o n p o l i t i q u e . Les l o i s , selon l u i , sont n\u00C2\u00A3es de l a faiblesse des hommes, incapables de controler leurs passions. REunis par be-soin mutuel, i l s se rendirent v i t e compte que l a sociEtE ne - 75 -pouvait survivre sans des conventions qui auraient l a force de l a l o i . A l ' o r i g i n e de l a societe on trouve un \"contrat so-c i a l \" mais Caylus ne semble pas c r o i r e comme Rousseau, que l a nature ne d e s t i n a i t pas l'homme ei. l a vie en sociEtE. Quant au gouvernement, i l E t a i t ti l ' o r i g i n e , democratique: l a c o l l e c t i -v i t y dElEguait l e pouvoir a un chef qui E t a i t au dEpart souvent l e plus f o r t . Mais 1'inevitable faiblesse humaine corrompit ce principe democratique: les chefs etendirent leur autoritE et usurperent l e pouvoir qui appartenait au peuple. Et selon l e degre de soumission que les usurpateurs exigerent du peuple naquirent les differentes formes de gouvernement. Caylus examine ensuite - d'un point de vue historique plutot que thEorique, empruntant ses modeles a l ' h i s t o i r e grecque et romaine - les inconvEnients et les avantages des d i f f E r e n t s gouvernements. La dEmocratie semble etre, selon l u i , d'un point de vue thEorique, l a forme de gouvernement id e a l mais l'exemple athenien prouve q u ' i l est dangereux de mettre l'autorite\" entre les mains d'une populace presque toujours lEgere et capricieuse. La republique romaine, o\l l e pouvoir E t a i t partagE entre l e sEnat et l e peuple, fut minEe par les ambitions et l a - 76 -r i v a l i t e des deux groupes. Les secateurs chercherent a\" exclure l e peuple du pouvoir tandis que des p a r t i c u l i e r s ambitieux, sous pr^texte de soutenir les i n t ^ r e t s et les d r o i t s du peuple, se rendirent seditieux, mutins et i n d o c i l e s . A i n s i ce genre de gouvernement de forme r^publicaine, th^oriquement Equitable, est t r i s d i f f i c i l e a pratiquer \u00C2\u00A3 cause de l a faiblesse inhe-rente a l a nature humaine. C'est l a conclusion a laquelle Caylus a r r i v e apres avoir examine\" l e gouvernement re^publicain chez les Romains. Quant c l l a monarchie, e l l e 6 t a i t a l ' o r i g i n e un t r a i t s entre l e peuple et les chefs d\u00C2\u00A316gu6s. Le pouvoir hereditaire naquit par volonte\" d'eViter les pr^tendues elections l i b r e s qui d\u00C2\u00A3g6neraient en cabales et en r i v a l i t e s s t e r i l e s . Quant au pouvoir d616gue, les r o i s l e rendirent v i t e a r b i t r a i r e et des-potique et chercherent a\" l e consolider par l'absurde pretention du d r o i t d i v i n . D'un ton pessimiste, l'auteur constate en exa-minant l e regne de plusieurs monarques, que les bons r o i s comme Louis XII et Henri IV sont extremement rares. I l blame a cet egard l a mauvaise Education des princes et l a bassesse de ceux qui pour sauvegarder leurs p r i v i l e g e s , les maintiennent inten-tionnellement dans une enfance perp6tuelle. Ses contes de f\u00C2\u00A3es abondent en princes mal 6 c l a i r 6 s a\" cause de leur mauvaise 6du-- 77 -cation. Oppose a toute forme de gouvernement despotique, Caylus, comme Montesquieu, v o i t dans l a monarchie c o n s t i t u -t i o n e l l e , du type anglais, oil l e pouvoir royal est l i m i t s par l e parlement, l a forme ideale de gouvernement. II ne c r a i n t pas d'affirmer que \"L'Angleterre doi t sa grandeur et sa prospe-r i t y ci l a sagesse de son gouvernement\". Quelque peu en marge des reflexions morales et p o l i -tiques, Caylus consacre un essai ei l a c r i t i q u e des moeurs et 41 de l a society. Dans les Reflexions sur l a soci^te\" i l etudie en p a r t i c u l i e r l e ro l e des femmes dans l a soci\u00C2\u00A3te et leur i n -fluence sur les moeurs. L'essai constitue un bon resume\" des cr i t i q u e s sociales q u ' i l a parsem^es dans ses comedies et ses contes. Examinant d'abord l a pos i t i o n de l a femme dans l a society, i l constate que dans presque tous l e s pays e l l e s sont exclues de 1'administration de l ' 6 t a t et e l l e s occupent dans l a soci^te un rang subalterne, rang redevable ei l a force sup6-rieure de l'homme. Mais l a femme, cantonn^e dans son role de m^nagdre et de mere, regagna par adresse et seduction ce que l a force et 1'amour-propre de l'homme l u i avaient enlev\u00C2\u00A3. Ne pouvant pas acc^der directement au pouvoir, e l l e se contenta d ' i n f l u e r sur 1'esprit des dirigeants, par l e b i a i s de 1'amour. - 78 -A i n s i , p o u r s u i t - i l , l ' h i s t o i r e atteste que les femmes ont i n f l u -ence\" directement ou indirectement l e cours des grands eVEne-ments: l a destruction de Troie et c e l l e de Thibes, ont pour cause des drames d'amour. La galanterie moderne a consolide\" et etendu ce pou-v o i r des femmes et ce sont e l l e s , a f f i r m e - t - i l , qui donnent aujourd'hui l e ton et creent les modes. La reputation des hommes depend moins de leur conduite et de leur mErite que des eioges et de l a c r i t i q u e des femmes. Jalouses les unes des autres, e l l e s s'entendent parfaitement l o r s q u ' i l s'agit de maintenir leur pouvoir, pouvoir qui leur a permis de s'affran-c h i r des contraintes puritaines de j a d i s . Mais aujourd'hui, ajoute Caylus d'un ton r^probateur, e l l e s vivent en toute l i -berte, pouvant meme recevoir ei toute heure du jour des hommes de tout age et de tous les et a t s . Rien n'est moins rare qu'une f emme avec au moins un amant declare\". Quels e f f e t s 1'affranchissement de l a femme a - t - i l eussur l e s moeurs? Une comparaison de l a s i t u a t i o n a c t uelle de l a femme avec c e l l e des generations prEcedentes l u i fournit quelques elements d'une reponse. Autrefois, les femmes, jusqu'a trente ans, etaient prudemment renfermees: on les \"tenait per-chees sur un t a b o u r e t . . . e t ne conn a i s s a n t gu&re d'autre amuse-ment que c e l u i d ' a l l e r t r i s t e m e n t se t e n i r d r o i t e s dans de g r a -ves lumineux c e r c l e s composes de vieu x seigneurs us6s e t de prudes surann^es\". E l l e s s'evadaient dans l e reve romanesque que l e u r f o u r n i s s a i e n t l e s romans. Un b a l annonce\" l e s o c c u p a i t pendant des semaines. A i n s i , l o i n de pr o t e g e r l a v e r t u de l a femme, c e t t e morale a u s t e r e a v a i t un e f f e t c o n t r a i r e c a r l a rarete\" e t l a p r i v a t i o n de ce que nous regardons comme des p l a i s i r s augmentent l e penchant que nous avons a\" nous y l i v r e r e t n o t r e i m a g i n a t i o n se re p r e s e n t e l e s amusements qu'on nous r e f u s e f o r t au-dessus de ce q u ' i l s ne sont r ^ e l l e m e n t : une jeune personne l i v r e e a l a t r i s t e e t ennuyeuse morale de ses parents ne po u v o i t s'empecher de r e g a r d e r 1'amour comme l e souv e r a i n b i e n ; l e s s o i n s qu'on p r e n o i t pour l a mettre en garde c o n t r e l a s e d u c t i o n e t l e danger des pa s s i o n s ne s e r v a i e n t qu'li p r e p a r e r son coeur ci en r e s s e n t i r l e p o u v o i r . Son e s p r i t t r o p o i s i f ench\u00C2\u00A3rissoit sans cesse sur l e s p e i n t u r e s s^duisantes que l e s Romans nous f o n t de 1'amour e t toutes ses r e f l e x i o n s ne te n d o i e n t qu'cl ^ c h a u f f e r un coeur q u i v o u l o i t e t r e occupe. Une femme avec de p a r e i l l e s d i s p o s i t i o n s p o u v o i t - e l l e r e g i s t e r aux em-pressements d'un amant?^ 2. C'est l a t h i s e q u ' i l i l l u s t r e r a dans une de ses p i e c e s , La come-43 d i e Bourgeoise e t que D i d e r o t abordera d'un p o i n t de vue p l u s p h i l o s o p h i q u e dans l a R e l i q i e u s e . Caylus c r o i t que l e s p a s s i o n s s'6quilibrent e n t r e e l l e s en s ' a f f a i b l i s s a n t mutuellement. La - 80 -sagesse consiste il e v i t e r que l'une d'elles devienne dominante ce qui se produit quand on fr u s t r e 1 ' i n s t i n c t de son expression n a t u r e l l e . Par reaction ei cette pEriode ou l a femme E t a i t pour a i n s i d i r e mise a\" l'Ec a r t de l a sociEtE, i l se pr o d u i s i t par l a suite un extreme relachement dans les moeurs. Dans un pas-sage presque lyrique i l f a i t l e point de l'Etendue de l a cor-ruption dans l a sociEtE, de toute Evidence c e l l e de l a Regence. Les moeurs at t e i g n i r e n t un t e l degrE de corruption que les gens t i r a i e n t vanitE de leurs Egarements. Ce fut l'ere des rouEs et des petits-maxtres. \"La f a c i l i t E qu'eurent les hommes de mul-t i p l i e r sans cesse leurs conquetes et d'etre impunEment volages, i n d i s c r e t s et perfides, produisit ces etres s i n g u l i e r s que nous * 44 nommons petits-maxtres\" . Caylus qui a vEcu sous l a REgence, semble parler en connaissance de cause. Ce personnage type du petit-maxtre apparait souvent dans les contes et les comEdies de Caylus. C'est d ' a i l l e u r s un des personnages les plus reprE-sentEs dans l a l i t t E r a t u r e du 18e s i e c l e . Mais l a satiEtE produit l e dEgout et l'ordre pour a i n s i d i r e naquit du dEsordre. Les femmes encore capables de rEf l e x i o n rougirent enfin d'etre s i souvent les dupes et les victimes de l a f a t u i t E . E l l e s s ' a v i s i r e n t d'etre raisonnables - 81 -et de j o u i r des agreements de l a sociEtE avec moderation et respect et d'attendre 1*amour au l i e u de se donner au premier venu par vanitE. Les hommes gates par l a dEbauche regarderent comme des prudes les femmes qui s'aviserent de ne pas se donner sans amour. L*opinion publique continua si soutenir l a galan-t e r i e en prEfErant l a v i v a c i t E , l'Etourderie et l a f r i v o l i t E H. l a raison au bon sens et H l a s e n s i b i l i t y du coeur. \"On a vu plusieurs femmes q u i t t e r leur amant uniquement parce q u ' i l 45 n'Etait pas du gout de l a sociEtE et de l a mode\" . Et avec tout l e cynisme d'un C r E b i l l o n f i l s Caylus ajoute, \"On compte plusieurs femmes dans Paris que l a mEdisance fut obligE de res-pecter: on en connait quelques-unes qui quoique jeunes et po-46 l i e s osaient avouer qu'elles aimaient leur mari\" . A i n s i l a licence des moeurs avait f a i t regarder un amour lEgitime comme un r i d i c u l e dont on r o u g i s s a i t . Apr\u00C2\u00A3s cet apercu historique du probleme, Caylus ana-lyse l e role des femmes dans l a sociEtE de son temps. L'empire de l a mode et de l a galanterie chez les femmes, est assurE par leur vie o i s i v e . Maitressesde leur destin apr\u00C2\u00A3s deux ans de mariage, leur unique occupation est leur bonheur et leurs p l a i -s i r s . Aussi leur pouvoir sur l a mode quoique insidieux, est tyt3.~ nnique: ce sont e l l e s qui donnent l e ton, censurent les p l a i -- 82 -s a n t e r i e s ou l e s approuvent. Le succes d'un souper depend de l e u r bonne ou mauvaise humeur. Leurs o p i n i o n s f r i v o l e s sont des a r r e t s : on a p p l a u d i t ce q u ' e l l e s p r ^ c o n i s e n t e t on n'a que l a s o r t e d ' e s p r i t q u i l e u r p l a i s e . E l l e s adorent l e p e r s i f l a g e , l e s p o i n t e s e t l e s b a n a l i t ^ s : l e raisonnement q u ' e l l e s jugent ennuyeux e t pedant l e u r donne des vapeurs. A u s s i a j o u t e Caylus, \" s i l ' o n p o u v a i t e c r i r e t o u t ce q u i se d i t dans un jou r chez une femme q u i garde sa chambre, on s e r o i t aussy s u r p r i s qu'hu-47 milie\" de v o i r t a n t de mots e t s i peu de pens\u00C2\u00A3es\" . Le malheur e s t que l e s gens r a i s o n n a b l e s , par v a n i t y sont a t t i r e s dans ces s o c i ^ t e s e t au l i e u de p r o f i t e r de l e u r sagesse e t de l e u r bon sens, on ne s'occupe qu'si l e s rendre l a g e r s e t s u p e r f i c i e l s comme un jeune seigneur q u i f a i t son entree dans l e monde. Caylus donne comme exemple l e cas de Maupertuis: t a n t q u ' i l ne f u t que ejeometre, personne n'en f a i s a i t cas, mais l e jou r ou l' o n s'apercut q u ' i l j o u a i t de l a g u i t a r e , q u ' i l p o u v a i t e t r e amusant e t 16ger, on se l ' a r r a c h a . On l e p r e f e r a meme aux s i n -ges e t aux nains q u i Y t a i e n t passes de mode. Caylus d e p l o r e c e t t e mode q u i m a i n t i e n t l e s gens dans 1'ignorance e t p r i v e l a s o c i e t e des hommes de m ^ r i t e . Le jeune homme q u i entre dans l e monde a d i x - h u i t ans, cesse d'apprendre au moment oil i l en d e v i e n t capable e t l a d i s s i p a t i o n l u i f a i t - 83 -v i t e oublier ce q u ' i l a appris et l u i enleve toute volonte de continuer. Tous ses e f f o r t s seront dirigEs & acquerir l e fu-t i l e t alent du bei e s p r i t et l ' a r t des s a i l l i e s et des propos intErrompus. Aussi quand i l ne saura plus p l a i r e , f i n i r a - t - i l par etre un v i e i l l a r d ennuyeux, t r i s t e et r i d i c u l e , importun i i l a societe qui se sera renouvelee. Qui f a u t - i l blamer? La so-ciEte , qui, rEpond Caylus, au l i e u de rEcompenser 1'etude et l a science, encourage ses citoyens H l ' o i s i v e t e . Les recom-penses et les emplois ne sont plus l e prix des talents et du merite: partout regne 1'incompetence et l a corruption, comme en temoignent l a v e n a l i t e des charges et l e nombre croissant de magistrats ignorants qui passent leur temps i i courir les specta-c l e s . A cet egard, Caylus se montre grand admirateur de l a so-c i e t e romaine ou l a d i s c i p l i n e , l e t r a v a i l et l a vertu etaient honores et l a paresse et l ' o i s i v e t e condamnees. Mais, tout compte f a i t , Caylus estime que 1'influence des femmes sur l e s moeurs a e t e benefique: l a po l i t e s s e noble et aisOe a remplace les manieres frustes et grossieres des ge-nerations precedentes. Toutefois 1'amour passion y a perdu parce que 1'empire de 1'amour doit sa force ti 1' i l l u s i o n que l e commerce rOgulier entre les deux sexes a f i n i par emousser. Caylus insinue que les gens peuvent d i f f i c i l e m e n t s'aimer quand - 84 -i l s se c o n n a i s s e n t v e r i t a b l e m e n t . L'amour p a s s i o n s e r a i t une espece de tromperie q u 1 e n t r e t i e n t une i m a g i n a t i o n mal e c l a i r e e . Cet apercu g e n e r a l des e s s a i s de Caylus nous met en mesure de c o n s t a t e r l'6tendue des i n t ^ r e t s i n t e l l e c t u e l s de 1 ' a n t i q u a i r e e t du conteur b a d i n . Le c a r a c t e r e d i f f u s e t redon-dant des e s s a i s nous l a i s s e c r o i r e q u ' i l s ' a g i t d'une simple mise au p o i n t p e r s o n n e l l e e t que Caylus ne d e s t i n a i t pas ses e l u c u b r a t i o n s a l ' e d i t e u r . Les e s s a i s n'ont r i e n d ' a i l l e u r s de p a r t i c u l i e r e m e n t o r i g i n a l : i l ne f a i t que reprendre des q u e s t i o n s , comme nous l'avons montr\u00C2\u00A3, q u i s u s c i t a i e n t l a faveur des pen-seurs de l'epoque: l a l e g i t i m i t e \" de 1'amour-propre e t des pas-s i o n s , l e s systemes de bonheur, l e s d i f f ^ r e n t e s formes de gou-vernement e t l a c o r r u p t i o n des moeurs. S i l a p o s i t i o n de Caylus en ce q u i concerne l a p l u p a r t des q u e s t i o n s morales e s t moderne, sa fagon a b s t r a i t e d'aborder l e s s u j e t s l e r a t t a c h e aux m o r a l i s t e s du dix-septieme s i e c l e , notamment ei La Bruy^re e t a La Rochefoucauld. Le theme de 1'amour-propre r e v i e n t sans cesse c i t r a v e r s l e s e s s a i s . Comme La Rochefoucault, Caylus semble se r e f e r e r c i l ' i d ^ a l 61ev6 de 1'honnete-homme mais i l r e s t e p e s s i m i s t e quant a l a r e a l i s a t i o n - 85 -de cet i d e a l . L ' h i s t o i r e et 1'observation de ses contemporains, l u i ont appris que l'homme est rarement raisonnable, noble et digne d'admiration et q u ' i l est constamment l a victime des exc&s d'amour-propre. L*image de l'homme qui ressort de ses reflexions est pessimiste: c'est c e l l e d'un etre dupe de ses passions, ignorant ses vr a i s mobiles, toujours en deca\" de ses principes. Ce pessimisme, chez Caylus, se marie d'une facon assez bizarre ei un naturisme hEdoniste t e l que chante par V o l t a i r e dans l e Mondain; p r o f i t e r de l a vie, ne pas rEprimer ses i n s -t i n c t s , et les besoins du corps, apprendre a les modErer par l a raison pour pouvoir en jo u i r plus longtemps et pour ne pas tomber prEmaturement dans 1'hebetude. II faut suivre l a nature, mais 1'essence de cette nature reste chez Caylus assez equivo-que: se recommande-t-elle de 1'in s t i n c t ou de l a raison? Est-e l l e bonne ou e s t - e l l e mauvaise? Ce sont l a des questions Epineuses q u ' i l escamote en donnant c i sa morale une dimension s o c i a l e . Plutot qu'une doctrine basEe sur une nature i n s t i n c -t i v e ou ra t i o n n e l l e , bonne ou mauvaise, l a morale devient une experience s o c i a l e : \"l'homme f a i t ei autrui ce q u ' i l voudrait qu'on l u i f i t \" , pour reprendre l e t i t r e de son e s s a i . La vertu consiste ci f a i r e du bien a ses semblables et non a obeir ci des commandements. C'est l e i aussi l a doctrine pronOe par d'Holbach - 86 -e t l e s m a t e r i a l i s t e s . Dans l e s r e f l e x i o n s a c a r a c t e r e p o l i t i q u e e t h i s t o -r i q u e , on observe chez Caylus, un c u r i e u x melange de l ' a n c i e n e t du moderne. I I e s t t r a d i t i o n n e l dans l a mesure ovi ses ob-s e r v a t i o n s h i s t o r i q u e s sentent encore 1 ' i n f l u e n c e du c l a s s i -cisme h i s t o r i q u e O\3L l ' h i s t o i r e s e r v a i t de s p e c t a c l e moral pour i l l u s t r e r c e r t a i n e s v ^ r i t ^ s permanentes concernant l a nature humaine. E l l e d e v a i t montrer d'une p a r t , l e s i m p e r f e c t i o n s des hommes, e t de 1'autre l a n e c e s s i t y de l a v e r t u e t des l o i s . On p r e n a i t p l a i s i r c i r a b a i s s e r l e s grands hommes de l ' h i s t o i r e en montrant l e u r cote f a i b l e . Chez Caylus l e s commentaires sur l ' h i s t o i r e sont f a r c i s de r e f l e x i o n s morales montrant \" 1 ' i n e v i -t a b l e f a i b l e s s e humaine\" . I l a a u s s i tendance c i demythif i e r l e s heros e t l e s grands hommes p o l i t i q u e s en montrant q u ' i l s sont b i e n p e t i t s s i l ' o n c o n s i d e r e l e u r s mobiles q u i n'ont r i e n d ' e d i f i a n t s . D e r r i e r e ses r e f l e x i o n s , on peut d e c e l e r une f o r t e dose de conservatisme: sa pensee, inconsciemment p e u t - e t r e , tend a j u s t i f i e r l ' o r d r e e t a b l i e t a decourager l e s changements sous p r e t e x t e que l e s hommes se r o n t t o u j o u r s l e s mimes. N u l l e p a r t Caylus ne met en cause l e s fondements p o l i t i q u e s e t sociaux de l ' a n c i e n regime. Mais ci d'autres egards l a pensee de Caylus e s t moderne - 87- -et se rapproche du mouvement philosophique. Ses idEes r e l i -gieuses et morales cadrent ci peu pres avec c e l l e s des encyclo-pEdistes:imbu d'un certain relativisme, i l ne c r o i t pas q u ' i l s o i t possible d ' e t a b l i r des vEritEs absolues. I l preche l a tolErance r e l i g i e u s e et l a bienfaisance, sinon avec l ' i n s i s -tance d'un V o l t a i r e , du moins avec l a meme conviction. II c r o i t ai certaines l o i s naturelles qui rEgissent les hommes en sociEtE. Ce qui l e sEpare des philosophes ai qui i l reproche de \" c r i t i q u e r tout\" n'est pas tant une divergence de point de vue qu'une de mEthode et de ton. La pensEe de Caylus a rarement ce ton m i l i t a n t que l'on trouve chez quelques-uns des philosophes. I l essaie moins de prouver aux autres que de constater pour lui-meme. C'est peut-etre, comme nous l'avons dEjai soulignE, q u ' i l ne c r o i t pas au progres et que l a raison prEvaudra un jour sur les passions. Quoiqu'il en s o i t , rares sont chez l u i les observations insinuantes et les arguments systEmatiques. II observe et raisonne froidement dans une langue hElas verbeuse, plate et souvent incorrecte. II n'est pas besoin d ' i n s i s t e r q u ' i l n'a pas toujours su Ev i t e r l a monotonie et l a lourdeur, propres aux t r a i t E s systEmatiques. Des manuscrits dEposEs ci l a Sorbonne, r E v i l e n t une - 88 -autre tentative l i t t e r a i r e de Caylus: l a dramaturgie. Caylus se tenant ti l ' E c a r t du grand monde, avait rEuni autour de l u i un groupe de gentilhommes intEressEs ii l a bonne sociEtE et au theatre. C'est a i n s i que fut constituE l a sociEtE dramatique de M o r v i l l e : l a troupe se rE u n i s s a i t tantot dans l e Chateau de M o r v i l l e en Normandie, tantot ti Pantin ou on avait louE un thEatre . Le Comte de Tressan parle de cette sociEtE et de ses membres, en des termes les plus Elogieux. S ' i l reste quelqu'un avec moi de l a sociEtE de feu M. l e Comte de M o r v i l l e , secretaire d'Etat, i l doi t en conserver l e souvenir l e plus cher; peu de gens ont rOuni comme l u i , les vertus les plus epurees, l a justesse et l a c l a r t e de 1'esprit, l e savoir, l ' e r u d i -t i o n l a mieux choisie, une douceur de moeurs i n a l t e r a b l e . J ' e tois ami de ses soeurs et de ses enfants; j ' a i passe quinze des plus b e l l e s annOes de ma v i e dans cette societe que j ' a i sans cesse regrettee. J ' a i bien rarement retrouve depuis l e ton, l a purete, les con-naissances et les charmes qui l'animaient; je ne peux mieux en donner l'idee qu'en rappelant l e nom de ceux qui l a composaient. M. de M o r v i l l e ; M. d'Armenonville son f i l s ; M. l e Marquis de Surgeres, M. l e Comte de Crussol, ses gendres; M. Amelot, secretaire d'etat, l e Comte de Saint-Severin, secretaire d'etat; l e Marquis de Lormesnil, depuis doge de G&nes, l'abbe Franquine; MM. de Caylus, Duclos, Coypel.., 4 9. Caylus a compose pour cette societe une vingtaine de pieces , toutes restees inOdites, quelques-unes n'Etant que des b r o u i l -- 89 -Ions. S i Caylus r e s t e l e f o u r n i s s e u r l e p l u s important de c e t t e s o c i ^ t e , on y j o u a i t a u s s i des p i e c e s d'Armenonville, de Surgere, de Bombarde e t s u r t o u t de Coypel, p e i n t r e b e i e s p r i t * 51 q u i donnait au theatre l e temps q u ' i l d e r o b a i t a son a r t Les p i e c e s ont ete\" composers dans l e s ann\u00C2\u00A3es t r e n t e e t l e debut des ann6es quarante. Les documents sur l a soci^te\" dramatique de M o r v i l l e sont r a r e s : pour tous renseignements i l f a u t se r e p o r t e r aux i 5 2 prologues de c e r t a i n e s p i e c e s . C e l u i du J a r d i n i e r de C h a i l l o t nous f a i t v o i r l a troupe ct t r a v e r s l e s yeux de j a r d i n i e r s n a i f s q u i n'entendent r i e n au t h e a t r e . Guillaume, j a r d i n i e r du bourgeois M. Du Change, e s s a i e de persuader Nobles e t sa femme Clau d i n e , de l u i c\u00C2\u00A3der l e t h e a t r e q u ' i l s sont charges de garder. I l s r e f u s e n t , ayant regu ordre formel de ne l o u e r l a scene a personne. La c o n v e r s a t i o n r o u l e insensiblement sur l e t h e a t r e q u i i n t r i g u e f o r t l e s j a r d i n i e r s . J e voyons a r r i v e r t o u t n o t r e monde, t o u t c e l a montoit en haut sans jamais nous d i r e une s e u l e p a r o l l e . J'entendions r i r e . J 'entendions l e s m e n ^ s t r i e r s e t p i s c'es-t o i t t o u t . Quatre heures apres, t o u t l e monde s'en a l l o i t sans r i e n d i r e . I l s e s t o i e n t a r r i v e s s ^ r i e u x , i l s s'en a l l o i e n t de meme, remportant, t a n t , t a n t de pacquets. Caylus r a i l l e i c i 1'apprehension e t l e t r a c des amateurs come-- 90 -diens avant e t apres l a r e p r e s e n t a t i o n . Un beau j o u r apres une r e p r e s e n t a t i o n , l e s c u r i e u x p enetrent dans l a p i e c e . Que vo i e n t - i ] s ? Nobles p r e c i s e . Je ne trouvames 1^-dedans, des h a b i t s r o u -ges, n o i r s , jaunes des chapiaux g r i s , des chapiaux n o i r s , des chapiaux p o i n t u s e t t a n t de perruques que j e n'y comprimes r i e n . E t a i n s i de s u i t e . Le prologue montre que l e s r e p r e s e n t a t i o n s e t a i e n t p r i s e s au s\u00C2\u00A3rieux e t que l e s comediens se costumaient avec assez grand s o i n . Dans l a meme veine l e prologue pour l a Comedie de l a 53 r e p e t i t i o n nous f a i t p e n e t r e r sur l a scene meme, avec l e s c o-mediens amateurs. Nous voyons d'abord Caylus et Coypel s'en-t r e t e n i r sur l e u r p e t i t e s o c i e t e t h e a t r a l e , e t l e u r manie de jouer l a comedie. Caylus Nous venons i c y . . . quoy f a i r e j e vous priej? Jouer l a comedie e t devant q u i ? Devant une p e t i t e compagnie a l a v e r i t e mais bonne mais c h o i s i e . E t nous avons ct peine quatre pas pour nous r e t o u r n e r . Le geste, 1'action, l a vo i x , t o u t e s t c o n t r a i n t dans un a u s s i p e t i t espace. De p l u s , nous sommes & p l a t t e t e r r e e t vous savez l e gout que j'ay pour l e t h e -a t r e . Par ma f o i , j e me repens de ja de mon de s s e i n cocquet. J e ne s c a i s meme \u00C2\u00A3i quoy i l t i e n t que j e ne s o r t e e t que j e . . . - 91 -coypel Voilel conune vous estes toujours. Avec quelle v i v a c i t E n'avez vous pas entrepris de mettre ce p e t i t divertissement en estat. Nous sommes H 1 1 instant de l e commencer et le dEgout vous prend dEjS. En v E r i t E . Caylus N ' e s t - i l pas vroy, q u ' i l faut etre bien hardis pour jouer l a comEdie avec des ac t r i c e s t e l l e s que les notres, l'ornement du plus grand et du plus beau thEatre de l'univers. Ouy M. je vous l e soutiens, notre procEdE est meme insolent. Coypel Mais M., i l f a l l o i t penser aussi sErieusement avant que de vous engager. Caylus Tout cela est l e plus v r a i du monde, mais je suis naturellement v i f . . . et je n'ai pensE qu'au p l a i s i r d'amuser un moment Mile (...) Je vous ay trouvE tout aussi v i f que moy sur ce chapitre. Nous nous sommes EchauffEs l a tete ensemble... Puis survient Mile Quinault qui leur trouve un drole d ' a i r . Tout les deux ont l e tr a c . Mile Quinault (& Coypel) Voil& des gens bien comiques, i l faut avouer. Qu'as-tu done mon p e t i t quoy. (Le prenant par dessous l e menton) (...) Caylus J ' a i peur et pour vous tout avouer, les fesses commencent a me trembler. Vous n'ignorez pas - 92 -que j e vous ay confie\" que t e l l e e s t o i t mon i n f i r m i t y t o utes l e s f o i s que j e montais sur l e t h e a t r e . M i l e Q u i n a u l t Bon, bon, ne vous v o i l S pas mal e t toutes l e s comedies que vous avez j o u l e s en Tu r q u i e . . . en d i v e r s e s p r o v i n c e s e t dont vous m'avez s i souvent rompu l a t e t e . Que voulez-vous que j'en croye? Caylus Tout ce q u ' i l vous p l a i r a mais au j o u r d ' h u i i l e s t v r a i que j e me meurs e t que j e ne s c a i s pas un mot de mon r o l e - i l e s t grand et p o i n t du t o u t dans mon c a r a c t e r e . M i l e Q u i n a u l t V o i l a comme l e s mauvais a c t e u r s p a r l e n t t o u j o u r s . On l e v o i t , l e prologue, en meme temps qu'un d i v e r t i s -sement comique, e s t une s o r t e de j u s t i f i c a t i o n e t une demande d'indulgence analogue aux p r e f a c e s des romans. Le prologue p o u r r a i t se r^sumer comme s u i v a n t : nous venons i c i pour nous amuser e t a u s s i amuser ceux que nous estimons assez pour a c c u e i l -l i r parmi nous. I I s ' a g i t d'un simple d i v e r t i s s e m e n t e n t r e amis: nous n'avons aucune p r e t e n t i o n p r o f e s s i o n n e l l e . Nos r e s -sources sont U n t i t l e s - espace i n s u f f i s a n t q u i donne au spec-t a c l e une c e r t a i n e atmosphere c o n t r a i n t e e t a r t i f i c i e l l e . Tous l e s d ^ f a u t s que vous p o u r r i e z r e l e v e r , nous en sommes pleinement - 93 -conscients. V o i l c i a peu pres l e sens du prologue. En meme temps Caylus exorcise son trac de Com^dien et d'auteur avant l a representation. Sa ti m i d i t e naturelle f a i t q u ' i l a peur de n'etre pas ci l a hauteur du role et de paraitre r i d i c u l e devant les spectateurs. Sa \"timidite naturelle\" f a i t aussi l'objet du Prolo-54 que de l'Ecole du monde et de l a fausse n i a i s e . Caylus se met en scene avec Surgeres. I l se p l a i n t de l a peur q u ' i l eprouve toutes les f o i s q u ' i l joue l a comedie: i l a r r i v e \u00C2\u00A3i peine ei prononcer les premiers mots sur l a scene. Surgeres l u i f a i t remarquer que sa peur est evidente p u i s q u ' i l est pale et tremblant. Drole de facon de se d i v e r t i r . Est-ce l a un e f f e t de 1'amour-propre? Caylus s'en defend bien: c'est lei d i t - i l , un e f f e t de sa \"timidite n a t u r e l l e \" . II n'est pas sur n i de son talent d'acteur, n i de c e l u i d'auteur dramatique. A i n s i i l c r a i n t l e jugement defavorable de ses amis. II s a i t q u ' i l est d i f f i c i l e de f a i r e r i r e des gens de bonne compagnie. I l c r o i t sa piece trop longue et peu \"plaisante\". II a voulu e v i t e r l a farce et l a tendance moderne chez les auteurs qui consiste ei rendre les maitres r i d i c u l e s dans l a seule intention de donner de 1*esprit a leurs v a l e t s . Caylus se declare p a r t i -san de l a piece en vers parce que l a poesie ajoute un element - 94 -de \"grace\" e t de \" b r i l l a n t \" . I I r e g r e t t e de ne pas a v o i r e c r i t l a sienne en v e r s . Surgdres e s t de l ' a v i s c o n t r a i r e : l e s v e r s e x i g e n t t r o p de peines e t de c o n t r a i n t e s . Le prologue f o u r n i t a u s s i quelques renseignements i n t E r e s s a n t s sur l e s habitudes de l a troupe. La r e p r e s e n t a t i o n a l i e u v e r s l e s c i n q heures; on joue des p i e c e s de r e p e r t o i r e mais s u r t o u t des p e t i t e s p i e c e s d'un a c t e , p e t i t e s p i e c e s l E g e -r e s e t p l a i s a n t e s que l e s membres de l a s o c i e t e se sont amuses a f a i r e . L a p i e c e e s t ordinairement s u i v i e d'un d i v e r t i s s e m e n t e t l e t o u t se dero u l e dans une atmosphere g a i e . \"A peine a-t-on eu l e tems de v o i r a r r i v e r l e s a c t e u r s que l e s v i o l o n s jouent, que l e d i v e r t i s s e m e n t commence e t que t o u t e s t f i n i , sans que l'o n a i t seulement l e tems de l a r e f l e x i o n \" . C e t t e atmosphere e s t a u s s i evoquOe dans l e s c o u p l e t s de d i v e r t i s s e m e n t de l a Maison Culbutee; Chez vous 1'aimable v o l u p t e P l u s que l e d e v o i r nous a t t i r e . La l i b e r t e Y regne t o u j o u r s sans d e i i r e E t nous y passons t o u t l ' e t e Sans jamais blamer n'y mEdire A t o u j o u r s r i r e 5 5 . Ce c o u p l e t e s t vraisemblablement adresse & l a maxtresse du Cha-teau de M o r v i l l e . - 95 -Dans 1'avertissement du V a l e t & deux m a i t r e s Caylus donne l e s r a i s o n s q u i l ' o n t amene & e c r i r e des p i e c e s . Les p l u s mauvaises p i e c e s n o u v e l l e s sont p l u s a g r e a b l e s \u00C2\u00A3i r e p r e s e n t e r dans l e s soci6t\u00C2\u00A3s p a r t i c u l i e r e s que l e s ouvrages des p l u s grands autheurs. Independamment de l ' a t t r a i t e t du p l a i s i r r\u00C2\u00A3el que donne l a nouveaute, l e s gens du monde tr o u v e n t un t r e s grand avantage a jouer des p i e c e s inconnues, p u i s q u ' i l s ne sont p o i n t com-pares aux a c t e u r s de p r o f e s s i o n auxquels l e s p e c t a t e u r ne peut s'empecher de pen-ser en l e s voyant dans l e s memes r o l e s . Des manuscrits b r o u i l l o n s i n d i q u e n t q u ' i l composait ses p i e c e s d'un j e t r a p i d e ei p a r t i r d'un canevas dans l e q u e l i l f i x e l e but e t l e s u j e t de l a p i e c e . L ' a c t i o n e s t e n s u i t e r ^ p a r t i e dans d i v e r s e s scenes, chacune devant a v o i r un ton p a r -t i c u l i e r s e l o n l a s i t u a t i o n . I l donne pour chaque scene q u e l -ques b r i b e s de d i a l o g u e s , quelques bons mots a i n t e g r e r . Les b r o u i l l o n s c o n t i e n n e n t de nombreuses c o r r e c t i o n s : t a n t o t l ' a u -t e u r a j o u t e quelques l i g n e s , quelques mots, t a n t o t i l abrege, supprime des scenes e t transforme une p i e c e de 5 a c t e s en 3 57 a c t e s . Malgre l e s c o r r e c t i o n s dans c e r t a i n e s comedies, on a 1'impression que l e s p i e c e s de Caylus r e s t e n t encore des b r o u i l -l o n s . E l l e s sont pour l a p l u p a r t hativement c o n s t r u i t e s e t e l l e s manquent de f i n i . - 96 -Dans un grand nombre de ses pieces, Caylus reste f i -dele au schEma habituel de l a comEdie d'intrigue: un mariage de deux amoureux contrariE par des parents a u t o r i t a i r e s . Comme chez M o l i i r e et ses Emules, l e personnage qui s'oppose au bon-heur des amoureux a souvent un vice dominant que 1'action de l a piece met en lumiere. C'est l ' o r g u e i l aristocratique dans 58 1'Esprit de propriety , l a haine v i n d i c a t i v e dans l a Haine i n u t i l e ^ , 1'intEret financier dans l e Valet a\" deux m a i t r e s ^ et une certaine prevention contre l a sociEtE dans l a ComEdie 61 bourqeoise . Dans d'autres p i i c e s de Caylus, l e mariage con-t r a r i E n'est plus qu'un cadre commode ci. un dEveloppement roma-nesque, comique ou moral: une niece amoureuse jouant l e role de fausse n i a i s e , v i s i t e sa tante pour connaxtre ses desseins en ce qui concerne son Etablissement ( S i l v i e ou l a fausse 62 u niaise) : deux bourgeois naxfs et simples d'esprit, se joignent ii une troupe de comEdiens i t a l i e n s a f i n de repecher leurs en-fants qui avaient quittE l a maison paternelle parce qu'on s'op-posait a leur amour (la ComEdie impromptue) Un deuxieme groupe de pieces a pour structure une r E -vElation progressive de l a v E r i t E : un mauvais personnage se v o i t dEmasquE et l e bon reconnu. I l n'y a pas toutefois de sus-pense parce que l e dEvoilement n'affecte que les personnages et - 97 -non l e s l e c t e u r s q u i con n a i s s e n t des l e debut, l e v e r i t a b l e c a r a c t e r e de tous l e s p r o t a g o n i s t e s . Dans l e s comedies de ce type, l e s parents au l i e u d ' e t r e 6 g o i s t e s e t ent e t e s , se mon-t r e n t souvent r a i s o n n a b l e s e t dans l e s q u e s t i o n s de mariage, sont p r e t s a t e n i r compte de 1 ' i n c l i n a t i o n de l e u r s e n f a n t s . Mais i l s sont aveugles, t r o p bons e t mal renseignes sur l e c a -r a c t e r e v e r i t a b l e des pretendants. Des p e t i t s - m a x t r e s h a b i l e s e t o f f i c i e u x , l e u r j e t t e n t f a c i l e m e n t de l a poudre aux yeux. A l a f i n , grace aux demarches d'une s o u b r e t t e d\u00C2\u00A3lur\u00C2\u00A3e, l a ve-r i t y e s t mise ct nue e t l e p e t i t - m a x t r e e s t d\u00C2\u00A3masqu6. T e l e s t 64 en gros l e s u j e t de 1 ' O f f i c i e u x i n t e r e s s e , l e C o n f i a n t ou l e /- c f.C. f a t e t l a Femme honnete-homme . Dans l a Soubrette m a i t r e s -s e ^ e t l e Depot^ 8, l e devoilement e s t pour a i n s i d i r e a r e -bours: des personnages que l ' o n c r o y a i t malhonnetes s'averent e t r e des p i l i e r s de v e r t u . D'autres p i e c e s q u i n'ont aucune s i m i l a r i t y s t r u c t u -r a l e , e c l a i r e n t d i v e r s problemes d'ordre moral ou p s y c h o l o g i -69 que. L'Humeur e t u d i e l ' e t a t p athologique de 1*ennui chez une femme du monde e t l e s e f f e t s de c e t \u00C2\u00A3tat sur son entourage; Le 70 mariage par c o n t r e - l e t t r e nous montre l a s i l h o u e t t e d'une coquette q u i entreprend, par amour-propre p l u t o t que par amour, de ramener ci e l l e un anci e n amant que son mauvais c a r a c t e r e - 98 -avait EloignE. Dans 1'Amante aimable une femme honnete et vertueuse, a force de bontE et de comprehension, ramene a e l l e un amant EgarE momentanEment par l a vanitE et l e l i b e r t i n a g e . Caylus a E c r i t aussi une comEdie d'intrigue, La Mai-7 2 son culbutee ou on v o i t un pere et un f i l s , tous les deux dE-guisEs, r i v a l i s e r pour l a meme femme. Le t i t r e de l a piece vient de l a f a n t a i s i e d'une dame qui par un scrupule d'EquitE, t i r e au sort les postes de sa maison. Cela donne l i e u a maintes 7 3 scenes comiques. Les Ages de l a fEe du Loreau dEfie toute c l a s s i f i c a t i o n : c'est une sorte de f E e r i e pastorale ou Caylus examine d'une facon c r i t i q u e les divers genres d'amour propres aux d i f f E r e n t s ages. Parmi toutes les pieces de Caylus, mises ii part les 74 parades et les pieces pornographiques , une seule a Ete pu-75 b l i E e : La Chauve-souris de sentiment . II s'agit non pas d'un amusement lEger destinE a l a sociEtE de M o r v i l l e , mais d'une pi\u00C2\u00A3ce ii scandale publiEe sans nom d'auteur. ClEment, dans les Cinq annEes l i t t E r a i r e s , en parle dans les termes suivants: La Chauve-souris de sentiment est une comE-die d'un acte, imprimEe depuis peu, mais non reprEsentEe, par Egard pour toute hon-nete personne dont l e nom de cet oiseau s i n i s t r e auroit pu blesser 1'imagination. - 99 -L'auteur est dit-on, l e meme que c e l u i du B., que vous connaissez, piece excel-lente dans son genre oil toutes les biens^ances du l i e u sont exactement observers. Le nouvel ouvrage est moins immodeste dans les termes mais l e sujet n'est gu\u00C2\u00A3re plus decent 7 Dans l e meme ton, Grimm resume 1*intrigue apres quoi i l d i t sechement: \"Cette sale comedie est de M. de Caylus et n'a 77 point 6t6 jou6e\" . La comedie a pour sujet une vengeance d'amour. Valere, voulant se venger de 1 ' i n f i d e l i t y d'Isabelle, contracte une maladie v\u00C2\u00A3n\u00C2\u00A3rienne q u ' i l a 1'intention de l u i communiquer. Mais les amants se r e c o n c i l i e n t et Isabelle accepte volontairement de partager son infortune. En ce qui concerne l a structure de ses pieces, on v o i t que Caylus s'est inspire\" largement de l a t r a d i t i o n drama-tique existante. Outre 1'influence de Moliere, que l a plupart des auteurs de l'epoque ont subie, on peut rapprocher certaines comedies de Caylus \u00C2\u00A3i des pieces contemporaines. Le Confiant ou l e fat, rappelle l e D i s t r a i t de R6gnard, 1'Impertinent et l e Curieux de Destouches. L'Humeur a une affinite\" certaine avec 1'Esprit de contradiction de Dufresny. La Maison culbut6e rap-p e l l e l ' I s l e des Esclaves de Marivaux et les Ages de l a f\u00C2\u00A3e du Loreau, l a Reunion des Amours 6galement de Marivaux. -100 -De meme en ce qui concerne les personnages, Caylus emprunte au patrimoine t h E a t r a l : l e pere bourru, l e valet f r i -pon, l e barbon, l a soubrette intrigante, l e paysan patoisant, l e petit-maitre, l a coquette et les amoureux sentimentaux dE-pourvus de ressources, sont des figures communes dans l a comEdie depuis Moliere. Les noms sont Egalement t r a d i t i o n n e l s : les personnages de Caylus s'appellent GEronte, Argante, NErine, L u c i l l e , Isabelle, Frontin et Guillaume. Les comEdies de Caylus r e f l e t e n t aussi les modes thEatrales de l a premiere moitiE du s i d c l e . A l a suite de Dancourt, les auteurs dramatiques, comme Destouches, Gresset, Dufresny et Lesage, Evoquent des images lEgeres et un jeu b r i l -l a nt de p a i l l e t t e s a\" m i l l e nuances, d'une a c t u a l i t E aujourd'hui perdue. Le public qui cherche des divertissements f a c i l e s , va par i n c l i n a t i o n aux spectacles ovi sont EvoquEes les anecdotes de l a v i e parisienne, les idEes et les systemes qui agitent les e s p r i t s . C'est aussi l'Epoque oxx l e thEatre de l a f o i r e triom-phe par les parodies et par l a reprEsentation des moeurs popu-l a i r e s , tandis que l e courant moralisateur et larmoyant, mis en vogue par La ChaussEe, connaxt un succis croissant. Tous ces visages multiples des gouts et des intErets - 101 -contemporains, m i r o i t e n t dans l e s comedies de C a y l u s . S ' i l f a i t quelques t e n t a t i v e s dans l e larmoyant en pr\u00C2\u00A3sentant des se i n e s p a t h E t i q u e s , s ' i l s c r u t e c e r t a i n s problemes moraux courants, e n f i n s ' i l f a i t l a s a t i r e des moeurs contemporaines on ne peut r e q u i r e l e s comedies de Caylus a une s e u l e formule n i l e s r a t t a c h e r it un courant p a r t i c u l i e r . Sans p a r t i - p r i s p h i l o s o p h i q u e , i l s'attache a p e i n d r e l e s m a n i f e s t a t i o n s societ-i e s e t l e s p r e o c c u p a t i o n s morales e t i n t e l l e c t u e l l e s de son m i l i e u . Son optique, e s t dans un c e r t a i n sens, a r i s t o c r a t i q u e dans l a mesure ovi l ' i d ^ a l moral e t s o c i a l s o u s - j a c e n t jl sa pens\u00C2\u00A3e, t i e n t de l a no b l e s s e : une c e r t a i n e id\u00C2\u00A3e d ' e x c e l l e n c e , d'aisance e t de p o l i t e s s e , li\u00C2\u00A3e a l a l i b e r t y dans l e p l a i s i r . Caylus couvre de r i d i c u l e t o u t e forme de comportement q u i deVie de c e t t e noblesse d ' e s p r i t e t de coeur, l ' i d ^ a l de l'honnete-homme. I I a incarne\" c e t id\u00C2\u00A3al dans Celimene de La Femme honnete-homme. Parmi l e s q u a l i t ^ s que Caylus l u i p r e t e , on r e t i e n t s u r t o u t sa p o l i t e s s e , sa d e l i c a t e s s e de sentiment e t son sens t r i s 6lev6 de l'honneur e t de l a p r o b i t y . Son s t y l e de v i e c o n c i l i e l e repos e t l e mouvement, l a s o c i a b i l i t y e t l a s o l i t u d e . V i v a n t a P a r i s , e l l e \u00C2\u00A3vite l e s pieges de l a v i e mon-daine en sachant se r e c r E e r au s e i n d'un groupe d'amis i n t i m e s . C'est l a un theme q u ' i l r e p r endra dans ses contes de f\u00C2\u00A3es e t - 102 -q u ' i l i l l u s t r e r a dans les Soirees du Bois de Boulogne. Les themes q u ' i l aborde dans ses comedies, sont des sujets f o r t discutes & l'epoque et auxquels i l touche dans ses essais et ses contes: l a s i n c S r i t S , l a solitude et l a s o c i a b i -l i t y , l a vertu dans une societe corrompue, 1'amour et 1'amitiS, 1'education des f i l l e s , les dangers du theatre et l e s conditions du bonheur. Pour ce qui est de l a s a t i r e , Caylus, comme dans ses autres oeuvres, s'attaque par p r e d i l e c t i o n \u00C2\u00A3l 1'hypocrisie, \u00C2\u00A3 l a vanity et ei l a galanterie mondaine. Sa c i b l e est plus particulierement l e type l e plus represents dans l a l i t e r a t u r e de l'epoque: l e petit-maitre. I l a incarne\" ce personnage vain et o f f i c i e u x , dans l e Confiant ou l e fat, une sorte de p o r t r a i t a b s t r a i t ei l a facon de La Bruy^re, presents sous une forme dra-matique. Toutes les c r i t i q u e s sociales et morales que Caylus a eparpillSes un peu partout dans ses comedies et ses contes, se trouvent rSunies systSmatiquement dans une a l l S g o r i e dramatique 78 inachevee, L ' I s l e de l a coquetterie , l ' I s l e en question est une sorte de society a rebours, oii les gens pratiquent systema-tiquement, tous les vices (eleves au rang des vertues), que l a plupart des Scrivains de cette pSriode, d^plorent dans leur society: vanite, empressement, d i s s i p a t i o n , inconstance, medi-sance, tyrannie de l a mode, b e l - e s p r i t , mensonge et hypocrisie. - 103 -En ce qui concerne l e ton des comedies, a part les quelques scenes path^tiques, i l reste en g6n\u00C2\u00A3ral gai et p l a i -sant. D'abord, pr^cisons que Caylus u t i l i s e parcimonieusement les procedes de farce - coups de baton, malentendus, quiproquos, et dEguisements. On en trouve quelques exemples dans l a ComEdie impromptue, La Maison culbutee et l'Amante aimable, mais ce sont l a des exceptions a l a regie. L'Element plaisant provient surtout de l a peinture sa t i r i q u e des moeurs. Dans l e canevas 79 de l ' O f f i c i e u x interesse Caylus precise que l e r o l e d'Argante doit etre \"plaisant par l a prevention et les id6es fausses et si n g u l i e r e s \" . Comme nous l'avons soulignE, ces id\u00C2\u00A3es \"fausses et s ingulieres\" ont souvent pour base quelque manie ou quelque travers: l ' o r g u e i l n o b i l i a i r e (L'Esprit de propriety), l e faux honneur (La Haine i n u t i l e ) , l a fat u i t y (Le Confiant ou l e f a t ) . Caylus exploite aussi l e r i d i c u l e de certains personnages mi-neurs; comme le juge haxangueur, l e notaire avare et m\u00C2\u00A3ticuleux, l'abbe gourmand et mondain et l e c o n s e i l l e r vaniteux qui a l a manie de rimer de mauvais vers. Un autre proc6d\u00C2\u00A3 que Caylus u t i l i s e , est c e l u i de mettre en scene des paysans naifs dont les moeurs grossieres et frustes, prennent un r e l i e f amusant confront^es ti l a pol i t e s s e aristocratique. C'est l a un proc6d\u00C2\u00A3 que M o l i e r e / e t plus p a r t i c u l l t r e - 104 -ment Dancourt, a v a i e n t largement e x p l o i t e . I I s ' a g i t de p r e t e r ei des paysans un langage de convention t i r e des p a t o i s , dont l e s p a r t i c u l a r i t S s phonetiques e t morphologiques engendrent des e f f e t s comiques. L'emploi de l a desinence - ons a l a premiere personne du s i n g u l i e r , c r e e 1'impression que l e personnage p a r l e de lui-meme ei l a f o i s au p l u r i e l e t au s i n g u l i e r . Par son langage l e personnage p a t o i s a n t se c l a s s e comme i n f S r i e u r e t degrade par l e f a i t meme t o u t ce q u ' i l exprime. A i n s i dans sa bouche des propos mondains e t g a l a n t s deviennent r i s i b l e s . D*autre p a r t l a f r a n c h i s e d i r e c t e des paysans de Caylus, 1*ab-sence chez eux de tou t e c o m p l i c i t y s o c i a l e , f o n t r e s s o r t i r l a faussete\" e t l e r i d i c u l e des r a p p o r t s sociaux dans l a bonne compagnie. D'autres e f f e t s comiques proviennent de s i t u a t i o n s incongrues: un juge, q u i p r i s au depourvu, o u b l i e sa harangue ( L ' E s p r i t de p r o p r i ^ t e ) ; un pere presse de marier sa f i l l e , i n t e r p r e t e mal l e s r e t i c e n c e s d'un l i b e r t i n (L'Humeur); deux bourgeois n i a i s p a r t i c i p e n t a une r e p e t i t i o n au t h e a t r e i t a l i e n (La comedie impromptue); e t e n f i n un v a l e t , devenu l e r i v a l amoureux de son m a i t r e bourru, se c r o i t a u t o r i s e <5 l u i p a r l e r sur un p i e d d'\u00C2\u00A3galit\u00C2\u00A3 (La Soubrette m a i t r e s s e ) . Ce sont Ik des s i t u a t i o n s amusantes mais q u i sont comme g r e f f ^ e s a r t i f i -- 105 -ciellementsur1'intrigue. C'est pourquoi les pieces de Caylus sont d'un comique f a c i l e qui sent l'apprete\" et qui ne reVele pas l'ame des personnages. Mais a\" cet Sgard, pour ne pas etre i n -juste en l e comparant a un Moliere ou a un Marivaux, i l faut se rappeler que Caylus n'a compose\" ses pieces que pour d i v e r t i r ses amis et qu'elles sont pour l a plupart, de simples b r o u i l l o n s . D'une facon a l l u s i v e et 16gere, e l l e s font \u00C2\u00A3cho aux id\u00C2\u00A3es et aux modes l i t t e r a i r e s de l a premiere moitie\" du dix-huitieme s i e c l e : Caylus y peint les travers de ses contemporains et r e -produit sur l a scene des propos qui devaient alimenter les con-versations dans l e s petites soci6t6s mondaines. Nul doute que ses comedies ont amuse\" et d i v e r t i ses amis, mais aujourd'hui, l'\u00C2\u00A3l6ment d'actuality perdu, e l l e s restent ennuyeuses a\" l i r e . II s e r a i t f u t i l e d ' i n s i s t e r longuement sur les f a i -blesses de l ' a r t dramatique chez Caylus, mais parmi les plus flagrantes, on note, un manque d'action dramatique v e r i t a b l e , des personnages ab s t r a i t s et peu convaincants, l'abus des por-t r a i t s et des mots d'esprit et en dernier l i e u un dialogue, quoique naturel, qui manque de r e l i e f et de debordement. On peut souligner aussi que Caylus a echoue\" miserablement dans les scenes q u ' i l a voulu rendre path\u00C2\u00A3tiques. II se montre incapa-ble d'inspirer de 1'emotion. S i dans un canevas i l annonce une - 106 -seine tendre et touchante, l a r e a l i s a t i o n en est toujours d\u00C2\u00A3-cevante. Caylus semble etre incapable de s'abandonner al l a logique de ses personnages, comme s i , conscient du caractere conventionnel de toute f i c t i o n , i l r e f u s a i t de se l a i s s e r pren-dre a son propre jeu. Aussi semble-t-il garder, comme d ' a i l -leurs dans ses contes de f\u00C2\u00A3es et certains r e c i t s poissards, une distance ironique par rapport a\" son oeuvre. On a souvent 1*im-pression que certaines scenes path\u00C2\u00A3tiques par exemple, camouflent un leger p e r s i f l a g e des lieux-communs de l a com\u00C2\u00A7die larmoyante. Le theatre comique est sans doute l a par t i e l a plus f a i b l e de 1'oeuvre de Caylus. Dans ses contes f^eriques, l a carence psychologique est contrebalancEe par un e s p r i t f a n t a i -s i s t e o r i g i n a l ; dans ses oeuvres poissardes par une observation pittoresque et quelque foxs. p a i l l a r d e des moeurs populaires; mais dans ses comedies les situations amusantes, les bons mots et l a s a t i r e des moeurs, ne parviennent pas a nous f a i r e oublier l a pauvrete\" dramatique et l a faib l e s s e psychologique des per-sonnages . CHAPITRE I I I Les contes f e d r i q u e s S i l e s d i v e r s e s oeuvres manuscrites de Caylus ne p r ^ s e n t e n t r i e n d*assez o r i g i n a l pour a v o i r pu conserver son nom \u00C2\u00A3 l a p o s t e r i t 6 , i l n'en va pas de meme pour sa p r o d u c t i o n f ^ e r i q u e e t o r i e n t a l e , q u i , t o u t en s ' i n s c r i v a n t dans des \"modes\" e t des courants l i t t ^ r a i r e s p r e c i s , garde un r e l i e f b i e n p e r s o n n e l . Ses contes, parus e n t r e 1741 e t 1745, s u i v e n t deux c o u r a n t s : l e s F a e r i e s Nouvelles\"^, e t l e s Cinq Contes de 2 3 F&es , c e l u i de l a \"Mode des contes de f\u00C2\u00A3es\" q u i connut son 4 apogee a l a f i n du 17e s i e c l e ; Les Contes o r i e n t a u x , c e l u i de l a vogue o r i e n t a l e q u i a t t e i g n i t son p o i n t culminant v e r s l e m i l i e u du 18e s i e c l e . Deux contes, inse\r i6s dans l e r e c u e i l , 5 Les Manteaux , a p p a r t i e n n e n t au genre g a l a n t o r i e n t a l i s a n t mis en vogue des 1734 avec T a n z a i e t N\u00E2\u0082\u00ACadarn6 de C r E b i l l o n f i l s . Avant d ' e t u d i e r l a p r o d u c t i o n f ^ e r i q u e de Caylus dans l e cadre des d i v e r s courants, pr\u00C2\u00A3cisons d'abord l e s c i r c o n s -- 108 -tances qui l'ont amene\" a s'essayer dans l e genre. I c i encore les documents sont rares. Pour tout renseignement, i l faut se reporter a l a preface de Cadichon, ou tout vient el point \u00C2\u00A3 qui 6 N peut attendre , paru en 1775, s o i t dix ans apres sa mort. C'est un des rares documents oil Caylus exprime directement ses idees l i t t ^ r a i r e s et parle de ses oeuvres. I l avoue d'abord avoir eu un long contact avec les contes de fees: \"Les contes de F6es ont 6t6 long-tems Ii l a 7 mode, et dans ma jeunesse on ne l i s a i t que cela dans l e monde\" . II exprime ensuite son admiration pour les \"morceaux charmans\" dans l e gout de ceux de l a comtesse de Murat et madame d'Aulnoy. Quant aux traductions des contes arabes et persans par Galland et Petis de l a Croix, Caylus juge m6rite l e grand succes qu'elles remporterent. Mais i l est plus severe pour les imitations qui pul l u l e r e n t et consacrerent l a vogue o r i e n t a l e : \"Quelqu'uns ont &t& heureux, d'autres ont ete rel6gu6s dans l a poussiere des magasins de l i b r a i r i e jusqu'au.moment ou i l s ont passE a l ' e p i -8 \u00C2\u00AB. c i e r \" . Apres un t e l jugement i l c r o i t prudent de j u s t i f i e r ses propres 6lucubrations. Les societes dont i l f a i s a i t p a r tie, l e pousserent, d i t - i l a essayer sa propre main. Je r e s i s t a i : mais je me l a i s s a i s^duire enfin, par l ' a t t r a i t naturel que les - 109 -ouvrages d'imagination, et plus encore par l a f i n qu'un homme de l e t t r e s sage et honnete, doi t toujours se proposer en Scrivant. Je trouvois dans les ou-vrages des i l l u s t r e s dames dont j ' a i parle et dans les M i l l e et une Nuits, une i n f i n i t e de legons de morale qui s'introduisoient dans l e coeur, sous l e masque de l'agrSment. Je me sentois dans mon propre caractere, assez porte\" a rendre l a vertu aimable, et je ne crus pas cette voie i n u t i l e . D ' a i l l e u r s , cela me d ^ l a s s o i t ; et lorsque j'avois bien dSssSche\" mon cerveau et fatigue\" mon es p r i t H deviner l e sens de quelques anciens hiSroglyphes, je trouvois un v r a i p l a i s i r ct promener mon imagination dans l e vaste champ de l a f a e r i e . Rien, en e f f e t , ne sauroit l'Spuiser; et quel-ques habiles et a c t i f s que soient les moissonneurs qui y r e c u e i l l e n t , on trou-vera toujours, non seulement a glaner apres eux, mais encore ei f a i r e une r6-c o l t e aussi abondante que l a leu r . Je m'amusai done a \u00C2\u00A3crire des contes, par l e meme motif qui m'engageait a graver ei l'eau-forte. Je sentois bien que je ne pouvois atteindre ci l a perfection dans aucun de ces deux cas: mais e ' e t o i t autant de gagnS sur 1'ennui du d^soeuvre-ment; et c'St o i t assez pour moi 9. Le f a i t que Caylus se c r o i t oblige\" de j u s t i f i e r d'avoir 6 c r i t des contes de f6es, montre bien dans quel d i s c r e d i t e t a i t l e genre. On s a i t qu'a l'epoque classique, malgre\" leur grande popularity, on les considerait comme un delassement f r i v o l e , \u00E2\u0080\u009E10 \u00E2\u0080\u009E des bagatelles de l ' o i s i v e t e . Caylus s'attache done a jus-t i f i e r l e genre par des raisons didactiques et morales. Selon - 110 -l u i , l a valeur morale du conte de fees reside dans l e f a i t que depassant l a simple peinture des moeurs, les auteurs s'attachent ii chatier les vices et a recompenser l a vertu. S i l a morale n'est pas toujours aussi frappante que dans certains contes de \"l'immortel F^nelon\", dans l a plupart des cas, e l l e se f a i t assez s e n t i r pour produire 1'effet voulu. A t i t r e d'exemple, i l donne un precis du Palais de l a vengeance de l a comtesse de Murat. Ce conte, selon l u i , a pour but de montrer que l ' o i s i v e t e mine ei 1'ennui et que l'abus de p l a i s i r mene a l a s a t i a t e . Pour donner plus de c r e d i t a son apologie du conte fantastique, i l c i t e 1'exemple d'une \"autoritS respectable\", Montesquieu, qui trouvait un grand a t t r a i t dans les M i l l e et une n u i t s . On l e v o i t , l e s j u s t i f i c a t i o n s morales de Caylus rejoignent c e l l e s des defenseurs du roman\"*-\"*\". A ceux qui reprochent au conte de f\u00C2\u00A3es \" l e merveil-leux, l e bizarre, 1'extravagance d'une imagination sans regie et sans f r e i n i l les renvoie a Homere et ci V i r g i l e a qui on pardonne bien l e merveilleux. E s t - i l plus sage de supposer des dieux passionn^s, divisSs, inconstans, injustes et cruels, que de supposer des enchanteurs et des f\u00C2\u00A3es qui ont ces memes vues? Non sans doute. I l y a meme plus: c'est que les enchanteurs et les f4es ne sont donnas - I l l -dans aucun conte que comme des e t r e s p u i s s a n s , i l e s t v r a i , mais subordonn^s a un pouvoir s u p ^ r i e u r au l e u r . E t aucun auteur des f a e r i e s n'a jamais manque de donner l a puissance supreme a l a b i e n f a i s a n c e ; e t J u p i t e r , l e m a i t r e des dieux, e s t q u e l q u e f o i s m a l f a i s a n t x . Ces arguments, f a i s a n t Echo a l a q u e r e l l e des anciens e t des modernes, ont pour but de donner une certaine r e s p e c t a b i l i t y a\" un genre consid\u00C2\u00A3r\u00C2\u00A3 f r i v o l e e t extravagant, en l e rapprochant de l'\u00C2\u00A3pop\u00C2\u00A3e, genre noble, consacre\" par l a t r a d i t i o n . Quel s u c c i s eurent l e s contes de Caylus? Selon l u i , i l s r ^ u s s i r e n t au-delS de ses esp^rances: \" c e l a m'encouragea, j'en p u b l i a i quelques a u t r e s q u i eurent encore p l u s de succes. C e l u i des F a e r i e s n o u v e l l e s s u r t o u t e t des Contes o r i e n t a u x 14 f l a t t a mon amour-propre\" . Caylus a f f i r m e a u s s i q u ' i l a u r a i t continue ii s'exercer dans l e genre s i des occupations p l u s s\u00C2\u00A3-r i e u s e s ne l ' e n eussent d\u00C2\u00A3tourn6. Quant & l e u r date de composition, e l l e e s t v r a i s e m b l a -blement a n t e r i e u r e a l a p a r u t i o n des r e c u e i l s . F r e r o n , a f f i r m e dans 1'Annee l i t t e r a i r e que l e s Contes o r i e n t a u x sont des oeu-15 v r e s de jeunesse . On peut supposer q u ' i l s ont &t& i n s p i r e s par son voyage it C o n s t a n t i n o p l e en 1717. En ce q u i concerne l e s contes de f\u00C2\u00A3es, Caylus a f f i r m e dans sa p r e f a c e de Cadichon, - 112 -revenir au genre \"apres plus de 30 ans\" . Cela s i t u e r a i t l a composition des Faeries nouvelles et des Cinq contes de f6es vers les annSes 1740, l'epoque ou i l frSquentait l e plus a s s i -dument les petites sociStes, dont c e l l e de M o r v i l l e et c e l l e du Bout du banc Nous examinerons les oeuvres fSeriques de Caylus dans l e cadre de leur courant l i t t e r a i r e r e s p e c t i f : l e conte de fees, l e conte o r i e n t a l et l e conte licencieux. LES CONTES DE FEES La publication des Feeries Nouvelles en 1741 et des Cinq contes de f\u00C2\u00A3es en 1745, semble assez anachronique. La grande vogue des contes de f6es, se situant entre 1685 et 1704, e t a i t dSja passSe. Le genre avait d'abord conquis les salons, bien avant q u ' i l e d t a t t e i n t l e grand public. Dans une l e t t r e datSe de 1656, Mme de SeVignS atteste que les h i s t o i r e s de fees amusaient les dames de V e r s a i l l e s . D&jH tout l e merveilleux ou plutot l'esthetique du merveilleux s'y trouve: \" l i e verte ou l'on S l e v a i t une princesse plus b e l l e que l e jour; c'etoient les f6es qui s o u f f l o i e n t sur e l l e a tout moment. Le prince des delices e t o i t son amant; i l s ariverent tous deux dans une 18 boule de c r i s t a l , alors qu'on y pensoit l e moins...\" . Mme de - 113 -SeVigne affirme aussi que l e conte durait une bonne heure. Malgre\" l a mode de l a fa e r i e dans les salons, ce n'est qu'en 1690 qu'apparait avec l ' H i s t o i r e d'Hypolite, Comte de Duglas, 19 de Mme d'Aulnoy, l a premiere publication d'un conte de fees Le t e r r a i n ne fut definitivement conquis qu'en 1697, par Charles Perrault avec l a B e l l e au bois dormant. Dans les annEes qui su i v i r e n t , Mme d'Aulnoy, Mme Durand, Mile de l a Force et Mme de Murat, pour ne c i t e r que les mieux connues, l i v r e r e n t leurs r e c u e i l s de contes au public, qui les a c c u e i l l i t avec un enthou-siasme exuberant. Mais l e succes fut de courte durEe. DEja, en 1704, avant l a parution des M i l l e et une nuits l e public, s i on en c r o i t 1 'Abbe\" Bellegrade, commencait a se lasser des contes de fEes. \"La cour s'est laissEe infatuer de ces s o t t i s e s , l a v i l l e a s u i v i l e mauvais exemple de l a cour et a l u avec a v i -dite\" les aventures monstrueuses, mais enfin on est revenu de 20 cette frEnEsie\" Done l a publication des FEeries nouvelles en 1741, en pleine vogue orientale, va a\" contre-courant. Pourtant, Caylus n'est pas l e seul au 18e s i e c l e a E c r i r e des contes de fEes a\" l a maniere de ceux qu'on E c r i v a i t a l a f i n du dix-septieme s i e -c l e . La production fEtrique de certains auteurs comme Mme de L i n t o t , Mile Lubert et Pajon, assure l a continuity de l a t r a d i -- 114 -t i o n c l a s s i q u e au s i e c l e des l u m i i r e s . Leurs contes se t r o u -vent imprimis dans l e Cab i n e t des f6es, l'enorme c o m p i l a t i o n de quarante volumes q u i parurent e n t r e 1785 e t 1789. Le conte de f&es se ma i n t i e n d r a dans l a deuxieme moitie\" du s i e c l e par une tendance m o r a l i s a n t e , representee par Sa i n t - H y a c i n t h e , Mmes 21 de V i l l e n e u v e e t l e P r i n c e de Beaumont La f i l i a t i o n de Caylus aux contes de f\u00C2\u00A3es de l a p6-r i o d e c l a s s i q u e , conjugu^e avec l e s a f f i r m a t i o n s hautement sS-22 r i e u s e s e t morales de l a p r e f a c e de Cadichon a f a i t d i r e a un c r i t i q u e que Caylus n a r r e t o u j o u r s \"sans l a moindre i n t e n t i o n 23 de p a r o d i e \" . Or comme nous l e verrons , l ' o p t i q u e n a r r a t i v e des F e e r i e s N o u v e l l e s e t meme des Contes Orientaux, e s t l o i n d ' e t r e t o u j o u r s s\u00C2\u00A7rieuse. La p r e f a c e de 1 ' E d i t i o n 1741 des 24 F a e r i e s N o u v e l l e s nous i n d i q u e d\u00C2\u00A3ja l e ton quelque peu fac6-t i e u x e t parodique des contes de f\u00C2\u00A3es de C a y l u s . I I r a i l l e d'abord l a maladie de v o u l o i r e t r e auteur e t ceux q u i , n'ayant pas l e t a l e n t pour l ' e t r e , s ' a t t r i b u e n t l e s ouvrages des a u t r e s . Caylus fac^tieusement r e n v e r s e l e proc6d6: i l d e c l a r e q u ' i l a lui-meme vole\" l e s manuscrits desquels sont t i r 4 s l e s contes q u ' i l l i v r e au p u b l i c . A. Physionomie g6n6ralet s t r u c t u r e e t themes 25 Le r e c u e i l , l e s F e e r i e s n o u v e l l e s , comprend 14 con-- 115 -tes temoignant d'une variEte\" d'inspiration, de ton et d'inten-tio n , a l l a n t du moral l e plus sErieux c i l a simple gratuite\" 26 feerique. Mignonette , par l a narration discrete, par un do-sage d E l i c a t de f E e r i e ^ par l a presence de personnages nuances, enfin par 1'intention morale manifeste, rappelle les contes de Perrault et de Mme d'Aulnoy, entre autres, l e P e t i t chaperon rouge et l'Oiseau bleu. Dans ce conte, Caylus raconte simple-ment comment une jeune f i l l e dEsobEissante est punie. L ' h i s t o i r e est censEe montrer comment une \" f i l l e bien sage et bien j o l i e a 27 f a i t sa fortune et c e l l e de ses parents . . 28 Dans d'autres contes, comme Courtebotte et Z i b i l m e , 29 30 Pimprenelle et l e prince Romarin et Tourlou et Ricette , Caylus s'inspire de l a t r a d i t i o n chevaleresque et pastorale du dix-septieme s i e c l e . Le premier raconte* d'une facon paro-dique et quelque peu burlesque, l'aventure chevaleresque d'un \"courtebotte\" qui part c i l a conquete de Zibeli n e ou plutot de son coeur, coeur qu'une f6e jalouse a f a i t geler dans une mon-tagne de glace. S i l e cadre est parodique et l e hEros un peu r i d i c u l e malgre\" son courage et sa vertu, l e conte a pour but de montrer comment l a vertu est enfin couronnEe par 1'amour et l a fortune. Caylus Etudie aussi l e probleme du \"coeur\" et de\"l'es-p r i t \" ou l a part de raison et de passion dans les rapports - 116 -humains. Privee de son coeur, Z i b i l i n e , toujours raisonnable, composed et c o n c i l i a n t e , n'est n i malheureuse n i heureuse. Quand on l u i r e s t i t u e son coeur, e l l e dScouvre l a passion et 1'amour et pour l a premiere f o i s , Sprouve l a t r i s t e s s e et l'an-goisse du choix et de 1'inquietude. Le conte f a i t manifestement 6cho aux controverses de l'epoque sur l a s e n s i b i l i t y opposed a l a raison. Non moins romanesque, mais plus s a t i r i q u e , est l a Princesse Pimprenelle et l e prince Romarin. Une reine vaniteuse, jalouse de sa f i l l e , l a f a i t enfermer dans un p e t i t p a l a i s . Un jeune prince galant, grace ei une bague magique qui a l e don de rendre l e porteur i n v i s i b l e , p^netre dans l e p a l a i s , tombe amou-reux de l a princesse et triomphe enfin de son adversaire, un vulgaire g6nie, qui met son art occulte en oeuvre pour s^duire l a jeune f i l l e . Ce cadre banal sert de pr^texte ei des remarques malicieuses et ironiques sur les proc\u00C2\u00A3d6s romanesques des contes de f6es et aussi a des observations satiriques sur les moeurs. Tourlou et R i r e t t e est une charmante eglogue, qui raconte assez nalvement, 1'amour de deux jeunes bergers proteges par l a Fee des pr\u00C2\u00A3s. Mais c i cause d'une pe t i t e negligence dans leur devoir envers leur b i e n f a i t r i c e , i l s sont l a proie de grands malheurs et se voient s4par6s l'un de 1*autre. Mais ei force de - 117 -courage et de perseVErance, l a f&e leur pardonne et i l s recou-vrent leur bonheur perdu. Le conte devrait se terminer i c i mais Caylus ouvre un \" t i r o i r \" selon les procEdEs du conte orien-t a l . Le prEtexte est une lecon morale: l a f\u00C2\u00A3e pour convaincre ses p u p i l l e s que l e bonheur reside dans l e t r a v a i l , l a sant4 du corps, 1'amusement de 1'esprit et l a Constance du coeur, leur raconte l'Oiseau jaune, conte o r i e n t a l que l'on v e r r a i t plus volontiers dans l e r e c u e i l des Contes orientaux. Sans etre o r i e n t a l , un autre conte, 1'Enchantement 31 K impossible paratt s'inspirer du conte o r i e n t a l licencieux ci l a maniere de C r E b i l l o n f i l s . Galantine, pour des raisons q u ' i l s e r a i t trop long d'expliquer, est condamnEe \u00C2\u00A7 vi v r e dans une tour, jusqu'a ce qu'elle se rende aux dEsirs d'un amant aime\". Bien entendu, on a enchante\" l a prison pour l a rendre inacc e s s i -b l e . Mais 1'amour seconde\" par l a magie, four n i t & 1'amant des ressources qui l u i permettent de triompher de l a fEerie et d'ex-p i r e r dans les bras de l a p r i s o n n i i r e . Un deuxiime groupe de contes du r e c u e i l a une portee 32 plus s a t i r i q u e . Dans l a Princesse lumineuse visant les moeurs de l a REgence et l e systeme de Law, Caylus s'attaque \u00C2\u00A3 l a passion du jeu et de l a speculation financiere et en montre les consE-- 118 -quences desastreuses pour l a societe. L'intrigue, assez banale, n'est qu'un prStexte: deux f\u00C2\u00A3es se disputent l e royaume du r o i B i r i b i et de l a reine Marjolaine, chacune d'elles essayant de s'attacher l e r o i et de f a i r e l a fortune de son protSgS. L ' h i s -t o i r e concerne une princesse appelee Lumineuse, que l a bonne f\u00C2\u00A3e Balfamine veut soustraire a l a mauvaise influence du m i l i e u . E l l e destine l a jeune f i l l e au prince Grenadin. Mais l a mau-vaise f\u00C2\u00A3e Sansdents, reserve Grenadin pour sa propre protSgSe et obtient du r o i que Lumineuse epouse l e r o i des B r o u i l l a r d s , personnage fruste et t r i s t e vivant vraisembleblement en Angle-t e r r e . Apres maintes souffranees, l a vertu est recompensed: son mari meurt et e l l e Spouse son prince charmant, et regne avec l u i . Sous leur gouvernement e c l a i r e . Toutes l e s banques furent detruites par l a fortune des pontes, et cette fortune se trouva s i sagement dSpartie que tous les joueurs du royaume regagnerent prScisSment ce q u ' i l s avaient perdu, et se trouverent au meme degrS d'opulence ou les dSreglements du jeu les avoient trouves. I l S t o i t tems que cette r e p a r t i t i o n fut f a i t e , car presque toutes les families de ce grand Stat Stoient absolument r u i n S e s 3 3 . Le nouveau gouvernement enfin \" r S t a b l i t l a polic e , l'ordre et f i t enfin f l e u r i r l e commerce dans un royaume dont les a f f a i r e s 34 Stoient depuis longtems bien dSrangSes\" - 119 -Dans l e meme es p r i t , La Princesse Minutie et l e r o i 35 F l o r i d o r , r a i l l e 1'esprit de bagatelle des gens de l a cour. Le cadre est une h i s t o i r e romanesque (racontEesurun ton paro-dique avec force extravagance f^erique) qui montre comment l'amour d'un prince charmant guerit une princesse de son es-p r i t minutieux, s i minutieux qu'elle avait renvoye un bon gEnEral d'armEe parce q u ' i l \" E t o i t venu chez e l l e avec un cha-3 6 peau borde\" d'argent\" 37 Dans un conte inachevE, La B e l l e Hermine et C o l i b r i Caylus, tout en s'attaquant S l'oisivete\" et l a moHesse qui mi-nent l a sociEte, pose l e probleme de l a l E g i t i m i t E de l a guerre Un r o i , qu'on avait mal &lev&, dissipe les biens du royaume et cede des provinces a ses voisins p l u t o t que de l i v r e r l a moindr guerre. Une fEe s*attache a l a princesse B e l l e Hermine et en-treprend de l u i f a i r e prendre en horreur 1'extreme moHesse et l a grande corruption qui seVissent dans l e royaume. Dans ce but, e l l e l u i f a i t v i s i t e r d'autres pays, dont un, c e l u i des 38 P a l l a n t i n s , est utopique . Ce voyage Educatif accompli, Caylu abandonne Hermine, accompagnee de C o l i b r i , dans leur char, en p l e i n milieu du c i e l : La princesse en reprenant sa figure parut a ses yeux avec autant d'eclatque l e - 120 -s o l e i l , lorsqu'en un instant i l abat en automne un b r o u i l l a r d Spais q u ' i l surmonte. La b e l l e Hermine... 3 9 A i n s i Caylus termine l e conte dSsinvoltement en parodist nt les procSdSs du roman prScieux. Un troisi&me groupe de contes, sans exclure l a paro-die romanesque ou l a s a t i r e sociale et p o l i t i q u e , est domine par une intention morale plus precise. Dans l e Prince Muguet 40 et l a princesse Zaza un r o i , chasse de son royaume par un en-vahisseur, se r e t i r e a l a campagne et dScouvre l e bonheur d'une vie t r a n q u i l l e dans l a nature. Mais son f i l s , malgrS l a bonne education que l u i avait donnSe l a fSe du HStre, prend l a vie rustique en dSgout et va dans une v i l l e voisine oii i l devient petit-maitre. Comment Muguet decouvre 1'amour et se guSrit de sa galanterie, grace ei un enchantement qui l'empeche de voir Zaza t e l l e qu'elle est, compose l e noeud de 1*intrigue. S i l e conte i l l u s t r e comment un petit-maitre devient constant, i l pr\u00C2\u00A3-sente aussi une sorte d'investigation pseudo-empirique sur l ' a -mour. L'amour p e u t - i l subsister s i chacun des amants se v o i t enlever l a beautS et l e b r i l l a n t qui l'avaient inspirS? La response de Caylus est negative. On retrouve l a meme r e f l e x i o n sur 1'amour et l'incons-- 121 -tance dans Rosanie , et l e Palais des Idees . Est-ce que l a perfection, l a beaute\" et l a vertu, peuvent rendre constant un prince ElevE dans l a f r i v o l i t y ? T e l est l e probleme pose\" dans Rosanie. La fee Surcantine, charged d'Elever un prince que r i e n ne pourrait rendre constant, soutient que non. La fed Paridamie prend l a p o s i t i o n contraire et pour l e prouver, 61eve Rosanie superlativement & tous les Egards. Caylus donne raison a l a d e r n i i r e : l e prince M i r l i f l o r e , trouvant en Rosanie toutes a\" l a f o i s les qualited q u ' i l avait admireds chez d i f f ^ r e n t e s femmes, devient Eperdument constant. Le meme theme est exploits dans le\u00E2\u0080\u009E Palais des idees. A l ' i n t e r i e u r d'un cadre plus romanesque, voire allegorique, Caylus montre comment un prince f r i v o l e de-vient constant et aussi comment l a froide Rosanie devient sen-s i b l e st 1'amour. Tout cela grace au Palais des ideds, l i e u dont l e dedor et l a forme dependent des dispositions a f f e c t i v e s de c e l u i qui s'y trouve. Ce palais merveilleux a en e f f e t l e don p a r t i c u l i e r de r e d l i s e r physiquement des \u00C2\u00A3tats d'ame. A i n s i pour l e f r i v o l e M i r l i f l o r e , l e p a l a i s n'a aucune consistance parce q u ' i l est incapable de f i x e r ses sentiments. 43 x Dans les Dons , l a faerie permet a Caylus de v e r i f i e r \"empiriquement\" l a qu a l i t y morale qui repredente mieux l e bon-heur. La fed des Fleurs demande a sa p u p i l l e de c h o i s i r un don. - 122 -C e l l e - c i , avant de f i x e r son choix, v i s i t e diverses personnes d\u00C2\u00A3j& \"douSes\" par l a fee. I r i s a c h o i s i l a beautS mais e l l e est malheureuse parce qu'elle v i t dans l a crainte de v o i r fl6-t r i r ses a t t r a i t s . DaphnS, douSe d'Sloquence \"commence tou-44 jours par charmer et f i n i t par ennuyer\" . S i l v a n i e a regu l e don de p l a i r e mais e l l e est v i t e devenue coquette; Aglae\" a regu de l a v i v a c i t S mais par peur d'etre ennuyeuse e l l e est devenue Stourdie et r i d i c u l e . Cette investigation f a i t e , l a p u p i l l e S c l a i r S e c h o i s i t enfin \"un e s p r i t paresseux\". \"Ce ca-ractere est d i v i n : i l conduit ordinairement ii l a tendresse et 45 ii tous les agremens de l a v i e dans tous les ages\" 46 v Nonchalante et Pap i l l o n pose l e probleme du tempe-rament et l ' a r t d i f f i c i l e de l e changer. Comme 1'indique l e nom genSrique des hSros, P a p i l l o n est v i f et Nonchalante f l e g -matique. La fSe Lolotte a beau u t i l i s e r tous les moyens que l u i o f f re sa baguette, e l l e ne parvient pas ii redresser leur nature r e b e l l e . Ce que l a raison n'a pu f a i r e , l a passion l'accomplit \u00C2\u00A7 moindres f r a i s : devenu amoureux, chacun de son cote\" essaie de preVenir les sentiments de 1'autre et parvient a i n s i ii modi-f i e r ses i n c l i n a t i o n s . 47 Dans Bleuette et Coquelicot Caylus aborde l e pro-- 123 -bleme dichotomique de l a nature et l a sociEtE. Une fEe nommEe Bonnebonne, se r e t i r e il l a campagne, sur 1 ' i l e du bonheur, pour se consacrer I i 1'Education des enfants, dont Bleuette et Coque-l i c o t qu'elle prend particulierement en a f f e c t i o n . Dans ce cadre rousseauiste, les deux jeunes gens s'aiment d'un amour pur et l i b r e . Mais une mEchante fEe, nommEe Courtisane, jalouse de leur bonheur, f i n i t par leur f a i r e prendre en horreur l a v i e champetre, en leur peignant les dElices de l a vie a l a cour. Les deux nEophytes quittent done leur paradis champetre pour l'enfer de l a cour. Mais apris maints dEboires i l s regagnent l a campagne et retrouvent l e bonheur perdu. Le succis des FEeries Nouvelles encourage Caylus c i continuer d'Ecrire des contes de fEes. En 1745, s o i t quatre 48 ans apris son premier r e c u e i l , i l publie Cinq contes de fEes Dans l a prEface, i l dEclare avoir l i v r E l e r e c u e i l au public 49 pour prouver que l e Loup galleux l u i appartient. Ce conte 50 avait en e f f e t EtE attribuE a Mile de Villeneuve . Le nouveau r e c u e i l s u i t ii peu pres les memes recettes que l e prEcEdent: un cadre fEerique plus ou moins romanesque pour explorer des idEes morales ou so c i a l e s . Toutefois l a dose des commentaires moraux et les remarques d'ordre psychologique se sont lEgere-ment accrues. Certains contes, comme l e Prince des coeurs et - 124 -l a princesse Grenadine et La Princesse Aze r o l l e ou l'exces 52 de l a constance rappellent ceux de Voisenon, par un s t y l e plus s p i r i t u e l , plus i n c i s i f , plus mordant et plus \" s a u t i l l a n t \" . Dans l e cadre extremement romanesque du premier, Caylus aborde encore une f o i s l a dichotomie coeur-esprit. Le conte r e l a t e comment une princesse se corrige de sa pr\u00C2\u00A3ciosit\u00C2\u00A3 grace a 1'amour patient d'un amant f i d e l e . Le sous-titre du second, \"l'exces de l a constance\", sugglre que Caylus a voulu mettre \u00C2\u00A3i l'epreuve l a f i d e l i t y de ses araants. Mais 1'Element romanesque prend une t e l l e ampleur qu'on oublie 1'intention i n i t i a l e de l'auteur. L'obstacle a 1'amour du jeune couple, vient non pas d'une mechante f6e, mais d'une fee, bonne et sen-s i b l e , qui a entrepris de corriger l a mauvaise Education qu'on avait donnSe au prince des coeurs. Mais e l l e s'Sprend de son Sieve et Caylus, poussant plus l o i n que d'habitude 1'analyse psychologique, nous l a montre accablSe de remords, t i r a i l l S e entre 1*amour et l a vengeance, vengeance que rSprouve sa nature bienfaisante. Done envisage\" du point de vue de l a fSe Canadine, l e conte a pour sujet l a vengeance d'une femme honnete et sen-s i b l e , entrainSe comme Phedre, par un amour i r r e s i s t i b l e et impossible. 53 Fleurette et Abricot , tout en Stant une charmante - 125 -pastorale, examine l e comportement amoureux de l'homme et de l a femme et les moyens d'amSliorer 1'entente entre l e s deux sexes. L'homme e s t - i l plus f r i v o l e que l a femme? t e l est l e probleme que Caylus pose dans ce conte charmant. Pour l ' S c l a i -r e r , encore une f o i s i l a recours c i l a f e e r i e : une fee sur l e champ,change l e sexe des amoureux et observe leur reaction. Abricot, metamorphose\" en femme, est plus reserve et plus mo-deste; Fleurette devient plus entreprenante et plus f r i v o l e . L'experience est s i bonne que l a fee Morgantine decide de l'ap-pliquer a tout l e royaume. Par ce moyen, 1'education des hommes et des femmes, etant de meme, i l s n'auront plus de reproches a\" se f a i r e , et les deux sexes ayant un courage egal, ces peuples seront i n v i n c i b l e s . De plus, i l s reuniront les graces et l'enjouement de 1'esprit ei l a f o r -ce et ci l'etendue des idees; et cette na-tio n et plus aimable et plus unie, j o u i r a encore de l a variete meme en goutant les plus grands p l a i s i r s 5 ^ . Cette idee a l a f o i s ing6nieuse et cocasse montre ct quelles f i n s Caylus u t i l i s e les ressources de l a f e e r i e . Le Loup Galleux , d'inspi r a t i o n plus populaire, dans un ton facetieux et legerement burlesque, raconte l ' h i s t o i r e d'une innocente princesse, appeiee Blanche-main qui Sprouve de - 126 -grands malheurs par l a persecution d'une mEchante fEe. Mais c e l l e - c i , rapportEe au conseil des fEes, est mEtamorphosEe en loup galleux. Dans B e l i n e t t e ou l a jeune v i e i l l e , Caylus t r a i t e encore une f o i s l e probleme du redressement moral. Le conte montre comment B e l i n e t t e e s t c o r r i g E e de sa v a n i t e grace & l a metamorphose de son v i s a g e q u i d e v i e n t a l t e r n a t i v e m e n t jeune e t v i e u x . Le conte e s t en meme temps une v i o l e n t e s a t i r e de l ' h y -p o c r i s i e e t de l a f l a t t e r i e q u i rdgnent dans l e s c o u r s . Deux a u t r e s contes, Cadichon ou t o u t v i e n t ct p o i n t a 57 58 q u i peut a t t e n d r e e t Jean n e t t e ou 1 ' i n d i s c r e t i o n , parus posthumement, ont a u s s i pour but de c o r r i g e r un defaut de c a -r a c t e r e . Dans sa p r e f a c e , l ' a u t e u r p r e c i s e : Une femme r e s p e c t a b l e e t q u i t e n o i t encore de l a v i e i l l e cour, a v o i t deux jeunes p e t i t s -f i l s , dont l ' u n e t o i t d'une impatience ex-treme, e t 1'autre d'un caquet q u i ne f i n i s s o i t p o i n t . La bonne grand'mere c r u t que deux contes sur ces s u j e t s p o u r r o i e n t l e s c o r r i g e r e t me p r i a de l e s f a i r e : j e n'avois r i e n \u00C2\u00A3 l u i r e f u s e r e t j'eus & m'applaudir de ma con-f i a n c e ; c a r , S f o r c e de l e s l i r e e t r e l i r e , chacun des deux contes p r o d u i s i t l ' e f f e t qu'on en a t t e n d o i t ; mais ce f u t par une to u t e a u t r e cause que l a m o r a l i t e des c o n t e s . L * i m p a t i e n t annonoit en l i s a n t ; mais i l v o u l o i t pouvoir r a c o n t e r l ' h i s t o i r e : i l f a l l u t y mettre l e tems n e c e s s a i r e pour l'apprendre. Le b a b i l -- 127 -lar d employoit un tems q u ' i l auroit perdu \u00C2\u00A3 jaser ou a espionner, et c' E t o i t autant de silence pour l u i , je d i r o i s meme d'in-c u r i o s i t y . Quoi q u ' i l en s o i t , ces contes leur furent p r o f i t a b l e s , et de quelque o e i l qu'on les regarde, les contes de fees l e seront t o u ^ o u r s \" . Le ton facEtieux de Cadichon indique cependant que l e conte e t a i t autant destine ci egayer l a grand'mere qu'H corriger l e p e t i t - f i l s . Le bon r o i PEtaud, impatient et emporte, qu'on exaspere en repetant \"tout vient a point a qui peut attendre\", est en e f f e t un personnage grotesque et f o r t comique. Tous les moyens fEeriques sont mis en oeuvre pour r e c t i f i e r son caractere et pour en meme temps donner une bonne Education a son f i l s , Cadichon. Le conte est une vEr i t a b l e dEbauche d'ima-gination Plus simple et plus didactique, Jeannette ou 1'indis-crEtion, raconte comment une pe t i t e paysanne, apres les vains e f f o r t s d'une fEe pour l a corriger de son ind i s c r E t i o n , se v o i t transformEe en pie et enfermEe dans une cage d'osier. La structure type des contes fEeriques de Caylus se r E -duit ci peu pres a c e c i : l e bonheur d'un jeune couple est rendu im-possible, s o i t par un dEfaut de caractere chez l'un ou 1'autre des pa r t i s , s o i t par 1'opposition ou l a malEdiction d'une mEchante - 128 -fee. Les themes sont surtout d'ordre moral ayant t r a i t s ci des sujets t r a d i t i o n n e l s comme l'apologie de certaines vertus -(le courage, l a reconnaissance, l a f i d e l i t y ) - et l a condamna-tion de certains vices - (la vanite, 1'hypocrisie, 1 ' i n g r a t i -tude et l a coquetterie). Tant par leur structure que par les themes moraux, les contes de fees de Caylus restent dans l a t r a -d i t i o n des contes de Mme d'Aulnoy et de l a contesse de Murat. Mais a d'autres egards i l s sont modernes: Caylus y t r a i t e des sujets plus ou moins philosophiques qui r e c u e i l l e n t l a faveur des penseurs de son Spoque: l a s e n s i b i l i t e opposee Ii l a raison, l e prince e c l a i r S , l a l e g i t i m i t S de l a guerre, l a nature de 1'amour et de l'amitie et enfin l a question du bonheur. Ce sont Iii des problemes q u ' i l a t r a i t e s systematiquement dans ses essais et que l'on retrouve dans l a plupart de ses oeuvres. B. Le bagage fSerique et romanesque Ce coup d ' o e i l sur l a physionomie gSnSrale des Faeries Nouvelles et des Cinq contes de f&es nous met en mesure de cons-tater l e caractere assez hSterogene de 1'inspiration de Caylus. II u t i l i s e largement l e bagage t r a d i t i o n n e l des c o n t e s de fees. D'abord l e cadre habituel du conte de fSesclassique ou une fSe preside ii l a naissance d'un prince ou d'une princesse, les dou-- 129 -ant nEgativement ou positivement selon ses dispositions p a r t i -c u l i i r e s dans l e moment. Chez Caylus^ce procEdE est souvent parodique,comme par exemple dans l e Prince Courtebotte et l a Princesse Zibiline.oxi un r o i un peu sot, i n v i t e toutes l e s fEes q u ' i l l u i est possible de rassembler, pour cElEbrer l a naissance de son f i l s . Tout a l l a i t se dErouler normalement mais une fed, venue du \"fond de l a Guined\", est piqued parce qu'elle n'a pas &t& assez complimented. Pour se venger e l l e j e t t e un sort ma-l\u00C2\u00A3fique sur l'enfant a f i n q u ' i l ne devienne qu'un \"courtebotte\". E l l e a l l a i t l u i i n f l i g e r d'autres d\u00C2\u00A3fauts mais e l l e en fut em-peched par l a bonne fed Guir l i n g u i n qui enleve l'enfant pour l e prendre sous sa protection. A i n s i grace au mauvais don d'une medhante fed, l a vertu du h6ros pourra etre mise a\" l'Epreuve. Et c'est l e sujet du conte. A i n s i l e cadre fedrique, 61abor\u00C2\u00A3 avec une grande desinvolture, n'est chez Caylus, qu'un point de depart commode pour un deVeloppement romanesque et moral. Quand l a fed ne predide pas ci l a naissance du heros (ou de l'heroine), e l l e se contente de l e proteger: tantot contre l'envie et l a jalo u s i e d'une mire et contre 1'amour pos-s e s s i f d'un vulgaire gedie (La Princesse Pimprenelle et l e prince Romarin), tantot contre l e d\u00C2\u00A3pit et l a c o l i r e d'une fed outraged (Le Loup galleux). Parfois, 1'absence de bonnes fEes, - 130 -l a i s s e l a vengeance des raauvaises f\u00C2\u00A3es, plus humaines que diabo-liques, poursuivre ses e f f e t s . A i n s i une fSe agee se venge d'un r o i pour avoir refuse\" son amour, en l e rendant malheureux dans son mariage (Le Prince des coeurs et l a princesse Grenadine). Plus que des protectrices, les fSes de Caylus jouent un r o l e d'Sducatrice. A 1'exemple du Mentor de FSnelon, e l l e s ont pour taches de donner aux princes une \"Education SclairSe\" qui leur permet de rSgner equitablement et de reg i s t e r aux pieges de l a grandeur. Le cadre commode et f l e x i b l e , oil une fSe b i e n v e i l l a n t e guide un jeune prince vers l e bonheur et l a vertu,ou redresse un mauvais penchant de son caractere, forme l a charpente d'une bonne par t i e des contes de f#es de Caylus. Mais souvent, malgre\" leur bons principes, les fSes ne parviennent pas a\" redresser compl&tement un mauvais penchant, s o i t a\" l a va-nite\" (Le Prince Muguet et l a Princesse Zaza) , s o i t H l a coquet-t e r i e ( B e l l i n e t t e ou l a jeune v i e i l l e ) s o i t encore ci l'etourderie et l a paresse (Nonchalante et P a p i l l o n ) . Le pouvoir magique des fSes n'a aucune p r i s e directe sur les sentiments des hommes: e l l e s ne peuvent qu'agir sur les evSnements et donner aux per-sonnages, des experiences propres H r e c t i f i e r leurs travers. A i n s i pour guSrir P a p i l l o n de sa v i v a c i t S , une f6e 1'oblige a subir un sSjour dans l e Palais Noir, oil l'on v i t au r a l e n t i . - 131 -Les \u00C2\u00A36es de Caylus comme c e l l e s de Mme D'Aulnoy et ses contemporains, restent huraaines avec leurs d^fauts et leurs q u a l i t e d . Bonnes, e l l e s gardent l a figure b i e n v e i l l a n t e des grand*meres de Perrault, prodiguant ei leur prot6g\u00C2\u00A3, dons et co n s e i l s . E l l e s ont aussi toutes l e s q u a l i t y morales et so-c i a l e s - nobles, i n s t r u i t e s , honnetes, simples et naturelles -qui font d'elles des types de femme i d ^ a l e . Dans les Dons, une f6e, dans une cour choisie, consacre sa v i e a\" Clever des enfants et a les combler de dons. La f\u00C2\u00A3e des Fleurs h a b i t a i t un p a l a i s , et tenoit une cour au milieu des fontaines et des ja r d i n s . Trianon et Marly ne sont que d'informes copies de ce d ^ l i c i e u x s^jour. Les lieux que nous avons ornes et c h o i s i s , peignent ordinairement notre caractere: a i n s i , tout l'agr^ment de l a nature, ras-semble\" dans cette aimable r e t r a i t e , donnoit une i d y de tous ceux de cette aimable f\u00C2\u00A3e. Les charmes de l a societe\" ne se peuvent exprimer; mais les q u a l i t y de son coeur les Egaloient pour l e moins; non seulement e l l e s secouroit l e s malheureux, mais e l l e se p l a i -s o i t a a l l e r au-devant de leurs besoins, et leur l a i s s o i t ignorer \u00C2\u00A7 qui i l s en Etoient redevables. II l u i s u f f i s o i t d'obliger. Sa cour 6 t o i t composEe de jeunes princes et de jeunes princesses (car e l l e aimoit beau-coup les enfants). E l l e l e s E l e v o i t depuis leur tendre jeunesse, ou bien e l l e l e s f a i -s o i t venir aupres d ' e l l e , S t r e i z e ans pour un sexe, el seize pour 1*autre. E l l e les douoit ordinairement du don q u ' i l s d ^ s i r o i e n t obtenir; c ' E t o i t a i n s i que l a f\u00C2\u00A3e des Fleurs - 132 -composoit sa cour, et v i v o i t dans les vSritables dSlices du coeur et de 1 ' e s p r i t ^ 1 . On l e v o i t , cette bonne fee a aussi 1*allure d'une femme sage qui, dSgoutSe du monde, v i t en r e t r a i t e au sein d'une p e t i t e 62 sociStS. Comme l ' a montrS Mauzi c'est 1& un SISment important dans l a conception idSale du bonheur au dix-huitieme s i d c l e . C'est aussi un theme que Caylus reprend dans son theatre. Mais les fSes de Caylus ne sont pas toutes des modeles de bienfaisance et de devouement. Le monde de l a fSerie, comme c e l u i des hommes, n'est pas exempt des travers, des jalousies et des r i v a l i t S s , d'oil naissent les querelles et les vengeances. Aussi certaines fees ressemblent-elles et des femmes du monde avec les memes dSfauts que les Scrivains de l'Spoque s'attachent a c r i t i q u e r : coquetterie, vanitS, mSdisance, amour-propre, j a -lousie et l e reste. La fSe Sansdent est une v i e i l l e joueuse qui f l a t t e les mauvais penchants du r o i pour se l'attacher et f a i r e l a fortune de sa protSgSe. E l l e est l a r i v a l e dSclaree de l a fSe Balfamine (La Princesse Lumineuse). La fSe Grognon se venge d'un r o i parce q u ' i l l u i a parIS d'un ton un peu SlevS (Mignonette); l a fee Furette parce qu'un r o i reste f r o i d devant ses avances (L'Enchantement impossible). Sans bornes, l e res-- 133 -sentiment de toutes ces fEes outragEes r i s q u e r a i t d'anEantir 1'humanitE: aussi Caylus a - t - i l i n s t i t u E un gouvernement pour promulguer des l o i s et v o i r H leur a p p l i c a t i o n . Le gouverne-ment est preside\" par l a fEe Grave qui, avec l'aide d'un c o n s e i l , punit l e s fees qui abusent de leur baguette (L'Enchantement impossible). Le royaume des fEes a aussi ses f a i b l e s d'esprit et ses gens s i n g u l i e r s . Dans l a Princesse AzErolle ou l ' e x c i s de l a constance, Caylus s'amuse ^ brosser l e p o r t r a i t d'une fed bonasse et un peu r i d i c u l e : C'etoit une bonne creature, trop simple pour connoxtre l e mal, trop timide pour l e dEsaprouver; credule par bontE, bonne par faiblessey nulle force d'esprit, point de mEmoire et d'une negligence qui augmentoit beaucoup les dedagrements de sa v i e i l l e s s e 6 3 . S i les fEes, comme l e veut l a t r a d i t i o n , peuvent prendre diverses formes - oiseaux, grandes dames ElEgantes, petites v i e i l l e s r a -bougries - e l l e s ont, l a plupart du temps, conformEment & leur nom gEnErique, un physique qui correspond k leur caractere. Bienfaisantes, EduquEes, coquettes, vaniteuses ou mEchantes, courtisanes ou campagnardes, les fEes de Caylus restent au fond des figures bien humaines, figures que l'on retrouve aussi dans - 134 -ses nouvelles et ses comedies. A i n s i l e monde fSerique dans les contes de Caylus, garde une coherence logique et i l semble r S f l S t e r assez fiddlement l a sociSte\" du dix-huitiime s i e c l e . 64 Caylus affirme dans sa preface de Cadichon q u ' i l aime promener son imagination dans l e vaste champ de l a fS e r i e . C'est en e f f e t dans l a creation du merveilleux que Caylus semble se complaire l e plus. Dans les contes de Perrault, a l ' i n t e -r i e u r d'un cadre fSerique, regne une atmosphere de r S a l i t S grace aux fines notations psychologiques et aux p e t i t s d e t a i l s concrets. On entend presque sans etonnement l e loup qui s'adresse en fran-gais au p e t i t Chaperon Rouge. Chez Caylus l e merveilleux est moins intSgrS a l a r S a l i t e physique et psychologique, et paraxt plus extravagant, plus g r a t u i t et souvent meme parodique. On pense particulierement Ii ces hommes demi-arbre (Le Prince Cour-tebotte et l a princesse Zibeline), ai cette princesse sSparSe littSralement de son coeur (idem) a i n s i qu'au royaume des bar-bets (idem). Dans Rosanie, i l s a t i r i s e l a fSerie extrav a>gante qui bouleverse l e s elements a i n s i \"que tout l e fracas, devenu 65 s i commun dans les h i s t o i r e s de fSe r i e \" . Cela ne l'empeche pas d ' u t i l i s e r toutes les ressources habituelles du genre: les metamorphoses, les enchantements des yeux qui faussent l a r S a l i -t6, l e s grants, l e s oiseaux gigantesques capables d'enlever un - 135 -homme, l a bague magique qui rend i n v i s i b l e , les oracles, les songes, les animaux qui parlent, les talismans, les dragons, et les p a l a i s splendides. Toutefois, 1'ironie ne perd jamais ses d r o i t s chez Caylus et i l se moque lEgerement de sa propre f E e r i e . I l se p l a i t par exemple a\" v a r i e r d'une facon assez cocasse, l e poncif habituel du char de fee, t i r e par quelque animal: tantot c'est un carosse de joncs verts t i r e par des taupes c i courtes queues, tantot une be r l i n e de fleu r s d ' I t a l i e , t i r E e par six bidets g r i s , tantot encore un char de glace de Venise t i r e par six gros a i g l e s . Dans l a Princesse Minutie et le Prince F l o r i d o r , i l semble v i s e r l e meme e f f e t que Hamilton dans l e B E l i e r , l o r s q u ' i l exagere jusqu'^ l'absurde une proprie-ty f^erique. II t i r e par exemple des consequences absurdes d'un p e t i t cadeau d'une bonne fee: i l s'agit d'un franc moineau, d'un p e t i t couteau et d'une c o q u i l l e de noix. Chaque objet a des proprietes bien p a r t i c u l i e r e s : de l a noix sortent trente m i l l e soldats, l e couteau creuse de lui-meme une profonde tran-chee autour d'une montagne et l e moineau souleve une montagne pour l a l a i s s e r tomber sur l'armOe ennemie. Dans l a meme veine, i l dOcrit une b a t a i l l e burlesque (rappelant c e l l e s du Roman de Renard) entre des guerriers et des barbets montes \u00C2\u00A7 cheval (Le Prince Courtebotte et l a princesse Z i b e l i n e ) ; des ours qui r O c i -- 136 -tent des pastorales et des singes qui dansent l e b a l l e t (La Princesse Pimprenelle et l e prince Romarin); des poissons qui s i f f l e n t pour amuser les gens de l a cour (Le Prince Muguet et l a princesse Zaza) et enfin un concert de grenouilles (La P r i n -cesse Pimprenelle et l e prince Romarin). A cotS de ce merveilleux cocasse et lSgerement i r o n i -que, i l existe chez Caylus, une fSerie plus \"SclairSe\", congue en fonction d'un but moral ou didactique. T e l l e s l e s nombreuses metamorphoses destinSes H r e c t i f i e r un mauvais penchant de ca-ractere ou & Sprouver l a vertu d'un personnage. Certaines f i c -tions tSmoignent chez l'auteur badin, d'une imagination assez feconde et d'idSes non moins ingenieuses. Pour Svoquer par exemple 1'autosuggestion, et montrer comment l e psychisme peut modifier l a perception, i l imagine l e Palais des idSes, lequel r e a l i s e concr^tement des Stats d'ame. Le prince Constant, Stant amoureux, n'y v o i t qu'amour et ses propres chimdres. V o i c i comment, Caylus, par ce moyen, Svoque les sentiments contradic-t o i r e s et complexes d'un amant inquiet: Tantot (le palais) reprSsente tout ce que l ' a r t et l e gout peuvent composer de plus p a r f a i t ; dans 1'instant meme i l devient une cabane aussi pauvre que s o l i t a i r e ; i l est Sgalement situS ou dans un vallon dS-l i c i e u x , ou sur un rocher escarpS. La - 137 -mer, les r i v i e r e s , les forets et les p r a i r i e s se trouvent dans son enceinte, l a solitude et l'obscurite\" des cavernes succ&dent en un moment ct l a cohue et ^ 1 * illumination d'un ba l ; les objets l u -gubres prennent en un instant l a place des plus agrSables. Le prince Constant f a i s a i t usage continuel de ce Pa l a i s , p u i s q u ' i l y voyoit sans cesse Rosanie, et qu'elle s'y prSsentoit accompagnSe de tous ces charmes. M i l l e tableaux, tous animSs et tous parfaitement ressem-blans, l a retragoient sans cesse sous toutes l e s formes possibles. II s'entre-tenoit avec e l l e ; pour-lors i l l u i d i s o i t ce q u ' i l avoit toujours oublie\" de l u i d i r e ; mais quand, apr&s 1*avoir vue douce, tendre et complaisante, i l s o r t o i t de son pa l a i s , l a c r u e l l e r S a l i t S devenoit alors l e tour-ment de son coeur^^. Dans un gout precieux, qui rappelle l a Carte de Ten-dre, Caylus imagine un jardin allSgorique, l e \"bosquet de l a vSr i t S \" qui possede l a vertu s i n g u l i e r e de dSmasquer l a faus-sete sous toutes ses formes. Caylus donne S l a vertu les f o r -mes les plus agrSables. La v e r i t e , toute nue, est representee par une statue de marbre blanc. Le bosquet se d i v i s e en pl u -sieurs espaces renfermant les diffSrentes vertus, que les hommes doivent suivre. \"L'amour se voyoit dans l'un avec l a d S l i c a -tesse et l a f i d e l i t y . La valeur p a r o i s s o i t dans un autre, 67 accompagnee de l a douceur et du sang-froid\" . Une foule de gens se prScip i t e n t vers ce temple de l a v\u00C2\u00A3rit\u00C2\u00A3, tous croyant - 138 -en etre dignes. La dedsse se derobe plus particulierement aux courtisans vains et ne leur l a i s s e v o i r que leur propre mensonge. Caylus u t i l i s e aussi 1'alienorie dans Belinette ou l a jeune v i e i l l e , oti un jeune prince v i s i t e l e royaume de l a Re-connaissance et c e l u i de 1'Ingratitude. La reconnaissance est representee sous l a forme d'une deesse habitant une terre f e r t i l e et r i a n t e . Des gens viennent de partout pour deposer leur of-frande, des bouquets et des carafes d'eau. Mais malheureusement ce beau royaume se r e t r O c i t chaque jour tandis que c e l u i de 1'In-gratitude, situe sur une montagne seche et aride, etend rapide-ment ses l i m i t e s . En dehors de ce bagage romanesque emprunte \u00C2\u00A7 l a f e e r i e , Caylus s'inspire des romans precieux et herolques: l e jeune prince egare dans une foret profonde et mysterieuse, peupiee de t i g r e s et autres betes feroces, les naufrages sur les l i e s de-sertes, l a barque conduite au hasard par un courant, l a p e t i t e chaumiire habitee par une v i e i l l e dame, l e fleuve qui separe les amants, l a tour sombre au milieu d'une plaine, les serpents, les gOants et l e reste, sont des elements et des themes courants dans les Feeries Nouvelles et l e s Cinq contes de fees. - 139 -C. La peinture des moeurs, l a c r i t i q u e sociale et p o l i t i q u e Comme l a f i c t i o n orientale, l e conte de fEes se p r i t e particulierement bien a l a conception d'un monde meilleur et permet ei un auteur de donner une forme concrete ci des ideds ged\u00C2\u00A3rales d'ordre moral. Le conte de fEes classique exploita peu les p o s s i b i l i t y c r i t i q u e s du genre. Mme d'Aulnoy, dans ses contes se contente de relever quelques travers des r o i s et de ses contemporains, avec une i r o n i e douce et incidente. E l l e preche une morale discrete qui met en valeur l a ged6rosit\u00C2\u00A3, l e pardon WUX ennemis, l a vanite\" de 1'ambition et de l a fortune, et l e bonheur d'une vie r e t i r e d du monde. Plus sErieuse et plus moraliste, Madame de l ' H ^ r i t i e r , considere l e conte de fed comme un instrument de predication. E l l e exalte l a vertu, l'amitie\" et l a reconnaissance. Mile Bernard s'attache surtout at l a psy-chologie de 1'amour, tandis que Mile de l a Force f a i t des r e d i t s de salons dans un cadre romanesque galant, l e tout assaisonne\" d'allusions savantes. De temperament plus f r i v o l e et mondain, Madame de Murat e d r i t des contes s p i r i t u e l s parsemed d'allusions 68 malicieuses S 1'actuality contemporaine . C'est surtout dans l a ligned de cette derniere que se situent les contes de fEes de Caylus. - 140 -Comme chez Madame de Murat, l a c r i t i q u e des moeurs chez Caylus prend souvent l a forme de remarques i n c i d e n t e s , e t l a c o n i q u e s , mais p l u s mordantes. V o i c i un passage typi q u e oCl Caylus, en f a i s a n t l e p o r t r a i t de M i r l i f l o r e , trouve l e moyen de g l i s s e r quelques commentaires m a l i c i e u x sur l e s moeurs: ... i l a v o i t une v a l e u r n a t u r e l l e que l e s femmes aimables, dont i l a v o i t t o u j o u r s ete environne, a v o i e n t encore redoubled ( l e s femmes de ce tems aimoient de prefe-rence l e s hommes courageux, un peu p l u s q u ' e l l e s ne l e s aiment a u j o u r d ' h u i ) . Ce f u t encore pour 1'education du charmant M i r l i f l o r e que S u r c a n t i n e i n v e n t a l e s r o -mans; i l ne f a u t pas c r o i r e qu'une chose q u i e n t r e t i e n t ei l a f o i s l a v a l e u r e t l a t e n d r e s s e dans l e coeur, p u i s s e a v o i r ete inventee par l e s hommes^9. De meme, i l p a r l e \"de ces m i n u t i e s q u i composent ordinairement 70 l e commerce des femmes du monde\" . T o u t e f o i s , comme nous l ' a -71 vons vu , l ' a l i e g o r i e l u i permet de f a i r e des c r i t i q u e s p l u s soutenues. Par contre, Caylus u t i l i s e peu l e procede commode du depaysement mis ^ l a mode par l e s L e t t r e s Persan.es , procede ou un personnage promene sa r a i s o n ingenue \u00C2\u00A3 t r a v e r s un monde nouveau q u i l u i p a r a i t absurde. Caylus se contente de c o n t r a s -t e r , dans l a p l u p a r t des cas, deux types de v i e s o c i a l e : l a v i e simple dans l a nature e t l a v i e a g i t e e e t fausse dans l e grand monde e t p l u s p a r t i c u l i e r e m e n t a l a cour. B l e u e t t e e t C o q u e l i c o t - 141 -quittent leur paradis champetre pour l a cour. Nous voyons d'abord les deux neophytes Sblouis par l e faste, l e s grands a i r s et l e raffinement dans les manieres. On leur donne des vetements derniere mode, un apppartement, un carosse, des do-mestiques. On les prSsente a l a cour: les deux campagnards remarquent d'abord une fagon assez s i n g u l i e r e de s'exprimer. I l s voulurent l ' i m i t e r et bientot i l s ne chercherent plus qu' \"placer les mots et l e s tours de phrases qui les avoient frap 72 pSs dans ce nouveau sSjour\" . V o i c i comment Caylus d e c r i t l e s t y l e de v i e k l a cour. Coquelicot e t o i t parfaitement j o l i et sa t a i l l e e t o i t charmante. II f i t ses excer-cices avec un merveilleux succes; presque toutes les dames se 1'arrachoient. Bleu-ette n'Stoit en aucune fagon jalouse de ses conquetes; et quoique dans ces sortes de situations l'on ne s o i t pas toujours equitable, e l l e avoit du moins l a j u s t i c e de ne l u i pas f a i r e l e moindre reproche; e l l e en auroit elle-meme cependant raerite, car l a cour et les grands a i r s leur avoient egalement derange l e coeur et 1'esprit. Bleuette, de son cote ne cherchant qu'a p l a i r e et qu'ei l'emporter sur toutes les autres beautes de l a cour, s u i v i t l e pen-chant f l a t t e u r de l a coquetterie. L'on peut juger s i e l l e fut long-tems a\" f a i r e usage de tous les presens de l a fee. Bien-tot e l l e inventa des modes que toutes les autres, b e l l e s ou laides, etoient, malgre e l l e s , obligees de suivre. Pendant quelque terns, cette coquetterie, s a t i s f a i s a n t sa vanite, ne presentoit & ses yeux que des - 142 -r i v a l e s jalouses, que des hommes EnivrEs et sEduits, f l a t t e d ou dEsespErEs par des regards et des discours trompeurs et pervers; mais Bleuette E t o i t b e l l e , e l l e avoit tant d'esprit et de graces, qu'en faisant leur malheur, e l l e E t o i t l'objet de tous les eloges et c e l u i de tous les empressements des gens les mieux f a i t s de l a cour; e l l e s ' E t o i t meme s i bien gouvernEe, q u ' i l E t o i t impossible de f a i -re l e moindre reproche a\" sa vertu. Coquelicot, de son cotE, volage adorateur de m i l l e objets divers, f l a t t a sa vanitE sans jamais s a t i s f a i r e son coeur^ 3. Bleuette et Coquelicot a l l a i e n t devenir irrEmEdiablement l i ' b ertins mais un incident provoqua leur disgrace; on apprend qu'ils ne sont que des campagnards. La cour est un pays oil l'on ne pardonne ri e n , oft les r i d i c u l e s sont recherchEs avec un soin extreme. Les chansons et les Epigrammes coururent en un moment, i l ne leur fut pas possible d'en ignorer; car, selon l a louable cou-tume des auteurs de ces sortes d'ouvrage, l a premiere copie est adressEe H l a per-sonne intEressEe. Coquelicot fut p l a i -santE par quelques-uns des agrEables de l a cour; mais i l en t i r a une prompte sa-t i s f a c t i o n et l e combat dans lequel i l tua son adversaire, l u i f i t honneur dans un pays oui l a v E r i t E est s i rare, mais dans lequel on ne se pardonne cependant point au mensonge. L'on rendit j u s t i c e a sa valeur mais on ne l u i f i t plus l e meme a c c u e i l ; car enfin, quoique les richesses fassent tout obtenir, l e r i d i -- 143 -cule d'une basse naissance qui s'est montEe avec vanite, s'oublie rarement \u00C2\u00A3t l a cour. Pour Bleuette, que son orgueil blessE rendoit plus f i e r e en-core, et qui comptoit reparer par sa beautE et par ses agrEments les b r u i t s dEsagrEables qui se rEpendoient de sa bergerie passed, Bleuette, d i s - j e , eut en surplus l a douleur de v o i r s a c r i f i e r quelques l e t t r e s qu'elle avoit eu l ' i n -prudence d ' E c r i r e ' 4 . DEgoutEs enfin de l a cour, les deux protEgEs de l a fee sont trop contents de retourner a l a campagne. Dans l e meme ton, Caylus invente un royaume oil r i -gnent l a prediosite et l e bei e s p r i t . V o i c i d'abord Grenadine qui enfermed dans un p a l a i s , eut recours si l a mEtaphysique pour se d i s t r a i r e . La mEtaphysique fut l a seule chose qui l a touchat, et par ce moyen e l l e devint prE-cieuse, et ne pouvant connaitre 1'amour que par 1'esprit, e l l e en p a r l a i t sans cesse avec ces tours recherched et ces t e r -mes affected et inconnus au v e r i t a b l e sen-timent. E l l e avoit l u les romans, mais son grand e s p r i t les mEprisait. Douze volumes remplis d'une passion chaste et EpurEe, l u i paroissoient un monstre de l i b e r t i n a g e ; 1'heroine avoit tou jours trop aimE Ii son grE, et beaucoup trop tot e l l e 1'avoit dE-c l a r E . Quand e l l e fut parvenue a l'age de quinze ans, e l l e forma l e projet d'un l i v r e auquel e l l e t r a v a i l l a avec une grande atten-t i o n ; c ' E t o i t un t r a i t E de l a diffErence des estimes, c e l l e d ' i n c l i n a t i o n , de prEoccupa-- 144 -tion, d'interet, de reconnoissance, d'amitie, d'alliance de complaisance et de j a l o u s i e ; v o i l H quelle 6 t o i t au v r a i cette merveille dont ce s i e c l e e t o i t occupe^S. Cette s a t i r e d^suete de l a pr 6 c i o s i t e , donne 1'occasion & Caylus de r i d i c u l i s e r l e bei e s p r i t et l a pretention d'auteur chez les courtisans a i n s i que leur manie de f a i r e des vers. C e t o i t encore dans cette meme place q u ' i l s etoient obliges de presenter des vers, des contes et des ouvrages d'es-p r i t , que l e plus souvent i l s f a i s o i e n t f a i r e par des pontes et des savants, dont i l y avoit abondance dans cette v i l l e . On regardoit 1'esprit comme un moyen de re u s s i r a cette cour; les au-teurs etoient done arrives en foule, d'abord par vanite, ensuite i l s avoient magnifiquement t i r e p a r t i de leur e s p r i t ; aussi ce n'est pas sans raison q u ' i l s regrettent tous les jours ce terns heu-reux; car les princes les payoient pres-qu'autant q u ' i l s croyoient meriter de l ' e t r e . Le succ&s des ouvrages e t o i t absolument confondu, sans que l'on put jamais alieguer cette c r u e l l e preuve que donne l e debit. Les imprimeurs etoient payes au-del^. de leur esperance; on don-noit l e s ouvrages H toute l a cour, on les regardoit par toute l a v i l l e ; par ce moyen les succe*s etoient egaux, chacun pouvoit se les at t r i b u e r ; a i n s i tout l e monde e t o i t content. On apportoit encore H cette place, et de l a part de l a cour, des questions & resoudre, suivant l a mode des Orientaux; car l a princesse n'admet-t o i t autre d i s s i p a t i o n ' 6 . - 145 -Dans Belinette ou l a jeune v i e i l l e , l a feerie permet S Caylus de mettre en lumiere, d'une fagon s p i r i t u e l l e , 1'hypocrisie et l e mensonge qui r^gnent a l a cour. Pour corriger l a vanite\" de Belinette, l a f6e l a rend alternativement jeune et v i e i l l e . Ne pouvant supporter sa condition passagere de v i e i l l e s s e , e l l e se f a i t passer pour sa tante Beline. Cette s i t u a t i o n cocasse permet ci Caylus d'observer l e comportement surprenant des courtisans. Toute l a cour \u00C2\u00A3toit alors occupSe de l a nouvelle scene qui a l l a i t se passer; on t i n t plusieurs conseils sur l a fagon de recevoir l a reine. Enfin l'on convint que l'on prendroit les habits les plus sSrieux que l'on eut dans sa garde-robe. Celles qui n'a-voient que des parures trop jeunes, p r i r e n t l e p a r t i de ne se pas montrer l e premier jour; l e battant-1'oeil, l e s Scharpes, les p e t i t s manteaux, furent imagines sur l e champ, on ne pouvoit r i e n inventer d'assez grave, dans l'esp^rance de r ^ u s s i r . La parure, c e l l e meme du plus grand age, sera toujours l ' o c -cupation des c o u r s ^ . Le visage v i e i l l i de l a reine provoqua, chez l e s courtisans, non seulement des changements de mode mais aussi de gout, de maniere et de comportement general. A son arrived ei l a cour, chacun s'empressa aupris d ' e l l e ; e l l e n'avoit pas encore par 16, que l'on vantoit d6jei l a sagesse de son e s p r i t et 1'excSs de sa grande prudence. - 146 -Enfin, tous les sots courtisans, l a pa r t i e l a plus b r i l l a n t e comme l a plus v i l e des Etats, ne pouvoient t a i r e l ' a -vantage d'etre gouverned par une reine d'une experience consommed; car dans une cour, l'exterieur seul decide, et c e l u i qui juge l e plus promptement est c e l u i dont l ' a v i s l'emporte nedessaire-ment. Cependant cette v i e i l l e n'avoit que quinze ans, et ses propos, regarded l a v e i l l e comme lagers et f r i v o l e s , n'avoient acquis aucune s o l i d i t y ; mais l a prevention s u f f i t , c'est e l l e qui decide et l a cour en cela semblable au peuple, se l a i s s e toujours entrainer 7ft par l e t o r r e n t . A i n s i , grace a sa metamorphose, l a jeune princesse apprend que les courtisans ne sont que de; v i l s f l a t t e u r s . Le cadre merveilleux se p r e t a i t aussi p a r t i c u l i e r e -ment bien a\" l a s a t i r e p o l i t i q u e . Mais Caylus, contrairement el un Montesquieu ou et un V o l t a i r e , n'en exploite pas toutes les p o s s i b i l i t e d . Sa c r i t i q u e reste ged\u00C2\u00A3rale et peu syst\u00C2\u00A3matique: quelques remarques dedobligeantes sur 1 'ignorance des princes ou l a bassesse des ministres. Le couvert de l a f i c t i o n l u i per-met de presenter des reines et des r o i s , g a i l l a r d s et sots et de s'amuser de leur b e t i s e . V o i c i l e d\u00C2\u00A3but de l a Princesse Pimprenelle et l e prince Romarin, ovt en quelques mots, i l brosse un p o r t r a i t peu f l a t t e u r de l a royaute. II y avoit autrefois un r o i et une reine - 147 -qui vivoient (quoiqu'il y a bien long-tems q u ' i l s soient morts) a peu-prds comme les princes vivent aujourd'hui, c'est-a-dire, en suivant leurs gouts. Le r o i qui se nommoit Gi r o f l e d , aimoit beaucoup l a chasse, cependant, i l e t o i t occupe des a f f a i r e s de son royaume tout autant q u ' i l l e pouvoit etre, et sans-cesse i l arrangeoit et derangeoit ses papiers. Pour l a reine, e l l e avoit ete tr\u00C2\u00A7s b e l l e ; mais comme e l l e amoit beaucoup a l ' e t r e , e l l e \u00C2\u00A3toit persuadee qu'elle l ' S t o i t en-core, quoiqu'elle eut plus de cinquante ans. I l est bien v r a i que les princesses et les f i l l e s de theatre joignent \u00C2\u00A3gale-ment au p r i v i l e g e d'etre plus long-tems jeunes et b e l l e s c e l u i d'etre t r a i t S e comme t e l l e s plus long-tems que toutes les autres femmes. La reine se nommoit F i l i -grane, nom que l e hazard l u i avoit donn6, et que l'on a su depuis etre un sobriquet, tant e l l e e t o i t seche et maigre; e l l e ne pensoit qu'a imaginer des fetes, des bals et des mascarades; enfin tout ce que l e luxe et l a galanterie reunis ont invents pour l e divertissement des cours. L'on peut s'imaginer comment un aussi beau royau-me 6 t o i t gouvernS; aussi prenoit des pro-vinces qui vouloit, pourvu qu'on l a i s s a t des forets au r o i , et des violons ci l a reine; tous ces eV\u00C2\u00A3nements ne fa i s o i e n t aucune im-pressxon sur leur e s p r i t . Apres ce debut malicieux, visant peut-etre l ' i n e p t i e de Louis XV, ces deux personnages passent a 1'arriere-plan. C'est l a un proc\u00C2\u00A3de que Caylus u t i l i s e dans plusieurs contes. Du meme acabit est l e r o i de l a B e l l e Hermine et C o l i b r i . Dissipateur - 148 -enrag#, i l cede des provinces a\" des pays voisins plutot que de d6fendre son t e r r i t o i r e . Dans l e Loup Galleux, Caylus pr\u00C2\u00A3sente un r o i bon, mais quelque peu grotesque et poissard. On l e v o i t sauter de j o i e et s'exclamer familierement quand i l apprend que sa femme a accouche d'un f i l s . Le manque de respect avec lequel l'auteur t r a i t e les r o i s se manifeste aussi dans l e choix des noms burlesques: Petaud, G r i s - d e - l i n , F i l i g r a n e , B i r i b i et d'autres encore. Plus precise est l a c r i t i q u e p o l i t i q u e dans La P r i n -cesse Lumineuse. Visant l a speculation financiere engendrOe par l e systeme de Law, i l imagine un r o i qui v i t du p r o f i t du jeu et des banques. II pousse l'idOe de speculation jusqu'a l'absurde et imagine l a si t u a t i o n suivante: II f i t un riglement tres raisonnable pour favoriser ses banquiers gOnOraux; c ' e t o i t un e d i t par lequel i l e t o i t expressement ordonne qu'une personne de chaque famil l e t i r e r o i t ou f e r o i t t i r e r une boule par jour, et cela sans qu'aucune raison put dispenser de cette obeissance. Les femmes etoient ordinairement chargEes par l a famille d'e-xecuter une ordonnance aussi avantageuse pour les banques; car on ne s'en t i e n t pas s i aisement a\ une seule boule. Le r o i B i r i b i , dans l e fonds, n'etoit pas joueur, jamais banquier ne l e fut; i l n'aimoit que 1'argent, et sentoit tout l ' a -ventage de son jeu. II soulagea son peuple - 149 -de tous l e s impots et de toutes les entries, et ne voulut pour l e revenu de sa couronne que les p r o f i t s des banques. Jamais d r o i t s ne furent payed par les femmes avec plus de bon-ne volontS et plus d'exactitude et j a -mais prince ne trouva des sommes plus Of) considerables dans ses c o f f r e s 0 . S i les princes sont trop souvent mauvais r o i s , c'est a cause de leur mauvaise Education: des ministres intSressed et des courtisans f l a t t e u r s l e s maintiennent dans 1'ignorance et les encouragent ei l a d i s s i p a t i o n et ei l ' o u b l i de leurs de-v o i r s . Avant de prendre en main un royaume, les princes de Caylus, subissent d'abord une education rigoureuse sous l a t u -t e l l e d'une fee. Sans f a i r e de t r a i t s sur 1'education ei l a maniere de Fedelon, Caylus imagine une education morale et \"e c l a i r e d \" , convenant a un chef de gouvernement. Le p a r f a i t prince est d'abord un homme vertueux, i n s t r u i t et autonome: t e l est l e sens de l a harangue de l a fed Guerlinguin, j u s t i f i a n t son intervention dans l a vie de Courtebotte: Votre vertu vous a mis au comble de vos voeux, non-seulement du cote\" de 1'amour et l a g l o i r e , mais encore du cote\" de l'amitie, puisque vous a l l e z revoir l e Biby, et tous ses sujets, reprendre leur etat naturel, q u ' i l s ne devront qu'a vous; je vous a i f a i t passer par toutes l e s 6-preuves qui contribuent a former un r o i juste et grand; je vous a i mis en Stat de - 150 -trouver des ressources en vous-meme. Je vous a i f a i t connoitre 1'amitiE et res s e n t i r non-seulement les p l a i s i r s qu'elle procure, mais encore les v E r i -tables secours qu'elle seule peut f a i r e trouver dans l e cours de l a v i e . V o i l i i , je c r o i s , l a meilleure Education que l'on puisse donner a\" un homme qui do i t com-mander aux autres. I l ne vous reste plus dEsormais, qu'a pratiquer sur l e trone, les vertus que vous avez f a i t paroitre pendant que vous ne connaissiez en vous qu'un homme obscur^l. Dans Tourlou et Ri r e t t e , Caylus nous montre une fee dEpartissant une education based sur l e sentiment et l a non-contrainte: Plus cette sage fed aima Tourlou et R i r e t t e , plus e l l e voulut orner 1'esprit de ces deux j o l i s ElEves. E l l e se s e r v i t habilement des sentiments q u ' i l s avoient l'un pour 1'au-t r e . Pour reuss i r dans ce projet, e l l e leur conta souvent de petites h i s t o i r e s qui toutes avoient un objet. I l s sentirent d'eux-memes que l a lecture et l ' e d r i t u r e sont d'un grand soulagement dans les plus courtes absenses de ce que l'on aime. Le sentiment leur apprit done avec une promptitude incroyable it l i r e et it e d r i r e . . . La musique et l a poedie leur devinrent ensuite f a m i l i e r e s . I l s n'eurent d*autre maitre que l'auteur de leurs d e s i r s ^ 2 . Les memes ideds sont reprises dans Bleuette et Coquelicot, ou Caylus, avant Rousseau, nous montre un type d'Education l i b r e au sein de l a nature. V o i c i l a fed Bonnebonne qui expose ^ l a fed Courtisane, comment par des principes judicieux, une Educa-- 151 -t i o n l i b r e et une vie naturelle, e l l e est parvenue ci creer un paradis de bonheur pour les enfants. Les beautes de l a nature, a j o u t a - t - e l l e , sont des tableaux dont je suis occuped, ses f r u i t s sont mes tresors, ses secrets, l'objet de mes recherches, et ma d i s s i p a -t i o n n'est attached qu 1au bonheur des autres; l'enfance est l ' S t a t de 1'humanity qui peut etre rendu l e plus heureux; vous ne me trouvez done environnes que des plus j o l i s enfans que l a nature a i t produits. En disant cela, e l l e s s'avancerent dans 1 ' i l e , en trouvant ai chaque pas des troupes de p e t i t s enfans de tout sexe et de tout age, dont les t r a i t s naturels i n s p i r o i e n t une v e r i t a b l e gai\u00C2\u00A3t6; l e s uns dansoient, l e s autres jouoient ai c o l in-mail l a r d ; ceux-lat s'amusoient a l a madame, enfin, i l s passoient subitement d'une f a n t a i s i e ai 1'autre; leurs caracteres se deVeloppoient, et l'on pouvoit ais^ment imaginer c e l u i q u ' i l s devoient avoir dans un age plus avancS 8 3. La part que Caylus accorde au jeu et au deVeloppement de 1'ima-gination, l e range parmi les penseurs modernes en mati^re d' edu-cation. S'inspirant des meilleurs pedagogues, vraisemblablement de Montaigne, de Locke, i l recommande une education based sur les sens et sur l a c u r i o s i t y naturelle de 1'enfant. C'est l a methode qu'adopte l a fed Canadine pour redresser l a mauvaise education du jeune prince Doudou. Pour mieux redssir dans son entreprise, e l l e s'edarta autant qu'elle put de l a - 152 -mEthode ordinairement s u i v i e dans 1'ins-t i t u t i o n de l a jeunesse; son pouvoir repondant a l a fEconditE de son imagina-t i o n , i l n'eut r i e n de tout ce qui f a i t l ' objet de 1'etude, ou des amusements du monde entier, qu'elle ne prEsentat au jeune Doudou sous des formes agrEables. Curieux comme tous les enfans, ses ques-tions auroient EpuisE toutes autres com-plaisances que c e l l e s de 1'amour; mais l o i n d'y repondre comme on f a i t communE-ment, en Eludant ou en substituant une erreur ci une autre, Canadine ne l a i s s o i t Echapper n u l l e occasion d'expliquer au r o i les causes et les e f f e t s de tout ce qui frappoit ses sens. Les amusements, quels q u ' i l s puissent etre, ont une l i a i s o n immediate avec les arts ou les sciences: l e prince ayant les dispositions nEcessaires, fut bientot au-delii de toutes les educations donnEes et recues avec tant de fatigue** 4. Pour f a i r e contrepoids at l a sociEtE mondaine q u ' i l c r i t i q u e sEvdrement, Caylus imagine des pe t i t e s communautEs champetres ou de jeunes amoureux vivent harmonieusement dans l a paix et l a t r a n q u i l l i t E . La nature q u ' i l d E c r i t est simplement un cadre t r a n q u i l l e qui permet il l'homme, l o i n des tracasseries mondaines, de se r e c u e i l l i r et de vi v r e simplement et na t u r e l l e -ment en suivant ses i n c l i n a t i o n s . Caylus ne f a i t en cela que suivre l a t r a d i t i o n pastorale. Certaines scenes bucoliques de ses contes de fEes font penser ti c e l l e s que l'on trouve chez La Fontaine et Mme de SEvignE. Comme l ' a montrE Daniel Mornet dans - 153 -son etude sur l e Sentiment de l a nature en France de J . J . 85 Rousseau H Bernadin de S a i n t - P i e r r e , l ' i d e d d'une nature b i e n v e i l l a n t e , p r o p i c e a 1'amour e t S l a v e r t u , a une longue t r a d i t i o n avant Rousseau e t Bernadin de S a i n t - P i e r r e . En g e d S r a l , Caylus s u g g i r e l e cadre \"nature\" p l u s q u ' i l ne l e d e d r i t d'une fagon d e d a i l l e d . Ce cadre prend l a forme d'une p e t i t e u t o p i e vague 3t l a mode p a s t o r a l e . V o i c i Romarin q u i contemple P i m p r e n e l l e dans son p e t i t royaume champetre: P i m p r e n e l l e e d o i t a s s i s e sur l e bord du r u i s s e a u q u i t r a v e r s o i t sa r e t r a i t e ; e l l e e t o i t occuped du s o i n de renouer l e s p l u s beaux e t l e s p l u s longs cheveux que l ' o n p u i s s e imaginer. Apres c e t t e a t t e n t i o n p e r s o n n e l l e , e l l e f u t a r r o s e r quelques f l e u r s ; l a compassion l a p o r t a e n s u i t e a v i s i t e r un n i d d'oiseaux pour soulager l a mere dans ses b e s o i n s ; c a r , en t o u t , l e s mouvements de n o t r e coeur se d S p l o i e n t , et l e s p l u s p e t i t e s b a g a t e l l e s nous en de-v o i l e n t l e s r e p l i s : l a douceur e t l a bonte de P i m p r e n e l l e a v o i e n t s e d u i t ce q u i com-p o s o i t son empire. Les oiseaux a v o i e n t eu s e u l s , j u s q u ' i c i l e pouvoir de 1'admi-r e r ; e l l e l e s a v o i t tous a p p r i v o i s e d , ou p l u t o t s e d u i t s ; e l l e s ' e d o i t done forme\" une p e t i t e c o u r . . . 8 6 . Un t e l cadre e s t p r o p i c e a\" 1* amour par f a i t . Dans B e l i n e t t e ou l a jeune v i e i l l e , Caylus nous montre un couple amoureux v i v a n t simplement au s e i n d'une nature a c c u e i l l a n t e e t c h a l e u r e u s e . - 154 -La p e t i t e cabane sur 1 ' i l e abandonnee f a i t dEj\u00C2\u00A3 penser \u00C2\u00A3 Paul et V i r g i n i e . Plusieurs palmiers l a formoient, des l i t s de mousse, des meubles a s s o r t i s et charmans par leur propriety s u f f i s o i e n t dans un pays tempore, oil l'on ne trouvoit aucun animal dangereux. Ce fut lU que B r i l l a n t eut l e tems necessaire pour admirer les tendres soins de ces bons et vEritables amans. Son coeur fut pEnEtrE en voyant leur amour, i l e t o i t v i f , i l E t o i t pur, sans jalousie et sans s a c r i f i c e . Enfin, c ' E t o i t l'amour ami, qui rEunit tous les dEsirs et comble l e s nEcessitEs; l e s f r u i t s seuls l e s nourris-soient, i l s Etoient produits sans culture par une terre toujours ornEe de f l e u r s , arro-sEe de petis ruisseaux d'une eau c l a i r e et nette, qui ne grossissant jamais n'apportoit aucun obstacle pour les traverses. L'aspect de tant de beautEs produisoit les comparaisons riantes de leurs conversations; i l embellis-s o i t 1'expression et l a peinture de leurs sen-timens; ce beau pays leur donnoit enfin et leurs idEes et leurs b e s o i n s 8 7 . Outre ces tableaux champetres, oil se r E a l i s e l e vieux reve adamique d'un monde p a r f a i t , Caylus imagine, dans La B e l l e Hermine et l e prince C o l i b r i , une utopie plus concrete dont i l d E c r i t l e rEgime de vie socialeet p o l i t i q u e . 88 Comme l ' a montrE Atkinson , les voyages imaginaires oil les romanciers lancent leurs hEros dans l'aventure exotique & l a dEcouverte d'un monde meilleur, ont une longue t r a d i t i o n en France. Pour ne parler que du dix-huitieme s i e c l e , parmi les - 155 -voyageurs d'imagination, on distingue d'abord les dedouvreurs d'Sties desertes, comme Frangois Leguat dans Voyages et aventu-res de Frangois Leguat et de ses compaqnons en deux i s l e s desertes des Indes Orientales, 1708. Marivaux, PreVost, et Rousseau sont aussi amateurs d ' i n s u l a r i t e . Les voyageurs que les romanciers lancent a l'aventure ont pour mission de d\u00C2\u00A3cou-v r i r ou d ' i n s t i t u e r , comme 1'avait imaging Thomas More, une soci6t6 meilleure oil les gens vivent heureux. Francois Leguat S t a b l i t une society fondee sur l a nature et les dr o i t s de l'hom-me. Simon Tyssot de Palot (Voyages et Aventures de Jacques Masse, 1710), f a i t dedouvrir a son h6ros, une soci^te p a r f a i t e , r\u00C2\u00A3gie par une logique cartedienne. Montesquieu repr^sente avec ses Troglodytes, une communautS fondle sur l a vertu, l e t r a v a i l et l a j u s t i c e . C'est dans cet e s p r i t que Caylus crSe sa propre utopie: c e l l e des P a l l a n t i n s . Ce royaume idSal est cense\" f a i r e contre-poids a une sociSte\" oil regnent l a mollesse, l a dis s i p a t i o n , l a satiate\" et 1'ennui. On 4 t o i t venu au point de regarder l a v i v a -c i t y de l a conversation comme une des f a t i -gues du corps. On y murmuroit continuel-lement contre les saisons, et m i l l e esclaves r^paroient sans cesse, avec une peine extre-me, 1'inconvenient que l'on reprochoit au - 156 -tems. Les memes dElicatesses rEgnoient dans les repas; l a faim E t o i t toujours prEvenue; en un mot, une Ete r n e l l e sa-t i E t e rEgnoit sur tout. Parmi les fetes qui se donnoient continuellement, c e l l e des faiblesses E t o i t l a plus considEra-ble ; on n'avoit r i e n nEgligE pour l a rendre solonnelle, et l e peuple s' E t o i t aisEment persuadE q u ' i l E t o i t bien plus doux de 1'adorer que de s'en garantir. Les pretres meme y trouvoient leur avan-tage... Le s o i r , (car on ne connaissoit point l e matin) on se f a i s o i t porter sur un l i t ; beaucoup de gens Etoient meme entre deux draps et l'on venoit f a i r e ses p r i i r e s dans l e temple dEdiE a tous les dieux, ou plutot ci tous les gouts, car les foiblesses sont gEnErales; mais dans l a crainte d'offenser c e l l e de quel-qu'un, on ne f a i s o i t aucun s a c r i f i c e et l'on se gardoit bien de bruler aucun par-fum, pour mEnager avec grand soin les vapeurs car c' E t o i t une maladie tres commune dans ce p a y s 8 9 . Pour f a i r e s e n t i r \u00C2\u00A3i son Eleve \"les erreurs de ce royaume\", l a fEe l u i f a i t v i s i t e r d'autres pays, dont c e l u i des Pal l a n t i n s , \"peuples semblables a ceux que 1'injustice de ces derniers tems a f a i t nommer sauvages, quoique l a puretE des moeurs, 90 1'innocence et l a valeur b r i l l a s s e n t a l' e n v i parmi eux\" . Suivant l a t r a d i t i o n du bon sauvage, Caylus essaie de c o n c i l i e r un genre de vie p r i m i t i f avec un degrE assez ElevE de c i v i -l i s a t i o n . Ce qui caractErise les moeurs des Pal l a n t i n s , c'est - 157 -d'abord l a v e r t u e t l a s i m p l i c i t y . V i v a n t dans un systeme so-c i a l i s t e ou communautaire, i l s ne con n a i s s e n t pas l a p r o p r i e t y , \"ayant banni l e s t r i s t e s id\u00C2\u00A3es du mien e t du t i e n \" . Tout l e monde h a b i t e des maisons i d e n t i q u e s , propres e t modestes, q u i appa r t i e n n e n t \u00C2\u00A3 l a communaut6. I l s p r a t i q u e n t 1 ' a g r i c u l t u r e mais l e u r moyen p r i n c i p a l de s u b s i s t a n c e e s t l a chasse, q u ' i l s f o n t en commun. Le t r a v a i l e s t consid^re\" comme un amusement et i l se f a i t t o u j o u r s en chantant. Les femmes s'occupent du t r a v a i l domestique e t de d i v e r s e s taches, r S p a r t i e s s e l o n l e s t a l e n t s i n d i v i d u e l s : l e s femmes moins douses i n t e l l e c t u e l l e m e n t sont designees comme n o u r r i c e s t a n d i s que c e l l e s q u i ont plus d ' e s p r i t se consacrent a 1'Education des enfants q u i se f a i t en commun. Caylus, t o u t e f o i s , ne d i t r i e n sur l a c o o r d i n a t i o n c e n t r a l e de to u t e s ces bonnes v o l o n t e d . L'etude, chez l e s P a l l a n t i n s , ne c o n s i s t e que dans l a connaissance e t l'examen de l a nature. L ' e x e r c i c e du corps e t l a p r a t i q u e des armes, occupent une bonne p a r t i e de leurs l o i -s i r s e t prennent l a forme d'un s p e c t a c l e o f f e r t au p u b l i c . De c e t t e facon, l ' a d r e s s e e t l e courage r e g o i v e n t une r e c o n n a i s -sance p u b l i q u e . Les mariages, chez l e s P a l l a n t i n s , sont c o l l e c t i f s e t - 158 -se contractent a 1'occasion d'une grande fete publique. La vertu et l e mErite sont les seuls guides pour l e choix d'un conjoint. La coquetterie et l a galanterie sont dEcriEes mais l e divorce est permis des que \"l'humeur et l'aigreur\" survien-nent dans les a l l i a n c e s . Pour l e reste, Caylus se contente d'affirmer: \"On peut juger quelle E t o i t l a conduite de ces peu-ples sur les autres sentimens, puisque 1'EquitE r E g l o i t a i n s i 91 l a plus vive des passions\" Pour construire cette utopie, Caylus a du vraisembla-blement s' i n s p i r e r des r e c i t s de voyages et des \"voyages imagi-naires\" de l'Epoque. On discerne aussi 1'influence de l ' h i s t o i r e ancienne: ses Pallantins pratiquent les sports et les armes avec une d i s c i p l i n e toute s p a r t i a t e . Par contre l e s revendications philosophiques tiennent peu de place: en dehors de quelques a l -lusions a l a r e l i g i o n naturelle, Caylus Evite les questions ha-92 sardeuses t e l l e s que l e dogme et 1'autoritE p o l i t i q u e D. Le ton gEnEral des contes de fEes S i les contes de fEes de Caylus s'inscrivent, comme nous l'avons vu, dans l a t r a d i t i o n de ceux de Mme d'Aulnoy et l a comtesse de Murat, tant par l e contenu fEerique que les l i e u x -communs romanesques, i l s se distinguent nettement par un ton r a i l -leur et dEsinvolte t r i s p a r t i c u l i e r . Les FEeries Nouvelles et - 159 -Cincr contes de feds, ce sont des contes de feds classiques agr^mented de 1'esprit de l a premiere moitie du dix-huitieme 93 s i e c l e . A 1'intSrieur d'une structure plus ou moins simple et l i n e d i r e , Caylus brode une riche arabesque f a n t a i s i s t e dont 1'agrSment p r i n c i p a l est l e rapport de complicity ironique que le narrateur e t a b l i t entre lui-meme et son lecteur. Comme on a pu d i r e que 1'esprit du conteur est l a lecon ultime des contes 94 de V o l t a i r e , a i n s i peut-on affirmer que l e ton rax l l e u r et dedinvolte est un agrement important des contes de feds de Caylus. Ce ton en ged^ral assez di s c r e t , adopte tantot l e v i -sage de l a parodie, tantot c e l u i de l a s a t i r e et parfois meme c e l u i du burlesque. Caylus s a i t toutefois doser habilement l e melange pour ne pas dStruire 1'intSret f i c t i f et emousser l e charme du merveilleux qui parfois nous plonge dans l e domaine du reve. L ' i r o n i e de Caylus se manifeste d'abord par un certain scepticisme ou une dedinvolture vis-\u00C2\u00A3L-vis les proceded romanes-ques. Sans nous l i v r e r completement les secrets de l a f a b r i c a -t i o n romanesque comme Scairron dans Le Roman comique ou Diderot dans Jacques l e F a t a l i s t e , i l i n t e r v i e n t directement dans son r\u00C2\u00A3cit pour souligner l e caractere a r b i t r a i r e de sa f i c t i o n . En rendant l e lecteur complice de sa creation romanesque, i l - 160 -rompt par l e f a i t meme 1 ' i l l u s i o n f i c t i v e q u ' i l cherche a\" crEer. Toutefois, Caylus n'abuse pas de ce genre d'ironie burlesque: un conte E c r i t en entier ironiquement s e r a i t i l l i -s i b l e . Un passage typique de l a Princesse Pimprenelle et l e Prince Romarin montrera cette negligence ironique que Caylus affecte dans sa narration. Apres avoir expose\" l a s i t u a t i o n de l a princesse Pimprenelle, l e narrateur se tourne du cote\" de son hEros: Cette cour E t o i t dans l a s i t u a t i o n que je viens de dEcrire et l a princesse pouvoit avoir quinze ans, lorsque l e prince Romarin, agE de dix-huit, plus beau que l e jour, et un tant s o i t peu moins Etourdi que son age ne l e comportoit, y parut a t t i r E par l e b r u i t des fetes et des p l a i s i r s dont F i l i g r a n e Etoit-sans cesse environnEs; mais i l est bon de scavoir ce qu'Etoit Romarin. II E t o i t f i l s d'un r o i et d'une reine, qui peut-etre sont l e commencement d'un autre conte; les bonnes gens moururent presqu'en meme tems; i l s l a i s s e r e n t leur royaume it 1'ainE de leurs enfans, comme de raison; pour Romarin, leur cadet, c e l u i dont i l s'agit, i l s l e l a i s s e r e n t par testament II l a fEe Melinette, a f i n , je cr o i s , de n'avoir pas leur conscience chargEe de ne r i e n l a i s s e r H cet aimable enfant. II est constant q u ' i l s f i r e n t en cela une action d'es-p r i t ; car Melinette E t o i t aussi puissante que bonne. E l l e Eleva done l e p e t i t prince avec tous les soins imaginables , e l l e l u i apprit meme quelques-uns des secrets de l a fEerie, et ne nEgligea r i e n des connoissances dont 1'esprit d'un prince devroit etre toujours ornE; mais e l l e avoit elle-meme trop d'esprit pour ne pas savoir que tout homme ne peut employer ses talens - 161 -qu'autant q u ' i l est i n s t r u i t de 1'usage du monde; e l l e savoit encore que les meilleurs princes sont ceux qui ont &t& confondus avec les sujets. Toutes ses considerations engagerent Melinette & f a i r e voyager Romarin, et si l e l a i s s e r , en un sens, maxtre d'une conduite a l a -quelle e l l e v e i l l o i t toujours i n v i s i b l e -ment. A propos d ' i n v i s i b i l i t y , e l l e donna au prince, en l e quittant, une bague qui pouvoit l e rendre i n v i s i b l e en l e mettant au doigt; ces bagues - lct sont f o r t communes, on en v o i t dans beaucoup d'autres contes. Je c r o i s que v o i c i toute 1'exposition f a i t e , et que l e lecteur s a i t a\" peu p r i s quels sont les gens ei qui i l va avoir el f a i r e 9 5 . Comme on l e v o i t dans ce passage, Caylus garde & l'egard des eV6nements et des personnages de son r 6 c i t , une distance i r o n i -que qui l u i permet de se moquer 16gerement des c l i c h e s du conte de fEes, \"plus beau que l e jour\", \"quelques uns des secrets de l a f a e r i e \" , \"ces bagues-la sont f o r t communes\", \"comme de raison\"; de se r a i l l e r lui-meme en tant que narrateur en a f f e c -tant une incertitude a l'egard du fond romanesque, \"je c r o i s \" , \"qui peut-etre sont l e commencement d'un autre conte\" et enfin qui l u i permet de s'ing^rer directement dans l a narration pour f a i r e des mises au point et des t r a n s i t i o n s dedinvoltes, \"II est bon de savoir ce qu'etoit Romarin\", \"Je c r o i s que v o i c i toute 1'exposition\". Sa technique souple l u i permet aussi de g l i s s e r des remarques satiriques sur l e s moeurs et des commen-ta i r e s moraux sur l e comportement des hommes et des princes. - 162 -Non moins d e s i n v o l t e s , sont l e s remarques f a c e t i e u s e s que Caylus pars^me dans son r e d i t . I l s ' a g i t , dans l a p l u p a r t des cas, de rapprochements bur l e s q u e s e n t r e l e m e r v e i l l e u x e t l a r ^ a l i t ^ contemporaine. Lorsque C o u r t e b o t t e r e s t e perplexe devant l e s d i r e c t i o n s que l u i a v a i t donneds l e h e r a u t d'armes, & qu a t r e cent l i e u e s de Mont Caucace, en montant au nord, vous r e c e v r e z vos ordres e t vos i n s t r u c t i o n s , pour l a conquete de l a montagne de g l a c e . l e n a r r a t e u r fac6tieusement f a i t remarquer: B e l l e i n s t r u c t i o n pour un homme q u i p a r t d'un pays ou se trouve a u j o u r d ' h u i l e J a p o n 9 6 . Dans un a u t r e cas, un r e f r a i n contemporain b i e n connu,\"tourlou e t r i r e t t e \" , a t t e s t e de l a v ^ r a c i t e \" du conte p o r t a n t l e meme nom. De meme i l d e c l a r e que l a f o u r r u r e de martre se nomme Z i b e l i n e en honneur de l a p r i n c e s s e Z i b e l i n e ; que l e p o r t r a i t de l a r e i n e des Indes a &t& p e i n t par L a r g i l l i e r e (un p e i n t r e contemporain, p o r t r a i t i s t e de l a b o u r g e o i s i e p a r i s i e n n e ) . Pour ce q u i e s t du ton burlesque, nous en avons d6jk r e l e v 6 p l u s i e u r s exemples en p a r l a n t du bagage f e d r i q u e que Caylus u t i l i s e c\ des f i n s parodiques. Mais l e burlesque ne sau-r a i t c a r a c t ^ r i s e r l e ton p a r t i c u l i e r de c e r t a i n s contes de feds de C a y l u s : c ' e s t p l u t o t un melange s p i r i t u e l d ' i r o n i e , de bur -lesque, de pa r o d i e e t de p e r s i f l a g e . - 163 -LES CONTES ORIENTAUX Apres les contes de feds, Caylus s'essaie au genre o r i e n t a l qui connut une grande vogue dans l a premiere moitie\" du s i e c l e . On s a i t que l a cause immediate de cette vogue orientale fut l a traduction par Antoine Galland, des M i l l e et une nuits parue entre 1704 et 1717, et que l e succed prodigieux de 1'adaptation frangaise des contes arabes, f i t p u l l u l e r les imitations et les pastiches: les M i l l e et un jours de Petis de l a Croix; les M i l l e et une heures, contes p6ruviens, de Gueul-l e t t e ; les M i l l e et une faveurs, contes indiens, de Moncrif, et les M i l l e et une faveurs, contes de cour t i r e d de l'ancien qaulois par l a reine de Navarre, du Chevalier de Mouhy, pour ne 97 c i t e r que les mxeux connus La plupart des imitateurs u t i l i s e n t dans leurs contes, l e cadre emprunte ei 1\" o r i g i n a l arabe: un prologue j u s t i f i a n t les r e d i t s du r e c u e i l , presented par une s6rie de deVeloppements ei t i r o i r s et enfin un Epilogue, memant a sa conclusion l e theme 98 p r i n c i p a l . On se souvient du cadre romanesque des M i l l e et une nuits : l e Sultan des Indes, ayant &t\u00E2\u0082\u00AC trompE par sa femme, a f i n de preVenir toute i n f i d e l i t y , chaque matin, met ^ mort 1'Spouse qui a partage\" son l i t . Pour f a i r e cesser les s a c r i f i -ces, s e h e \" h e ' r a ^ a d e s'offre \u00C2\u00A3 devenir l'Epouse du sultan et r e d s s i t - 164 -a retarder l a sentence grace ei ses contes qu'elle l a i s s e inache-v^s. Le Sultan, peu ei peu charme par sa persev6rante conteuse, renonce enfin ei sa vengeance. Un s i grand nombre de pastiches, brodant sur l e module arabe, a t t i r a l a verve s a t i r i q u e de certains auteurs. Des 1730, Hamilton parodie l a mode orientale dans un r e c u e i l rednissant t r o i s f a n t a i s i e s : Le B e l i e r , Fleure d'Epine et les Quatre Fa-cardins. L'intention parodique est manifeste l o r s q u ' i l f a i t commencer son r ^ c i t a l a neuf cent quatre-vingt-dix-neuvieme n u i t . Dans l e B e l i e r , l e pourvoyeur d'histoires, l a plupart 99 d'une extravagance outr\u00C2\u00A3e, est un b e l i e r . Le r e d i t est vo-lontairement incoherent et complexe, parfois int\u00C2\u00A3rrompu au moment c r i t i q u e d'une action, par une reminiscence banale d'un personnage ou par l a narration retrospective d'un incident quel-conque. Non moins sat i r i q u e sont l e cadre et l e t i t r e d'un r e c u e i l de Cazotte, Les M i l l e et une fadaises, contes ei dormir debout; un abbe est i n v i t e a f a i r e des contes pour guerir une dame souffrant d'insomnie. Te l fut en gros, l e developpement de l a f i c t i o n orien-t a l e , imitant servilement l e cadre et les procedes des M i l l e et une n u i t s . S i l a periode des imitations fut de courte duree, c'est que, selon Dufresnoy, - 165 -Le p l a g i a t d'une l i t e r a t u r e qui exprimait les moeurs et 1'idEal d'une c i v i l i s a t i o n f o r t diffErente de l a notre, ne pouvait etre fEcond. Pour promouvoir un mouvement l i t t e r a i r e viable, i l E t a i t nEcessaire que les Elements des contes orientaux fussent analysed, dissociEs, assimilEs et intEgrEs dans de nouvelles f o r m e s ^ 0 . C'est ce que f i t Montesquieu dans les Lettres Persa-nes, C r E b i l l o n f i l s dans l e Sopha et V o l t a i r e dans ses contes philosophiques. A i n s i apres une pEriode d'imitation s e r v i l e des modules arabes, l e conte o r i e n t a l donna naissance ci d iver-ses ramifications dont c e l l e s du conte galant et du conte philosophique et s a t i r i q u e . Lorsque Caylus publie ses Contes Orientaux en 1745, i l va dEcidEment a contre-courant: en pleine vogue du conte galant o r i e n t a l i s a n t , i l prEtend donner une suite authentique aux M i l l e et une nuits en retournant aux sources. Cette tenta-t i v e que Dufresnoy q u a l i f i e d*Erudite, n'a pas eu de lendemain: \"L'orient E t a i t encore pour les conteurs matiere de f a n t a i s i e que chacun pouvait p E t r i r et modeler a son grE pour l ' u t i l i s e r selon son gout et a ses propres f i n s \" ^ \" ^ . Dans sa prEface, Caylus prE-tend avoir t r a d u i t ses contes de l'arabe et les avoir adaptEs au +. 102 gout des francais . I c i encore, i l se prEsente comme simple Editeur. Ses sources seraient des manuscrits dEposEs a\" l a b i -- 166 -bliotheque du r o i par de jeunes o r i e n t a l i s t e s . On s a i t aussi que Caylus f i t un voyage en Orient et q u ' i l est done probable q u ' i l a i t lui-meme achete des manuscrits. Quoi q u ' i l en s o i t , ses contes orientaux ont une couleur authentiquement orientale et se distinguent nettement des contes pseudo-orientaux, d'un Cr\u00C2\u00A3billon par exemple. A. Structure et themes Les Contes Orientaux comprennent sept h i s t o i r e s p r i n -cipales avec un nombre considerable de r\u00C2\u00A3cits a t i r o i r , l e tout dans un cadre emprunte\" aux M i l l e et une n u i t s . Hudjiadje, r o i de Perse, j e t t e en prison l e sage Aboumelek pour l u i avoir re-proche\" sa tyrannie. Voulant tromper son ennui et soulager sa mauvaise humeur, l e r o i demande au geolier Fitedd de l u i raconter des h i s t o i r e s . Incapable de s a t i s f a i r e l e r o i , i l se confie a sa f i l l e Moradbak, qui s'off re It l e remplacer. C e l l e - c i avait par hasard dedouvert l e cachot d'Aboumelek et e l l e l u i rendait v i s i t e chaque jour pour soulager sa misere. Pendant ses v i s i t e s l e v i e i l l a r d l u i racontait des h i s t o i r e s : v o i l i i pourquoi Moradbak se trouve en mesure d'accepter l e d\u00C2\u00A3fi du r o i . S i e l l e ne par-vient pas a l e d i s t r a i r e , e l l e devra payer de sa v i e . L'inspirateur des contes, n'est pas l a narra t r i c e e l l e -meme comme dans les M i l l e et une nuits, mais un sage v i e i l l a r d , - 167 -victime de l a barbarie du r o i . Narrateur intEresse, i l dose et oriente l e contenu moral des contes, pour qu'S l a f i n i l s o i t grade\" et que sa complice entre dans les faveurs du souve-r a i n . A i n s i l a de r n i i r e h i s t o i r e du r e c u e i l t r a i t e du probleme Epineux de c h o i s i r un bon ministre: e l l e montre comment un porte-faix, grace ci son courage et sa probitE, devient v i z i r du r o i de Perse. Commentant cette h i s t o i r e , l e r o i d i t : \"J'ap-prouve f o r t l e choix de cet ancien r o i de Perse et je croi s qu'un homme Eprouve\" par l e malheur et qui a toujours conserve son ame dans une pa r f a i t e E g a l i t e , est digne de gouverner l ' u n i -vers. Je voudrois etre assez heureux pour trouver un p a r e i l 103 ministre\" . Moradbak s a i s i t cette occasion pour t i r e r Abou-melek de ses chaines: e l l e declare que le v i e i l l a r d vaut bien l e porte-faix et que c'est l u i qui est l e fournisseur des contes. Sur l e champ, l e r o i l i b e r e son prisonnier et l e f a i t v i z i r ; i l Epouse aussi Moradbak, i l fut sage et i l dormit. Et a i n s i se termine l e r e c u e i l . Comme dans les M i l l e et une nuits, l e r o i f a i t des remarques sur l e s h i s t o i r e s qui l u i sont racontEes et en i n f l u -ence a i n s i l e choix. Apres l e premier conte i l est e tonne\" et s a t i s f a i t mais i l trouve l e deuxieme un peu extravagant ce qui engage l a na r r a t r i c e a l u i raconter une h i s t o i r e apparemment plus - 168 -v e r i d i q u e : 1 ' H i s t o i r e de l a na i s s a n c e de Mahomet. De meme apres 1 ' H i s t o i r e de Nourqehan e t de Damake, ou des quat r e Talismans, que l e r o i q u a l i f i e de \" m e r v e i l l e u x \" , Morakbak s'engage sur une v o i e p l u s r e d l i s t e e t l u i raconte l ' h i s t o i r e d'un t a r t u f f e q u i sous l e manteau de l a saintete\" a c c o m p l i t des crimes. Apres l a sixieme, l e r o i commence a s'6prendre de Moradbak e t l u i demande une h i s t o i r e moins t r a g i q u e . E l l e l u i raconte a l o r s 1 ' H i s t o i r e de l a C o r b e i l l e , q u i t o u t en 6tant une h i s t o i r e d*amour f a t a l dans un cadre fabuleux, montre l a d i f f i c u l t ^ d ' e t r e mod6r6. A i n s i \u00C2\u00A3 l ' i n t ^ r i e u r de ce cadre f l e x i b l e e t a r t i f i c i e l , Caylus peut grouper l e s h i s t o i r e s l e s p l u s d i v e r s e s , q u i n'ont de com-mun que l e cadre o r i e n t a l . Caylus ne f a i t en c e l a que s u i v r e 1'exemple des M i l l e e t une n u i t s o{i des r e d i t s m e r v e i l l e u x a l -t e r n e n t avec des contes d'amour, des romans de c h e v a l e r i e , des n o u v e l l e s anecdotiques e t des r e d i t s g r i v o i s e t f a c ^ t i e u x . La premiere h i s t o i r e du r e c u e i l , L ' H i s t o i r e de Dakionos 104 et des septs dormans , rac o n t e l e s o r t t r a g i q u e d'un humble berger q u i ayant trouve\" un t r e d o r , d e v i e n t avare e t ambitieux e t f i n i t par d e v e n i r un t y r a n c r u e l que l e c i e l e n f i n c h a t i e . L ' h i s t o i r e , r ^ m i n i s c e n t e de l a B e l l e au b o i s dormant, dans 1'es-p r i t o r i e n t a l , montre l a t o u t e puissance d ' A l l a h e t l a l o u r d e f a t a l i t y q u i p i s e sur l e dos des hommes. - 169 -D* i n s p i r a t i o n Egalement r e l i g i e u s e , l e deuxiime r E c i t 105 L'Histoire de l a naissance de Mahomet , exploite l a lEgende des prophetes musulmans. Un dEcret d i v i n commande & Zesbet, f i l l e d'un prophete I s r a e l i t e , d'Epouser l'homme qui pourra d\u00C2\u00A3-c h i f f r e r les lignes mystErieuses d'un parchemin. Quatre hommes successifs y parviennent mais pour n'apprendre q u ' i l s ne doivent p toucher ii Zesbet avant d'avoir vu Mahomet. Et ii cette f i n , chacun des maris entreprend un voyage dont les r E c i t s constituent les quatre t i r o i r s de l ' h i s t o i r e p r i n c i p a l e . L'intrigue se dEnoue avec 1'apparition de Mahomet qui permet ii Zesbet de gar-der ses quatre maris. 106 Plus tragxque, 1'Histoire de Naour, r o i de Cachemire raconte l a vengeance manquEe d'un r o i trompE par sa f a v o r i t e . PatmE, apres avoir subjuge\" l e coeur de Naour, convoite l e v i z i r Aboucazir mais c'est en vain qu'elle essaie de l e sEduire. C e l u i -c i , par loyaute\" et par crainte d'un chatiment, reste impassible devant l e s avances de l a f a v o r i t e . Trois t i r o i r s s'ouvrent sur cette s i t u a t i o n : chaque personnage implique\" raconte une h i s t o i r e pour i l l u s t r e r sa position morale en ce qui concerne l e s dr o i t s de 1'amour et de l'amitiE. Le r E c i t se dEnoue par l'assassinat du r o i . Apris cette h i s t o i r e tragique et sanglante, Moradbak - 170 -c h o i s i t un conte p o l i t i q u e et moral: L ' H i s t o i r e de Nourqehan 107 ou des quatre talismans . II a t r a i t aux aventures d'un prince, qui grace & 1'intelligence d'une maitresse 6clair6e, apprend a\" gouverner sagement et equitablement. L'Histoire de Jahia et de Meimoune , extremement romanesque, raconte comment un sc^Lerat, qui assassine ses no-tes pour s'emparer de leur bien, est d^masque\" et puni. Greffed surcette intrigue est une aventure d'amour entre un jeune cor-royeur et une b e l l e esclave. 109 L ' H i s t o i r e de l a c o r b e i l l e est sans doute l a plus merveilleuse du r e c u e i l . Une princesse est condamnee a viv r e dans un paradis jusqu'a ce qu'un homme puisse r e s i s t e r aux ten-tations du l i e u pendant t r o i s jours. Aucun homme n'y parvient. Une femme tente 1'experience pour sauver l a vie de son f r i r e qui apres avoir connu les devices sensuels de l a v i e p a r a d i s i a -que, prend l e monde t e r r e s t r e en horreur. Grace ci son i n t e l l i -gence, e l l e r e u s s i t a rompre l e charme du g6nie et a ramener l a princesse sur terre dans les bras de son fr e r e . La derniere narration, 1'Histoire du porte-faix\"*\"^, est dans une veine quelque peu picaresque. E l l e r e l a t e l e s aventu-res d'un humble porte-faix, qui apr\u00C2\u00A3s maints d^boires, devient - 171 -v i z i r grace & sa sagesse et sa droiture d'esprit. Dans 1'es-p r i t de Moradbak, l a narra t r i c e p r i n c i p a l e , l ' h i s t o i r e i l l u s t r e comment un homme bon et d'humeur Egale est digne de gouverner. Sur ces sept r E c i t s principaux se greffe un nombre con-siderable d'histoires intercalees q u ' i l s e r a i t fastidieux de rEsumer. E l l e s se rattachent a 1'intrigue p r i n c i p a l e , tout com-me dans les M i l l e et une nuits, par des l i e n s assez laches. Parfois trop longues, ces h i s t o i r e s secondaires font perdre de vue 1'action p r i n c i p a l e , et prennent 1'allure d'un roman ind\u00C2\u00A3-pendant. B. Le cadre et les procedes romanesques Ce bref apercu des themes et de l a structure des Contes Orientaux nous permet de constater, en meme temps que leur grand i n t ^ r e t romanesque, l a variety de 1'inspiration du conteur. Voulant donner une suite authentique aux M i l l e et une nuits, tant par l a forme que par l e fond, Caylus s'attache ii donner a ses adaptations, une couleur orientale v\u00C2\u00A3ridique. D'a-bord, bien entendu, l e cadre g\u00C2\u00A3ographique des contes, est orien-t a l : les h i s t o i r e s se passent tantot dans une v i l l e de Perse, tantot dans l e proche-orient a Bagdad ou it Constantinople et tantot en Chine et aux Indes. S i Caylus ne tombe pas dans l e - 172 -piege de 1'erudition en fournissant des renseignements complets sur les moeurs des orientaux, i l releve quand meme maints de-t a i l s sur les coutumes des pays musulmans: les derviches, les v i e i l l a r d s ved^rables et sages & qui l'on confie l e dedhif-frage d'un texte ancien, l e s r o i s tyranniques chatiant impi-toyablement ceux qui excitent leur colere, les conquetes avec guerre et p i l l a g e , l'hote affable qui a c c u e i l l e chez l u i l e voyageur l o i n t a i n , les scenes de march\u00E2\u0082\u00AC, les esclaves volup-tueuses a l a d i s p o s i t i o n de 1'invite. Les noms propres des personnages ont aussi une reso:nance toute orientale et c o n t r i -buent a credr l a couleur l o c a l e . Comme dans les contes arabes, Caylus s'attarde, sans en abuser, sur des descriptions d e t a i l l e d s , eVoquant l a magni-ficence d'une fete, d'un pa l a i s du d'un tresor. Avec Dakionos, i l nous f a i t par exemple pededrer dans les sept appartements oil se trouvent toutes les richesses c o n Ce vables. Par f o i s i l tombe dans 1' exagedation 6pique comme en temoigne l a des-c r i p t i o n suivante d'un p a l a i s . I l f i t Clever au milieu, un kiosch dont l e s murailles avoient deux cens toises de lon-geur, et dont l e ciment et toutes l e s l i a -sons Etoient d'or et d'argent. Ce kiosch contenoit m i l l e chambres et chacune renfer-moit un trone d'or sur lequel on voyoit un - 173 -l i t de semblable mEtal; i l f i t f a i r e t r o i s cens soixante et cinq portes de c r y s t a l q u ' i l plaga de fagon que l e s o l e i l levant regardoit tous les jours de 1'annEe une de ces portes; soixante v i s i r s Etoient occupes de ses a f f a i r e s ; on voyoit tous les jours dans l a s a l l e d'audience soixante trones sur lesquels ceux qui s'Etoient signaled a\" l a guerre Etoient a s s i s ; i l y avoit sept m i l l e astrologues, qui s'assembloient tous les jours et qui l u i marquoient H tous les momens les diffErentes influences; et i l E t o i t toujours environnE de dix m i l l e icho-glans qui portoient des ceintures et des couronnes d'or, et qui du reste Etoient magnifiquement vetus; i l s n*avoient point d'autre emploi que d'etre toujours prets at recevoir des ordres. II E t a b l i t soixante pachas, chacun desquels avoit sous ses or-dres deux m i l l e jeunes hommes bien f a i t s , qui commandoient en p a r t i c u l i e r deux m i l l e s o l d a t s 1 1 1 . Plus intEressantes sont les descriptions qui Evoquent un monde fantastique, exotique et voluptueux: les f l e u r s , les parfurns, les plats dElicieux, les vins suaves, les Etoffes f i n e s . T el est par exemple l e paradis qui rend i n s i p i d e l a vie t e r r e s t r e : Jugez s i mon inquietude fut bientot changed en p l a i s i r , quand je me trouvai dans un l i e u dont l a terre E t o i t EmaillEe de m i l l e d i f -fErentes f l e u r s et dont l e mElange prEsentoit un spectacle agrEable, pendant que l'odorat j o u i s s a o i t des parfums les plus rares. Je rendis m i l l e actions de grace a Dieu, qui m'a-v o i t conduit aussi heureusement dans ce char-mant paradis. Apred avoir traversE ce jardin, j'en trouvai un second qui n'Etoit rempli que de roses. M i l l e oiseaux tEmoignoient, par - 174 -l e u r s chants, l e p l a i s i r q u ' i l s s e n t o i e n t i\ l ' h a b i t e r . On v o y o i t , au m i l i e u de ce second j a r d i n , un grand b a s s i n , dont l e s eaux, p l u s c l a i r e s que l e c r y s t a l , se redandoient avec un doux murmure, dans un nombre i n f i n i de canaux, q u i n'edoient borded que de r o s e s e t de v i o l e t t e s . Les vents doux e t r a f r e c h i s s a n s c a r e s s o i e n t l e s f l e u r s de ce j a r d i n de d e v i c e s ; e t de superbes p e u p l i e r s p a r o i s s o i e n t f i e r s de 1'ombre q u ' i l s l u i d o n n o i e n t 1 1 2 . Un a u t r e t r a i t q u i donne aux Contes Orientaux l e u r c a -r a c t l r e o r i e n t a l , e s t l a p e i n t u r e de l a p a s s i o n : comme dans l e s M i l l e e t une n u i t s , l e s sentiments q u i animent l e s person-nages sont v i o l e n t s : h a i n e v i n d i c a t i v e , vengeance c r u e l l e , a s -s a s s i n a t , j a l o u s i e q u i entraxne l a mort de l ' i n f i d e l e , amour v i o l e n t q u i demande une g r a t i f i c a t i o n s e x u e l l e immediate. Dans 1 ' H i s t o i r e de Naour, r o i de Cachemire, l a f a v o r i t e du r o i sou-p i r e lubriquement pour l e v i z i r e t e l l e a s s a s s i n e son maxtre pour g r a t i f i e r ses d e d i r s . Hudjiadge, r o i de Perse, menace de mort l e g e o l i e r F i t e a d s' i l ne p a r v i e n t pas ci l e g u e d i r de son insomnie. Comme dans l e s M i l l e e t une n u i t s , Caylus f a i t p l a n e r sur l e s personnages, de ses contes, une l o u r d e f a t a l i t y q u i se m a n i f e s te par des revirements soudains de f o r t u n e ou de s e n t i -ments. D i a k i a n o s , trouve une plaque q u i l u i apprend son t e r r i b l e d e s t i n : i l s e r a r i c h e mais i l s e r a v i c t i m e des p l u s grands mal-- 175 -heu r s . D g e r h i e r i , d i s s i p e sa f o r t u n e , d e v i e n t p o r t e - f a i x e t e n f i n v i z i r . Les quatre maris de Zesbet dans 1 ' H i s t o i r e de l a nai s s a n c e de Mahomet, s u b i s s e n t des epreuves q u ' i l s he compren-nent pas mais i l s s'en remettent avec s\u00C2\u00A3r\u00C2\u00A3nite\" & l a volonte\" d ' A l l a h . Malgre son i n t e n t i o n de r e s t i t u e r dans ses contes une atmosphere authentiquement o r i e n t a l e , Caylus s ' i n g e r e p a r f o i s dans son r e d i t pour g l i s s e r des remarques morales ou des c r i t i -ques s o c i a l e s e t p o l i t i q u e s , q u i sont anachroniques par r a p p o r t au cadre romanesque. Les commentaires s u i v a n t s sur l a j a l o u s i e a p p a r t i e n n e n t p l u s it un m o r a l i s t e c l a s s i q u e qu ' c i un conteur o r i e n t a l . Quand Naour f u t r e t i r e \" dans son appartement, i l s' abandonna a\" tous l e s t r o u b l e s e t a tou t e l ' h o r r e u r de l a j a l o u s i e . La c o n f i a n c e d^gue, l a p r i v a t i o n de ce qu'on aime encore malgre\" s o i ; l e s p a r t i s v i o l e n s q u i se succe-dent c o n t i n u e l l e m e n t ; c e t t e a g i t a t i o n c r u e l l e de tous l e s sens, q u i rend i n c a p a b l e de t o u t e a u t r e idee que d'un o b j e t que l ' o n aime, que l' o n h a i t tout-\u00C2\u00A3t-la-fois, l e s pro j e t s de ven-geance e t de pardon, e n f i n , l a f o i b l e s s e que l ' o n se reproche, tourmentoient l e r o i , qu'un i n s t a n t a v o i t rendu malheureux, l u i que l ' o n p o u v o i t r e g a r d e r comme l e p l u s heureux de l a t e r r e quelques momens a u p a r a v a n t ^ 3 . Sur l e meme ton, i l interrompt son r\u00C2\u00A3cit pour f a i r e des remar-- 176 -ques genErales sur l a cour: Que l e sEjour des cours s e r o i t d i f f e r e n t , s i l a faussete ou 1 * i n d i s c r e t i o n n'etoient employees que pour obliger ses amis-*--'-4. Les cours ont beaucoup d ' a t t r a i t pour les gens riches; on les r e c o i t avec tant d'ac-c u e i l , on les loue d'une facon s i fine et s i deiiee, q u ' i l s sont ordinairement s e d u i t s U 5 . Pas p l u s o r i e n t a l e s t l e ton enjoue, v o i r e parodique, de c e r -t a i n s passages 0 $ Caylus se moque de ses propres procedes e t a u s s i du s t y l e \" f l e u r i \" o r i e n t a l . En p l e i n m i l i e u d'une h i s -t o i r e , l e n a r r a t e u r i n s u r e une d e s c r i p t i o n \" f l e u r i e \" s i n o n pa-rodiqu e de l a p r e c i o s i t e . I I s ' a g i t d'un l e v e r de s o l e i l . Des que l e s o l e i l eut p l a n t e son etendard b l a n c , e t que l a n u i t , l a r e i n e des e t o i -l e s , se f u t r e t i r e e , ce r o i monta sur son t r o n e . . . 1 1 6 . A l a f i n de l a premiere p a r t i e des Contes Orientaux, Caylus s'adresse facetieusement a ses l e c t e u r s . Moradbak, chargOe de d i v e r t i r l e r o i par ses contes, l u i annonce l ' h i s t o i r e du lendemain: S i r e , r e p r i t Moradbak, j ' a u r a i l'honneur de vous conter une h i s t o i r e mogole. Le pays n'y f a i t r i e n , l u i d i t - i l encore. J'espere, p o u r s u i v i t l a b e l l e f i l l e de - 177 -FitEad, en se r e t i r a n t avec modestie, qu'elle amusera votre majeste. La modestie de Moradbak n'Etoit peut-etre qu'une confiance d'auteur. Le lecteur en jugera mieux qu'elle, et meme que l e sultan-*--*-7. En dehors de ces quelques deviations, l e ton n a r r a t i f reste sErieux et appropriE au cadre o r i e n t a l . L * i n t E r e t des contes orientaux de Caylus rEside dans les rebondissements inattendus de 1'action, r e l i E e k une fan-tasmagorie exotique et lEgendaire. Le r E c i t , toujours a l e r t e , s a i t mEnager 1'intEret en gardant en reserve une bonne part d'imprEvu. La technique narrative de Caylus rappelle c e l l e de Galland dans son adaptation des M i l l e et une nui t s . Le cadre l o i n t a i n de l ' h i s t o i r e est d'abord dElimitE et j u s t i f i E par des sources h i s t o r i q u e s : \"Les h i s t o r i e n s rapportent q u ' i l y avoit dans l'ancienne Perse, un berger nommE Dakianos, qui depuis trente ans conduisoit des moutons, sans avoir jamais nEgligE l a ^ 118 samte habxtude de faxre ses prxeres\" . Le cadre gEographique et historique E t a b l i , les EvEnements, rapportEs a l a troisieme ou a\" l a premiere personne s i un personnage raconte ses propres aventures, s'enchaxnent linEairement dans l a plupart des cas, sans intervention directe du narrateur. Par Economie narrative et i n t E r e t dramatique, Caylus f a i t alterner l e dialogue avec l a - 178 -narration proprement d i t e . Les longues descriptions, comme nous l'avons vu, sont tenues au minimum. Le r\u00C2\u00A3cit languit r a -rement et les Contes Orientaux, restent encore aujourd'hui agr\u00C2\u00A3-ables & l i r e tant par 1'element de suspense que par l a nature extraordinaire des aventures et l e d^paysement exotique que pro-cure ce monde o r i e n t a l . Caylus, dans certains contes, d^passe l a simple couleur l o c a l e pour eVoquer un monde mystedieux et surnaturel. A cette f i n , i l met en oeuvre l a mythologie, l ' h i s -t o i r e ancienne et bibl i q u e , l a magie. Dans 1'Histoire de l a naissance de Mahomet, un protagoniste, au cours de ses peregrina-tions pour trouver Mahomet, s'entretient avec 1'antedhr J s i\u00E2\u0080\u00A2 Les li m i t e s du temps sont abolies: un autre personnage v i s i t e les Assyriens, Babylone et demande conseil au sage Salomon. Au cours de leur voyage, les personnages, perplexes et 6tonn6s, demandent a etre 6 c l a i r 6 s mais personne ne peut leur expliquer l e sens des eVedements q u ' i l s subissent: on leur demande seulement de se soumettre & l a volonte\" d'Allah. LES CONTES LICENCIEUX FEERIQUES Alors que les imitations des M i l l e et une nuits tou-chaient & leur dedlin, un courant galant se dessinait a l a tete duquel se trouvait C r 6 b i l l o n f i l s . C e l u i - c i s ' ^ c a r t a i t de 1*exactitude de l a documentation et de 1*Erudition ori e n t a l e . - 179 -pour peindre des scenes galantes dans un decor plus f a n t a i s i s t e qu'oriental. Le modele de ce genre de conte galant o r i e n t a l i -sant, reste l e Sofa (1741). Un jeune adorateur de Brahma, se v o i t trans forme\" en sofa it cause de ses dereglements, et ce jus-qu'a\" ce que \"deux personnes se donnent mutuellement et sur (lui) 119 leurs prEmices\" . Le merite de C r E b i l l o n est d'avoir su con-c i l i e r a\" un badinage licencieux, une analyse f o u i l l e e de l a psychologie feminine. L'immense succis des oeuvres de C r E b i l l o n , s uscita des imitations et des pastiches. Les imitateurs s'es-sayerent ii 1'analyse psychologique mais sans grand bonheur: t e l Cazotte dans l a Patte de chat (1741), Godart d'Aucourt dans ses Memoires Turcs (1743) et Voisenon dans Zulmis et Zelmaide (1745) et l e Sultan Misapouf (1746). L'intrigue de l a plupart de ces contes c r E b i l l o n i e n s , se compose de l a meme facon: un amant se v o i t prive\" de l a possession de sa maitresse par un pouvoir ma-120 gique, jusqu'S ce qu'une condition s o i t remplie C'est dans ce courant licencieux que s'inscrivent 121 quelques contes de Caylus insures dans le s Manteaux , r e c u e i l i n s o l i t e groupant des contes, des faceties, des anecdotes sa-vantes qui n'ont en commun qu'un l o i n t a i n rapport avec l e mot manteau. Ce sont l a des ^lucubrations qui ont une parente\" mani-feste avec c e l l e s que Caylus composait pour l a Societe\" du bout - 180 -122 du banc . Parmi ce melange i n s o l i t e destine\" a\" 6gayer une joyeuse p e t i t e s o c i e t e , se t r o u v e n t deux contes f e d r i q u e s dans 123 124 l e gout l i c e n c i e u x : l e Manteau de l i t e t l e Manteau trousse\" Dans l e premier, un r o i , pour d i s s u a d e r son f i l s , Z i z a l d i , de se marier, l u i raconte ses propres d ^ b o i r e s m a t r i -moniaux. Contre l a volonte\" de son pere q u i l e d e s t i n a i t ei P e r s i l e t t e , i l s'eprend de l a grande E l v a n i e , f i l l e de l a \u00C2\u00A3&e Manto. Le mariage a l i e u mais i l e s t v i t e malheureux parce q u ' i l soupconne sa femme d ' i n f i d e l i t y . I I veut en a v o i r l e coeur n et: i l s'adresse a\" l a fee q u i l e metamorphose en manteau de l i t . Dans une scene amusante e t quelque peu scabreuse, Caylus nous d e d r i t comment l e mari-manteau, etendu sur l e l i t , e s t t\u00C2\u00A3moin, de 1' i n f i d e l i t e \" de sa femme. Dans c e t i n s t a n t , j ' e n t e n d i s du b r u i t , on o u v r i t l a p o r t e , c ' ^ t a i t B a l a n d r i n ; l e son de sa v o i x me f i t t r e s s a i l l i r . J'omets l e s complimens, l e s fadeurs, l e s t r a n s p o r t s q u i f u r e n t exprimed de p a r t e t d'autre: j e passe sous s i l e n c e l a j o i e d ' e t r e ensemble e t de me c r o i r e absent. Ce n'6toit r i e n . B a l a n d r i n se pl a g a a cote\" d ' E l v a n i e , i l n'y f u t pas longtems. J e d^fendois l e t e r r e i n t a n t que j e pouvais, j e f i s de v a i n s e f f o r t s , mes o b s t a c l e s f u r e n t i n u t i l e s . Ah! qu'un mari s o u f f r e c r u e l l e m e n t l o r s q u ' i l e s t l e manteau de l i t de sa femme! J'6tois s i agite\" que j ' e d h a u f f a i t r o p E l v a n i e . Voila\" un man-teau, d i t - e l l e , q u i me cause une c h a l e u r h o r r i b l e . Eh b i e n , donnez-le moi, d i t B a l a n -- 181 -drin, j'en f e r a i usage, aussi bien a i - j e f r o i d aux r e i n s . Qu'on imagine s ' i l est possible, 1'humiliation de mon emploi. Je ne fus pas longtems stable dans mon nouveau poste, je sautai pendant un quart-d'heure il 1'impEriale du l i t , en retombant toujours a-plomb sur l e dos de Balandrin. Cet exercice me chiffonna s i f o r t que je n'Etois pas reconnaissable-*- 2 5. Ce r e c i t du pere ne dissuade aucunement Z i z a l d i , e t dans l e Manteau troussE, on l e voit subir ii peu pres l e meme sort. A i n s i Z i z a l d i , contre l ' a v i s de son pere, s'Eprend de ZephErine qui ne tarde pas de l e rendre jaloux. C e l l e - c i vou-lant passer l a nuit avec deux amis de college, imagine l e s t r a -tageme suivant: e l l e f e i n t de se confier a son mari en l u i d i -sant que les deux hommes en question ont 1'intention de s ' i n t r o -duire dans sa chambre sous forme de manteau. Mis au courant de 1'affaire, Z i z a l d i , soutenu par son pere, attend a l a porte d'entrEe les manteaux qu'un valet enfin vient dEposer. Les deux hommes s'en emparent, les insultent et les battent. Pendant ce temps, les deux galants pEnetrent dans l a chambre de ZephErine par l a porte de s o r t i e . Apres avoir bien battu et humilie\" les manteaux, l e mari cocu se prEsente triomphalement dans l a chambre de sa femme pour l a trouver en compagnie de ses amants. Caylus semble s'etre inspire\" de l a l i t t E r a t u r e populaire - 182 -du moyen age: l e theme du mari berne\" par une femme f r i v o l e et rus6e, l e ton g a i l l a r d et \"gaulois\" rappellent les Fabliaux et 126 les Cents Nouvelles Nouvelles . La presence dans l e r e c u e i l 127 du Manteau mal t a i l l e , conte tire\" d'un manuscrit de \" l a bibliotheque de r o i \" done adapts du vieux frangais, semble ap-128 puyer cette conjecture Nous avons vu que l e s contes fedriques de Caylus en-globent t r o i s courants: les contes de fees, les contes orientaux et l e s contes licencieux. Alors que dans les annees trente et quarante, les auteurs ont tendance et melanger les t r o i s genres, Caylus s u i t une ligne p u r i s t e . Ses Faeries Nouvelles sont des contes de fees du dix-septieme s i e c l e mais agr6ment\u00C2\u00A3s par un ton ironique et d\u00E2\u0082\u00ACsinvolte caractedistique chez les auteurs de l a g\u00C2\u00A3n6ration de Hamilton, Voisenon et V o l t a i r e . Caylus semble se complaire dans l e merveilleux q u ' i l defend d ' a i l l e u r s , comme nous 1'avons vu, dans l a preface de Cadichon. II n'est pas pourtant l e seul ei l'epoque et d^fendre l a f a e r i e . C r ^ b i l l o n f i l s en revendique 1 ' u t i l i t y dans l e Sopha: I l n'y a que les personnes vraiment 6clairees, au dessus des pr\u00C2\u00A3jug6s, et qui connaissent l e - 183 -vide des sciences, qui sachent combien ces sortes d'ouvrages sont u t i l e s a l a societe, et combien l'on doit d'estime, et meme de vEnEration aux gens qui ont assez de gEnie pour en f a i r e , et assez de force dans 1'esprit pour s'y devouer, malgre\" 1'idEe de f r i v o l i t e que l ' o r g u e i l ou 1'ignorance ont attached a ce genre. Les importantes legons que les contes renferment, les grands t r a i t s d'imagina-t i o n qu'on y rencontre s i frEquemment, et l e s idEes riantes dont i l s sont tou-jours remplis ne prennent r i e n sur l e vulgaire-*- 2 9. V o l t a i r e , plus tard en 1766, trouve encore un accent lyrique pour f a i r e l'eloge de l a f e d r i e . 0 l'heureux temps que c e l u i des fables, Des bons demons, des esp r i t s f a m i l i e r s , Des farfgdets, aux mortels secourables. On edoutait tous ces f a i t s , admirables Dans son chateau, pres d'un long foyer. Le pere et I'oncle, et l a mire et l a f i l l e , Et les vo i s i n s , et toute l a famille Ouvraient l ' o r e i l l e a monsieur l'aumonier, Qui leur f a i s a i t des contes de s o r c i e r s . On a banni les demons et l e s fEes, Sous l a raison les graces etouffeds L i v r e n t nos coeurs a 1 ' i n s i p i d i t e ; Le raisonner tristement s'accredite; On court, hElas! apres l a v E r i t E : Ah I croyez-moi, l'erreur a son mErite^- 3^. La fEerie o f f r a i t ii Caylus un moyen de se dElasser de ses t r a -vaux ardus. II pouvait l a i s s e r l i b r e cours ii son imagination, sans se soucier du p r o t o c o l e l i t t E r a i r e et des querelles d'au-teurs. Comme nous l'avons soulignE, Caylus, dans l e s FEeries - 184 -Nouvelles,fait preuve d'une grande f a n t a i s i e et dans ce sens, d'une certaine o r i g i n a l i t e dans son monde fedrique. Le conte de fees l u i f o u r n i s s a i t aussi un cadre commode pour exposer ses ideds morales et f a i r e l a c r i t i q u e des moeurs. S ' i l n'aborde pas systedtatiquement les problemes philosophiques, comme l e f a i t V o l t a i r e dans ses contes, i l se montre de son s i e c l e en soule-vant des problemes qui ont preoccupy ses contemporains, et q u ' i l deVeloppe dans ses essais: l e bonheur et ses conditions, l a ver-tu, les dangers de l a vie en soci\u00C2\u00A3t6, 1'amour et l ' a m i t i ^ , l ' e -ducation et l ' a r t d i f f i c i l e de gouverner. Sa complaisance dans l e merveilleux l ' a amene aussi a adapter des contes orientaux traduits par de jeunes orienta-l i s t e s . Par ses adaptations i l marque son intention de retourner aux sources de l a l i t t e r a t u r e o rientale et de se separer de l a mode des contes pseudo-orientaux ovi l e cadre arabe ou persan n'6tait plus qu'un pr^texte pour des deVeloppements satiriques, licencieux et philosophiques. On retrouve dans les Contes Orientaux certains a t t r a i t s qui ont assure l e succes des M i l l e et une n u i t s : une grande richesse d'imagination, un r 6 c i t varie\" ovi l e merveilleux cotoie l a v i e quotidienne du monde o r i e n t a l , et une peinture voluptueuse et violente de 1'amour. - 185 -S i l e s contes fEeriques de Caylus ont eu un certain succes, comme i l l'affirme lui-meme dans sa preface de Cadichon, i l s sont aujourd'hui bien oubliEs. Le lecteur moderne peut bien apprEcier l e ton desinvolte et parfois ironique des contes de fEes ou l a variEtE romanesque des con-tes orientaux, mais l e monde fEerique ou o r i e n t a l n'a plus pour l u i , ce charme exotique et cette fonction d'Evasion q u ' i l avait pour le s contemporains de Caylus. Aussi les questions morales soulevEes et les a l l u s i o n s satiriques aux moeurs de l'Epoque ont perdu leur a c t u a l i t E . Caylus conteur n'a f a i t que subir l e sort des autres auteurs fEeriques. Que r e s t e - t - i l des innombrables contes de fEes suscitEs par l e r e c u e i l de Charles Perrault? Des contes orientaux qui p u l l u l i r e n t & l a suite des M i l l e et une nuit? De tous ces e f f o r t s i l ne reste que quelques contes de Mme d'Aulnoy et de Mme Le Prince de Beaumont, pour les contes de fEes; et pour les contes orientaux, S peu pres r i e n , s i l'on exclut les contes de V o l t a i r e et de C r E b i l l o n f i l s , qui en r E a l i t E n'ont d'oriental que l e cadre. CHAPITRE IV Les nouvelles En 1742, un an apres les Faeries Nouvelles, paraxt sans nom d'auteur, Les soirees du Bois de Boulogne ou Nouvelles franchises et anglaises\"*\". E l l e s eurent leur moment de vogue et 2 furent redditees plusieurs f o i s . Quoiqu'elles soient d'un ton d i f f e r e n t de c e l u i des oeuvres plus badines, les bibliographes s'entendent pour attribuer ces nouvelles au Comte de Caylus. Ce ton est entierement serieux et on ne trouve pas l ' i r o n i e ha-b i t u e l l e du conteur badin. Le r e c u e i l est compose de six h i s t o i r e s , chacune d'elles faisant l'objet d'une soiree ovi chaque personnage ci tour de r o l e predente un r 6 c i t . Cette technique qui consiste I i reunir un groupe de personnages pour se raconter des h i s t o i r e s , a une longue t r a d i t i o n qui va de Boccace jusqu'H Robert Challes en passant par Marguerite de Navarre et Segrais. Dans l e Deca-meron et 1'Heptameron, des personnages, dans l e cadre d'un emploi - 187 -du temps fixe\" d'avance, se rEunissent chaque jour ci l a meme heure, au meme endroit, pendant dix jours, pour entendre des h i s t o i r e s . Chaque personnage prend l a parole dix f o i s . SEgrais, dans les Nouvelles francaises (1657) , u t i l i s e a\" peu pres l e meme cadre: une princesse et ses femmes se di v e r t i s s e n t en se racontant des h i s t o i r e s , chacune Etant suiv i e d'un diver-3 tissement mondain organise\" par l a na r r a t r i c e du jour. Godenne remarque que cette technique d'encadrement est encore assez rEpandue au 18e s i e c l e et qu'elle n'est souvent qu'un moyen f a -c i l e d'Etoffer un r e c u e i l . Vignancourt, dans ses Amusements de l a campagne ou l e d E f i s p i r i t u e l , nouvelle galante et comique (1724), imagine 1'expEdient suivant: une veuve et ses deux amies, pendant un sEjour force\" a l a campagne, s'amusent a composer des h i s t o r i e t t e s qu'elles envoient (sous forme de recueil) a des amis connaisseurs de P a r i s . Un cadre semblable se retrouve dans Les confidences rEciproques ou anecdotes de l a sociEtE de Madame 4 de B*** . Un groupe d'amis se rEfugie a l a campagne pour prendre un repos de six semaines. Mais voila\" que l a p e t i t e vErole Eclate dans l e s environs et que tout l e canton est mis en quarantaine. Le repos de six semaines devient un sEjour forcE de t r o i s mois. Pour tromper 1'ennui, chacun entreprend d'Ecrire une aventure personnelle pour l a l i r e ensuite a\" 1'assemblEe. A 1'intErieur - 188 -de ce cadre type, r e l i a n t des h i s t o i r e s f o r t v a r i c e s e t d i s p a -r a t e s , l e s personnages peuvent commenter l e s r e c i t s q u ' i l s v i ennent d'entendre, e t a j o u t e r des r e f l e x i o n s morales e t p h i -l o s o p h i q u e s . C'est ce que f o n t notamment l e s d e v i s a n t s de 1'Heptamgron dans l e s c o n v e r s a t i o n s q u i ont pour o b j e t de d e f i -n i r l e s m o t i f s , l e s r a i s o n s des anecdotes p u i s de t i r e r des c o n c l u s i o n s morales du r e c i t . Robert C h a l l e s , t o u t en s ' i n s p i r a n t de c e t t e t e c h n i -que d'encadrement, pousse l a recherche e s t h e t i q u e beaucoup p l u s l o i n que ses d e v a n c i e r s . L'emploi du temps n'est pas decide H l'avance comme dans l a n o u v e l l e boccacienne, e t a l a f i n du prologue, l e l e c t e u r ne s a i t pas combien d ' h i s t o i r e s i l va en-tendre e t par q u i e l l e s s e r o n t r a c o n t e d s . Les 6v6nements se d ^ r o u l e n t S p a r t i r d'une re n c o n t r e f o r t u i t e de deux amis q u i s ' i n t e r r o g e n t sur l e u r s aventures r e c i p r o q u e s , r d g l e n t des a f -f a i r e s p e r s o n n e l l e s e t r e n c o n t r e n t d'autres personnes de l e u r connaissance. A i n s i , l e s sept r e c i t s , q u i c o n s t i t u e n t l a mati&re de l'ouvrage, s'enchainent au cours des c o n v e r s a t i o n s e t des r e n c o n t r e s . Les n a r r a t e u r s sont s o i t l e s heros eux-memes des aventures q u ' i l s r a p p o r t e n t , s o i t l e s temoins de c e l l e s d'un t i e r s . Les h i s t o i r e s ne sont pas presentees comme de simples d i v e r t i s s e m e n t s mais comme des aventures r e e l l e s dont c e r t a i n e s - 189 -ne sont pas encore achevEes . Caylus ne pousse pas aussi l o i n que Challes l a tech-nique romanesque: i l se contente de f a i r e derouler sa narration a 1'intErieur du cadre r i g i d e et t r a d i t i o n n e l d'un programme de divertissement. I l innove cependant en prEsentant l e cadre dans l'optique des memoires. II remplace l e prologue habituel, ou un narrateur externe prEsente cl l a troi s i i m e personne du si n g u l i e r les personnages et l a si t u a t i o n romanesque, par une narration directe f a i t e par un membre de l a sociEtE et rapportEe a l a premiere personne du s i n g u l i e r . Ce narrateur, dont on ignore au dEbut l e nom, raconte comment a l a suite d'une blessure recue cl l a guerre, i l vient s ' E t a b l i r a Au t e u i l pour sa convalescence. I l y rencontre l e commandeur de HautprE, un v i e i l ami de son f r e r e . Avec l u i se trouve sa niece, l a comtesse de CrEmailles, inconnue du narra-teur. La conversation s'engage, on l ' i n v i t e a\" se joindre a leur p e t i t e sociEtE, composEe de t r o i s femmes et de t r o i s hom-mes. Le p o r t r a i t attachant que f a i t l a comtesse de chacun des membres, dont deux anglais, engage l e narrateur & accepter l ' o f -fre du commandeur. Sur-le-champ, on dEcide de passer l a soirEe chez l a comtesse de CrEmailles oil l e narrateur f a i t l a connais-sance des autres membres. Au cours du souper, l e commandeur de - 190 -Hautpre\" propose, pour d i v e r s i f i e r les p l a i s i r s , que chacun raconte son h i s t o i r e ou quelque aventure a laquelle i l a i t eu part. Les h i s t o i r e s , au nombre de six, s'inscrivent dans l e cadre de six rencontres chez l'un ou l'autre des convives. L'ordre dans lequel l e s h i s t o i r e s s'enchainent est laisse\" au hasard et aux circonstances du moment. L* o r i g i n a l i t y de ce cadre par rapport H c e l u i de 1'Heptamgron ou des Nouvelles Francaises reside dans l e f a i t que les h i s t o i r e s ne sont pas presentees comme de simples fables ou anecdotes mais comme des aventures r ^ e l l e s arriveds aux per-sonnages. Bien que beaucoup moins complexe, ce cadre romanes-que f a i t penser c i c e l u i des I l l u s t r e s Francaises. Comme chez Challes, les d i f f ^ r e n t s narrateurs sont des acteurs ou des t e -moins. Toutes les h i s t o i r e s , sauf l a quatriime, racontent des eVenements revolus et chacune constitue en quelque sorte de courts m^moires. Puisque l'optique g6n6rale est aussi c e l l e d'un r 6 c i t autobiographique, i l s'agit de m^moires el l ' i n t e r i e u r de m^moires, comme Manon Lescaut l ' e s t a l ' i n t e r i e u r des M^moi-res d'un homme de q u a l i t e . S i les evenements racont^s sont passes, chacun des narrateurs etant acteur, porte avec l u i toute l'^paisseur de - 191 -son passe\" e t l e s drames se t r o u v e n t v i v i f i e d par l a presence des Jbdros ou de l e u r temoin. A u s s i l a rede t i o n emotive des a u d i t e u r s e s t - e l l e \" p e r s o n n i f i e d \" p u i s q u ' i l s ' a g i t d'une aven-t u r e r e d l l e e t p e r s o n n e l l e . Par exemple, apres l a cinquieme h i s t o i r e , l a r e a c t i o n emotive e s t s i f o r t e que chacun de son cote\" r e n t r e chez l u i en s i l e n c e . Un a u t r e t r a i t q u i apparente l e s S o i r e d s du B o i s de Boulogne aux I l l u s t r e s F r a n c a i s e s , e s t 1 ' i m b r i c a t i o n d'une i n -t r i g u e dans l e r e c i t , l a q u e l l e progresse e n t r e l e s n a r r a t i o n s e t a r r i v e a sa c o n c l u s i o n a\" l a f i n des s o i r e d s . I I s ' a g i t de l ' h i s t o i r e du n a r r a t e u r p r i n c i p a l , l e comte de P r 6 m a i l i e . Au t o u t d\u00C2\u00A3but de son i n i t i a t i o n dans l a s o c i e t e d ' A u t e u i l , i l c r o i t r e c o n n a i t r e dans l a Marquise de M o n t r e l a i , M i l e de B o i s b e l l e q u ' i l a v a i t j a d i s aimed e t q u ' i l c r o i t morte. On l u i apprend q u ' e l l e a mysterieusement quitte\" son mari l e j o u r de son mariage pour s'enfermer dans un couvent. Un b i l l e t de l a marquise l u i r e V e l e q u ' e l l e e s t e f f e c t i v e m e n t M i l e de B o i s b e l l e : e l l e l e p r i e de ne pas essayer de l a v o i r en p a r t i c u l i e r pour ne pas compro-mettre sa r e p u t a t i o n e t l a d i s h o n o r e r . Mais un personnage de l a s o c i e t e , l e commandeur de Hautpre, q u i se pique de pouvoir d O p i s t e r l e s amours s e c r e t s , r i s q u e de rendre l e u r s i t u a t i o n dangereusement p r O c a i r e . Comment l e n a r r a t e u r p o u r r a - t - i l r a -- 192 -conter sa propre h i s t o i r e d'amour en presence de son amante sans t r a h i r ses sentiments, v o i l a l e d\u00C2\u00A3fi q u ' i l doit relever. Son r e c i t compose l a trame de l a quatrieme h i s t o i r e , h i s t o i r e inacheved dont certains f a i t s l u i edhappent. II n'apprendra toute l a vexite sur sa propre aventure qu'apres l a mort du mari de l a Marquise de Montrelai (mademoiselle de B o i s b e l l e ) . Et ce n'est que six mois apres l a premiere soiree q u ' i l epouse secretement l a marquise, devenue veuve, et q u ' i l i n v i t e l e grou-pe a souper chez sa femme. Le commandeur est berne\" royalement. Quand l e souper fut f i n i , je s o r t i s de l a s a l l e \u00C2\u00A3 manger et j'y reparus un instant apres en robe de chambre; j ' e t a i s dejk au milieu de tout l e monde, avant qu'on se fut apergu que j ' ^ t o i s rentr6. Chacun se p r i t a r i r e et k me demander ci qui j'en avois avec cette mascarade. Parbleu, Monsieur, d i s - j e el mon beau-pere, vous m'avez retenu a souper: je trouve votre maison f o r t bonne, et je m'y retiens ei coucher avec madame votre f i l l e . Toute l a compagnie ouvrit alors de grands yeux; c'est a e l l e k y consentir, me r^pondit l e president: mais je ne croi s pas qu'elle vous refuse, puisque vous avez dejii couche avec e l l e l a nuit derniere. Ah! perfide! me c r i a l e commandeur, tu m'as trompi: mais je me vengerai. Oui, Mesdames et mes-sieurs, vous voyez l a comtesse de Preonaille\" et en meme temps, cette meme Constance (Mile de Boisbelle) que j ' a i tant regreted, et que je croyois perdue pour toujours. C'est chez vous que l e hasard me l ' a f a i t retrou-ver et je vous demande pour ma femme, l a meme amitie que vous aviez pour l a marquise - 193 -de M o n t r o l a i . J ' a i t o u j o u r s continue a e t r e l i e avec c e t t e aimable societe\" e t ii e t r e de moment en moment p l u s charme de ma femme. Fasse l e c i e l qu'une union s i pure, s i douce e t q u i nous a coute\" t a n t de peine ii former, s o i t de longue d u r e d 6 . E t c ' e s t sur c e t t e note o p t i m i s t e e t g a i e que se termine l e r e c u e i l , pr\u00C2\u00A3sente comme des memoires sur l e s s i x s o i r e e s d'Au-t e u i l e t l e s h i s t o i r e s que l e n a r r a t e u r y a entendues. La d e r n i e r e phrase semble i n d i q u e r q u ' i l a compose ses memoires peu de temps a p r i s son mariage e t q u ' i l ne s ' a g i t pas de con-f i d e n c e s d'un v i e i l l a r d r e t i r e \" du monde, comme l e veut l a mode de 1'dpoque. On remarque que l a n a r r a t i o n a l a premiere personne dans l ' o p t i q u e des memoires, pose ti c e r t a i n s \u00C2\u00A3gards, des p r o -blemes de vraisemblance. Comment peut-on r a p p o r t e r mot pour mot l e s p a r o l e s d'un t i e r s , l e s d i a l o g u e s dont on n'a pas ete temoin, et l e contenu exact des l e t t r e s qu'on n'a pas l u e s ? Caylus semble p o u r t a n t c o n s c i e n t de ces problemes de vrais e m -bl a n c e engendres par l e p o i n t de vue n a r r a t i f . A i n s i on v o i t l e n a r r a t e u r p r i n c i p a l , s o u l i g n e r q u ' i l r a p p o r t e approximative-ment l e s propos du premier n a r r a t e u r : \" I I debuta a peu p r i s a i n s i \" . La deuxieme n a r r a t r i c e e s t une a n g l a i s e q u i s*excuse - 194 -du peu d'agr\u00C2\u00A3ment de son r\u00C2\u00A3cit H cause des d i f f i c u l t y de langue mais l e n a r r a t e u r , r a p p o r t a n t ses p a r o l e s , n'en l a i s s e parafttre aucune t r a c e . Le t r o i s i e m e n a r r a t e u r , l e Marquis de M o n t g u e i l , n'ayant r i e n d ' i n t e r e s s a n t ei d i r e sur son compte, raconte l ' h i s -t o i r e d'un ami, l'abbe de Longuerive, h i s t o i r e q u ' i l r a p p o r t e ei l a premiere personne. I I d e c l a r e a v o i r entendu r a c o n t e r l ' h i s t o i r e s i souvent q u ' i l a retenu l e s p a r o l e s memes de son ami. Mais c e t t e n a r r a t i o n au t r o i s i e m e degre pose des problemes d'ambiguite e t H p l u s i e u r s r e p r i s e s l e n a r r a t e u r de l ' h i s t o i r e d o i t p r e d i s e r que l e \" j e \" ne se r a p p o r t e pas a lui-meme mais ci son ami. \"C'est l u i encore une f o i s , mesdames, que vous a l l e z e n t e n d r e \" 8 . La quatrieme h i s t o i r e ne pose aucun probleme de t e c h -nique puisque c ' e s t l e n a r r a t e u r p r i n c i p a l , l e Comte de P r e m a i l i e , q u i f a i t l e r\u00C2\u00A3cit de ses propres aventures avec M i l e de B o i s b e l l e , predente ei t i t r e d ' a u d i t r i c e . La s i t u a t i o n romanesque permet a Caylus de f a i r e de piquantes remarques sur son propre r\u00C2\u00A3cit e t de j u s t i f i e r ironiquement l e s lieux-communs romanesques f o r -mant l a trame de c e t t e quatrieme h i s t o i r e . Peste, mon cher comte, s'6cria l e commandeur, v o i l e i ce q u i s ' a p p e l l e un beau roman. J e b r u l e de te l e v o i r achever. Comment l ' e n t e n -dez-vous, l u i r e p o n d i s - j e . J'entends q u ' i l - 195 -manque quelque chose pour sa perfection; par exemple, i l faut que quelque hasard tu retrouves ta maitresse, qu'elle ne s o i t pas morte, qu'elle a i t eu aussi des aventures. Oui, ajouta l e marquis de Montgueil, qu'elle a i t aussi e t e prise par des corsaires. Non, pas tout-al-fait, r e p r i t l e commandeur, quoique l a recon-naissance eut e t e plus touchante s i e l l e s ' e t a i t f a i t e at Tunis, ou dans quelque s e r a i l de Barbarie, 0 $ tu aurois trouve l e secret de t * i n t r o d u i r e ; mais tu dois l a retrouver b e l l e , tendre, f i d e l e , t e l l e enfin que l e mirite un paladin t e l que t o i 9 . S i par ses remarques pretees at ses personnages, Caylus c r i t i q u e les lieux-communs des romans, et les nouvelles galantes de l'epoque, i l j u s t i f i e ironiquement les eVlinements non moins romanesques de l ' h i s t o i r e q u ' i l vient de presenter. I l s se trouvent v i v i f i e s par l a presence du h\u00C2\u00A3ros a i n s i que c e l l e de 1'heroine. N'ayant r i e n a raconter sur son propre compte, l a n a r r a t r i c e de l a cinquieme soiree, \" l i t \" l ' h i s t o i r e de son mari. La comtesse t i r a un cahier de papier et d i t : quoique mon mariage s o i t l e denoue-ment de l ' h i s t o i r e que vous a l l e z entendre, j'y tiens un s i p e t i t coin, et j'y f a i s un role s i court et s i peu interessant qu'ei peine i l est question de moi. J'y viens comme ces acteurs qui tombent des nues, pour terminer 1'intrigue d'une piece d i f -f i c i l e a dOnouer. C'est done purement - 196 -l ' h i s t o i r e de mon mari, i l l ' e d r i v i t peu de mois avant sa mort, a i n s i c'est l u i que je yais l i r e et que vous a l l e z en-tendre .,. , S i l e f a i t de l i r e l ' h i s t o i r e constitue un pas vers l a c r e d i b i -l i t y romanesque, i l n'en reste pas moins que l e narrateur p r i n -c i p a l rapporte l a lecture de memoire. On v o i t que Caylus, malgre une certaine gaucherie, e t a i t t r i s conscient des problemes de p l a u s i b i l i t e et de v r a i -semblance poses par l a technique narrative. Le f a i t q u ' i l a i t c h o i s i l a narration a l a premiere personne du si n g u l i e r pour 1 *encadrement meme de ses nouvelles s'explique par l a s i t u a t i o n du roman dans l a premiere moitie du dix-huitieme s i e c l e . On avait reproche au roman d'etre \"invente\" d'etre fabuleux et de n'avoir par consequent aucune u t i l i t e morale. Dans l e dernier quart du dix-septieme s i e c l e , en meme temps que le public se degoute des romans invraisemblables de La Calprenede et des ScudOry, on v o i t naitre un gout pour les p e t i t e s h i s t o i r e s \"vraies\" empruntees ai l ' h i s t o i r e . Sur l e plan theorique on cherche a annexer l e roman a l ' h i s t o i r e ou du moins Ii y chercher ses cautions'*\"'''. En plus d'emprunter a l ' h i s t o i r e , des personna-ges, des evenements ree l s , on emprunte l a forme de l a chronique ou\" les evenements sont rapportes par un temoin interpose, dans - 197 -l'ordre meme q u ' i l s se sont produits. Pour les aventures p r i v i e s de personnages imaginaires on adopte l a forme des m^moires avec l a narration H l a premiere personne du s i n g u l i e r . Ce fut l a grande vogue des pseudo-m\u00C2\u00A3moires de Mme de V i l l e d i e u et C o u r t i l z 12 x de Sandras . Au dix-huitieme s i i c l e l a forme narrative des memoires reste encore l e choix de pr e d i l e c t i o n des auteurs comme Hamilton, PreVost, Marivaux et Lesage. Cette technique de l a premiere personne e t a b l i t entre l a narration et l e f a i t une sorte d'intimity qui confere a l ' h i s t o i r e un caractere d'authen-t i c i t y . C'est done sans doute par souci de donner ei ses nou-v e l l e s plus de p l a u s i b i l i t y et d'authenticity que Caylus a adopty l a technique de l a premiere personne pour l e cadre meme de son recu e i l ^ \" 3 . On observe l e meme souci de p l a u s i b i l i t y dans l a des-c r i p t i o n du cadre: l e narrateur s'attarde ei nous reprysenter l e milieu d'Auteuil, les circonstances qui l'ont ameny c i s'y eta-b l i r . Le passage suivant montrera comment en notant des d y t a i l s , de p e t i t s f a i t s \" v r a i s \" sur l e l i e u , l e temps, l ' y t a t physique et psychique de son personnage, Caylus crye 1'impression q u ' i l s'agit d'un r y c i t authentique. On est l o i n du dycor fabuleux du roman heroique: i l s'agit b e i et bien d'une rygion gyogra-phique precise et r y e l l e que les contemporains de Caylus con-- 198 -n a i s s a i e n t p a r f a i t e m e n t : Des que j e fus a r r i v e a P a r i s , j ' a p p e l l a i l e medecin & l a mode; i l v i n t tous l e s j o u r s me d e b i t e r ses p e t i t s mots, son j o l i v e r b i a g e , ses phrases epigrammatiques; mais i l ne connut jamais r i e n a\" ma maladie, q u i dura presque t o u t l ' h i v e r . J e ne commencai ii r e v i v r e qu'ii l a f i n de f e V r i e r : l a f i e v r e l a c h a absolument p r i s e , l ' a p p e t i t me r e v i n t ; i l ne me r e s t o i t au mois d ' a v r i l qu'un peu de p a l e u r e t de f a i b l e s s e . Pour achever de f a i r e reprendre ii ma sante son veloute, ( l e terme e s t de mon m4decin, i l ne m'a pas echappe) j e r\u00C2\u00A3solus d ' a l l e r passer l e mois de mai ii A u t e u i l , que l a s i t u a t i o n e t l e v o i s i n a g e du B o i s de Boulogne d o i v e n t f a i r e a p p e l e r l e r o i des v i l l a g e s . J'y f i s l o u e r un p e t i t appartement q u i e t a i t t r e s agrea-b l e pour l a vue, e t q u i m'auroit ete f o r t commode, s i j e n'avois ete oblige d ' a v o i r pour mon carosse une remise assez eioignee. Apres c e t t e longue d e s c r i p t i o n de sa convalescence, l e n a r r a t e u r evoque l a v i e mondaine e t eiegante du B o i s de Boulogne, A u t e u i l e t a i t c e t t e annee-lti assez b r i l l a n t ; l a b e l l e s a i s o n y a v o i t a t t i r e une quantite p r o d i g i e u s e de t o u t e s s o r t e s de monde; mais Ii t r a v e r s l e s beautes Ii l a mode, e t l e s pe-t i t s menages galans q u i y f o u r m i l l o i e n t , on p o u v o i t y t r o u v e r bonne compagnie. ses occupations q u o t i d i e n n e s , J ' y p a s s a i s l e s s i x premiers j o u r s dans une s o l i t u d e e n t i e r e . Des sept heures du matin, mon c a r o s s e v e n o i t me prendre; j ' a l l a i s me promener au pas, ou dans l e B o i s de Boulogne, ou dans l e s e n v i r o n s . Un l i v r e m'y t e n o i t l i e u de t o u t e compagnie; quand l e s o l e i l se f a i s a i t un peu t r o p s e n t i r , j e r e v e n o i s chez - 199 -moi c o n t i n u e r ma l e c t u r e , pour recommencer ma promenade l e s o i r . e t e n f i n l e s c i r c o n s t a n c e s de sa l i a i s o n avec l a s o c i ^ t e d ' A u t e u i l : Le septieme j o u r , l e peu de sommeil dont j ' a v o i s ete f a v o r i s e pendant l a n u i t , a v o i t ete interrompu & p l u s i e u r s r e p r i s e s par des idees t r i s t e s q u i m'avoient chasse du l i t dds l e l e v e r de l ' a u r o r e : j ' a t t e n d o i s ei ma f e n e t r e , avec je ne s a i s q u e l l e impa-t i e n c e , que mon equipage a r r i v a t : e n f i n j e l e v i s v e n i r : mais comme i l me p a rut r e m p l i de dames, e t q u ' i l y a v o i t d e r r i e r e deux l a -q u a i s q u i n ' e t o i e n t l e s miens, j e ne l e reconnus p o i n t , e t j e ne reconnus pas davan-tage mon cocher q u i l e menoit. I I a r r e t e cependant ei ma p o r t e , e t j e v i s b i e n t o t e n t r e r dans mon appartement l e v i e u x com-mandant de Hautpre e t l a b e l l e comtesse de C r e m a i l l e s , sa n i e c e ^ . On peut juger que ce t a b l e a u e s t assez p r e c i s : en notant des de-t a i l s apparemment i n s i g n i f i a n t s q u i r a l e n t i s s e n t l e r e c i t , Caylus r e u s s i t a donner c i son personnage une c e r t a i n e r e a l i t e physique, s o c i a l e e t p s y c h o l o g i q u e . Caylus ne f a i t en c e l a que s u i v r e une tendance chez l e s romanciers de rapprocher l e cadre romanes-que au m i l i e u contemporain^\" 5. Les I l l u s t r e s F r a n c a i s e s de C h a l l e s e t a i e n t ei c e t egard un modele. On a remarque a u s s i une c e r t a i n e p r e c i s i o n dans 1'ela-b o r a t i o n de l a duree romanesque a 1 ' i n t e r i e u r du cadre: on peut s u i v r e temporellement l e s a c t i o n s du n a r r a t e u r a p a r t i r de l ' a r -- 200 -r i v \u00C2\u00A3 e du commandeur de Hautpre e t de sa n i e c e . Les passages d'une scene a 1'autre sont indiqued par des phrases de t r a n s i t i o n ; q u i l a i s s e n t d e v i n e r l e temps ecoul\u00C2\u00A3: \" M i l l e r e f l e x i o n s que nous fimes tous l e s t r o i s sur c e t t e aventure nous c o n d u i -s i r e n t jusqu'& l'heure du d i n e r : nous regagnaraes l a maison de 16 l a comtesse\" . Chez l a comtesse de C r e m a i l l e s , l a s o i r e e se dero u l e par etapes que l e n a r r a t e u r a s o i n de d e l i m i t e r dans l e temps: apres 1 'eVanouissement de l a Marquise de M o n t r o l a i el l a vue du n a r r a t e u r q u ' e l l e c r o y a i t mort, on passe dans l a s a l l e a manger, \"ou une demi-heure apres, l a comtesse e t m i l a d i v i n -17 r e n t nous d i r e q u ' e l l e e t a i t revenue de son evanouissement\" E n s u i t e on se met 3. t a b l e mais 1'accident assombrit 1'atmosphere du repas. T r o u b l e , l e n a r r a t e u r se r e t i r e dans l e j a r d i n mais r e v i e n t pour t r o u v e r l a compagnie en t r a i n de j o u e r . S u i t e n s u i t e une promenade, un souper g a i dans l a chambre de l a Mar-q u i s e e t e n f i n l a r e t r a i t e . Le f a i t de s ' a t t a r d e r s i longuement sur l e cadre romanesque des n o u v e l l e s a pour e f f e t de cr&ex un c l i m a t de r e a l i t e q u i p r e d i s p o s e l e l e c t e u r a r e c e v o i r l e s h i s t o i r e s que vont r a c o n t e r l e s personnages. Grace EI ces n o t a t i o n s d e t a i n e e s , Caylus rOussit a\" evoquer 1'atmosphere eiegante e t enjouee d'une p e t i t e s o c i e t e mondaine de l'epoque: l e s longs repas, l e j e u , - 201 -l e s promenades e t l e s c o n v e r s a t i o n s l e g e r e s e t mondaines. V o i c i comment l e n a r r a t e u r d e e r i t l e s d i v e r t i s s e m e n t s d'un a p r l s - m i d i : Le lendemain, j e me r e n d i s l e premier chez m i l a d i ; l e marquis y a r r i v a presque a u s s i -t o t que moi; l a comtesse e t l a marquise l e s u i v i r e n t de b i e n pres, m i l o r d e t l e com-mandeur ne se f i r e n t pas a t t e n d r e . Quand l e s dames eurent acheve de se p l a i n d r e de n ' a v o i r p o i n t dormi, e t que cependant e l l e s se f u r e n t complimentees r\u00C2\u00A3ciproquement sur l a fraxcheur de l e u r t e i n t , on e p u i s a l e s n o u v e l l e s p u b l i q u e s ; e t comme i l r e s t a i t encore un peu de temps avant que 1'on s e r -v x t , j e p r o p o s a l a l a compagnie de f a i r e l e c t u r e d'une f a b l e assez j o l i e que j e veno i s de r e c e v o i r de P a r i s ; t o u t l e monde pa r u t c u r i e u x de 1'entendre e t j e l u s : . . . . Chacun l o u a 1 * ingedieuse j u s t e s s e de c e t t e a l l e g o r i e . On v i n t a v e r t i r que l ' o n a v o i t s e r v i . On joua en s o r t a n t de t a b l e , e t l e jeu f i n i , nous partimes pour l a promenade-*-8. I I f a u t n o t e r en passant que l e c a r a c t e r e p a r t i c u l i e r de chaque personnage ne r e s s o r t pas des commentaires du n a r r a t e u r sur l a society d ' A u t e u i l . On s a i t que l e s personnages forment une agr\u00C2\u00A3able compagnie mais on ignore en gros, l e temperament i n d i -v i d u e l de chacun. Une e x c e p t i o n e s t p e u t - e t r e l e commandeur de Hautpre dont l e c a r a c t e r e l i b e r t i n , i n t r i g a n t , e t cynique, prend un r e l i e f immediat. Les a u t r e s personnages de l a so-ciete se r e v e i e r o n t par l e u r n a r r a t i o n . Pour ceux q u i ne - 202 -r a c o n t e n t pas l e u r propre h i s t o i r e , i l s sont condamned a r e s -t e r dans 1'ombre, comme par exemple l e marquis de Montg u e i l (3eme h i s t o i r e ) . S i on examine maintenant l e s h i s t o i r e s elles-memes, ce q u i frappe d'abord c ' e s t q u ' e l l e s sont t o u t e s narrees s&~ rieusement sans l a d e s i n v o l t u r e q u i c a r a c t e r i s e l e s contes de fees e t l e s f a c ^ t i e s . B ien q u ' e l l e s a i e n t t o u t e s pour s u j e t une aventure d'amour, Caylus a su depasser l a fade g a l a n t e r i e pour c r e d r des r\u00C2\u00A3cits q u i ne manquent pas d ' i n t ^ r e t romanesque. Caylus a su e v i t e r l e s d\u00C2\u00A3fauts des n o u v e l l e s g a l a n t e s de l ' e p o -que, t y p i f i e d s par l e s Cents n o u v e l l e s n o u v e l l e s de Mme de Gomez: personnages a r i s t o c r a t i q u e s fades e t t e r n e s , a c t i o n e x t r e -mement romanesque avec E v a s i o n s , enlevements e t d^guisements, 19 enfxn technique i n medias r e s . La d e f i n i t i o n de l a n o u v e l l e que donne l e Marquis d'Argens correspond St peu pr\u00C2\u00A3s aux r e c i t s que Caylus nomme \" n o u v e l l e s \" : Le mot n o u v e l l e s i g n i f i e en not r e langue l e r e c i t ingedieux d'une aventure agreable e t i n t r i g u e e dont l e fond o r d i n a i r e e s t un amour t r a v e r s e par des acci d e n s imprevus, - 203 -q u i e x c i t e n t e t e n t r e t i e n n e n t l a curie-site\" du l e c t e u r jusqu'au denouement 2^. Ce but d ' e n t r e t e n i r l ' i n t e r e t du l e c t e u r , Caylus semble a v o i r v o ulu l e r i a l i s e r par l a v a r i e t e des s i t u a t i o n s e t des aventures. La premiere s o i r e e e s t consacred it l ' h i s t o i r e du com-mandeur de HautprO, personnage t a q u i n , e s p i e g l e e t l i b e r t i n que sa n i e c e c r o i t peu propre au grand amour. Vous, mon o n c l e , une b e l l e p a s s i o n ! Ecoutons pour l a r a r e t e du f a i t ; vous vous en etes b i e n c o r r i g e . Mais l e commandeur se defend: I l e s t v r a i , ma n i e c e , mais e l l e m'est p a r -donnable; j e n'avois pas v i n g t ans; j ' e t o i s cependant mousquetaire e t j e m'appelois pour l o r s l e C h a v a l i e r de V i l l e m o n d e . J e vous assure done que ce que vous a l l e z en-tendre ne s e r a r i e n moins que l i b e r t i n . Comme vous ne m'avez connu que depuis v o t r e mariage, e t que vous avez entendu p a r l e r beau-coup de mes extravagances, vous ne d e v i n e r i e z pas que j ' a i e t e a u t r e f o i s un des p l u s grands martyrs d'amour. Vous en etes convaincue? 2-*-. Les p a r o l e s du commandeur d e c e l e n t un g r a i n d ' i r o n i e car ses aventures ne c o r r o b o r e n t pas ses a s s e r t i o n s . A l a recherche d'une aventure e x t r a o r d i n a i r e comme c e l l e des romans, i l se f a i t e n l e v e r mysterieusement par une femme q u i l e prend pour un a u t r e . I I e s t r e l a c h e sans c o n n a i t r e l ' i d e n t i t e de sa r a v i s -- 204 -seuse. Pendant ses va i n e s recherches pour t r o u v e r c e t t e femme myst^rieuse, i l s'eprend d'une veuve q u i , b i e n qu'amoureuse de l u i , r e f u s e de l ' e p o u s e r . I l apprend par l a s u i t e q u ' e l l e e s t l a femme m y s t i r i e u s e q u i s ' ^ t a i t donn\u00C2\u00A3e si l u i dans l e c a b i n e t obscuri. E l l e r e f u s e l e mariage parce qu'ayant 6t\u00C2\u00A3 dishonored par un imposteur q u i l ' a lachement abandonned apres l u i a v o i r f a i t un enfant, e l l e se c r o i t i n d i g n e de l u i . E l l e se r e f u g i e dans un couvent oil e l l e meurt de c h a g r i n quelques annees a p r e s . V a r i a n t l e cadre, Caylus nous amene dans l a deuxiime h i s t o i r e , en Ecosse, pour nous r a c o n t e r l e s i n f o r t u n e s d'un baron q u i , devenu maussade e t s o l i t a i r e apres l a mort de sa premiere femme, d e v i e n t j a l o u x e t tyran n i q u e dans son second mariage e t provoque a i n s i l e malheur de tou t e l a f a m i l l e . I I meurt de c h a g r i n , l a i s s a n t m i l a d i R o c k f i e l d , sa jeune femme, preVenue c o n t r e l e mariage. La t r o i s i e m e h i s t o i r e a pour hedos l'abbe\" de Longue-r i v e q u i , ei l a s u i t e de deux amours malheureux se terminant par l a mort des jeunes f i l l e s , se r e f u g i e dans 1'etude pour demeu-r e r a l ' a b r i des pas s i o n s e t des tumultes de l a v i e g a l a n t e e t mondaine. C e t t e a t t i t u d e dedached l u i vaut l e nom de p h i l o s o p h e . Le quatrieme r e d i t e s t c e l u i du n a r r a t e u r p r i n c i p a l , - 205 -l e comte de Premaill\u00C2\u00A3. C'est l ' h i s t o i r e l a plus romanesque du re c u e i l , l a q u e l l e , comme nous l'avons soulign\u00C2\u00A3, f a i t l'objet de remarques ironiques de l a part du commandeur. L*intrigue, des plus conventionnelles, se r\u00C2\u00A3duit H peu pres comme s u i t : un jeune l i b e r t i n devient amoureux d'une jeune f i l l e . Le ma-riage est fixe mais l e pere r e t i r e soudainement son consente-ment et cache sa f i l l e dans un couvent. L'amant blesse l e p i r e dans un duel et doit s ' e x i l e r . Un an apres i l apprend que son amante est morte de p e t i t e vOrole. D\u00C2\u00A3sesp\u00C2\u00A3ry, i l s'embarque pour f a i r e l a chasse aux pi r a t e s : i l est f a i t prisonnier et i l est amene a Tunis comme esclave. La fausse nouvelle de sa mort se repand en France. I l f i n i t par se l i b e r e r , retrouve son regiment en I t a l i e , f a i t l a guerre et regoit une blessure et enfin s ' i n s t a l l e ii A u t e u i l . Ce r\u00C2\u00A3cit r e t r o s p e c t i f , trouve sa conclusion S Aut e u i l meme, parce que 1'heroine v i t encore dans un des personnages de l a soci\u00C2\u00A3t6, l a Marquise de Montrolai. L'amant apprend de l a bouche de son amante, que l e pi r e avait reVoque son consentement ii cause d'une l e t t r e anonyme. C'est l a seule h i s t o i r e qui se termine \"bien\" par l e bonheur des amoureux. La cinquieme h i s t o i r e , par l e theme des vocations forceds, rappelle l a Religieuse de Diderot. Une mere insensible - 206 -se dedarrasse de son f i l s e t de sa f i l l e en l e s enfermant dans des i n s t i t u t i o n s r e l i g i e u s e s . Par un h a s a r d i n o u i l e s deux enfants se r e n c o n t r e n t , e t tombent amoureux l'un de 1*autre sans s a v o i r q u ' i l s sont f r i r e e t soeur. S ' i l s d o i v e n t renoncer ci l e u r amour incestueux, i l s ne p a r v i e n n e n t pas pour autant i i s ' o u b l i e r . La d e r n i l r e s o i r e d , e s t consacred au r e d i t de M i l o r d Wyngton: c ' e s t l ' h i s t o i r e d'un amour f a t a l e t t o t a l d'une jeune a n g l a i s e q u i q u i t t e sa f a m i l l e pour \u00C2\u00A3pouser un i n g r a t de basse n a i s s a n c e q u i l a mene H l a r u i n e . Le n a r r a t e u r , M i l o r d Wyngton, voue i i 1 'heroine un amour non p a r t a g e . L' i n t r i g u e se denoue tragiquement: l e mari e s t condamne aux g a l i r e s pour ses crimes, l a femme se poignarde de d e s e s p o i r et l e n a r r a t e u r se v o i t p r i -v6 de l a s e u l e femme q u ' i l a i t jamais aimed. Ce q u i peut p a r a i t r e surprenant, chez un auteur b a d i n , c ' e s t que l e s h i s t o i r e s ont pour s u j e t des aventures d'amour t r a g i q u e . Nous avons vu que dans ses contes e t ses comedies Caylus s ' i n t e d e s s e peu a 1'amour: quand i l ne s'amuse pas i i en p a r o d i e r l e s c l i c h e d romanesques, i l s'en t i e n t au s t r i c t e c o n v e n t i o n n e l . Dans l e s s i x n o u v e l l e s , 1'amour e s t au c o n t r a i r e l a grande a f f a i r e des personnages e t occupe un r o l e de premier - 2 0 7 -p l a n . Caylus, dans sa p e i n t u r e de l a pass i o n , emprunte l a r g e -ment a l a t r a d i t i o n h i r o i q u e e t p r e d i e u s e : 1'amour q u i n a i t de lui-meme, d'un simple regard, en dehors du concours de l a vo-l o n t e ; l a femme dou\u00C2\u00A3e de toutes l e s q u a l i t i s morales physiques et s o c i a l e s ; l e s o b s t a c l e s surmontes pour r e t r o u v e r I ' o b j e t aim\u00C2\u00A3; l e de s e s p o i r devant 1'absence de l a bien-aimSe, autant de l i e u x communs romanesques que l'o n r e t r o u v e dans l e s S o i r e e s du B o i s de Boulogne. Tous l e s personnages, en p a r l a n t de l e u r bien-aimed, p o u r r a i e n t d i r e avec l e comte de Pr\u00C2\u00A3maill\u00C2\u00A3 \"Je l a 22 v i s , j e l ' a d o r a i et j e n ' a i jamais adore q u ' e l l e \" Comme chez l a p l u p a r t des i c r i v a i n s de son temps, 1'amour chez Caylus garde une f i l i a t i o n e t r o i t e avec l a v e r t u : e l l e p r e d i s p o s e ei 1* amour v r a i comme 1'amour prouve l a v e r t u parce que, s e l o n l a l o g i q u e de l'epoque, c e l u i q u i e s t capable 23 d'une grande p a s s i o n a forciment une ame pure et \"neuve\" L'engagement amoureux provoque une e l e v a t i o n de l'ame e t un enrichissement du coeur q u i transforment 1'amour en un progres moral. A i n s i on v o i t un l i b e r t i n comme l e commandeur de Hautpre\" ( l i r e h i s t o i r e ) transform^ par 1'amour, deve n i r un amant f i d e l e . De meme, l e comte de Premaill\u00C2\u00A3, apr\u00C2\u00A3s s ' e t r e donn\u00C2\u00A3 a corps p e r -du dans l e s p l a i s i r s , d e v i e n t l e p l u s chaste e t l e plus cons-t a n t des amants. Caylus, comme d ' a i l l e u r s Duclos e t C r i b i l l o n 2 ^ - 208 -a developpe ce theme de l a r e h a b i l i t a t i o n par 1'amour dans un roman i n e d i t , Memoires du comte de *** par lui-meme. En ce q u i concerne l e s r a p p o r t s de 1'amour-vertu avec l e s exigences de l a nature, Caylus ne s'edarte guere des conven-t i o n s : avant l e mariage l a v e r t u pour 1*amante e s t de r e s i s t e r aux d e s i r s de 1*amant. Le comte de PrOm a i l l e remarque, qu'Ar-mande, contrairement aux f i l l e s q u ' i l a v a i t connues, r e g o i t ses empressements et ses d e c l a r a t i o n s avec beaucoup de r e s e r v e sans l u i e n l e v e r t o u t e f o i s l ' e s p o i r d'une p l u s grande d i s p o n i b i l i t e . S ' i l d e c l a r e \" l a v i o l e n c e \" de sa pa s s i o n , i l ne songe aucunement a o b t e n i r ses faveurs avant l e mariage. De meme, l'abbe\" de Longuerive, a d o l e s c e n t , demeure chaste avec E m i l i e mais perd son pucelage avec une duegne. I l n'a pas cependant 1'impression d'a v o i r ete i n f i d e l e . C'est q u ' i l f a i t , comme Manon Lescaut, une d i s t i n c t i o n e ntre fid\u00C2\u00A3lite du coeur e t c e l l e du c o r p s . Com-me s ' i l a v a i t perdu 1 ' i l l u s i o n d'un amour chaste, on remarque que son deuxieme amour e s t plus sexuel e t qu'Adelaide d e v i e n t sa m a i t r e s s e , et peu de temps apres g r o s s e . Ce comportement choque l a bonne conscience de l a s o c i e t e e t l e s amants sont cha-2 5 t i e s . L'abbe\" de Longuerive decourage\" par ses i n f o r t u n e s amou-reuses, renonce a l a p a s s i o n pour devenir philosophe d i l e t t a n t e . S i dans l'imm6diat 1'amour e s t source d'un grand bonheur, vu de - 209 -l o i n i l a p p a r a i t comme une chimere, une c o n s t r u c t i o n de 1 ' e s p r i t , q u i d i v i s e l'homme con t r e lui-meme e t l e met en p r o i e a l ' a n -g o i s s e , a 1'inquietude e t H l a s o u f f r a n c e . L'homme sage, apres a v o i r connu l e feu de l a p a s s i o n , se consacre a e l a b o r e r un bonheur plus t r a n q u i l l e : amiti\u00C2\u00A3, etude et a c t i v i t e s mondaines. T e l l e semble e t r e l a morale i l l u s t r e e par l a v i e de l'abbe de Longuerive. C'est a u s s i l a sagesse q u ' i l l u s t r e n t l e s membres de l a s o c i i t i d ' A u t e u i l : a p r i s a v o i r s u b i l e s malheurs e t l e s j o i e s de l a p a s s i o n , tous sont contents de pouvoir regarder 1'amour de l o i n e t de savourer l e s d e l i c e s de l ' a m i t i e e t de l a t r a n q u i l l i t e . Caylus a i l l u s t r e \" ce theme de l a \" r e t r a i t e \" dans 26 . , une comedie, La Comidie Bourgeoise . On a vu a u s s i que l e s sages fees a v a i e n t 1 ' a l l u r e de femmes r e t i r e e s du monde. S i l e s personnages des S o i r e e s du B o i s de Boulogne r e s t e n t sous b i e n des aspects des amants co n v e n t i o n n e l s , i l l u s -t r a n t une conception de 1'amour commune \u00C2\u00A3 l'epoque, quelques-uns se d i s t i n g u e n t neanmoins l e s uns des a u t r e s par l e u r tempe-rament e t l a p a r t i c u l a r i t y de l e u r s e x p e r i e n c e s . L a marquise de l a Charmaie (premiere h i s t o i r e ) r e f u s e 1'amour du commandeur parce q u ' e l l e s'en c r o i t i n d i g n e : e l l e meurt en ex p i a n t sa v e r t u d\u00C2\u00A3chue. Le f a i t q u ' e l l e s ' e s t d'abord donnee a 1'Stranger q u ' e l l e a a t t i r e par meprise dans son c a b i n e t s'explique par - 210 -ses d i s p o s i t i o n s a f f e c t i v e s du moment e t non par un penchant au l i b e r t i n a g e . Le commandeur, v o u l a n t l ' a p a i s e r e t l a c o n s o l e r , a p r o f i t e de son e t a t d ' a g i t a t i o n et de d e d a r r o i e t p e u t - e t r e a u s s i d'un d e s i r i n c o n s c i e n t de vengeance chez e l l e . C e t t e femme energique, v i o l e n t e e t s e n s u e l l e tranche nettement avec l e s amantes fades et sentimentales de son t h e a t r e e t de ses contes. L ' o b s t a c l e a son bonheur et ci. son amour ne v i e n t pas de f a c t e u r s e x t e r i e u r s mais b e i e t b i e n de sa propre v o l o n t e e t plus p a r t i c u l i e r e m e n t de ses p r i n c i p e s i n t r a n s i g e a n t s en ce q u i concerne 1'honneur e t l a v e r t u . De meme 1'amour malheureux de M i l o r d Wyngton, l e n a r r a t e u r de l a sixieme h i s t o i r e n'est du qu'a son i n c a p a c i t y de triompher de son r i v a l e t de se f a i r e aimer. La f i g u r e l a p l u s o r i g i n a l e r e s t e cependant Dorothy de l a d e r n i e r e h i s t o i r e . Caylus a p e i n t en e l l e un amour-passion a u s s i f a t a l e t pat h e t i q u e que c e l u i de Des Grieux pour Manon. L ' h i s t o i r e d ' a i l l e u r s par l e theme de l a f a t a l i t e de l a pa s s i o n f a i t penser au roman de Pr e v o t . Dorothy aime malgre\" e l l e un homme indig n e e t pour l u i e l l e abandonne sa f a m i l l e (causant a i n s i l a mort de son pere) e t se red i g n e a v i v r e dans l a misere. Comme Des Grieux, e l l e r e s t e l u c i d e dans sa p a s s i o n c o n t r e l a -q u e l l e sa r a i s o n ne peut r i e n . V o i c i comment e l l e p a r l e de son amour ei M i l o r d : - 211 -J'aime Barthelemy Broom, un jeune a n g l a i s que mon pere a renvoye depuis h u i t mois en A n g l e t e r r e . I I abhore tous l e s parens de mon amant, et i l 1'abhore en p a r t i c u -l i e r p l u s que toute l a f a m i l l e ensemble. Je vous d i r a i p l u s , Broom n'a n i v o t r e naissance, n i v o t r e f o r t u n e , n i v o t r e me-r i t e , n i aucune de vos bonnes q u a l i t e d ; p e u t - e t r e meme q u ' i l n'en a que de mau-v a i s e s e t q u ' i l e s t i m p o s s i b l e que je ne s o i s pas malheureuse avec l u i mais j e l'aime e t j e ne veux e t r e qu'ii l u i 2 7 . E l l e menace de se donner l a mort s i M i l o r d r e f u s e de s e r v i r son amour pour Broom. \"Tu me v e r r a s me p e r c e r a t e s yeux, e t t'accuser en e x p i r a n t e t ton funeste amour, d'etre cause de ma 28 mort\" . E l l e f a i t preuve d'un devouement sans borne pour sau-ver son mari i n g r a t e t quand e l l e v o i t que ses e f f o r t s s'averent v a i n s , e l l e c h o i s i t de se donner l a mort. Quant a M i l o r d , i l r e s t e impuissant e t desarme devant l a p a s s i o n v i o l e n t e de Do-r o t h y . Face aux larmes, aux s o u p i r s , aux p l a i n t e s , aux p r i e r e s et aux menaces, amant genereux e t constant, i l ne peut que c\u00C2\u00A3der aux v o l o n t e s de son amoureuse: a l a f i n , i l se v o i t r e d u i t a devenir 1'instrument de l a degradation de c e l l e q u ' i l aime. Pour e l l e i l i r a jusqu'a t r a h i r son b i e n f a i t e u r , l e pere de Dorothy. Caylus a t r a d u i t l e s Amotions profondes de son h6ros en l e montrant en p r o i e ii une s o r t e de reve d e l i r a n t ou i l devine l e s malheurs it v e n i r : - 212 -Je cms l a v o i r mourante, entendre ses reproches, je voyois son bras leve pour se frapper, et je me sentois perce du meme coup. La jalousie me l a represen-t o i t ensuite avec des t r a i t s aussi v i f s , qui s'61oignoit de moi, qui couroit apres mon r i v a l , e l l e exposoit a mes yeux le disespoir du gouverneur; e l l e me f a i s o i t entendre ses reproches, ceux meme de Dorothy. Je l'entendois accuser ma lache condescendance d'etre cause de tous les maux qu'elle iprouvoit avec Broom. Je p r i s en meme-tems toutes les resolutions les plus opposees qui se presenterent k mon es p r i t , et je n'en pr i s aucune 2^. Le meme realisme psychologique se dessine dans l a figure pathe-tique du pere, qui, victime d'une fausse f i e r t i , refuse de pardonner a sa f i l l e et qui meurt de douleur en se croyant res-ponsable de sa mort. S i Caylus, comme C h a l l e s , s ' e f f o r c e d ' i n d i v i d u a l i s e r ses amants par l e u r temperament, i l s ' a t t a r d e par con t r e t r e s peu ^ pei n d r e l e u r s c a r a c t e r i s t i q u e s physiques. Les personnages p r i n c i p a u x sont tous beaux et b i e n f a i t s . Le n a r r a t e u r , cons-c i e n t des conventions usees, d e c l a r e v o u l o i r i p a r g n e r au l e c -t e u r de f a s t i d i e u x p o r t r a i t s . Une exce p t i o n e s t l a physionomie o r i g i n a l e de l'abbe\" de Longuerive que l e n a r r a t e u r d e c r i t de l a fagon s u i v a n t e : \"Le gros homme r e p r i t un h a b i t brun r e l e v e d'un simple bouton d'or et i l c o u v r i t sa t e t e d'une p e t i t e - 213 -perruque q u i l u i r e n d i t l e v i s a g e comme une lune\" S i Caylus d e d r i t peu l e physique de ses personnages, i l a s o i n de l e s camper dans un m i l i e u c o n c r e t que l e l e c t e u r contemporain p o u v a i t f a c i l e m e n t r e c o n n a i t r e . C e l a donne cl ses personnages une c e r t a i n e r e a l i t y e t veditO. Mais en c e l a Caylus, comme nous l'avons s o u l i g n e , ne f a i t que s u i v r e 1'exem-p l e de ses contemporains. Caylus ne va pas a u s s i l o i n que C h a l l e s dans l e r e a l i s m e geographique, mais i l donne nednmoins (sauf dans l e s n o u v e l l e s a n g l a i s e s ) des i n d i c a t i o n s p r e c i s e s sur l e q u a r t i e r , l a rue e t l a piede ou se t r o u v e n t l e s person-nages. C'est t o u t p a r t i c u l i e r e m e n t l e cas pour l e s h i s t o i r e s dont l e cadre e s t P a r i s . V o i c i l e commandeur de Hautpre\" avec un ami dans un b a l bourgeois du M a r a i s : Nous fimes l e s aimables vainqueurs; nous y lutinames quelques beauted du marais. Mon ami s'arrangea b i e n t o t d'une p e t i t e p e r -sonne q u ' i l ne v o u l u t p o i n t perdre de vue; e t moi, que dans l e s d i s p o s i t i o n s oii j ' e d o i s , r i e n n ' i n t e r e s s o i t de tou t e c e t t e assembled, j e s o r t i s pour a l l e r me rep o s e r ; i l e d o i t un peu p l u s d'une heure apres m i n u i t . Au c o i n d'une p e t i t e rue, q u i a b o u t i t dans c e l l e de S a i n t - L o u i s au marais, j e fus s a i s i par t r o i s grands d r o l e s , l e p i s t o l e t a l a main. Vous etes mort, me d i s e n t - i l s , s i vous so u f -f l e z ; i l s s'emparerent en meme temps de mon \u00C2\u00A3pee, me banderent l e s yeux; i l s me mirent l'eped de b a i l l o n dans l a bouche, e t me p o r -t e r e n t dans un f i a c r e q u i e t o i t si deux pas; - 214 -i l y monterent avec moi, e t l e ca r o s s e s ' e n f u i t comme l e v e n t 3 1 . C e t t e s e i n e , grace aux p r e c i s i o n s m a t e r i e l l e s e t aux verbes de mouvement, c o n s t i t u e un t a b l e a u t r e s evocateur d'un e n l e v e -ment. Non moins e v o c a t r i c e e s t l a scene oil l e commandeur, enferme\" dans un c a b i n e t obscur, l i v r e a ses r e v e r i e s romanes-ques, v o i t e n f i n a p p a r a i t r e son bourreau: Un l e g e r b r u i t que j ' e n t e n d i s a l o r s i n -t e r r o m p i t mes r e v e r i e s . Le d i r a i - j e ? ma f r a y e u r r e v i n t , j'en e t o i s g l a c e , e t ce n ' e t o i t p o i n t sans s u j e t . Une po r t e , a u t r e que c e l l e par l a q u e l l e j ' e t o i s e n t r e , s ' o u v r i t t o u t ei coup e t se referma a u s s i - t o t ; j'en v i s s o r t i r une grande personne mais q u i me p a r u t d'une t a i l l e g igantesque. E l l e n ' e t o i t couverte que d'un simple jupon e t d'un p e t i t c o r s e t t r e s negligement a t t a c h e . P e r f i d e , me d i t - e l l e en se p r e c i p i t a n t sur moi comme une f u r i e , un po i g n a r d ei l a main, i l f a u t que t u p e r i s s e s ; v o i l a ce que te r e s e r v o i t mon amour o u t r a g e 3 2 . Dans d'autres scenes, Caylus nous f a i t v o i r d i v e r s e s manifes-t a t i o n s de l a v i e p a r i s i e n n e . V o i c i d'abord une reu n i o n s e -c r e t e de j a n s e n i s t e s , observee i c i par l e v a l e t du commandeur: I l me r a p p o r t a , en r e n t r a n t l e matin, que sur l e s onze heures e t demie du s o i r , i l a v o i t vu c i n q ou s i x hommes vetus, a ce q u i l u i sembloit, de n o i r , q u i s ' e t o i e n t c o u i e s l ' u n apres 1'autre e t de moment en - 215 -moment par l a p e t i t e p o r t e dont chacun d'eux a v o i t l a c l e f , e t q u ' i l s a v o i e n t al mesure refermee sur eux; que ces gens s ' e t o i e n t r e t i r e d e n t r e t r o i s e t quatr e heures apres m i n u i t , sans b r u i t e t l'un apres 1'autre; q u ' i l l e s a v o i t s u i v i s de l o i n , q u ' i l l e s a v o i t vus se r e j o i n d r e tous au bout de quelques rues dans un en-d r o i t f o r t s o l i t a i r e , e t q u ' i l l e u r a v o i t entendu prononcer l e mot de b u l l e e t p a r -l e r mal du pape33. Un accoucheur c o n d u i t l e s yeux banded dans un s o u t e r r a i n pour d e l i v r e r une marquise \"en t r a v a i l \" e t deux enlevements succes-s i f s nous r a p p e l l e n t que l e s rues de P a r i s ne sont pas sures e t que l a f o r c e b r u t a l e se monnaie. La c o r r u p t i o n des moeurs e s t eVoqued par l a presence i n q u i e t a n t e d'un o p p o r t u n i s t e sans s c r u p u l e s q u i usurpe l e s t i t r e s du Marquis de Villemonde e t s e d u i t une honnete femme par de fausses promesses p u i s l 'aban-donne lachement. L ' h i s t o i r e du comte de C r e m a i l l e s eVoque l a 34 p r a t i q u e s i d e d r i e d a l'epoque d'enfermer l e s f i l l e s dans l e s couvents. Tous ces d e t a i l s q u i evoquent l a v i e de l'epoque e t q u i donnent aux personnages une rO a l i t e s o c i a l e , sont p r e s -que absents dans l e s h i s t o i r e s \" a n g l a i s e s \" . L ' h i s t o i r e de M i l o r d R o c k f i e l d s (2eme s o i r e e ) se deroule en Ecosse mais r i e n n'est rapporte sur l e s p a r t i c u l a r i t e s de l a v i e e c o s s a i s e . Seuls quelques d e t a i l s sur l e s moeurs rudes des h i g h l a n d e r s sont s i g n a i e s . Dans 1'autre n o u v e l l e a n g l a i s e (6eme s o i r e e ) , - 216 -Caylus a r e c o u r s H l ' h i s t o i r e pour rendre p l u s v e r i d i q u e son r e c i t . John T e f l e y , mon pere, passa en France age\" de douze ans avec ses parens, c i l a s u i t e de l ' i n f o r t u n e \" Jacques I I . T r o i s ans apres l a mort de ce r o i , l a r e i n e q u i c o n n o i s s a i t son attachement e t son h a b i l e t i , l e f i t r e -passer en A n g l e t e r r e pour y menager l e s i n -t\u00C2\u00A3rets de son f i l s , q u i a v o i t p r i s l e nom de Jacques I I I , e t a v o i t &t& reconnu r o i de l a Grande-Bretagne, par l e r o i de France, par quelques a u t r e s p r i n c e s c a t h o l i q u e s de 1*Eu-rope, e t par l e Pape. Mon p l r e d e v o i t v o i r s i l e s J a c o b i t e s e t o i e n t e f f e c t i v e m e n t a u s s i f o r t s q u ' i l s l e d i s o i e n t , e t s ' i l s s e r o i e n t en e t a t de se s o u t e n i r , au cas qu'on f x t chez eux une n o u v e l l e descente en faveur de ce p r i n c e . I I t r o u v a encore un r e s t e de fermen-t a t i o n dans l e s t r o i s royaumes, mais r i e n d'assez b i e n dispose pour se promettre de r e d s s i r dans une t e n t a t i v e . La r e i n e Anne e t o i t montre sur l e trone a u s s i - t o t apres l a mort du r o i Guillaume son b e a u - f r e r e , e t e l l e l e r e m p l i s s o i t dans ces temps c r i t i q u e s avec t a n t de bonte, de d i g n i t e e t de bonheur, qu* e l l e a v o i t gagne\" l e s coeurs de ses s u j e t s . On a remarque q u ' i l s aiment a e t r e gouvernis par des femmes35. Apres c e t t e longue i n t r o d u c t i o n oil 1' a c t i o n e t l e s personnages sont s i t u e s dans une p i r i o d e h i s t o r i q u e b i e n d i f i n i e , 1 ' a c t i o n se deroule assez a b s t r a i t e m e n t , t a n t o t en V i r g i n i e , t a n t o t a Londres. Sur l a c o l o n i e a n g l a i s e aucun d e t a i l exotique n'est r a p p o r t ^ . Quant a\" l a v i e londonienne, c i t r a v e r s l e s c e l i r a t Broom, Caylus evoque l a c o r r u p t i o n , l e crime, 1 ' e s c r o q u e r i e e t - 217 -l e patro.Fiage mais d'une fagon t r d s a l l u s i v e . L ' h i s t o i r e , r\u00C2\u00A3duite ti ses p\u00C2\u00A3rip\u00C2\u00A3ties d'ordre psychologique, se deroule avec t o u t l e d\u00C2\u00A3pouillement e t l a r a p i d i t y d'une n o u v e l l e c l a s -s i q u e . C'est d ' a i l l e u r s au debut de l a P r i n c e s s e de C l e v e s , que f a i t penser l e long preambule h i s t o r i q u e , c i t e c i - d e s s u s . Q u e l l e e s t 1 ' o r i g i n a l i t y des S o i r g e s du B o i s de Boulogne? Au premier abord, comme nous l'avons vu, l a t e c h n i -que des h i s t o i r e s encadr^es, l e s apparente a l a t r a d i t i o n i t a -l i e n n e de Boccace e t de Mar g u e r i t e de Navarre. C e t t e f i l i a t i o n n ' e x i s t e t o u t e f o i s que dans l a forme p u i s q u ' i l manque au r 6 c i t , l a b r i e v e t y , 1*element p l a i s a n t e t g r i v o i s c a r a c t e r i s t i q u e de x a n o v e l a . Les longs r e c i t s de Caylus sont au c o n t r a i r e s e r i e u x e t t r a g i q u e s a une s e u l e e x c e p t i o n p r e s e t dans ce sens i l s se rapprochent de l a n o u v e l l e espagnole. C'est d ' a i l l e u r s aux n o u v e l l e s , c/e ty/3\u00C2\u00A3. espagnol, de C h a r l e s S o r e l que f o n t penser l e s 3 6 h i s t o i r e s romanesques de C a y l u s . Comme l e s N o u v e l l e s c h o i s i e s l e s S o i r y e s du B o i s de Boulogne o f f r e n t un melange i n s o l i t e des deux t r a d i t i o n s i t a l i e n n e e t espagnole. Les deux r e c u e i l s , p r e -sentes comme l e f r u i t des d i v e r t i s s e m e n t s d'une p e t i t e s o c i y t y c h o i s i e , t r a i t e n t syrieusement des s u j e t s d'amour e t pres e n t e n t des episodes romanesques - d u e l s , s e q u e s t r a t i o n e t p i r a t e r i e . Dans l e s deux cas l e s i n t r i g u e s sont r e l a t i v e m e n t simples, r e l a -- 218 -t a n t l e s aventures d'un s e u l personnage p r i n c i p a l . Mais Ik s ' a r r e t e n t l e s resserablances. L ' o p t i q u e de Caylus e s t c e l l e des memoires ou un personnage raconte sa propre h i s t o i r e . Chez S o r e l un s e u l personnage f a i t l e r e c i t de ses propres aventures. D'autre p a r t , l e s personnages de S o r e l a p p a r t i e n -nent ci l a c l a s s e i n f e r i e u r e t a n d i s que ceux de Caylus sont des no b l e s . Quant \u00C2\u00A3 1 ' i n f l u e n c e de C h a l l e s , s e u l e 1 ' i m b r i c a t i o n d'une i n t r i g u e q u i progresse e n t r e l e s r e c i t s , en manifeste 1 ' e x i s t e n c e . Caylus ne semble done pas a v o i r s u b i profondement 1'ascendant des I l l u s t r e s F r a n c a i s e s . P e u t - e t r e l e monde bour-g e o i s que p e i g n a i t C h a l l e s dans ses n o u v e l l e s , l u i e t a i t - i l a n t i p a t h i q u e . Q u o i q u ' i l en s o i t , l e s n o u v e l l e s de Caylus n'ont pas l'envergure de c e l l e s de C h a l l e s . S i Caylus l'emporte sur C h a l l e s quant k l a v a r i i t e des r e d i t s , i l manque aux S o i r e e s du B o i s de Boulogne, l a d e n s i t y dramatique, l a v i v a c i t e e t l e n a t u r e l des d i a l o g u e s q u i c a r a c t i r i s e n t l e s I l l u s t r e s F r a n c a i s e s . Malgre 1 ' e f f o r t que f a i t Caylus pour i n d i v i d u a l i s e r ses person-nages en s i g n a l a n t l e s gestes, l e s d i s p o s i t i o n s physiques q u i t r a h i s s e n t l a composition i n t e r i e u r e (insomnie, c o l e r e , mala-d i e ) , pour l e s rendre autonomes en r i d u i s a n t l e r o l e du ha s a r d et des c i r c o n s t a n c e s e x t e d i e u r e s , ses personnages (sauf peut-- 219 -e t r e Dorothy e t l e commandeur de Hautpre) manquent de f o r c e e t de r e l i e f . Le l i v r e ferm\u00C2\u00A3, on o u b l i e v i t e l e s nombreux amants e t amantes que Caylus promene a P a r i s , en p r o v i n c e e t a\" l ' e t r a n g e r . C'est p e u t - e t r e que Caylus a a t t a c h e t r o p d'impor-tance aux evenements e t ei l e u r s c i r c o n s t a n c e s e t q u ' i l a o u b l i e l e s m o t i v a t i o n s profondes, l e s f a c t e u r s psychologiques e t mo-37 raux q u i en sont l a cause . On p o u r r a i t e n f i n l u i reprocher d'abuser du reportage i n d i r e c t e t de n e g l i g e r consequemment l e s scenes de d i a l o g u e s ou l e s personnages se r e d e l e n t directement; de s ' a t t a c h e r p l u s i i 1' o r i g i n a l i t e de 1 ' i n t r i g u e qu ' c i l a r e p r e -s e n t a t i o n c o l o r e d de l a v i e par 1'accumulation de d e t a i l s evo-c a t e u r s ; e n f i n de d e p o u i l l e r excessivement son r e d i t sans l ' i n s -c r i r e dans une analyse p l u s profonde de l a c o n d i t i o n humaine. S i l e s n o u v e l l e s de Caylus p a l i s s e n t dans 1'ombre des I l l u s t r e s F r a n c a i s e s , e l l e n'ont r i e n ei e n v i e r aux n o u v e l l e s 38 g a l a n t e s de l'epoque, l e s q u e l l e s , s e l o n Godenne sont n o t o i r e s pour l e u r s personnages fades e t l e u r outrance romanesque. Parmi l e s quelques soixante; n o u v e l l e s independantes parues dans l a premiere m o i t i e du d i x - h u i t i e m e s i e c l e , l e s S o i r e e s du B o i s de Boulogne n'occupent certainement pas l e d e r n i e r rang. CHAPITRE V Les oeuvres badines e t p o i s s a r d e s P a r a l l e l e ii l a vogue des s a l o n s l i t t e r a i r e s e t p h i -losophiques, i l y eut au d i x - h u i t i i m e s i e c l e une p r o f u s i o n de soci\u00C2\u00A3t6s l e g e r e s e t badines de c a r a c t e r e purement mondain. Dinaux'*\" a montre l e nombre p r o d i g i e u x e t l a v a r i ^ t e de ces c l u b s bachiques, s e c r e t s e t a u t r e s . Parmi l e s mieux connus on d i s t i n g u e \"L'ordre de l a mouche ii m i e l \" , s o ciet e p l a i s a n t e se r e d n i s s a n t ii Sceaux chez l a duchesse du Maine; \" l e Regiment de l a C a l o t t e \" , ordre i m a g i n a i r e dont l e s membres, d'humeur f a c 6 -t i e u s e e t s a t i r i q u e , s' i n g i n i a i e n t a donner des c a l o t t e s Ii tous l e s personnages q u i p r e t a i e n t l e f l a n c a l a c r i t i q u e ; e t s u r t o u t \" l a S o c i e t y du bout du banc\", f o n d l e en 1741 par M i l e Q u i n a u l t l a c a d e t t e , e t C a y l u s . C'est l a grace e t 1 ' e s p r i t de c e t t e grande comedienne q u i a t t i r e r e n t dans ce s a l o n mondain, des hotes t e l s que V o l t a i r e , Duclos, P i r o n , Voisenon, M o n c r i f , Cre-b i l l o n f i l s e t La ChaussOe, parmi l e s e c r i v a i n s . Le repas a v a i t l i e u deux f o i s par semaine, a l t e r n a t i v e m e n t chez M i l e Q u i n a u l t - 221 -e t chez C a y l u s . On debuta avec une douzaine de convives mais l a p o p u l a r i t y de ces joyeux d i n e r s f u t t e l l e qu'Si f o r c e de s o l i c i t a t i o n s on dut 6 1 a r g i r l a t a b l e . Chaque personne, une f o i s i n v i t e d , d evenait membre et p o u v a i t s u r v e n i r a l ' i m p r o -v i s t e aux dates f i x e d s . I l y eut a i n s i ci chaque repas une v i n g t a i n e de convives dont, en p l u s de ceux d6ja mentionned, l e c h e v a l i e r d'Orleans, l e grand p r i e u r , Destouches, Fagan, C o l i y , Pont de V e y l e , Maurepas e t l e marquis d'Argenson. Caylus, grace a ses s o i x a n t e m i l l e s l i v r e s de r e n t e , s u p p o r t a i t l e s f r a i s des repas. Comme edot, chaque i n v i t e d e v a i t composer une h i s t o i r e amusante ou une anecdote quelconque propre ^ \u00C2\u00A3gayer l e s c o n v i v e s . Le repas se d e d o u l a i t dans une atmosphere f o l l e m e n t g a i e . Les langues deTieds par l e v i n q u i c o u l a i t a f l o t , l a c o n v e r s a t i o n , en passant par l e s mots d ' e s p r i t , l e s anecdotes piquantes, s'acheminait graduellement v e r s l e graveleux e t l e s o b s c e d i t e d . P i r o n l a n c a i t des gros mots de c h a r r e t i e r , enton-n a i t des chansons g r i v o i s e s e t d e d i t a i t des c o u p l e t s l i c e n c i e u x . Maurepas l i s a i t ii ses compagnons des e d r i t s l i c e n c i e u x dont l a recherche e t l a c o l l e c t i o n e d a i e n t une de ses p a s s i o n s . Caylus, v e t u comme a 1 ' o r d i n a i r e d'un h a b i t de drap brun a boutons de c u i v r e , c o i f f e d'un grand chapeau crep\u00C2\u00A3, sur un ton p i n c e - s a n s -- 222 -r i r e , racontait des anecdotes grivoises et poissardes . T e l l e fut l a premiere periode f r i v o l e de l a societe du bout du banc. La seconde, ii. l a q uelle Caylus semble avoir eu peu de part, fut plus philosophique. Duclos supplante Caylus comme amant de Mile Quinault et a t t i r e des notes comme Diderot, 3 Grimm, d'Alembert et Rousseau . 4 Selon Dinaux , Caylus fut aussi l e fondateur d'une autre societe\" badine, \"l'Academie de ces Dames et de ces Mes-sieurs\", dont les membres principaux auraient ete l e comte de Tressan, Duclos, Vade, Salie et l a comtesse de Verrue. Les 5 Etrennes de l a Saint-Jean , les Ecosseuses ou les oeufs de 6 7 8 PSques , l e Recueil de ces Messieurs , l e Recueil de ces dames et l e Pot-Pourri, ouvrage nouveau de ces Dames et de ces Mes-9 sieurs auraient vu l e jour dans cette pseudo-academie. Mais Voisenon affirme d'autre part que les Etrennes de l a Saint-Jean, est une composition c o l l e c t i v e de l a Societe du bout du banc^. Les f a i t s semblent donner raison ii ce dernier. Montcrif, un des membres de l a societe de Caylus et de Mile Quinault, a la i s s e un exemplaire de l a quatrieme e d i t i o n des Etrennes de l a Saint-Jean, avec l e nom d'auteur de chacune des pieces composant l e r e c u e i l ^ . Le r e c u e i l est en e f f e t 1'oeuvre des habitues du bout du banc. - 223 -S i les r e c u e i l s ci-dessus mentionnis ont ete\" attribued S Caylus et inseres dans ses Oeuvres Badines, c'est que c ' i t a i t l u i qui se chargeait de rassembler les morceaux, d'\u00C2\u00A3crire le s prefaces et de l i v r e r l e tout a l ' i d i t e u r . Les r e c u e i l s s'\u00C2\u00A3ta-lent de 1739 avec les Ecosseuses ou les oeufs de Paques jusqu'en 12 1748 avec les Mimoires de l'Academie des colporteurs . Comme nous l e verrons, Caylus a p r o f i t e de sa fonction d'editeur pour insurer dans certains r e c u e i l s , des nouvelles historiques et des dissertations rai-savantes qui n'ont pas du voir l e jour au cours des joyeux soupers du bout du banc. Les r e c u e i l s , concus sous l'enseigne de l a j o i e , ap~ partiennent en gros a\" un genre l i t t i r a i r e qui a connu sa plus grande vogue au moyen age: l a f a c i t i e . Le mot d i s i g n a i t un r e c u e i l d'anecdotes amusantes et satiriques, de bons mots et de contes g a i l l a r d s , qu'on rattache traditionnellement c i l a t r a d i t i o n populaire des fabliaux et de l a farce. Le maxtre du 13 genre est un it a l x e n , Poggxo Bracciolxnx qux dans ses Facetiae a r e c u e i l l i avec soin les anecdotes scabreuses, les paroles g a i l l a r d e s et les propos q u ' i l entendait dans l a s a l l e de chan-c e l l e r i e ou\" i l t r a v a i l l a i t a t i t r e de s e c r e t a i r e . Le r e c u e i l , qui ne vise qu'a f a i r e r i r e , se caractedise par une verve l i c e n -cxeuse et crue. Les Facetxeuses nuxts de Straparola est un - 224 -autre modele du genre. L'auteur raconte des h i s t o i r e s q u ' i l pretend avoir entendu conter ci Murano dans un p a l a i s , au cours de t r e i z e nuits de carnaval. Les narrateurs sont des servantes et des nobles. Certains contes populaires sont narred en pa-t o i s dans un s t y l e simple et desinvolte. Caylus et ses compa-gnons \"badins\" se sont manifestement inspired de ces r e c u e i l s facedieux qui encore au dix-huitiime s i e c l e , jouissaient d'une 15 certaine faveur. Diana Guiragossian signale que V o l t a i r e avait dans sa bibliotheque, un exemplaire des Facedieuses Nuits de Straparola, soigneusement annot\u00C2\u00A3. Cette influence des re-c u e i l s i t a l i e n s sur les Facedies de Caylus est attested aussi par l a predence d'une h i s t o i r e , dans les Memoires de 1'Acadimie des corporteurs, i n t i t u l e d . La Malle-bosse, \"nouvelle nuit de Straparole\". La facedie se prete notamment bien S l a s a t i r e person-n e l l e et peut devenir une arme p o l i t i q u e redoutable comme @n tedioigne l a f l o r a i s o n du genre pendant l a pediode de l a Ligue au seizieme s i e c l e et l a Fronde au dix-septieme (on pense tout 16 particulierement aux Mazarinades ). Pascal, donne dans l a facedie l o r s q u ' i l substitue, a l a grave discussion theologique, des scenes amusantes, des dialogues comiques ou ses opposants se confondent eux-memes. Boileau, dans les Arrets burlesques - 225 -u t i l i s e l a forme et l e jargon juridique pour r i d i c u l i s e r l a Sorbonne qui soutenait l a t r a d i t i o n scolastique contre l a p h i -losophie moderne de Descartes et de Gassendi. De meme au dix-huitieme si e d l e , les auteurs renommed n'ont pas dedaigne l a fa c e t i e . V o l t a i r e en a f a i t son arme de pr e d i l e c t i o n pour tourner en r i d i c u l e ses ennemis. La plupart des facedies de l'epoque sont des brochures anonymes ou l a s a t i r e s ' a l l i e ci l a bouffonnerie cocasse. Quelques t i t r e s , t i r e d du Dictionnaire des ouvrages anonymes de Barbier s u f f i r o n t pour caracteriser ce genre de l i t e r a t u r e . Lettre d'un r a t c a l o t i n ci Citron Barbet, au sujet de 1'Histoire des chats, par M. de Moncrif. A Rato-p o l i s , chez Mathurin Lunard, Imp, et l i b , du regiment de l a cal o t t e . L e t t r e d'un archer de l a comedie francaise a M. de l a Chausse sur l'heureux succes de l'Ecole des meres par un bei 17 e s p r i t du cafe\" Procope . Comme 1' indiquent ces t i t r e s , ce genre de facedie dipasse l a simple bonne humeur dedived d'une observation gededale des moeurs, pour s'attaquer \u00C2\u00A3 des personnes et a des oeuvres bien predises. Ce n'est pas l e cas des re c u e i l s facedieux de Caylus: i l s restent entierement dans l a t r a d i t i o n i t a l i e n n e de l a bonne humeur g a i l l a r d e et plaisante - quoique s a t i r i q u e . - 2 2 6 -Diverses suppositions ont 6t6 f a i t e s en ce qui con-cerne l a collaboration aux divers r e c u e i l s . Pour les Etrennes de l a Saint-Jean, on a pretendu que Vad\u00C2\u00A3, l a Comtesse de Verrue, 18 Montesquieu et V o l t a i r e y avaient mis main . II n'en est r i e n . Des notes de Moncrif dans une quatrieme Edi t i o n , r e s t i t u e n t l a 19 paternity de chacune des pieces qui composent l e r e c u e i l Comme l e soutenait Dinaux, ce r e c u e i l montre que Caylus assume le r o l e d'\u00C2\u00A3diteur, se chargeant de r e c u e i l l i r les morceaux, de les rediger et d'edrire les prefaces. Caylus 1'affirme d ' a i l -leurs facitieusement dans l a preface des Etrennes de l a Saint-Jean; i l rassemble des morceaux qu' i l trouve ei droite et H gauche et quand i l en a un nombre s u f f i s a n t i l s'accommode avec un i d i t e u r pour les l i v r e r au p u b lic. Faisant \u00C2\u00A3cho aux v i e i l l e s querelles sur 1 ' u t i l e et l'agredble, i l se j u s t i f i e aupres des gens s\u00C2\u00A3rieux qui condamnent toute oeuvre qui n'affiche pas un but moral p r e c i s . I l a voulu se f a i r e l ' h i s t o r i e n \"des p l a i s i r s innocents et gracieux qui se trouvent mel\u00C2\u00A3s dans les 2 0 devoirs de l a v i e du monde\" . Cela, d i t - i l , vaut autant l a peine d'etre conserve que tout ce qui regarde l a politesse et l a galanterie. Nous verrons par l a suite, que f o r t de ces r a i -sons, Caylus a pu dans ses oeuvres poissardes, peindre d'une facon remarquable certains aspects de l a v i e quotidienne qu'on - 227 -e c a r t a i t systematiquement du roman. Dans l a p r e f a c e du P o t - p o u r r i , ouvrage nouveau de ces dames e t de ces messieurs, i l d i t a v o i r compose l e r e c u e i l pour repondre \u00C2\u00A3 l a nouveaute que reclame l e p u b l i c . I I a f f i r m e ne pas connaxtre l e s a u t e u r s . P u i s pour j u s t i f i e r l e t i t r e , i l brosse un t a b l e a u s a t i r i q u e des moeurs contemporaines: La s o c i e t y n'est qu'un P o t - p o u r r i p e r p e t u e l ; on questionne, on ne repond p o i n t ; on r a i -sonne, on n ' a g i t gueres; on n'entend que des propos sans ideds, e t l ' o n ne v o i t que des id6es sans l i a i s o n s ; l e s p r i n c i p e s ne semblent f a i t s que pour p r e p a r e r des inconsequences; l e s t e t e s sont l e g e r e s , l e s sentiments sont r a r e s , l e s f a i b l e s s e s sont frequentes e t pour peu qu'on r e f i e c h i s s e sur ce que l ' o n sent, sur ce que l ' o n pense, sur ce que l ' o n f a i t , i l y a peu de personne q u i ne s o i t o b l i g e de se r e c o n n a i t r e pour un v r a i P o t - p o u r r i 2 1 . Le ton f a c e t i e u x des p r e f a c e s r e f l e t e l e ton g e n e r a l des t r o i s r e c u e i l s c o l l e c t i f s que nous examinerons rapidement: l e s E t r e n - de l a S a i n t - J e a n , l e R e c u e i l de ces messieurs e t l e P o t - p o u r r i , ouvrage nouveau de ces dames e t de ces messieurs. Les morceaux de ces r e c u e i l s a p p a r t i e n n e n t en gros a t r o i s c a t e g o r i e s : 1'anecdote, l a p a r o d i e e t l a grosse blague a l l a n t de l a co c a s -s e r i e au f a r f e l u . Pour ce q u i e s t des anecdotes, c e r t a i n e s ont l ' a p p a -- 228 -rence de p e t i t s f a i t s r # e l s se r a p p o r t a n t a l a v i e g a l a n t e e t mondaine de l'epoque. E l l e s f o n t sans doute a l l u s i o n \u00C2\u00A3 des aventures e t a\" des personnages que l e s notes de l a societe\" du bout du banc pouvaient i d e n t i f i e r . C'est t o u t p a r t i c u l i e r e m e n t 22 l e cas de A deux de jeu . L'anecdote r e l a t e comment un homme et une femme apres un mariage q u ' i l s c r o y a i e n t d'amour mais q u i n'\u00C2\u00A3tait que s e x u e l , se s\u00C2\u00A3parent pour p o u r s u i v r e chacun de son cote, ses f a n t a i s i e s amoureuses. L ' h i s t o i r e se termine d'une facon piquante l o r s q u e l e s \u00C2\u00A3poux se r e n c o n t r e n t dans l e meme p a v i l i o n en f l a g r a n t d e l i t d' i n f i d i l i t e \" . L'auteur t o u t en de-c r i v a n t l e s moeurs g a l a n t e s de l a noblesse a finement observe\" l a p s y c h o l o g i e du mari e t de l a femme. D'autres anecdotes se r a p p o r t e n t a des aventures ga-l a n t e s des c l a s s e s i n f i r i e u r e s . L ' o p t i q u e e s t presque t o u j o u r s amusante e t legerement s a t i r i q u e dans l e sens que 1'on f a i t r e s s o r t i r l e r i d i c u l e d'un bourgeois i m i t a n t l a g a l a n t e r i e a r i s -t o c r a t i q u e ou que l ' o n observe l a candeur n a i v e d'un r o t u r i e r dans son comportement amoureux d i r e c t e t g a i l l a r d . L a n a r r a -t i o n e s t presque t o u j o u r s en pseudo-poissard, s o r t e de p a t o i s dilue\" avec f o r c e e x p r e s s i o n s imagoes e t d e v i a t i o n s s y n t a x i q u e s . Un gentilhomme amoureux de deux dames, nomme\" Guillaume, l e s c o u c h a i t t o u t e s - 229 -en joue, en tout bien et en tout honneur... ce qui f i t q u ' i l conta des fleurettes a l a blonde dont e l l e se trouvoit f o r t prete a l'6pouser en 1*absence de 1'autre 2 3. Certaines anecdotes sont encadreds dans des reflexions morales. A 1'exemple des Cent Nouvelles nouvelles, on enonce d'abord une v e r i t y ou une observation morale mais on l ' i l l u s t r e ensuite facetieusement par une anecdote populaire. L'humour vient du f a i t qu'on u t i l i s e des personnages considered comme marginaux pour i l l u s t r e r une v e r i t y u n i v e r s e l l e . I l se produit une es-pece de decalage entre l a gravity du principe moral et l a res-t r i c t i o n de 1 ' i l l u s t r a t i o n . C'est ce que f a i t Caylus dans une anecdote dont l e but a f f i c h y est de montrer comment i l faut rygaler ses amis. II y d y c r i t un repas plantureux mais grossier que f i t Monsieur P., \"toujours magnifique\" en l'honneur de l a fete Saint-Martin. Le r y s u l t a t est un tableau pittoresque et amusant ou les moeurs singulieres du peuple servent de specta-c l e a l a classe superieure 2^. C'est l e regard superieur de 1'aristocrate qui s'amuse a. v o i r les choses d'une perspective volontairement naive et \"basse\". D*autres anecdotes, racontyes avec une verve piquante, appartiennent a l a t r a d i t i o n gauloise. II ne faut jamais compter 25 sur r i e n r e l a t e l e s mesaventures d'un galant qui se g l i s s e - 230 -aupres de sa b e l l e qui pour son malheur couche dans l a chambre de ses parents. La plus grande pa r t i e des morceaux reste cependant des anecdotes rapportant des f a i t s amusants, des aventures co-casses, des mauvais tours, des r i d i c u l e s p a r t i c u l i e r s et des l e t t r e s s i n g u l i e r e s : un p e t i t f a t devient l a ris\u00C2\u00A3e d'un quar-t i e r ; un certai n bourgeois, voulant f a i r e une s6r6nade a sa 27 b e l l e , l u i donne un concert d'orgue de Barbarie ; un jeune pro-cureur, las de v o i r ses avances rebuteds par Rosette, l u i envoie un b i l l e t O c r i t d'un st y l e ridiculement precieux et lourdement 28 juridique ; un jeune amoureux imagine un divertissement o r i g i n a l pour sa b e l l e : i l f a i t danser des dindons en chauffant l e plan-29 cher de fer-blanc Dans les differentes anecdotes, l a s a t i r e ne perd jamais ses d r o i t s et e l l e s abondent d'observations malicieuses sur les moeurs et l e comportement bizarre des individus. Aussi ce genre de l i t t e d a t u r e a - t - i l un in t e r e t plus historique que l i t t e r a i r e . Les anecdotes sont comme de lagers pastels peignant de petites scenes quotidiennes, un miroir que les auteurs pro-minent sur toutes les b i z a r r e r i e s et les d r o l e r i e s des hommes de toutes l e s classes s o c i a l e s . E l l e s sont en meme temps l e - 231 -r e f l e t des gouts de l a c l a s s e a i s e e au m i l i e u du di x - h u i t i e m e s i e c l e . Une seconde c a t e g o r i e de morceaux sont des p a r o d i e s de d i v e r s genres l i t t e d a i r e s ei l a mode ei l'epoque. L ' H i s t o i r e 30 de L i r a d i , n o u v e l l e espagnole , comme l ' m d i q u e l e s o u s - t i t r e , p a r o d i e l a f i n t r a g i q u e des h i s t o i r e s d ' i n s p i r a t i o n espagnole. Mais l ' a u t e u r y analyse en meme temps, assez subtilement, l e s tourments d'une coquette. Duclos p a r o d i e l e s memoires dans Les 31 Mimoires du P r e s i d e n t G u i l l e r i n en adoptant l e p o i n t de vue d'un r o t u r i e r ( p r e s i d e n t d'un g r e n i e r ) q u i dans un s t y l e semi-p o i s s a r d raconte ses t r i b u l a t i o n s de menage. La Chaussee v i s e l e meme e f f e t parodique dans l e s Epreuves d'amour dans l e s 32 q u a t r e elements : i l r a i l l e l a f a c t i c i t e des eVenements e t l e romanesque i n v r a i s e m b l a b l e des romans hedoiques e t p r e c i e u x . Deux p a r o d i e s des contes de f\u00C2\u00A3es se r e c o n n a i s s e n t f a c i l e m e n t comme 6tant de C a y l u s . Dans l e s Fragments de Zgphire e t de 33 N o n p a r e i l l e , conte , Caylus entasse tous l e s lieux-communs du genre t o u t en f e i g n a n t de ne pas c o n n a i t r e tous l e s f a i t s de l ' h i s t o i r e : \" i l me semble, car dans l a vedite\" j e n'en s u i s pas c e r t a i n , q u ' e l l e \u00C2\u00A3toit cousine de N o n p a r e i l l e ; mais i l e s t v r a i -semblable que sa parents 6 t o i t l a s e u l e cause des egards que 34 l a p r i n c e s s e a v o i t t o u j o u r s eus pour e l l e \" . Le conte, i n a -- 232 -cheve, est adresse a une dame a\" qui i l demande dedinvoltement d'avoir l a complaisance de l e corriger et de l e completer. Caylus pousse plus l o i n l a s a t i r e dans l e Prince B e l - E s p r i t et 3 5 l a Reine Toute-Belle oti l e cadre meme est parodique. Puisque l e conte est present^ comme 1*oeuvre d'un bourgeois qui veut eblouir Javotte en confectionnant un conte de \u00C2\u00A3&e k l a maniere de ceux que l'on p r i s e dans l a bonne societe, l e r e c i t est au-tant une c r i t i q u e du manque d'imagination de l a vanite du nar-rateur bourgeois qui u t i l i s e des f a i t s prosaiques et banals, que l a c r i t i q u e des lieux-communs du genre. Ce conte amusant a l l i e heureusement l a parodie l i t t e r a i r e a l a s a t i r e s o c i a l e . Jamais dans un conte de fees, Caylus n'a montre\" autant de d\u00C2\u00A3-sinvolture comme en temoigne l e debut du conte. I l e t o i t une f o i s une reine qui se nommoit Toute-Belle; e l l e avoit l e nez un peu re-trousse mais p l e i n de charmes; les yeux p e t i t s mais tournes a\" l a f r i a n d i s e ; l a t a i l l e p e t i t e mais d'une reine qu'elle e t o i t ; l a bouche un peu p l a t t e mais remplie de toutes les perles de 1'Orient 3 6. A cote des anecdotes et des parodies, i l y a aussi de grosses blagues, des mystifications, des chansons, des vers ba-dins, morceaux qui dOfient toute c l a s s i f i c a t i o n . La f l e x i b i l i t e d'un r e c u e i l a permis a\" Caylus d'inserer des morceaux plus - 233 -s e r i e u x que l ' o n v o i t d i f f i c i l e r a e n t dans un r e c u e i l de f a c e t i e s , 37 * T e l l e Dialo g u e d'Horace e t de Caton ou l ' a u t e u r f a i t l ' a p o -l o g i e de 1'epicurisme. T e l a u s s i l e s R e f l e x i o n s t u r c s sur l ' a -38 mour oil 1' amour-vertu e s t tourne en r i d i c u l e au depens de 1'amour n a t u r e l . Les Etrennes de l a S a i n t - J e a n , l e R e c u e i l de ces Mes-s i e u r s e t l e P o t - p o u r r i , ouvrage nouveau de ces dames e t de ces messieurs ne sont en somme que des \"agredbles p r o d u c t i o n s de 39 l o i s i r e t de g a i e t e \" pour reprendre 1'expression de l ' e d i t e u r a u x q u e l l e s i l ne f a u t pas a t t a c h e r p l u s d'importance que l e s d i v e r s auteurs eux-memes ne l e u r ont accorded. Ce sont des g a u d r i o l e s q u i ne repredentent aucun e f f o r t esthedique soutenu e t q u ' i l f a u t c o n s i d e r e r en quelque s o r t e pediphediques ct l ' o e u -v r e l i t t e r a i r e proprement d i t e . Quatre r e c u e i l s , cependant, Les Aventures des b a l s 40 41 de b o i s , Les Fetes r o u l a n t e s e t l e s r e g r e t s des p e t i t e s rues , 42 Les Memoires des C o l p o r t e u r s e t l e s Ecosseuses ou l e s oeufs de Paques^ 3, temoignent d'une i n t e n t i o n l i t t e r a i r e p l u s s e r i e u s e . Ces r e c u e i l s v a l e n t s u r t o u t par l e u r s tableaux p i t t o r e s q u e s e t \" r e a l i s t e s \" de l a v i e p o p u l a i r e au di x - h u i t i e m e s i e c l e . Les Aventures des b a l s de b o i s , r a p p o r t e n t c e r t a i n e s - 234 -anecdotes curieuses survenues l o r s de l a fete populaire que l a v i l l e de Paris a donned pour celedrer l e mariage du dauphin. Les r e d i t s vont de l'aventure galante ci l a grosse farce g r i -voise en passant par 1 'episode cocasse: un drole v o i t son mas-que de pain d'epices, mange\" par une troupe d'enfants; un d i s -t r a i t f a r f e l u met l e reste d'un gigot entre ses jambes et devient l a r i s e d du quartier; un brasseur bon viveur, se marie l e jour de l a fete pour ciledrer, a peu de f r a i s , ses noces; l a femme d'un procureur, diguisee en caval i e r est ramassed par des racoleurs et doit leur donner des preuves de son sexe; enfin, Mme Engele, tombant a l a renverse, c o t i l l o n releve, s ' a t t i r e des remarques plaisantes et l e mari apprend a i n s i q u ' i l est cocu. Le point de vue du r e c u e i l est c e l u i d'un r o t u r i e r que Caylus, dans une l e t t r e preface, appelle facedieusement M. le comte Z***. II envoie, a son ami, M. l e marquis, l e r e d i t des aventures q u ' i l a observeds et auxquelles i l a eu part. II s'exprime dans une langue semi-poissarde, f a r c i e de proverbes, d'expressions directes et crues qui devaient c h a t o u i l l e r 1'es-p r i t de l a classe supedieure qui se donnait l e peuple en spectacle. Notre ami Guillaume l ' E n g e l i , qui, comme - 235 -on s a i t , a une renommee, et qui pete plus haut que l e c u l , rapport q u ' i l rote sou-vent, ce qui f a i s o i t q u ' i l ne pouvoit pas a l l e r au b a l , sans etre p r i s pour l u i a cette maniere de soubresaut de son coeur, qu'on decouvrit toujours au travers du masque; mais aussi a v o i t - i l une drole de femme qui savoit bien son pain manger, pourquoi e l l e en prenoit de chez plus d'un boulanger: a r r i v a de tout ga qu'elle eut beaucoup d'enfans par l e canal de ses amis44. S i ce langage ne manque pas de truculence, i l n'en est pas moins arrange pour produire des eff e t s humoristiques. Caylus prete a son narrateur des jeux d'esprit et un ton facetieux qui ne l u i appartiennent pas et depassent les p o s s i b i l i t e s de sa conscience. C'est pourquoi on ne peut parler i c i de r^alisme l i n g u i s t i q u e comme dans les oeuvres authentiquement poissardes. E c r i t e s dans l a meme veine g a i l l a r d e et facetieuse, Les Fetes roulantes et les regrets des petites rues, predentent des tableaux pittoresques et amusants des divers chars a l l e g o -riques. Encore i c i , Caylus pretend entreprendre cette descrip-tion de manifestations populaires pour les conserver ei l a po s t e r i t e . Je me preparai, sans meme en avoir e t e charge, Si donner non pas une h i s t o i r e - 2 3 6 -exacte, mais des memoires f i d e l e s et dedinteresses, qui pourroit s e r v i r , un jour, a quelque h i s t o r i e n d i s t i n -gue. II trouvera l a matiere riche et i n t e r e s s a n t e 4 5 . Les descriptions qui sont souvent plus f a n t a i s i s t e s que s\u00C2\u00A3rieu-ses, alternent avec des jeux de mots, des pointes d'esprit, des Episodes singuliers: et des remarques s a t i r i q u e s . C e r t a i -nes scenes, particulierement mouvementees, comme l a suivante, rappellent des passages de Scarron et de Furetiere: L'aventure dont je p a r l o i s , quand je me suis interrompu, fut done causOe par un tournant. Le cocher de 1'Hymen tourna trop court, et l a voiture accrocha brus-quement un auvent et l e f i t tomber dans l e char avec l a compagnie qui e t o i t des-sus. I l s'y trouva entr'autres badauds, deux garcons perruquiers, une marchande de charbon, un capucin, une hiro n d e l l e de careme. On se reprOsente aisement, que tous ces differans etats culbuterent les uns sur les autres, sans garder de presOance ci qui passerait l e premier. Le hasard f i t qu'un des deux perruquiers tomba sur l a charbonniere, d'autre sur 1'hirondelle, et l e capucin sur l e per-ruquier. Le premier perruquier blanchit entierement l a charbonniere, et l a char-bonniere n o i r c i t l e perruquier: f i ! 1'im-p o l i , s ' e c r i a - t - e l l e , qui me couvre de blanc! Ah! l a v i l a i n e , rOpliqua l e perru-quier, qui me tache de no i r . Les paroles s' a i g r i r e n t , l a dispute s'echauffa, i l s en vinrent aux mains; de facon qu'en un moment, l a vendeuse de charbon parut etre une perruquiere, et l e perruquier un ven-deur de charbon. II y eut moins de debat - 237 -e n t r e 1'autre p e r r u q u i e r e t 1 ' h i r o n d e l l e de careme, a u s s i l e u r a f f a i r e f i n i t - e l l e par des E c l a t s de r i r e ; l e capucin se r e l e v a a u s s i b l a n c que l a char b o n n i e r e . avec un peigne q u i 6 t o i t tombe de l a t e t e du p e r r u q u i e r e t q u i s ' ^ t o i t accroche\" ei l a barbe du reV6rend pere; l e gargon l e r e p r i t , e t l e secoua long-tems comme une e t r i l l e 4 6 . Ce genre de scene, r e V e l e 1 ' i n t e n t i o n de l ' a u t e u r dans ce r e c u e i l : p l u t o t qu'une d e s c r i p t i o n f i d e l e de l a f e t e , i l c h e r -che l e f a i t s a i l l a n t , l e r e l i e f , l e mouvement, l a co u l e u r e t l a s i n g u l a r i t y e t meme l e c a r i c a t u r a l , en somme t o u t ce q u i e s t amusant. D'une f e n e t r e assez basse pour entendre ce q u i se d i s a i t dans l a rue, l e n a r r a t e u r e n r e g i s t r e l e s remarques que fo n t l e s passants, r e t e n a n t par p r e d i l e c t i o n , l e s commentaires d r o l e s , l e s remarques f a c e d i e u s e s e t n a i v e s . Dans l e s d i a l o g u e s q u ' i l r e p r o d u i t , l e langage du peuple e s t b i e n observed Un ton p l u s s e r i e u x predomine dans un au t r e ouvrage c o l l e c t i f (auquel Caylus semble a v o i r eu l a p l u s grande p a r t ) , l e s Memoires de l'Academie des c o l p o r t e u r s . Le t i t r e f a c i t i e u x , r\u00C2\u00A3vele une p l a i s a n t e r i e parodique de l'epoque: c e l l e des pseudo: -academies. Nous avons dejS mentionne que Caylus a v a i t fonde\" \"L'Academie de ces Dames e t de ces Mes s i e u r s \" q u i se r ^ u n i s s a i t - 238 -et Paris l e dimanche apres-midi pour parodier les academies sa-v a n t e s 4 7 . Les memoires de cette acad6mie sont censies etre rapporties par Antoine-Marie Dantu, l'auteur anonyme des Memoires historicfues et galans de l'Academie de ces dames et de ces mes-sieurs; ouvrage rgdige\" par Antoine Martin Vade, secretaire de 48 1'Acadimie . C e t a i t alors a l a mode de fonder des pseudo-academies de ce genre' et d'en publier les memoires. Godart 49 d'Aucourt publie l'Academie m i l i t a i r e ou les heros subalternes ou i l loue les f a i t s des simples soldats que les poetes o f f i -c i e l s ont oublies. Une autre academie est fondOe pour reprOsenter les habitants de Montmartre: \"L'Academie de Montmartre\". \"L'or-dre des Savetiers\", une autre academie parodique publie en 1731, une oeuvre dont l e t i t r e revele clairement 1'intention des au-teurs: La fameuse harangue f a i t e en l'assembiee gOnOrale de messieurs, messeigneurs les savetiers, sur l e mont de l a Savate, l e lundi d'apres l a Saint-Martin, par monsieur maistre Jerosme P i e f r e l i n , d i t c ul de Bre, ancien carreleur, ministre et grand orateur de l'Ordre pour s e r v i r de defence ct l ' e s t a t , contre un l i b e l l e pretendu diffamotoire sur l'honnete reception d'un maitre Savetier, Carreleur, et ROparateur de l a chaussure humaine, et surtout ce qui s'est f a i t et passe dans l a d i t e reception entre 50 1'aspirant, les grades et 1'ancien desdits maitres - 239 -\"L'acadediie des c o l p o r t e u r s \" , f o n d l e par Caylus e s t dans c e t t e v e i n e des socieded parodiques. L'acadediie e s t o r -ganised en t r o i s c l a s s e s . La premiere se compose de 14 membres dont l e r o l e e s t de prep a r e r l e s manuscrits (appeled \"morue\"), pour 1'impression. Les membres de l a deuxieme c l a s s e vont dans l e s grandes maisons pour c o l p o r t e r l e u r marchandise. Ceux q u i app a r t i e n n e n t a l a t r o i s i e m e c l a s s e , t r a v a i l l e n t dans l e s cafed e t dans l e s h o t e l s g a r n i s . Un r o l e s p e d i a l e s t rederve au Pere l a F o n t a i n e : b i e n q u ' i l ne sache pas l i r e , i l e s t charge\" de p r o -noncer des jugements d e d i n i t i f s sur l a v a l e u r des oeuvres. S i e l l e s sont bonnes, i l tranche nettement en d i s a n t \"vela\" qu'est bon, i l y de l a morue\"; s i e l l e s sont mauvaises, \"Cela ne vaut 51 pas un c h i e n mort\" Le r e c u e i l e s t predente\" comme une s u i t e d ' h i s t o i r e s de malheur ayant t r a i t a l a v i e des c o l p o r t e u r s . \"Apred a v o i r gedii longtemps dans l e s i l e n c e , nous a l l o n s r a p p o r t e r des f a i t s 52 q u i mettront en a c t i o n nos p e r t e s e t nos dou l e u r s \" . Le r e c i t de ces hedos r o t u r i e r s c o n s t i t u e n t en quelque s o r t e de p e t i t s romans p i c a r e s q u e s ou 1'unite\" de l'oeuvre ne t i e n t que par l a presence du n a r r a t e u r . Puisque l e c o l p o r t e u r e n t r e en c o n t a c t avec p l u s i e u r s m i l i e u x , son tedioignage abonde d'observations p e r t i n e n t e s sur l e s moeurs, e t de c o n v e r s a t i o n s p o p u l a i r e s enre-- 240 gistr\u00C2\u00A3es sur l e v i f , l e t o u t o f f r a n t un t a b l e a u i n t i r e s s a n t e t p i t t o r e s q u e de maints aspects de l a v i e de l'epoque. D'autres h i s t o i r e s sont de simples f a c e t i e s comme c e l l e s des r e c u e i l s precedents e t sur l e s q u e l l e s i l e s t i n u t i l e de r e v e n i r . Les voyages d'un c u l - d e - j a t t e c o l p o r t e u r , h i s t o i r e p i c a r e s q u e e c r i t e dans une v e i n e burlesque, promene un c u l - d e -j a t t e n a i f 3. t r a v e r s P a r i s . Apred a v o i r debute comme p o r t i e r chez .un imprimeur ou i l apprend ii connaxtre tous l e s gens du q u a r t i e r , i l s e r t d'abord d'entremetteur p u i s passe au c o l p o r -tage. I I e s t v i t e repere\" par des espions q u i l'enferment au C h a t e l e t pour a v o i r vendu des l i v r e s s e d i t i e u x . Le r e d i t , t o u -j o u r s s p i r i t u e l , e s t parseme de calembours, de grosses blagues e t d ' a l l u s i o n s s a t i r i q u e s , notamment sur l a censure. Un ton p l u s sedieux dans 1 ' H i s t o i r e de Ca t h e r i n e C u i s -son q u i c o l p o r t a i t , permet a l ' a u t e u r de pei n d r e un t a b l e a u p l u s p r e c i s du c o l p o r t a g e . L ' h e r o i n e , egalement r o t u r i e r e , e s t f i l l e de c o u t u r i e r e e t e l l e e s t amenee au c o l p o r t a g e par n e c e s s i t e . Son temoignage nous renseigne sur l e commerce des l i v r e s defendus dans l a haute s o c i e t e . ... une p i n t e de v i n payee ii un s u i s s e , une b o u t e i l l e o f f e r t e il propos au premier l a q u a i s de monsieur ou de madame, j ' e t o i s - 241 -assuree de ne t r o u v e r jamais l a p o r t e fermee e t d' e n t r e r dans l e s appartements, quand on c r o y o i t q u ' i l y f a i s o i t bon pour moi; c a r l e s domestiques ont sur c e l a un i n s t i n c t m e r v e i l l e u x . T a n t o t j'\u00C2\u00A3tois i n -t r o d u i t e pour interrompre l e l a n g u i s s a n t t e t e - a - t e t e du mari e t de l a femme; que j'\u00C2\u00A3tois b i e n r e g u l Combien on r e g a r d o i t mes l i v r e s ! Combien on 6to\u00C2\u00B1t de temps a c o n c l u r e l e marche d'un li v r e 5 3 . On v o i t a u s s i que l e s aventures de c e t t e r o t u r i e r e se doublent d ' o b s e r v a t i o n s m a l i c i e u s e s sur l e s moeurs. E l l e s v i s e n t en p a r t i c u l i e r l e s auteurs de p r o f e s s i o n , \" q u i ont tous l a p e t i t e s -se de c r o i r e qu'une idee q u ' i l s n ' a u r o i e n t p o i n t eue e s t un b i e n 54 qu'on l e u r enleve\" . I l s sont a u s s i c a p r i c i e u x que l e p u b l i c : l e s u c c l s d'un ouvrage e s t soumis a\" tous l e s engouements \u00C2\u00A3phe-meres q u i c r i e n t l e s modes. Un ouvrage, s i f f l e l e l u n d i a u r a i t triomphe l e m e r c r e d i . Une vogue ne depend souvent que de 1 ' o p i -nion d'une personne comme c e l l e de l'Abbe\" du Q... dont l ' a u t e u r brosse un p o r t r a i t f\u00C2\u00A3roce. Le r o l e de c e t abbe\" dans l e c o l p o r -tage e s t non moins important: on l u i apporte t o u t e s l e s brochures anonymes a u x q u e l l e s i l se charge de t r o u v e r un auteur apres a v o i r trouve\" l a c l e f des personnages. La meme s a t i r e des gens de l e t t r e s se r e t r o u v e dans l e M a n u s c r i t perdu. Le n a r r a t e u r apres p l u s i e u r s t e n t a t i v e s malheureuses dans d i v e r s m e t i e r s d e v i e n t s e c r e t a i r e d'un homme - 242 -de l e t t r e s . C e t t e s i t u a t i o n permet ei. Caylus de c r i t i q u e r l e p i l l a g e q u i se p r a t i q u e chez l e s a u t e u r s . ... j e m e t t o i s au net l e s ouvrages de mon maitre e t j e f a i s o i s ses e x t r a i t s , ou p l u -t o t de longues c o p i e s f o r t exactes de p l u -s i e u r s ouvrages imprimes que des amis nous p r e t o i e n t . Par ce moyen, l ' a u t e u r n ' a v o i t p l u s que l e s coutures a f a i r e pour donner un volume ou des brochures s u i v a n t l e s c i r c o n s t a n c e s 5 5 . Vanite\" d'auteurs, v a n i t e a u s s i des grands d\u00C2\u00A3soeuvr\u00C2\u00A3s q u i v e u l e n t e t r e l e s premiers a l i r e l e s dernieres nouveautes pour pouvoir en p a r l e r l e s p r e m i e r s . Le p u b l i c e s t bon homme, i l e s t p r i n c i p a l e -ment compose\" de gens, q u i , par r a p p o r t a l a l i b r a i r i e , v e u l e n t l i r e t o u t ce q u i p a r o i t ; i l en e s t d'autres q u i v e u l e n t t o u t a v o i r ; a i n s i , pour peu que l e t i t r e f a s s e une l i a i s o n , ou q u ' i l i n d i q u e une espece de f u i t e , i l s v e u l e n t a v o i r l'ouvrage, n'importe ce q u ' i l renferme; l e l i v r e e s t a c h e t i ; par bonheur encore, a j o u t a - t - i l , ce sont l e s gens r i c h e s q u i pensent de c e t t e f a c o n 5 f i . Ce p e t i t roman, par l e ton uniform\u00C2\u00A3ment candide avec l e q u e l l e p r o t a g o n i s t e raconte ses aventures, f a i t penser au G i l B i a s de Lesage. Le n a r r a t e u r e s t sans cesse l e j o u e t des c i r c o n s t a n c e s q u ' i l f a i t semblant de ne pas comprendre entierement. Dans L e t t r e de Jean Lo n c u a r t & M.D.L.B. , un a u t r e - 243 -r o t u r i e r raconte ses aventures de c o l p o r t a g e dans l e s c l a s s e s p o p u l a i r e s . Avec sa p e t i t e m a l l e i l va d'abord dans l e s quar-t i e r s c r i e r sa marchandise: des e d i t s , des d e c l a r a t i o n s e t des a r r e t s . Des badauds se rassemblent pour l ' e c o u t e r mais n'ache-t e n t r i e n . C'est q u ' i l ne c o n n a i t pas encore b i e n son m e t i e r . Au l i e u de simplement p i q u e r l a c u r i o s i t e des c l i e n t s , i l de-c r i v a i t s i b i e n ses l i v r e s que c e u x - c i n'avaient p l u s i n t e r e t c i l e s a c h e t e r . Par l a s u i t e , sa m e i l l e u r e connaissance de l a m e n t a l i t e p o p u l a i r e l u i permet de developper une technique q u i l u i assure des ventes c o n s i d e r a b l e s . J ' a j o u t a i s de temps H au t r e a ce que j'annoncois, des gestes e t des v i r g u l e s , j ' y t r a n s p o s a i s ou corrompois comme par b e t i s e , c e r t a i n s mots q u i , un peu d e f i -gures, me p a r o i s s a i e n t former une p l a i -s a n t e r i e propre a amuser l e peuple, que je r e g a r d o i s comme ma m e i l l e u r e p r a t i q u e . A i n s i , au l i e u de d i r e : D e c l a r a t i o n du r o i concernant l e s gens d ' a f f a i r e s , j e d i s o i s c o n s t e r n a n t : s i c ' e t o i t une senten-ce e t une condamnation de mort c o n t r e des v o l e u r s ou a s s a s s i n s , j e d i s o i s en fa v e u r . J e v e n d i s un jou r p l u s de s i x cents exem-p l a i r e s d'une p i e c e de ve r s sur l e mariage de M. l e P. de *** en c r i a n t & t u e - t e t e ; E p i t r e ai l'anne, e t quelque f o i s e p i t r e Ii l'ame de M., au l i e u d ' E p i t h a l a m e 5 8 . Apres maintes mesaventures, Jean, comme l e s a u t r e s c o l p o r t e u r s , echoue en p r i s o n . L ' h i s t o i r e o f f r e un j o l i t a b l e a u de l a v i e p o p u l a i r e , e t des maneges des c o l p o r t e u r s . - 244 -Un peu cl p a r t e s t La M a l l e bosse, n o u v e l l e n u i t de S t r a p a r o l e 5 ^ , n a r r i e a l a t r o i s i i m e personne du s i n g u l i e r e t non presented comme des mimoires. L ' h i s t o i r e nous renseigne sur l e s p e r q u i s i t i o n s p o l i c i e r e s dont l e s c o l p o r t e u r s i t a i e n t l ' o b j e t . E l l e e s t a u s s i un v i o l e n t ; l i b e l l e c o n t r e un i c r i -v a i n v a n i t e u x e t m o r a l i s a t e u r , a p p e l i S i m i l o r , que des contem-p o r a i n s ont du pouvoir i d e n t i f i e r . L'auteur s'amuse \u00C2\u00A7 l e f a i r e juger Le R e c u e i l de ces Messieurs , Les Fetes r o u l a n t e s e t l e s 60 r e g r e t s des p e t i t e s rues e t N o c r i o n Les Mimoires de l ' a c a d i m i e des c o l p o r t e u r s r e s t e n t un document p r i c i e u x sur l e c o l p o r t a g e e t l e commerce des l i v r e s imprimis clandestinement. Les d i f f i r e n t s r i c i t s f o n t r e v i v r e l e t r a v a i l q u o t i d i e n du p e t i t c o l p o r t e u r : l e r a v i t a i l l e m e n t chez un l i b r a i r e imprimeur, l a vente de l a marchandise au c o i n d'une rue, l e s grosses p l a i s a n t e r i e s pour a t t i r e r l e s c u r i e u x e t l e s badauds, 1 ' i n f i l t r a t i o n chez l e s gens de b i e n e t l a me-nace constante de l a p o l i c e . S i l e m i t i e r e t a i t p a r t i c u l i e r e m e n t dangereux a l'epoque ou i c r i v a i t Caylus, c ' e s t que l e c o l p o r t a g e a v a i t &t6 soumis aux r eglementations en 1723. Tout c o l p o r t e u r d e v a i t s a v o i r l i r e e t e c r i r e e t p o r t e r sur l u i une plaque i n d i c a t r i c e - 245 -d'appartenance l e g a l e ei l a c o r p o r a t i o n . La r i g l e m e n t a t i o n v i s a i t ei c o n t r o l e r l a d i f f u s i o n des l i v r e s prohib\u00C2\u00A3s en rendant l e s c o l p o r t e u r s responsables de l e u r s marchandises. La c o n d i -t i o n p r e d a i r e des c o l p o r t e u r s e s t vivement evoquee dans Les Tableaux de P a r i s , de S ^ b a s t i e n M e r c i e r . Les mouchards f o n t s u r t o u t l a guerre aux c o l p o r t e u r s , e s p i c e d'homme q u i f o n t t r a -f i c des s e u l s bons l i v r e s qu'on p u i s s e l i r e en France e t cons6quemment pr o h i b e d . On l e s m a l t r a i t e h o r r i b l e m e n t : tous l e s l i -miers de l a p o l i c e p o u r s u i v e n t ces malheu-reux q u i i g n o r e n t ce q u ' i l s vendent, e t q u i c a c h e r o i e n t l a B i b l e sous l e u r s manteaux s i l e l i e u t e n a n t de P o l i c e s ' a v i s a i t de d i f e n d r e l a B i b l e . On l e s met ei l a B a s t i l l e pour de f u t i l e s brochures q u i s e r o n t o u b l i e e s l e l e n -demain e t quelque f o i s au c a r c a n ^ . La c o r p o r a t i o n des c o l p o r t e u r s comptait e n v i r o n deux m i l l e i n -d i v i d u s q u i repandaient annuellement en France de c i n q ei s i x m i l l i o n s de brochures, parmi l e s q u e l l e s l e s almanachs, l e s contes de f e e s , l e s romans de c h e v a l e r i e e t une q u a n t i t e inorme d'oeuvres l i c e n c i e u s e s . Ces brochures se vendaient sous l e nom g\u00C2\u00A3n6rique de l a B i b l i o t h e q u e b l e u e , ei cause d e ^ l a c o u l e u r de l a c o u v e r t u r e . Les c o l p o r t e u r s se f o u r n i s s a i e n t s u r t o u t c i Troyes 62 chez l e s imprimeurs Oudot . Grace au c o l p o r t a g e l e p u b l i c e s t l i t t e d a l e m e n t inonde\" de l i v r e s f u r t i f s dont l e t r a f i c aggrave l e s d i f f i c u l t e s f i n a n c i e r e s des l i b r a i r e s . Le f a i t d ' e t r e - 246 -p u b l i e clandestinement, a s s u r a i t el un l i v r e , une grande p u b l i -. . . 63 cite\" e t une v a l e u r q u ' i l ne m e r i t a i t souvent pas C'est done pour f a i r e i c h o a une r i a l i t i b i e n contem-po r a i n e que Caylus entreprend de d i c r i r e l e s maneges des c o l -p o r t e u r s , presented un peu f a c i t i e u s e m e n t sous forme de mimoires. Malgre l e p a r t i - p r i s amusant, c ' e s t quand meme l e p o i n t de vue de ses h i r o s r o t u r i e r s q u i e s t p r i s e n t e , e t c e l a c o n s t i t u e pour l ' i p o q u e une c e r t a i n e o r i g i n a l i t y . Nianmoins, l a v a l e u r des r i c i t s , t r o p rapidement i b a u c h i s , r e s t e p l u s documentaire que l i t t i r a i r e . I I s e r a i t v a i n d'essayer de t r o u v e r chez l e s personnages une p s y c h o l o g i e quelconque. S i dans l e s r e c u e i l s que nous venons d'examiner, Caylus e t ses c o l l a b o r a t e u r s mettent en scene des r o t u r i e r s pour l e u r f a i r e p a r l e r un p a t o i s imagi, l e ton g i n i r a l des r i -c i t s , r e f l e t e davantage 1 ' e s p r i t b a d i n des hotes des p e t i t e s s o c i i t e s mondaines que c e l u i du peuple. Un p a r t i - p r i s comique et f a c i t i e u x q u i r e d u i t l e peuple au r o l e de s p e c t a c l e d i v e r t i s -sant, fausse l e r e a l i s m e psychologique e t l i n g u i s t i q u e . Dans l e s Ecosseuses ou l e s oeufs de Paques, r e c u e i l presque e n t i e r e -ment de Caylus, paru en 1739, un e f f o r t s e r i e u x de r e p r e s e n t a -t i o n o b j e c t i v e de l a r i a l i t e p o p u l a i r e e s t m a n i f e s t e . Caylus e n r e g i s t r e sur l e v i f , ce q u ' i l v o i t e t entend p a r t i c u l i e r e m e n t - 247 -aux h a l l e s . Les scenes sont rapportees dans l a langue meme des vendeurs - l e p o i s s a r d . En g e n e r a l , au di x - h u i t i e m e s i e c l e , l e mot p o i s s a r d dedigne l e s h a b i t a n t s de c e r t a i n s q u a r t i e r s marchands e t popu-l a i r e s , notamment c e l u i des h a l l e s e t a u s s i ceux des vieux faubourgs comme Montmartre, V a u g i r a r d e t l e s Porcherons. Peu ei peu l e mot v i e n t a designer t o u t e l a c l a s s e l a b o r i e u s e p a r l a n t un p a t o i s commun: c e l u i de l a r e g i o n p a r i s i e n n e . . . 64 Ch a r l e s Nxsard, dans son etude du patoxs parxsxen a analyse\" l e s c a r a c t e d i s t i q u e s propres du p o i s s a r d . I I f a u t d'abord d i s t i n g u e r l e p o i s s a r d des p a t o i s paysans des b a n l i e u e s e t de l a campagne, p a t o i s que M o l i e r e e t Dancourt a i n s i que Caylus, ont repredente dans l e u r s comedies. Le p a t o i s paysan f i g u r e igalement dans c e r t a i n s pamphlets comme l e s c a l i b r e s 65 N 66 Mazarinades dont l a premiere date de 1649. Les S a r c e l l e s q u i p a r u r e n t dans l a premiere moitie\" du 18e s i e c l e , e x p l o i t e n t l a meme ve i n e paysanne. E c r i t dans un d i a l e c t e p i c a r d , t r e s proche du p o i s s a r d , l e pamphlet e s t d i r i g e c o n t r e l a B u l l e U n i g e n i t u s . Le p o i s s a r d se d i s t i n g u e egalement de 1'argot comme c e l u i par16 par l e s v o l e u r s . Sainedn observe que dans l e - 248 -p o i s s a r d \" l * a r g o t y joue un r o l e absolument e f f a c e ^ toute l a l i t e r a t u r e p o i s s a r d e ne compte pas une douzaine de termes jargonnesques, dont une bonne raoitii au moins se r e t r o u v e dans 67 l e c h e f d'oeuvre du genre, L a Pipe cassee\" Une des premieres oeuvres importantes en p o i s s a r d date de 1644: Les Nouveaux complimens de l a p l a c e Maubert, des H a l l e s , C i m e t i e r e S a i n t - J e a n , Marche-Neuf, e t a u t r e s p l a c e s p u b l i q u e s . Ensemble des haraqeres e t p o i s s o n n i e r e s f a i t e ces 68 j o u r s passes au gasteau de l e u r s Reines . L'ouvrage e s t c a r a c -t i r i s t i q u e du genre; une marchande, d i s p u t a n t l e s p r i x des mar-chandises a\" une p o i s s o n n i e r e , s* a t t i r e un t o r r e n t d * i n v e c t i v e s , a l l a n t de simples g r o s s i e r e t e s aux i n j u r e s p e r s o n n e l l e s . Vers l e m i l i e u du 18e s i e c l e , ces scenes q u i r e p r e s e n t e n t des engueu-lades entre marchandes e t c l i e n t s , sont d i j a devenues p r o c e d i s . La mode e s t a 1'engueulement. Pendant l e s j o u r s gras e t l e s f e t e s , des nobles d e g u i s i s en p o i s s a r d , s'engueulent sur l e s boulevards, dans l e s c a f e s e t dans l e s b a l s masquis. Houssaye dans Les p o r t r a i t s du 18e s i e c l e , d i c r i t une r e n c o n t r e p o i s -sarde e n t r e Caylus e t V a d i , c e l u i - c i d i g u i s e en marchande des H a l l e s S i l e p o i s s a r d connut une s i grande vogue au 18e s i e c l e , - 249 -ce f u t en grande p a r t i e grace ei l a p o p u l a r i t y des parades. De L e d i s , l e s c a r a c t e r i s e comme \"des f a r c e s ou p e t i t e s comedies sans aucune r e g i e , d'un s t y l e a f f e c t e e t r i d i c u l e , r emplies de p o i n t e s e t de jeux g r o s s i e r s t r e s l i b r e s e t t r e s s a t i r i q u e s , que l e s b a t e l e u r s donnent sur l'\u00E2\u0082\u00ACchafaud c i l a p o r t e de l e u r s 70 jeux pour a t t i r e r l e p u b l i c \" . C h a r l e s C0II6, dans son Magniere de d i s c o u r s approfondies s u p e r f i c i e l l e m e n t sur l ' o r i -71 gine o r i g i n a l e e t cocasse de l a nature d i n a t u r e e de l a parade , raconte que Caylus a i n s i que quelques nobles comme d'Argenson, Maurepas, se f a i s a i e n t conduire dans l e s pr6aux des f o i r e s Saint-Germain e t S a i n t - L a u r e n t , ovi i l s a v a i e n t l e p l a i s i r d'as-s i s t e r i n c o g n i t o , aux scenes \" c r o u s t i l l a n t e s \" , q u e l q u e f o i s p a i l l a r d e s e t o r d u r i e r e s q u i l e s f a i s a i e n t r i r e a \"ventre d6-boutonn6\". I I aj o u t e que Caylus e t des compagnons de p l a i s i r , notamment Maurepas e t Pont de Ve y l e , se f a i s a i e n t f a i r e des pa-rades par S a l i e , parades dont i l s endossaient l a p a t e r n i t y . Un des premiers a composer e t c i f a i r e jouer des p a r a -72 des l i t t e r a i r e s e d r i t e s en p o i s s a r d , f u t G u e u l l e t t e . Le grave m a g i s t r a t f u t amene\" c i composer des p i e c e s l e g e r e s pour se mettre dans l e courant de l a mode q u i 6tait aux t h e a t r e s de soci^te\". Avec ses amis, i l se r e n d a i t H l a f o i r e pour se d i v e r t i r en a s s i s t a n t aux f a r c e s f o r a i n e s . Le lendemain, i l s'amusait ii - 250 -impr o v i s e r un t e x t e , i m i t a n t l e s scenes p o p u l a i r e s dont i l a v a i t e t e temoin. Avec des amis i l j o u a i t e n s u i t e l a p i e c e . Ces stances t h i a t r a l e s i t a i e n t d'abord r i s e r v i e s a\ G u e u l l e t t e e t a\" ses amis mais l e b r u i t se r i p a n d i t en dehors e t t o u t l e monde v o u l u t a s s i s t e r a ce nouveau genre de s p e c t a c l e . Les i m i t a t e u r s p u l l u l e r e n t e t a i n s i l e s parades p r i r e n t rang dans l e r e p e r t o i r e des t h e a t r e s de s o c i i t i . 7 3 On i g n o r e combien de parades Caylus a i c r i t e s . Le Por t e u r d'eau ou lesamours de l a ravaudeuse, imprimi dans l e s Ecosseuses ou l e s oeufs de Pasques, e s t l a s e u l e parade que l'on p u i s s e a t t r i b u e r avec c e r t i t u d e ii C a y l u s . C e t t e p i e c e e s t s e l o n Moore, \"the most gen u i n e l y p o i s s a r d o f the known 74 parades\" . Les personnages ne sont p l u s des types mais de v r a i s p o i s s a r d s que l ' o n p o u v a i t r e t r o u v e r au H a l l e s e t dans l e s vieux faubourgs. Caylus met en scene une ravaudeuse que 75 % J a u b e r t d e c r i t comme \"une pauvre c o u t u r i e r e q u i a une espece de p e t i t e boutique p o r t a t i v e , q u i i t a l e e t t r a v a i l l e au c o i n des rues au raccommodage des bas dans de p e t i t e s ichoppes sem-b l a b l e s a c e l l e s que l e s s a v e t i e r s a p p e l l e n t \" S t a l e s \" ou \" i t a u x \" un p o r t e u r d'eau, c e l u i q u i dans l e s v i l l e s ou l e s p u i t s ne four n i s s e n t pas une eau s a l u b r e , apporte des f o n t a i n e s de l' e a u p o t a b l e . Les a u t r e s personnages sont igalement r o t u r i e r s : un - 251 -l a q u a i s , une t r i p i d r e , une vendeuse de pommes e t un c l e r c du commissaire de p o l i c e . L a scene se dedoule dans l e s rues de P a r i s . L ' i n t r i g u e se r i d u i t c i peu de choses: Margot l a rav a u -deuse, e n c e i n t e , demande ei P o i t e v i n de l'epouser mais i l r e f u s e a l l i g u a n t que \" l e four n'a pas chauffe\" pour ( l u i ) t o u t s e u l \" . Margot se c o n f i e a Mme C o t t e r e t , l a vendeuse de pommes q u i ima-gine un str a t a g i m e pour l u i t r o u v e r un ma r i . Margot f e r a a c -c r o i r e q u ' e l l e a regu une s u c c e s s i o n dont un sac d'huxtres s e r a l a preuve. Comme v i c t i m e , on c h o i s i t M. S i f f l e t , l e p o r t e u r d'eau q u i t o u t de s u i t e se l a i s s e prendre au piege tendu. E n t r e temps, P o i t e v i n r e v i e n t avec deux compagnons, Champagne e t Bourguignon: l e s t r o i s comperes mordent a u s s i al'.hamecon. C'est c i q u i epousera Margot: tous l e s t r o i s d e c l a r e n t e t r e l e pere de 1'enfant e t v e u l e n t s i g n e r l a d e c l a r a t i o n que l e u r sou-met l e c l e r c , P a s s e - P a r t o u t . C e l a donne l i e u c i une v i o l e n t e d i s p u t e q u i f i n i t par des coups de poings, l e renversement de l a boutique e t l a decouverte des e c a i l l e s d 'huxtres. Tous l e s s o u p i r a n t s se d e s i s t e n t mais t o u t f i n i t par s'arra n g e r : Passe-P a r t o u t arrache v i n g t - c i n q f r a n c s des t r o i s l a q u a i s , t a n d i s qu'ci f o r c e de v i n , i l persuade S i f f l e t d'epouser Margot. C e t t e p i e c e 16gere d'un a c t e , vaut s u r t o u t par l a p e i n t u r e r e a l i s t e du bas peuple. Chaque scene c o n s t i t u e un - 2 5 2 -v e r i t a b l e t a b l e a u de moeurs que Caylus p e i n t impartialement sans f a i r e de jugement de v a l e u r e t sans g l i s s e r des remarques f a c i t i e u s e s , comme i l l e f a i t par exemple dans ses a u t r e s r e -c u e i l s . I I se borne a mettre ses personnages en scene e t <5 l e s f a i r e p a r l e r l e u r propre langage. Caylus a s e n t i que l a m e i l l e u r e maniere de repredenter l e peuple e s t de l e f a i r e p a r -l e r . Le langage v6hicule en lui-meme une p h i l o s o p h i e e t une p s y c h o l o g i e q u i c a r a c t e r i s e n t chaque groupe d'une s o c i e t e . P l u s que de simples p r e t e x t e s pour compter des bons mots ou mettre en r e l i e f l a s i n g u l a r i t e des e x p r e s s i o n s p o p u l a i r e s , l e s d i f f 6 -r e n t e s scenes peignent l'ame du p o i s s a r d : ses preoccupations m a t e r i e l l e s , ses h a b i t u d e s , sa f r a n c h i s e b r u t a l e e t ses r a p p o r t s d i r e c t s avec ses semblables. V o i c i l a scene de c o n f r o n t a t i o n e n t r e Margot e t P o i t e v i n . Margot P o i t e v i n , P o i t e v i n , 6coute done, P o i t e v i n . P o i t e v i n Que veux-tu? j e n ' a i pas l e temps. Margot Tu n'a p l u s l e temps; t u l ' a s b i e n su prendre, bon v a u r i e n . P o i t e v i n Je me donne au d i a b l e s i j e n ' a i une com-- 253 -m i s s i o n q u i p r e s s e . Margot Od e s t l e temps, P o i t e v i n , quand j e t e v o u l o i s renvoyer; quand j e t e d i s o i s , va-t-en; monsieur t e grondera, monsieur te f e r a maxtre d ' h o t e l chez t o i : t u me d i s o i s ; bon, bon! s 1 i l n 'est pas content, q u ' i l prenne des c a r t e s ; e s t - c e q u ' i l n'y a p o i n t d'autres maxtres que l u i dans P a r i s ? c ' e s t que t u a v o i s envie de ma p i a u , c ' e s t que... P o i t e v i n Oh, monsieur e s t devenu p l u s d i f f i c i l e , e t j e s e r o i s , ma f o i , b i e n f a c h i de l e q u i t t e r . M. S i f f l e t (passant) A l ' i a u . . . au... v o t r e v a l e t , mademoiselle Margot. Margot V o t r e s e r v a n t , M. S i f f l e t . Tout c e l a e s t b e i e t bon; mais ei quand n o t r e mariage? P o i t e v i n Qui? n o t r e mariage? Oh! i l n'y a r i e n q u i p r e s s e . Margot N'y a r i e n q u i presse, d i s - t u ? v o i s - t u done comme v l i l q u i pousse; t o u t l e monde l e v e r r a b i e n t o t ; on en b a t t e r a l a moutarde dans t o u t l e q u a r t i e r ; e t s i j e ne p u i s pas d i r e , j e s u i s l a femme a P o i t e v i n , j e ne s a u r a i que d e v e n i r . - 254 -P o i t e v i n Bon, MargotI n'es-tu pas b i e n i t a b l i e ? n'as-tu pas quelque chose devant t o i ? e s t - c e un c h i e n que t o u t e s t e s p r a t i q u e s ? t u changes c o n t i n u e l l e m e n t l e t r o u pour l a p i e c e . Oh, dame, j e ne v o i s pas... Margot Quoi! t u n'as pas p i t i i de l ' i t a t o\u00C2\u00A3t t u m'a mise? P o i t e v i n C e l a e s t done b i e n facheux. Oh b i e n , j e ne veux pas m ' a f f l i g e r t o u t s e u l ; j e v a i s a v e r t i r Champagne, Bourguignon, l a F l e u r . . . Margot Qu*entends-tu par l e i , c h i e n de v o i e r i e ? P o i t e v i n Doucement, mademoiselle Margot, j e vous en p r i e , p o i n t de gros mots; j e s a u r o i s b i e n vous paumer l a gueule. J * entends... vous l e savez ce que j'entends. Le four n 1 a pas c h a u f f i pour moi t o u t s e u l . Margot Voyez c e t impudentl Comme s i j ' e t o i s f i l l e . . . P o i t e v i n Vraiment nenni, t u ne l ' e s pas. Margot Ce c h i e n - l c i ! ne me l ' a s - t u pas vu? - 2 5 5 -P o i t e v i n Oh qu'oui, j e t e l ' a i vu. Margot Eh b i e n , c ' e s t done pour ga. Je c r o i s , Dieu me l e pardonne, que t u te f i c h e s de moi? veux-tu m'epouser ne l e veux-tu pas? P o i t e v i n J e t e d i s que monsieur ne l e v o u d r o i t pas. Margot J e t e d i s e t j e te souze mou, que ca n'est pas v r a i ; mlne-moi chez l u i t o u t a st'heure, s i n o n j e m'y en v a i s . J e l u i d i r a i . . . P o i t e v i n Tu l u i d i r a s que j ' a i couche\" avec t o i . I I e s t , ma f o i , b i e n c u r i e u x de qa7^. L a i s s a n t de cote l e s a l l u s i o n s f a c i l e s ^ double sens, on peut juger que sans e t r e t r e s profonde, l a p e i n t u r e de Caylus ne manque pas de v e d i t e psychologique e t de n a t u r e l : 1 ' a t t i t u d e e v a s i v e de P o i t e v i n , ses excuses et l e s a c c u s a t i o n s b r u t a l e s de Margot devant l a l a c h e t e de son anc i e n s o u p i r a n t , sont des ob-s e r v a t i o n s p s y c h o l o g i q u e s t r e s v a l a b l e s . La scene progresse n a t u r e l l e m e n t dans un d i a l o g u e a l e r t e e t v i v a n t . Dans une p e r s p e c t i v e p l u s r e d l i s t e , moins c o l o r e d par - 256 -un p a r t i - p r i s comique, Caylus e n r e g i s t r e un e n t r e t i e n apparem-ment assez b a n a l e n t r e deux commeres, Mme C o t t e r e t e t Madame Rognon. Madame Rognon ( p a r l a n t du nez) T i e n s , ma n i e c e , v o i l c l un bon maorceau de mou que j e t'apporte pour ton d i n i . Madame C o t t e r e t Du mou, commere Rognon! ga n'est bon que pour l e s c h a t s ; j e ne m'itonne pas s i e l l e i t o i t s i l a s s e d'en manger. Madame Rognon Tredamei voulez-vous pas q u ' e l l e f a i t de l a soupe tous l e s j o u r s ? s i b i e n que vous via\" jabonant, j a s a n t comme des p i s borgnes; car pour l'ouvrage, on vous en sou h a i t e ga ne vous f i c h e r o i t pas un p o i n t . Madame C o t t e r e t Touchou! comme vous y a l l e z ! Oh dame! e l l e a beau v o u l o i r , e l l e n'en peut pas f a i r e davantage, vous d i t - o n . Madame Rognon Mon Dieu, n o t r e commere C o t t e r e t , vous etes t r o p bonne quand vous n'etes pas s o u l e ; vous gatez s t e jeunesse, e l l e vous e s t paresseuse; c ' i t o i t moi q u ' i l f a l l o i t v o i r i s t ' a g e - l H , j e t r a v a i l l o i s , moi, dres l e s quatre heures t o u j o u r s chantant. Margot Vous savez b i e n , ma ta n t e , que j e ne s u i s pas paresseuse de ne r i e n f a i r e . - 257 -Madame Rognon Ca s e r o i t bon l a n l e r e ; j e vo u d r o i s b i e n v o i r ga; c a j e vo u d r o i s b i e n v o i r 7 8 . On v o i t avec q u e l l e h a b i l e t e , Madame C o t t e r e t q u i aime P o i t e v i n , prend l e p a r t i de Margot c o n t r e sa t a n t e t o u t en medageant c e l l e - c i pour l a d i s p o s e r a r e c e v o i r l a mauvaise n o u v e l l e de l a grossesse de sa n i e c e . Le t a b l e a u de moeurs se double i c i d*an-n o t a t i o n s psychologiques assez b i e n observees. Le c a r a c t e r e a g g r e s s i f de Madame Rognon e s t p a r t i c u l i e r e m e n t b i e n d e s s i n e . S i l e comique de l a p i e c e p r o v i e n t s u r t o u t des t a -bleaux p i t t o r e s q u e s des moeurs p o i s s a r d e s , Caylus ne di d a i g n e pas pour autant l e s procedes t r a d i t i o n n e l s de l a f a r c e : l e s calembours, l e s jeux de mots (M. S i f f l e t e s t l e \"garde des s i a u x ) , l e s ex p r e s s i o n s g r o s s i e r e s e t t r u c u l e n t e s , l e s engueu-lade s , l e s coups de poings e t l e s i n v e c t i v e s . V o i c i par exemple l a r e a c t i o n de Madame Rognon, quand e l l e apprend que sa n i e c e e s t e n c e i n t e : Voyez un peu s t 1 i n s o l e n t e , st'imprudente! n ' e t o i t l e r e s p e c t de ton f r u i t , chienne, j e t e r o u e r o i s de coups, j e t i c h i n e r o i s ; Dieu me pardonne l a s a i n t e paroley mais voyez s t e b i g u e u l e , s t e p u t a i n , st'\u00C2\u00A3chapp6e de l ' h o p i t a l l comment ca t ' e s t y a r r i v e , malheureuse; dis-moi ca t o u t e - c i - 1 ' h e u r e 7 9 . - 258 -Comme l e montrentles quelques passages c i t e d , l a p i e c e e s t e x c e l l e n t e dans son genre: amusante, v i v a n t e e t p i t t o r e s q u e , e l l e o f f r e une p e i n t u r e remarquable de l a v i e p o p u l a i r e au d i x - h u i t i i m e s i e c l e . B i e n q u * e l l e s ne s o i e n t pas spedifiquement p o i s s a r d e s , i l c o n v i e n t de mentionner i c i , deux p i e c e s non moins r e a l i s t e s 80 de C a y l u s : l e B o r d e l ou l e Jean f o u t r e sans peur e t 1 ' A p a r e i l -81 l e u s e . Les deux p i e c e s nous f o n t pededrer d e r r i e r e l e s r i -deaux d'un l i e u peu commun dans l e t h e a t r e de l'epoque: l e b o r d e l . L e B o r d e l , que Gay q u a l i f i e \" d ' e x c e l l e n t e p i e c e dans 82 son genre\" r e l e v e de l a pure pornographie e t n'a probablement jamais ede\" joued ii cause des s e i n e s de f o r n i c a t i o n . D'un n a t u r e l moins c r u , L ' a p a r e i l l e u s e e s t p l u s i n t e d e s s a n t e . La p i i c e o f f r e un t a b l e a u s a i s i s s a n t d'une maison de p r o s t i t u t i o n . Un v i e u x debauche\" u s i , M. G r a f i g n y , se predente chez Mme Am b o i s e l l e , l a maquerelle: i l demande du nouveau. E l l e l u i propose Manon, sa n i i c e , nouvellement a r r i v e d ti P a r i s . La scene, r e p r o d u i s a n t t o u t e l a erudite\" du langage d'un t e l l i e u , e s t d'un n a t u r e l remarquable. G r a f i g n y ... Mais revenons a\" v o t r e n i e c e . Combien vous donneray-je pour son pucelage. S i - 259 -t a n t e s t q u ' e l l e l ' a i e . . . Mme Amb o i s e l l e Voyez un peu l e gros d i g o u t e : ne f a u d r o i t - i l pas vous l a donner a l ' i p r e u v e ? 0 dame! c ' e s t q u ' i l n'y a r i e n I S de f r e l o t t e ; on peut f . . . en s u r e t y de c o n s c i e n c e . Vous me donnez 20 l o u i s e t me rem e r c i e r e z encore. G r a f i q n y V i n g t l o u i s ! ma c h i r e bonne y pensez-vous b i e n . Mme Amb o i s e l l e A l l e z , A l l e z , quand vous v e r r e z l e s deux p e t i t s t e t o n s fermes, r e l e v e s , e t b i e n ^ c a r t e s , vous m'en f e r e z p r e s e n t de d i x a u t r e s . C'est un morceau de P r \u00E2\u0082\u00AC l a t . En conscience j e ne.vous en r a b a t t r a y pas un p o i l . (scene 1) Mais i l r e s t e a Mme Am b o i s e l l e de c o n v a i n c r e sa n i e c e e t de l ' i n i t i e r aux r\u00C2\u00A3alit6s du m e t i e r . C e l a donne l i e u \u00C2\u00A7 une s e i n e charmante oxi l a ruse b r u t a l e de l a maquerelle f a i t c o n t r a s t e ei l a n a i v e t e un peu appreted de l a n i i c e . Caylus a t o u t p a r t i -c u l i e r e m e n t b i e n rendu l a p s y c h o l o g i e de Mme A m b o i s e l l e . E l l e f a i t d'abord v o i r & Manon, l e p r i v i l e g e d'etre a P a r i s e t d ' a v o i r quelqu'un pour s'occuper d ' e l l e . Mais c e l a coute de 1'argent. I I faudra q u ' e l l e songe c i en gagner. L'ingenue e s t p r e t e ii f i l e r , H coudre e t ei t r i c o t e r . C'est a l o r s que l a t a n t e l u i soumet habilement son p r o j e t . - 260 -Mme Ambo i s e l l e V o i l a encore un beau f i l s de p u t i n de m i t i e r . J e veux t'en apprendre un mon enfant q u i te f e r a p l u s gagner en un q u a r t d'heure que ton f i l a g e e t ton t r i c o t t a g e en 6 semaines. Manon Ah! ma bonne t a n t e , apprenez l e moy b i e n v i t e . Mme Amboiselle C e l a s e r a b i e n t o t f a i t ; mais i l f a u t que vous f a s s i e z t o u t ce que j e vous d i r a y . Manon J e ne f e r o y s jamais d i r e deux f o i s l a meme chose ma bonne t a n t e . Mme Amb o i s e l l e Nous ver r o n s c e l a . . . I l va v e n i r i c y t o u t k l'heure, un gros Monsieur, q u i veut vous v o i r ; ayez b i e n de l a complaisance pour l u i e t l a i s s e z vous f a i r e t o u t ce q u ' i l voudra... entendez-vous, b i e n . . . Manon Tout ce q u ' i l voudra ma chere t a n t e . S ' i l v o u l o i t me donner l e f o u e t . Mme Am b o i s e l l e Oh! que non, i l ne vous f o u e t t e r a pas. I I vous aimera b i e n . Manon Mais moy a u s s i , ma t a n t e , l ' a i m e r a y - j e b i e n ? E s t - i l beau? - 261 -Mme Amb o i s e l l e I l f a u t aimer tous ceuz q u i vous donneront de 1'argent... e t l e s trouvez beaux. Manon E t ceux q u i ne m'en donneront pas? Mme Amb o i s e l l e Tournez l e u r l e d e r r i e r e quand i l s vous ap-proch e r o n t . Ne l e s ecoutez pas: l e s gueux et l e s l a d r e s ne sont bons a r i e n . (scene 2) Mme Amb o i s e l l e 6tale e n s u i t e Manon devant M. G r a f i g n y e t voyant 1'enthousiasme du l i b e r t i n e l l e hausse l e p r i x de l a marchandise si 30 l o u i s . J ' a i f a i t mes r e f l e x i o n s d e p u i s : a vray d i r e ce s e r o i t o f f e n s e r Dieu que de l i v r e r un p a r e i l b i j o u ei s i bon marche. Une s i b e l l e enfant t o u t e jeune, e t q u i a son pucelage, m e r i t e parquie b i e n qu'on f a s s e quelque e f -f o r t . I I f a u t se s a i g n e r dans ces oc c a s i o n s I c i ; ce s e r o i t mon f r i r e q u ' i l ne l ' a u r o i t pas ei moins. Voyez-vous? (scene 3) Un a u t r e t a b l e a u nous montre comment l e s jeunes f i l l e s sans c o n d i t i o n sont r e c r u t e e s e t comment a u s s i e l l e s sont l a p r o i e f a c i l e des maisons de p r o s t i t u t i o n . Marianne, une jeune f i l l e s e d u i t e e t abandonnee par un l i b e r t i n q u i l u i a f a i t deux enf a n t s , s'adresse chez Mme A m b o i s e l l e . C e l l e - c i v o u l a n t se l ' a t t a c h e r , l u i f a i t un p o r t r a i t f l a t t e u r de sa s i t u a t i o n s i - 262 -e l l e r e s t e dans l a maison. E t i c y , en moins de 2 ou 3 ans, t u t e ve r r a s ci ton a i s e . E t s i t u as de l ' i c o -nomie e t de l a cond u i t e , j e t e veux f a i r e i p o u s e r l e m a r g u i l l e r de l a p a r o i s s e . . . Entends-tu bien? F a i s t e s r e f l e x i o n s l a -dessus e t v i e n s me r e v o i r . (scene 4) La maquerelle, apres l u i a v o i r r i p a r i son pucelage, l a donne ci un procureur, M. Friponneau. C e l a donne l i e u a une autr e scene, rendue dans sa r i a l i t e t oute c r u e . M. Friponneau se rend v i t e compte q u ' i l a e t i trompi. I I couvre d * i n j u r e s l a maquerelle q u i d'abord douce e t c o n c i l i a n t e joue l e r o l e de l ' i n n o c e n t e . Mais quand l e procureur demande son argent e l l e passe e l l e a u s s i aux i n v e c t i v e s . J e t e rendray au D i a b l e , ci t o u t coup. Ne f a i s p o i n t i c y de v i o l e n c e , vieux j u i f . Hola La Jeunesse... Vous a r r i v e z t o u t ci p r o -pos... F a i t e s un peu entendre r a i s o n S ce monsieur. Ah! j e s u i s ipoulmonie. (scene 6) L'expulseur a v i t e f a i t de mater l e pr o c u r e u r . Comme Mme Am-b o i s e l l e i l ne manage pas ses mots. Vous etes un f . . . gueux vous meme e t un B... d ' i n s o l e n t de t r a i t e r a i n s i d'honnetes dames. La . . . Dieu, j e ne scay a quoy i l ne t i e n t que j e ne vous f a s s e r e n t r i e l e s p a r o l e s ei coups de pie d s dans l e v e n t r e . . . a l l o n s f . . . moy l a p o r t e sans a u t r e e x p l i c a t i o n , (scene 7) - 263 -Le p r o c u r e u r , f u r i e u x , s o r t en j u r a n t de se venger. Dans l a scene s u i v a n t e on v o i t a r r i v e r l e commissaire avec des a r -c h e r s . Madame Am b o i s e l l e d o i t payer quatre l o u i s a 1 'agent et l u i donner un rendez-vous avec Manon, pour q u ' i l l a i s s e tomber 1 ' a f f a i r e . Comme on peut l e c o n s t a t e r , l a p i e c e n'a n i u n i t e n i a c t i o n dramatique proprement d i t e . Caylus se contente de p r e -senter d i v e r s tableaux peignant l a v i e dans une maison de p r o s t i t u t i o n , e t 1'immoralisme t o t a l q u i y regne: de vieux debauches uses q u i demandent sans cesse de l a nouveaute pour ranimer l e u r s sens eraousses; l e cynisme b r u t a l de l a maquerelle e t des f i l l e s de j o i e q u i e x p l o i t e n t l e u r s v i c e s . Lorsque Gnathon, une f i l l e de j o i e , r aconte en r i a n t comment e l l e a vendu son pucelage a un vieux l i b e r t i n , Mme A m b o i s e l l e repond: \"L'as-tu un peu d e g r a i s s e l e vieux c hien? C'est une oeuvre m e r i t o i r e devant D i e u \" . (scene 5). Aucun p r i n c i p e moral ne f r e i n e Mme A m b o i s e l l e dans sa p o u r s u i t e du s e u l b i e n q u i 1'in-t e r e s s e : 1 ' a r g e n t . E l l e eprouve un p l a i s i r f e r o c e e t vengeur de tromper ses c l i e n t s q u ' e l l e t r a i t e avec l e d e r n i e r mepris quand i l s ne l u i r a p p o r t e n t p l u s r i e n . Les quelques scenes amusantes de l a p i e c e sont d'un - 264 -comique assez g r i n c a n t . On pense p a r t i c u l i e r e m e n t a l a h u i -tieme scene d i f f i c i l e m e n t j o u a b l e , oii Manon e f f r a y i e , a r r i v e en courant, p o u r s u i v i e par M. G r a f i g n y . Manon a c r u que l e procureur v o u l a i t l a t u e r avec sa \"grosse b e t e \" . E l l e s ' e s t b i e n difendue i n f l i g e a n t quelques b l e s s u r e s a son a g r e s s e u r . E l l e demande a\ r e t o u r n e r chez e l l e , M. G r a f i g n y reclame son a r g e n t . La maquerelle ne f a i t n i l ' u n , n i 1*autre. E l l e p r e t e main f o r t e au bourreau q u i sur l e champ, d i p u c e l l e l a jeune f i l l e . Par l e r i a l i s m e du t a b l e a u de moeurs e t par l a v e r i -ty du langage e t par l e n a t u r e l du d i a l o g u e , c e t t e p i e c e e s t sans doute l a m e i l l e u r e que Caylus a i t i c r i t e . E l l e date de 1739, l ' i p o q u e ovl Caylus a p r o d u i t ses p l u s i n t i r e s s a n t e s oeuvres p o i s s a r d e s et r i a l i s t e s . Par l e ton neutre e t impar-t i a l , c ' e s t d ' a i l l e u r s au P o r t e u r d'eau ou l e s amours de l a ravaudeuse a i n s i qu'& 1 ' H i s t o i r e de Guillaume cocher que f a i t penser 1 ' A p a r e i l l e u s e . S i l e s p o i s s a r d e r i e s ont connu l e u r p l u s grande vogue sur l a scene, i l se d i v e l o p p a & peu pres p a r a l l e l e m e n t t o u t e - 265 -une l i t e r a t u r e p o i s s a r d e en prose. Nous avons d e j a vu que dans l e s ann6es t r e n t e e t quarante, l e p a t o i s p a r i s i e n e t a i t ei l a mode dans l e s p e t i t e s s o c i i t e s mondaines comme l e s d i n e r s du bout du banc e t l e s pseudo-academies. Les auteurs des Etrennes de l a S a i n t - J e a n , du R e c u e i l de ces messieurs e t des Mgmoires de l'acadgmie des c o l p o r t e u r s , f o n t un usage g\u00C2\u00A3n6reux du p o i s s a r d dans l e u r s r\u00C2\u00A3cits f a c e t i e u x . Mais comme nous l ' a -vons vu l a r e p r e s e n t a t i o n l i n g u i s t i q u e e s t l o i n d ' e t r e f i d e l e . En prose comme dans l a parade, Caylus montre l e meme s o u c i de r e p r e s e n t a t i o n o b j e c t i v e des moeurs e t du p a r l e r po-p u l a i r e . Dans sa p r e f a c e des Ecosseuses ou l e s oeufs de Pasques, i l r\u00C2\u00A3vele comment i l compose ses h i s t o r i e t t e s a p a r t i r d'une o b s e r v a t i o n d i r e c t e du peuple. Je regarde de t o u t ce que j e v o i s ; c a r i l y a b i e n des gens q u i v o i e n t sans r e g a r d e r , e t je p u i s d i r e , sans v a n i t e , que j e ne s u i s pas de c e u x - l a . Ce mois de j u i l l e t d e r n i e r , me promenant dans P a r i s , j e fus a r r e t s par l e s r i r e s e t l e ton de l a j o i e que j ' e n t e n d i s f a i r e ei c i n q ou s i x bonnes e t grosses commeres q u i e c o s s a i e n t des p o i s v i s - a - v i s l a boucherie de Saint-Roch; j ' e n t r a i pour ecouter, chez un honnete monsieur, marchand e p i c i e r de p r o f e s -s i o n , q u i f a i t l e c o i n de l a p e t i t e rue qu'on a p p e l l e du rempart; e t , sans f a i r e aucun sem-b l a n t de r i e n j ' e c o u t a i p l u s i e u r s de l e u r s h i s t o i r e s sur diff\u00C2\u00A3rens s u j e t s : j e v i s b i e n , ci p a r t moi, q u ' e l l e s e t o i e n t convenues ensemble de f a i r e chacune l a l e u r ; c a r i l y en eut une - 266 -q u i d i t en f i n i s s a n t : a\" vous l e dez, ma commere, une au t r e , c a r chacun l e s i e n ce n'est pas t r o p ; e t j e s u i s persuade\" q u ' e l l e s p a r l o i e n t de ca, f a u t c r o i r e . Or, l e s h i s t o i r e s me paru r e n t cossues et s i p l e i n e s de gorges chaudes, q u ' e l l e s me donnerent l a pensed de l e s e d r i r e avec un m e i l l e u r s t y l e e t p l u s en f r a n g a i s qu' e l l e s n'edoient d i t e s , e t de l e s donner sous l e t i t r e des Ecossejuses.. . f t 3 . La. p l u p a r t des p i e c e s , sont, comme l e predend Caylus, des anecdotes p o p u l a i r e s raconteds par des commeres p o i s s a r d e s en edossant des p o i s . A cote\" de ces h i s t o r i e t t e s p o i s s a r d e s , Caylus a insure\" dans l e r e c u e i l , quelques p i e c e s - chansons, anecdotes s i n g u l i e r e s , v e r s b u r l e s q u e s - de meme nature que c e l l e s des Etrennes de l a S a i n t - J e a n . L ' h i s t o r i e t t e l a p l u s i n t e r e s s a n t e e s t l a premiere 84 du r e c u e i l , Le Qui e t l e Non mal pla c e d . La n a r r a t r i c e , l a mere Bachot, r a p p o r t e une anecdote du q u a r t i e r , a\" ses commeres. G r i f f a u d e e t Cornichon s'aiment e t p r o j e t t e n t de se m a r i e r . Le j o u r de l a cedimonie matrimoniale, l o r s q u e l e p r e t r e demande a\" G r i f f a u d e s i e l l e accepte Cornichon comme mari, e l l e repond nigativement. Le mariage d o i t e t r e dedommande\". G r i f f a u d e a v a i t v o u l u se venger parce que Cornichon, un s o i r a\" l a taverne, a v a i t tenu des propos q u i m e t t a i e n t en cause l a v e r t u de sa f i a n c e d . Les amoureux par l a s u i t e se r e d o n c i l i e n t e t G r i f f a u d e se l a i s s e - 267 -s i d u i r e par Cornichon. Devenue grosse, e l l e demande a son s i d u c t e u r de l'e p o u s e r . I l r i p o n d q u ' i l ne s a u r a i t se l i e r & une femme q u i d i t non quand e l l e d e v r a i t d i r e o u i , e t o u i quand e l l e d e v r a i t d i r e non. S i on juge 1 ' h i s t o r i e t t e uniquement par l e fond, e l l e n 'est guere r i e n de p l u s qu'un r e c i t amusant dans l a v e i n e des f a b l i a u x e t des Cents n o u v e l l e s n o u v e l l e s . Mais dans sa forme e l l e e s t e x t r a o r d i n a i r e m e n t i n t i r e s s a n t e e t o r i g i n a l e . Le r i c i t e s t pr e s e n t s entierement du p o i n t de vue de l a p o i s s a r d e Madame Bachot, q u i s'adresse -at ses commeres: d'ovl l a n a r r a t i o n ponctuee de lieux-communs moraux, de p o t i n de q u a r t i e r , de r e -marques un peu disabusees sur 1 ' i n g r a t i t u d e des enf a n t s , l e s miseres de l a v i e , l ' i g o l s m e des hommes, remarques q u i r e s t e n t t o u j o u r s dans l e s l i m i t e s de sa con s c i e n c e p o p u l a i r e . I I m'est a v i s que l e s enfans ne v a l e n t pas l a peine d'en f a i r e , e t qu'a l a p a r f i n c a se tourne au rebours du p l a i s i r qu'on s'en imagine; tenez, sans o f f e n s e r personne, c e t t e g r a i n e - l S , dres q u ' e l l e e s t devenue dure, se donne du menu au dipens des pauvres peres e t meres, q u i c r o i e n t a v o i r f a i t un beau c h e f - d ' oeuvre. Des enfans, vous d i s - j e , c ' e s t 1'en-geance du d i a b l e ; j e s a i s ce qu'en vaut l'aune, e t ca 6 t o i t a r e f a i r e . . . Tant y a que chacun sent son mal, j'en a i t o u t mon s o u l ; ce n'est pas pourtant que mon d r o l e , apres l a p e t i t e r e p r i s e de j u s t i c e q u i l u i e s t a r -r i v e , j 'espere, s ' i l p l a i t a Dieu, q u ' i l i r a - 268 -a S a i n t Raboni, e t q u ' i l ne donnera p l u s t a r d dans l ' e a u d e - v i e , e t dans l a c r e a -t u r e , e t q u ' i l aura un peu pl u s de s a -c r i s t i e , a i n s i s o i t e t l a V i e r g e ; c a r , t o u t compte\" e t to u t r a b a t t u , c' e s t - l a l e h i e . Ma commere, otez ce que vous savez a l a jeunesse, vous en f a i t e s p i s que des s a i n t s . Mais, va-t-en v o i r s ' i l s v i e n -n e n t 8 5 . Comme on peut en juger, Caylus a r e s p e c t i l e langage e t l a men-t a l i t y p o p u l a i r e . Le r e d i t e s t de p l u s extremement v i v a n t e t l a n a r r a t i o n serpente lentement a t r a v e r s un deluge d'images, de metaphores, de proverbes e t d'aphorismes brutaux i n d i q u a n t une longue experience de l a v i e . P a r f o i s l e ton d e v i e n t p r e s -que poedique comme par exemple dans l a scene touchante oil l a n a r r a t r i c e d e c r i t l a r e c o n c i l i a t i o n des amants. Ce f u t sur l a brune d'un au t r e s o i r , e n t r e c h i e n e t loup, d e r r i e d e l e s sacs ct b l e d : dame, i l en f a l l u t dedoudre un p l e i n , l e grand Cornichon en s a v a i t p l u s d'une nich e d ; c ' e t a i t un dru q u ' a v o i t l a f e s s e tondue, beau d i s e u r , ayant l a p a r o l e en bouche; i l ne donna p o i n t de r e l a c h e ii sa mie, q u ' i l ne l u i eut replatre\" son medait; i l l u i d i g o i s a t a n t e t t a n t , par r a p p o r t a ce q u ' i l 1 'avait fached, que l a G r i f f a u d e , p l u s douce qu'une b r e b i s , y mit sa crednce, comme s i l e s pa-r o l e s d'un amoureux e d a i e n t mots d'e d a n g i l e ; p u i s l e sexe e s t s i f a i b l e envers l'ami du coeur, qu'S l a p a r f i n l a p e t i t e m i j o r e d se l a i s s a o t e r sa rancune, q u i ne t e n a i t p r e s -qu'ii r i e n ; son Cornichon l u i parut p l u s net qu'un torchon; dres que l ' a m i t i i e s t entre deux, ga s e r t de l e s s i v e , t o u t l e grabuge - 269 -s'en va S-voir-l'eau; nage toujours, ne t'y f i e pas, c'est ce qui se v e r r a 8 6 . Madame Bachot f a i t preuve d'une grande comprehension a l'egard de l a jeunesse: e l l e ne songe aucunement a blamer Griffaude et l a juger au nom d'une morale v i e i l l o t e et puritaine. On dede-le dans ses paroles une certaine nostalgie de l'epoque des amours. Cette charge ^motive apparait notamment dans l a scene de seduction, rendue i c i avec couleur vie et naturel. Nos amoureux ensemble \u00C2\u00A3i l'heure q u ' i l s Etoient seuls, avec leur amitie\" f r a i c h e -ment remise en pied, ne savoient oil mettre leurs mains, tant i l s Etoient aises de se v o i r , et s i pourtant i l s ne se voyaient pas, parce q u ' i l f a i s o i t une b e l l e nuit des plus noires, mais 1*amour sent son avoine; i l s s'aimaient pis que jamais, i l s Etoient dans l a p a i l l e jusqu'au cou, tout ca y f a i t ; bref, les f r a i s du racommodement coutent queuquefois presque toujours plus cher qu'au marchi; l e pied g l i s s e quand on ne se t i e n t pas bien avec ceux-la\" qui vont toujours leur t r a i n ; ga. ne s'arrete pas par l e l i c o u comme notre ame; puis i l s avoient l a bride au cou. On en p r o f i t e quand n'y a qu'S a l l e r , aussi l a p e t i t e Griffaude fut plus v i t e que l e pas, et son amoureux l u i f i t prendre l e mords aux d e n t s 8 7 ; L ' h i s t o r i e t t e reste un des meilleurs tableaux du peuple que Caylus a i t peints: l e langage poissard, l a mentality populaire, tout y est observe\" scrupuleusement et fidelement. - 270 -Les deux a u t r e s h i s t o i r e s , rapporteds par l e s edos-seuses, n'ont pas l e c a r a c t e r e anecdotique e t authentique de l a prededente: e l l e s t i e n n e n t davantage de l a blague que l ' o n r a -conte pour d i v e r t i r des amis. E l l e s sont dans l a v e i n e des Cent n o u v e l l e s n o u v e l l e s e t des F a b l i a u x . Dans l e Coup de 88 tonnerre , J a c q u e l i n e prend l e pet de son mari pour un coup de tonnerre e t s ' e c r i e : \"Ah! Jedus-Maria! l e coup e s t tombe\". 89 Dans 1 ' H i s t o i r e de l a comere Jean-Logne , un manage r e c o i t l a v i s i t e d'un faux revenant. Les deux h i s t o i r e s sont raconteds avec beaucoup de verve dans un p o i s s a r d v e r t e t c r u . La meme o b s e r v a t i o n \" o b j e c t i v e \" des moeurs p o p u l a i r e s se r e t r o u v e dans une autr e oeuvre remarquable, 1 ' H i s t o i r e de 90 Guillaume cocher , parue l a meme anned que l e s Ecosseuses ou l e s oeufs de Pasques, en 1739. Le r e d i t edant p l u s long, Caylus a considedablement f r a n c i s i l e p o i s s a r d pour ne r e t e n i r que c e r t a i n e s e x p r e s s i o n s idiomatiques e t tournures syntaxiques, p a r t i c u l i e r e m e n t p i t t o r e s q u e s . C e t t e retouche du langage e s t j u s t i f i e d dans l a p r e f a c e : l e n a r r a t e u r , un ancie n cocher \"par-venu\", s ' e s t a d r e s s i a un e d r i v a i n pour f a i r e c o r r i g e r son t e x t e . Je n ' a i pas b i e n l a plume en main, a cause du f o u e t d ' a u t r e f o i s q u i me l ' a corrompu; mais quand j ' a u r a i e d r i t ce que j ' a i envie d ' e c r i r e , j e l e f e r a i r e d r i r e par un e d r i -- 271 -vain des charniers, que je connois, du temps que j'edois a\" l a F e r r o n n e r i e 9 1 . Les quatre h i s t o i r e s qui composent l e r e d i t , sont predenteds un peu facedieusement comme des mimoires: Guillaume y raconte ses experiences et ses observations au service de quatre maitres, H t i t r e de cocher. II precise que son point de vue est p a r t i -culierement intedessant, parce q u ' i l a pu observer des choses ordinairement cacheds au p u b l i c . Les gens qui vont dans un f i a c r e , tout par-tout, o\X i l s veulent a l l e r , ne prennent pas garde a l u i ; ga f a i t qu'on ne se cache pas de certaines choses, qu'on ne f e r o i t pas devant l e monde 9 2. Mais comment f a i r e l e t r i parmi toutes ses expediences? Apres consultation aupres de son ami e c r i v a i n , i l decide de s'en t e -n i r a quatre aventures q u ' i l juge particulierement intedessantes. Le narrateur va s'effacer devant son r e d i t (qui ne constitue que vaguement une biographie) pour nous presenter, par tableaux, ce q u ' i l a observe. Ce qui aurait pu etre un genre de r e c i t picaresque, devient a i n s i quatre tableaux de moeurs minutieuse-ment dedrits . Le ton de l a narration reste toujours neutre: que ce s o i t devant ses propres t r i b u l a t i o n s ou devant 1'immora-l i t y q u ' i l observe, i l ne l a i s s e jamais transparaitre ses sen-- 272 -t i m e n t s . I l f a i t preuve d'un immoralisme candide q u i r a p p e l l e Jacob du Pavsan parvenu. Le premier r e d i t , L ' H i s t o i r e e t aventures de Mamzelle 93 Godiche, l a c o e f f e u s e r e l a t e l e rendez-vous g a l a n t de M i l e Godiche e t un f i l s de marchand, dans un c a b a r e t . Guillaume en d e d r i t minutieusement toutes l e s c i r c o n s t a n c e s : l a l o c a t i o n du f i a c r e , l e marchandage, l a r e n c o n t r e inopportune d'un c e r t a i n M. Galonnet q u i se doute b i e n que l a Godiche ne va pas p o r t e r un bonnet chez une dame, comme e l l e l e predend, 1 ' a r r i v e d au cabar e t , l e repas, l a danse et e n f i n 1 ' a r r i v e d i n o p i n e d de M. Galonnet accompagne\" de quatre mauvaises langues. La scene q u i va se dedouler S p a r t i r de c e t t e r e n c o n t r e , c o n s t i t u e l a matiere p r i n c i p a l e de l ' h i s t o i r e . C'est une scene dramatique que Caylus f a i t dedouler avec une main de m a i t r e . Guillaume r a p p o r t e t o u t sans commentaires: l e s personnages se r e d e l e n t directement par l e u r s p a r o l e s ou l e u r physionomie que Guillaume i n t e r p r e t e : \"Je v o y o i s b i e n q u ' e l l e a v o i t envie de l e r e f u s e r ; mais j e v i s b i e n a u s s i q u ' e l l e n ' o s a i t pas parce q u ' e l l e a v a i t 94 danse\" avec un a u t r e \" . L' a f frontement, q u i se termine par une d i s p u t e e t une bagarre, e s t soigneusement prepared M i l e Godiche n'ose pas r e f u s e r de danser avec M. Galonnet mais e l l e montre son m i p r i s en r e f u s a n t 1 ' i n v i t a t i o n des deux t a i l l e u r s q u i - 273 -accompagnent c e l u i - c i . Le n a r r a t e u r e n r e g i s t r e e n s u i t e l e s propos m i d i s a n t s edhanged a l a t a b l e de Galonnet. Pour c e l a , i l f a u t que c e t t e p e t i t e c r e d -t u r e - l i i s o i t b i e n e f f r o n t e d , de v e n i r t o u t e s e u l e avec son amant dans un cab a r e t ; je n'y v i e n d r o i s pas moi, pour j e ne s a i s q u o i , devant t o u t l e monde, comme e l l e f a i t . Oh, dam' d i t l a bancale, c ' e s t q u ' e l l e e s t b i e n a i s e de f a i r e v o i r sa b e l l e robe de s a t i n sur f i l , q u i , j e c r o i s , ne l u i coute guere: bon, r i p o n d 1'autre, j e p a r i e que c ' e s t ce nigaud de l' A u l n e , q u i aura vole\" c e l a chez son pere. I I v o u l a i t a u t r e f o i s m'en c o n t e r ; mais i l a b i e n vu q u ' i l n ' a v o i t pas a f f a i r e a\" une Godiche; en v e d i t i , i l c o n v i e n t b i e n a une p e t i t e s o u i l l o n comme e l l e , de p o r t e r une robe g a r n i e avec un man-t e l e t a cocluchon, j e n'en p o r t e pas moi, et f i , j e s u i s pouirtant f i l l e d'un ma i t r e t a i l l e u r q u i e s t l e p r i n c i p a l l o c a t a i r e de notre maison; e t p u i s avec ce que j e gagne de ma couture, i l ne t i e n d r o i t qu'S. moi d'en a v o i r s i j e v o u l o i s ; . . . Ohl mais t i e n s , r e -garde done Gogo, d i t - e l l e t o u t de s u i t e , comme e l l e se dedanche en dansant! Ne d i r o i t -on pas d'une f i l l e d 'opeda 9 5? On c r i t i q u e sa facon de s ' h a b i l l e r , de danser e t de p a r l e r : on l a juge hautaine, indedente e t i m b e d i l e . Caylus a b i e n i l l u s t r e \" par l a c o n v e r s a t i o n des commeres, l a p s y c h o l o g i e de l ' e n v i e e t de l a j a l o u s i e . On c r i t i q u e M i l e Godiche parce q u ' e l l e ose e n f r e i n d r e l a morale c o n f o r m i s t e du m i l i e u e t braver 1'opinion commune. C e t t e p a r t i e de medisance n'est qu'un p r i l u d e a l ' a f -- 274 -frontement que l a j a l o u s i e des commeres rend i n e v i t a b l e . M i l e Godiche e t M. de 1'Aulne pour r e t o u r n e r a l e u r chambre d o i v e n t passer devant l a t a b l e ou se trouv e n t M. Galonnet e t compagnie. Babet, v o u l a n t commencer une d i s p u t e , aborde Godiche sur un ton i r o n i q u e et medhant. C e l l e - c i l u i r i p o n d sur l e meme ton. C e t t e fausse p o l i t e s s e , toute e x t e d i e u r e , r e d e l e en r e a l i t e l ' h o s t i l i t e \" e t l a haine implacable des deux femmes. Peu a peu l e s propos s'enveniment pour digededer e n f i n en i n s u l t e s . Bonjour, M i l e Godiche, comment vous p o r t e z -vous?... A v o t r e s e r v i c e mamselle Babet... vous v o i l a done i c i ? . . . vous voyez, mamselle, t o u t a u s s i b i e n que vous... J'en s u i s b i e n a i s e . . . C e l a me f a i t p l a i s i r . Vous avez lit une robe d'un j o l i gout, d i t l a c o u t u r i e r e ; et l a v o t r e , repond l a c o e f f e u s e , e l l e me p a r o i t b i e n c h o i s s i e . N'est-ce pas de ces p e t i t e s e t o f f e s & cinquante s o l s ? Pour moi l a mienne me coute t r o i s l i v r e s c i n q s o l s , e t a b i e n marchander encore... Oh dam', t o u t l e monde ne peut pas en a v o i r de s i b e l l e s que mamselle Godiche, d i t Babet, en r i a n t du bout des dents, comme Saint-Medard.(...) Vous f e -r i e z b i e n mieux de payer vos d e t t e s , que de p o r t e r l a robe g a r n i e , e t l e mantelet... A l l e z , mamselle, ce n'est pas ii. vos d i p e n s . . . Vraiment, s i on ne vous en donnoit pas, ou l e s p r e n d r i e z - v o u s ? Ce n'est pas ci monter des bonnets qu'on gagne t a n t . . . C'est que vous n'avez pas assez de medite pour en gagner... j e s e r o i s b i e n fached de 1'avoir comme vous. bonne p e t i t e h a r d i e l . . . C'est vous q u i etes une e f f r o n t e d 9 6 . La d i s p u t e s'edhauffe e t on en v i e n t aux coups! Tout l e monde - 275 -e n t r e dans l a melie , y compris Guillaume e t ses deux camara-des. La r i x e e s t rapported dans un s t y l e imagi, colore\" e t q u a s i 6pique. Notre s o l d a t a v o i t tir e \" sa g u i n d e r e l l e , 1'autre e t o i t un rude c a n n i e r , e t moi, avec mon fouet, nous donnions sur l e s tronches e t l e s t i r e l i r e s , pendant q u ' i l s se defendoient avec l e s t a b o u r e t s du j a r -d i n , j ' a v o i s donne\" un f i e r coup du gros bout de mon fouet sur l e s apotres, a un q u i v o u l o i t me prendre par l e s d o u i l l e t s ; mais j e vous l e plaque a p l a t e - t e r r e , comme une g r e n o u i l l e , q u i ne remuoit n i p i e d n i p a t t e 9 7 . Ce s e r v i c e rendu l u i vaut l'amitie\" de M i l e Godiche, I I eut par l a s u i t e maintes occasions de l a v o i r quand i l l a co n d u i -s a i t chez des \"plumets g a l o n n i s \" . La deuxieme h i s t o i r e , H i s t o i r e de M. Bordereau, commis a douane, avec madame M i n u t i n , a pour cadre un caf& de l a f o i r e S a i n t - L a u r e n t , chez madame Dubois. I I s ' a g i t encore une f o i s d'une h i s t o i r e g a l a n t e , c e t t e f o i s - c i ayant t r a i t au m i l i e u de l a p e t i t e b o u r g e o i s i e . M. M i n u t i n , n o t a i r e , surprend sa femme en compagnie de M. Bordereau, commis de l a douane. I I e s t f u -r i e u x mais l e commis l ' a p a i s e en promettant de l e s e r v i r a l a douane. Le r e s t e de l ' h i s t o i r e e s t c o n s t i t u e par l a conversa-t i o n e n t r e l a femme, l e mari e t l'amant, e n t r e t i e n q u i a b o u t i t - 276 -et un accommodement: moyennant une somme d'argent, M. M i n u t i n accepte que M. Bordereau f a s s e l a cour a sa femme en s e c r e t , dans une p e t i t e maison. D'un p o i n t de vue technique l a p r e s e n t a t i o n du d i a l o -gue e s t extremement i n t i r e s s a n t e : l e n a r r a t e u r emploie l e d i a -logue d i r e c t comme l e f e r a D i d e r o t dans l e Neveu de Rameau e t Jacques l e F a t a l i s t e . Guillaume e x p l i q u e l e changement de p r o c e d i s : J ' a v o i s e c r i t c e l a , comme l e r e s t e ii ma maniere, mais comme chacun p a r l o i t a son tou r , c e l a f a i s o i t un e m b r o u i l l a m i n i de d i t - i l , r i p o n d i t - i l , r i p l i q u a - t - i l , a j o u -t a - t - i l , c o n t i n u a - t - i l ; de facon que j e n'y c o n n o i s s o i s r i e n moi-meme; c e l a m'em-b a r r a s s o i t beaucoup; mais mon i c r i v a i n du Ch a r n i e r m'a donne\" une ouverture pour e V i -t e r 1 ' e m b r o u i l l e ; c ' e s t de coucher sur l e p a p i e r ce d i s c o u r s - l a par de demandes e t par r i p o n s e s , t o u t comme quand on p a r l e a l a comidie; e t c ' e s t ce que j e v a i s f a i r e ; r e t enez b i e n seulement q u ' i l s ne sont que t r o i s q u i p a r l e n t , parce que l a chambriere, l a F l e u r e t moi, nous ecoutons sans s o u f -f l e r l e m o t \" . La c o n v e r s a t i o n que Guillaume r a p p o r t e directement e s t t r e s v i v a n t e e t n a t u r e l l e . Le c a r a c t e r e de M. M i n u t i n y e s t t o u t p a r t i c u l i e r e m e n t b i e n d e s s i n i . Homme humble, p r a t i q u e , i l se pr i o c c u p e avant t o u t de son i t a t s o c i a l , auquel i l e s t parvenu un peu par ha s a r d . S ' i l d i p l o r e l e s i n f i d e l i t i s de sa femme, - 277 -c ' e s t q u ' i l c r a i n t d'etre mal vu du \"corps\". I I confesse a son nouvel \"ami\" que sa femme, simple r o t u r i e r e , l e r u i n e en v o u l a n t mener un t r a i n de v i e conforme & son nouveau rang de bou r g e o i s e . M. M i n u t i n I l f a u t done vous o u v r i r mon coeur. J e ne s u i s r i e n moins que j a l o u x ; mais j e s u i s ruined J'en impose encore au p u b l i c par un f a s t e i b l o u i s s a n t ; mais, dans peu, on me v e r r a donner du nez en t e r r e . M. Bordereau Eh b i e n , mon ami, nous vous s o u t i e n d r o n s . M. M i n u t i n J e n ' a u r o i s pas t o u t - c t - f a i t b e s o i n du secours de mes amis, s i madame M i n u t i n v o u l o i t a s s o -c i e r sa p r a t i q u e a l a mienne. M. Bordereau Ah I Ah! e s t - c e qu'on passe a u s s i des act e s p a r -devant madame? Madame M i n u t i n Que voulez-vous d i r e ? M. M i n u t i n Vous m'entendez: v o t r e pension ne peut s u f f i r e pour vos p l a i s i r s e t vos h a b i t s ; i l f a u t b i e n q u ' i l vous vienne de 1'argent de quelqu'autre partl\u00C2\u00B0\u00C2\u00B0. - 278 -E t froidement, lucidement, sans l e moindre s c r u p u l e moral, i l propose a\" sa femme de se p r o s t i t u e r pour l e s sauver de l a r u i n e . Tenez, madame M i n u t i n , j e ne s u i s p l u s jeune; e t , a c e r t a i n age, on se d i f a i t de beaucoup de p r i j u g i s ; f a i s o n s bourse commune: mettez l e p r o d u i t de vos a c t e s dans 1' esquipot-*-0^-. Le marche e s t c o n c l u e t depuis Guillaume d e c l a r e a v o i r souvent mene\" Madame M i n u t i n et M. Bordereau, dans une p e t i t e maison du faubourg S a i n t - A n t o i n e e t ce jus q u ' c i l a mort du commis l a -q u e l l e l e l a i s s e sur l e pave\" sans emploi. On remarque que Cay-l u s n'a pas re c o u r s au p o r t r a i t pour p e i n d r e son personnage: l e c a r a c t e r e des deux bourgeois se d e s s i n e au cours du di a l o g u e , comme dans une p i e c e de t h e a t r e . L ' H i s t o i r e des bonnes f o r t u n e s de M. l e c h e v a l i e r B r i l l a n t i n a un c a r a c t e r e p l u s anecdotique: e l l e nous r i v e l e quelques r i a l i t i s c a c h i e s au p u b l i c dans l a v i e fastueuse d'un c h e v a l i e r p e t i t - m a i t r e . Guillaume ne l e p r e c i s e pas mais l e comportement s i n g u l i e r de ce personnage f a r f e l u l a i s s e d eviner q u ' i l s ' a g i t d'un parvenu. I I f r i q u e n t e en c a c h e t t e des r o t u -r i e r e s q u ' i l f a i t passer pour des comtesses e t des marquises. Un s o i r q u ' i l s o u p a i t au faubourg Saint-Germain, i l q u i t t e l a t a b l e , p r i t e n d a n t a v o i r un rendez-vous g a l a n t chez une marquise. - 279 -Tout haut i l c r i e c i Guillaume de l e conduire au marais mais a u s s i t o t hors de vue, i l s ' a r r e t e dans une r u e l l e oil i l s'\u00C2\u00A3-b o u r i f f e : l e s cheveux e t d e f a i t ses vetements. P u i s i l r e n t r e chez l u i ei toute b r i d e e t essoufle\" d e c l a r e a v o i r triomphe e n f i n de l a r e s i s t a n c e de l a marquise. En r\u00C2\u00A3alit\u00C2\u00A3 ses charmes sont p l u s r e d i s t i b l e s comme l e temoigne un a u t r e rendez-vous avec une p r e d i d e n t e , l e q u e l se dedoue par 1 ' h u m i l i a t i o n du c h e v a l i e r . Caylus a p e i n t dans l e C h e v a l i e r , l e p e t i t - m a i t r e par-venu e t sans s c r u p u l e s q u i ne v i t que pour son p l a i s i r e t sa v a n i t i , personnage que l ' o n trouve dans ses contes de fees e t son t h e a t r e . On l e v o i t a s s a i l l i par des c r e d n c i e r s q u ' i l chasse a grands coups de p i e d s . I l p r o f i t e de l a c o n d i t i o n des pauvres pour se p r o c u r e r des maxtresses a bon marche\". L o r s d'un voyage a Orleans, i l charge son v a l e t , La Roche, d ' a t t i r e r J a v o t t e dans ses f i l e t s en l u i f a i s a n t de fausses promesses. J a v o t t e , q u i a d6jei s e r v i a P a r i s , n'est pas dupe des beaux d i s -cours du v a l e t . C e l a donne l i e u ei une j o l i e scene, que Guillaume, c a c h i , r a p p o r t e mot pour mot. Mais l e langage e s t s i s o i g n i , l e u r propos s i savants, qu'on a pei n e ei c r o i r e q u ' i l s ' a g i t de domestiques. Nous sommes l o i n du monde p o i s s a r d de Guillaume. La Roche e x p l i q u e ci J a v o t t e , qu'apres l e u r mariage i l s auront chambre s6par6e;, e t q u ' e l l e ne d o i t pas s ' o f f e n s e r s i l e Cheva-- 280 -l i e r vient de temps at autre rendre hommage c i sa beaute. Voyant que Javotre n'est de trempe c i se l a i s s e r duper, i l cherche a l a convaincre par des principes: i l l u i f a i t un beau plaidoyer de 1 ' i n f i d e l i t y en l u i montrant que l a morale commune ne t i e n t qu'a des prejuged. Le deshonneur! r e p r i t l a Roche, expression vague que chacun interprete ai sa maniere, et que personne n'entend au juste, pour l u i vouloir donner trop d'itendue. Je n'ai pas plus d'esprit qu'un autre; mais un gros bon sens m'enseigne ci f a i r e peu de cas d'une chose d'elle-meme s i chimirique, qu'etant r e a l i s e d , e l l e ne produit aucun mal e f f e c t i f . Cependant, i l y a des gens assez sots pour s'en formaliser, et pour publier les visions qu'enfantent d'autres v i s i o n s ; plus un homme f a i t v o i r clairement q u ' i l est un sot, moins i l passe pour l ' e t r e . N'est-ce pas bien en-tendre ses i n t i r e t s ? Quoi! parce q u ' i l a plu i i quelques cerveaux creux de rendre les femmes d i p o s i t a i r e s de ce qu'on appelle notre honneur, i l faut c r i e r au voleur, quand e l l e s l e l a i s s e n t ichapper. On veut que j ' a i l l e publiquement demander raison d'un mal, dont je ne me serois jamais p l a i n t , s i mon v o i s i n que l a chose n'intedesse point du tout, ne s' a v i s o i t pas de s'en formaliser avec moi 1^ 2. Puis sur un ton cynique qui rappelle C r e b i l l o n f i l s , Caylus, par l a bouche de son valet, tente de demeler quelques medanis-mes de l a galanterie. Quand nous vous avons confi6 l a garde de notre honneur, nous savions que vous l e - 281 -dedendriez mal; et par un raffinement de so t t i s e , c'est l e terme convenable, nous avons rais en oeuvre toutes l e s ruses dont on se s e r v i r o i t contre un ennemi, dont on connoitroit l a v i g i l a n c e et 1' i n t r e p i -d i t y . Nous savions bien que vous succom-beriez meme ci de moindres e f f o r t s ; mais nous avons voulu nous mettre dans l e cas de vous f a i r e les reproches que merite votre impertinence. Nous faisons bien p i s , a l a honte de notre sexe plu t o t que du votre. Quand nous vous avons vaincues, nous vous insultons en indignes vainqueurs: nous nous rij o u i s s o n s de votre d i f a i t e , comme s i nous n'y perdions pas plus que vous; convenez done, mademoiselle... ^ 3 . Cela ne convainc pas Javotte mais e l l e accepte l a proposition de mariage que l u i f a i t l e franc et n a i f Guillaume. II manque a cette troisieme h i s t o i r e , 1'unite de ton et d'action des deux prededentes. Comme l'indique l e t i t r e , l ' h i s t o i r e est censed avoir pour sujet les aventures du cheva-l i e r B r i l l a n t i n , mais ce personnage ne figure que dans l a pre-miere p a r t i e du r e d i t , s'edlipsant dans l a deuxieme pour f a i r e place a son valet et S Javotte et a leur longue discussion mo-r a l e . Aussi d'un point de vue technique on imagine d i f f i c i l e m e n t que Guillaume, qui a f f i c h e dans son r e d i t une certaine ignorance et s i m p l i c i t y , a i t pu rapporter de memoire une conversation s i lourdement morale. II s'agit i c i d'une faib l e s s e de technique et l e lecteur sent que Caylus a dipassi l a conscience de ses - 282 -personnages, pour d e d a t t r e ses propres i d e d s . Le d e r n i e r r e d i t , L ' H i s t o i r e de madame A l l a i n e t de m. l'abbe\" E v r a r d , donne l a s u i t e du mariage de Guillaume a i n s i que l e s c i r c o n s t a n c e s de son edablissement d e d i n i t i f . L ' h i s -t o i r e e s t en meme temps un p o r t r a i t image\" d'un personnage s i n -g u l i e r : l ' a b b i E v r a r d . Guillaume predente une image s a t i r i q u e de ce p e t i t abbe\" de s o c i e d e . I I y a v o i t dans l a maison, M. l'abbe E v r a r d , q u i c o n d u i s o i t t o u t . I I e t a i t gras comme un moine, e t cependant i l ne mangeait guere que des p e t i t s p i e d s ; son v i s a g e e d a i t f r a i s e t v e r m e i l comme une rose , a cause du bon v i n de Bourgogne q u ' i l b u v o i t , pour f o r t i f i e r son estomac c o n t r e l e b r e d i a i r e ; i l n'y a v a i t jamais sur son h a b i t , n i sur son chapeau de c a s t o r , l a moindre p e t i t e ordure. A h l C'e-t o i t un homme b i e n p r o p r e 1 ^ . I I e s t mis au f a i t des habitudes p a r t i c u l i e r e s de l'abbed M. E v r a r d regne dans l a maison comme un v e r i t a b l e t y r a n ; i l gere en maxtre l a for t u n e de sa maxtresse e t s'arroge l e d r o i t de chasser l e s domestiques q u i ont l e malheur de l e c o n t r a r i e r ou de l u i d e p l a i r e . A i n s i i l chasse Guillaume pour a v o i r accroche\" un c a r o s s e . Mais l a de p r a v a t i o n morale de l'abbe\" e t l a f r i v o -l i t y de sa femme vont c o n t r i b u e r a\" f a i r e sa f o r t u n e . M. E v r a r d redoque sa d e c i s i o n l o r s q u ' i l j e t t e l e s yeux sur l a j o l i e femme - 283 -de Guillaume, J a v o t t e . I l f a i t i n s t a l l e r c e l l e - c i dans une p e t i t e chambre od i l ne t a r d e pas h\ v e n i r l a t r o u v e r l a n u i t . Le r e s t e du r i c i t se d i r o u l e avec t o u t e l a verve c o l o r e e e t g a i l l a r d e d'un conte medieval: rendez-vous amoureux l a n u i t dans l e s chambres; amants s u r p r i s en f l a g r a n t d i l i t ; mari e t femme trompis. Tout se dic o u v r e e t Madame A l l a i n chasse l ' a b b i que J a v o t t e c h o i s i t de s u i v r e , e t Guillaume d e v i e n t intendant p u i s amant de sa maxtresse. I I v i c u t a i n s i d i x ans, jusqu'ii l a mort de sa b i e n f a i t r i c e q u i l u i l a i s s e ses b i e n s . Le c a r a c t i r e amusant de l ' h i s t o i r e p r o v i e n t du ton pseudo-naif du n a r r a t e u r . Guillaume, p r e t a n t l e s m e i l l e u r e s i n -t e n t i o n s a t o u t l e monde, f a i t semblant de ne pas comprendre l e sens profond des evenements q u ' i l s u b i t . C e l a c r i e une i r o n i e d i s c r e t e e t donne l i e u ii des sous-entendus i r o t i q u e s . Comme par exemple l a l e t t r e s u i v a n t e de l ' a b b i a d r e s s i e & sa femme. Ma t r e s - c h e r e soeur, J e goute e n f i n , avec une e n t i i r e s u a v i t i , l e f r u i t de l a n o u v e l l e v i e dont j ' a i eu l e bon-heur de vous enseigner l a p r a t i q u e ; e t vous etes p r e t e d ' e n t r e r dans l a p e r f e c t i o n dont je vous a i v a n t i l e s douceurs i n e f f a b l e s . J e j m'appergois a u s s i , avec p l a i s i r , que vous ' n'avez p l u s ces sdcheresses, dont l a p r i v a t i o n ne vous c a u s o i t , a u t r e f o i s , que d ' i m p a r f a i t s embrasemens de coeur; s i c h e r e s s e s , q u i nous f a i s o i e n t mutuellement d i s e s p i r e r de p a r v e n i r - 284 -jamais a\" cet i t a t de beatitude, qui f a i t l a recompense de l a v i e un i t i v e , dont nos plus grands et plus profonds docteurs nous font un s i beau p o r t r a i t ; cependant comme je c r o i s , et que je sais , par ma propre experience, q u ' i l est bon quelquefois de s'Eloigner des principes giniraux, je ne saurois trop vous r i p i t e r , que pour f a i r e cesser ces cruels combats, qui vous font r e s s e n t i r encore les violentes secousses des t r i b u l a t i o n s i n t i r i e u r e s , i l faut un peu s'ecarter du contemplatif, sans cepen-dant l e perdre de vue, pour donner quelque chose de plus a l ' a c t i f105. Guillaume reste bouchi quant au sens r i e l de cette l e t t r e pseudo-galante. Que trouvez-vous done & cela, d i s - j e a mamselle Douceur, quand e l l e eut f i n i de l i r e ? I l n'y a pas lai-dedans un seul mot, de ce que vous voulez me f a i r e a c c r o i r e . C'est vraiment un bei et bon sermon, et vous voulez que je me plaigne de ce que M. l'abbe\" veut bien proner notre femme? Non f e r a i , ma f o i ; au contraire, je l u i en aurai obligation, toute ma vie vi v a n t e x < ^ 6 . On peut juger q u ' i l s'agit la\" d'humour un peu fade qui reste tout ei f a i t en dehors du caractere de Guillaume. C'est Caylus qui s'amuse aux dipens de son personnage et qui f a i t de 1'esprit adressi malicieusement a ses lecteurs contemporains. Cette derniere h i s t o i r e vaut surtout par l e j o l i croquis d'un personnage que l'on retrouve friquemment dans l a - 285 -l i t t e r a t u r e du dix-huitiime s i e c l e : l'abbe\" mondain . A l'epoque, beaucoup de nobles et de bourgeois entraient dans l ' i g l i s e pour des raisons d'intedet. A t t i r e d par l'appat des bededices i l s n e g l i g e n t leur fonction edclediastique pour se l i v r e r entierement ci des a c t i v i t e d mondaines. On v o i t ces abbes surtout autour des tables et dans 1'intimity du boudoir. Mari-vaux, dans l a Vie de Marianne, a edauche l a silhouette i n q u i i -tante d'un abbi, ignoble et sans scrupules. Un p o r t r a i t plus fedoce de l'abbe\" petit-maitre se trouve dans les Lettres de Therede, de Bridard de l a Garde. Ce qu'on appelle dans l e beau monde M. l'abbi, c'est n'etre r i e n . C'est l'edat de quiconque n'en a point, et l e metier de qui n'en veut f a i r e aucun. L'habit d'abbe\" est en sorte un diguisement admis dans l e grand bal du monde. Ovi, a\" l a faveur de cette espece de mascarade, on peut figurer avec tous les e t a t s ^ 0 8 . Caylus a trace\" l a silhouette de l'abbe\" mondain dans plusieurs 109 de ses oeuvres mais nulle n'a l'envergure de l'abbe Evrard. Parasite sans scrupules, non content de se f a i r e entretenir par une femme d'un certain age, q u ' i l trompe d ' a i l l e u r s avec les domestiques, i l joue dans l a maison l e role du maitre absolu, congediant les domestiques ei son gre\". Quand Mme A l l a i n parvient enfin 1 se dedarrasser de l u i c'est pour apprendre q u ' i l est - 286 -p a r t i en l u i emportant des meubles. Les quatre r e d i t s de Guillaume, tout en predentant divers tableaux de moeurs, plus ou moins indipendants, compo-sent en meme temps les medioires d'un cocher. Le narrateur ro-t u r i e r y raconte ses expediences au service de diffedents maxtres. Le ton facedieux de l a preface l a i s s e c r o i r e que Caylus a voulu parodier en quelque sorte les romans d'ascension sociale ou un hedos d'humble naissance parvient ei se t a i l l e r , a\" force d'esprit, une honnete position dans l a societed Guillaume est dans ce sens un anti-heros: naif, bon g a i l l a r d , sans ambition, i l subit l e s ededements plus q u ' i l ne les provoque par son com-portement toujours 6gal. I l est cocher, successivement d'un fi a c r e , d'une remise, d'une diligence et enfin d'un carosse, ce qui repredente une certaine ascension s o c i a l e . Mais c'est l e hasard et non un dedir de parvenir qui l e conduit d'un maxtre a 1'autre. Ce fut tout bonnement et par un cas f o r t u i t du hasard que j ' e n t r a i au service de cette dame (Mme A l l a i n ) . Comme e l l e passoit un jour sur l e Pont-neuf, un f i a c r e accroche son equipage, s i tellement f o r t , que son co-cher tombe a bas, sans pouvoir remonter. Comme j' e t o i s l a predent en personne, je m'offre a monter sur l e siege, ce qu'elle accepte. Son cocher ne pouvant plus mener - 287 -depuis sa chute, e l l e l e f i t son p o r t i e r , e t moi j ' a i p r i s sa p l a c e X J - . Le ton o p t i m i s t e f a i t que l e r e c i t ne prend jamais 1 ' a l l u r e f a t a l i s t e d'un r e d i t de malheurs comme c ' e s t l e cas dans l e s Memoires des Colporteurs\u00C2\u00BB I I f a u t d i r e cependant que s i G u i l -laume s u b i t inconsciemment l a fo r t u n e changeante du hasard, i l ne s'en trouve pas mal. D i l a i s s e \" par sa femme, i l d e v i e n t l ' i n t e n d a n t , l'amant p u i s l ' h e d i t i e r de Mme A l l a i n . D'oii sa c o n d i t i o n de p e t i t bourgeois parvenu q u i l u i permet de prendre l a plume. S i Caylus s ' e s t attache\" a pe i n d r e sedieusement l e s moeurs p o p u l a i r e s dans 1 ' H i s t o i r e de Guillaume cocher, sans p a r t i - p r i s moral ou p h i l o s o p h i q u e e t sans donner dans l e b u r l e s -que, l a p o r t e d en e s t quelque peu diminued par l e ton n a r r a t i f q u i r e s t e en g e d e r a l p l a i s a n t e t i r o n i q u e . I l e s t c l a i r que Caylus s'amuse en predentant l e r e d i t comme des medio i r e s d'un r o t u r i e r parvenu e t q u ' i l se moque des p r e t e n t i o n s l i t t e r a i r e s que son n a r r a t e u r a f f i c h e a l a f i n du roman. S i ces quatr e h i s t o i r e s - l a ne d i p l a i s e n t pas au p u b l i c , e l l e ne d i p l a i r o n t pas c i d*autres, ei coup s u r : c e l a m'encouragera; e t qu'est-ce q u i m'empecheroit apres c e l a , de tomber dans l e b e i e s p r i t ? De p l u s , que s a i t - o n ce q u i peut a r r i v e r dans l e - 288 -monde? Je ne suis pas plus gros qu'un autre; et puis d ' a i l l e u r s , l a porte de l'acadimie n'est-elle pas b e l l e et grande? En tout cas, qu'est-ce qu'on peut me reprocher? que j'edris comme un fi a c r e , i l y en a bien d'autres qui 6-crivent de meme; et s i pourtant i l s ne l'ont j a m a i s - e d i 1 1 1 ? On a vu aussi qu 'H certains endroits Caylus prete a son narra-teur un recul v i s - a - v i s des ededements qui dipasse les p o s s i b i -l i t e d de sa conscience et qui va a l'encontre du caractere n a i f q u ' i l adopte. Derriere l a bonhomie de Guillaume plane constam-ment l e r i r e mystificateur du conteur badin et c'est ce r i r e qui confere au r e d i t un ton parfois ironique. Guillaume c'est un peu un candide que Caylus promene sans but moral precis, dans les milieux populaires et p e t i t s bourgeois, pour relever, dans son langage image, tout ce q u ' i l v o i t de s i n g u l i e r et d'amusant. Dans un sens, Guillaume, comme l e personnage de V o l t a i r e , n'est qu'une marionnette, et i l reste l e personnage l e moins autonome et l e moins palpable du roman. Malgre\" 1'ambivalence du point de vue, a travers ses aventures, Guillaume f a i t revivre l a vie variee et mouvemented d'un cocher: l e marchandage pour l a location d'un f i a c r e , l a c i r c u l a t i o n embarrassed de Paris, les longues attentes dans l a voiture ou dans une taverne, l e s rendez-vous galants dans l e - 289 -carrosse, les reprimandes des maitres, l a mauvaise humeur des c l i e n t s et les b a t a i l l e s de rue ou de cabaret auxquelles l e cocher b a t a i l l e u r prend volontiers part. Le r i c i t de Guillaume l a i s s e aussi entrevoir les moeurs rudes des cochers de l'epoque. Mercier, dans les Tableaux de Paris, precise: Quand les fi a c r e s sont H jeun, i l s sont assez dociles, vers l e midi i l s sont plus d i f f i c i l e s , l e s o i r i l s sont i n t r a i t a b l e s , les rixes f r e -quentes qui s'ilevent sont jugies chez les cora-missaires; i l s i n c l i n e n t toujours en faveur du cocher. Plus les cochers sont ivres, plus i l s fouettent leurs chevaux; et vous n'etes jamais mieux mene\" que quand i l s ont perdu l a t e t e ^ l 2 , A i n s i c'est l e rialisme non c a r i c a t u r a l dans l a peinture des moeurs populaires, qui f a i t 1'originalite\" de L'Histoire de Guillaume cocher et des meilleurs r e c i t s poissards. Caylus mon-tre un gout presque plastique pour des scenes en elles-memes banales mais p r i s e n t i e s avec une t e l l e observation du d e t a i l , dans les moeurs aussi bien que l e langage, qu*elles f i n i s s e n t par prendre un r e l i e f peu commun. On peut v o i r l a 1'influence du graveur et de 1*amateur de peinture. Ce gout plastique pour l a couleur et l e pittoresque populaire est atteste par ses gra-vures. Ce fut Caylus, l e \"surintendant des Beaux-Arts\" qui 113 recommanda ii Bouchardon de dessiner ses C r i s de Paris , c o l -l e c t i o n de dessins dont i l f i t des gravures. On y v o i t - 290 -d i f i l e r l e s p e t i t s marchands e t l e s p e t i t e s p r o f e s s i o n s r e c o n -nues ou t o l e r e e s : raccommodeurs de f a i e n c e , vendeurs de l a n t e r -nes, c u r e u r s de p u i t s , b a r b i e r s o f f r a n t l e u r s e r v i c e aux c l i e n t s , joueurs de tambourin p r o v e n c a l , marchands de poupies, p o r t e u r s d'eau b a t t a n t l e s rues de l a c a p i t a l e . Ces gravures forment une h i s t o i r e piquante de l a v i e des p e t i t e s gens au m i l i e u du d i x - h u i t i e m e s i e c l e , e t un compliment i n t i r e s s a n t aux oeuvres p o i s s a r d e s de C a y l u s . L'oeuvre p o p u l a i r e de Caylus s ' i n s c r i t dans 1'avant-garde du \" r e a l i s m e \" au d i x - h u i t i e m e s i e c l e . Non pas que Caylus a i t i t i l e premier a p e i n d r e l a v i e du peuple: l e s romans de Scarron e t de S o r e l f o i s o n n e n t de personnages des basses c l a s -ses, mais l e p a r t i - p r i s comique e t s a t i r i q u e de ces auteurs, fausse l ' o p t i q u e du r e e l de s o r t e que l a r e a l i t i p o p u l a i r e n'a qu'un i n t i r e t complementaire. Dans l a premiere m o i t i i du d i x -h u i t i e m e s i i c l e , l e s t e n t a t i v e s pour r e p r i s e n t e r l a v i e des basses c l a s s e s dans l e roman r e s t e n t t i m i d e s e t e l l e s se h e u r t e n t S une c r i t i q u e d i s a p p r o b a t r i c e . La scene s i souvent c i t i e de Mme Dutour dans l a V i e de Marianne, a provoque, comme on l e s a i t , 1 ' i n d i g n a t i o n des l e c t e u r s contemporains. L ' o p i n i o n de Grimm ei l ' e g a r d des personnages r o t u r i e r s e s t r e p r e s e n t a t i v e : - 291 -Les personnages du quartier de l a h a l l e et de l a place Maubert, n'ayant point d*exis-tence dans l a society, leurs aventures ne sauraient nous a t t a c h e r 1 1 4 . Un autre c r i t i q u e dans 1'Observation sur les e c r i t s modernes, deplore vivement 1'apparition des r o t u r i e r s dans l a l i t e r a t u r e I l s vous peignent sans facon les moeurs, et vous rapportent tout au long les elegants entretiens d'un cocher de f i a c r e , d'une l i n -gere et d'une f i l l e de boutique. Cela l e s accommode mieux apparamment que les moeurs des personnes de condition et fournit plus ai leur e s p r i t . II ne s e r a i t pas impossible de v o i r bientot figurer dans quelque roman un v i l Savoyard, auquel on f e r o i t dedotter quelque lambeau de mitaphysique 1 1 5. Caylus f a i t 6cho H cette controverse dans sa preface de 1'His-t o i r e de Guillaume cocher. Monsieur l e public, vous a l l e z etre bien itonne\" de ce qu'un homme de mon acabie prend l a plume en main pour vous f a i r e p a r t i c i p a n t de bien des d r 6 l e r i e s q u ' i l a vu sur l e pave de P a r i s . . . 1 1 6 . L'avertissement de Caylus semble indiquer que l e hiros r o t u r i e r medtoriste par s u r c r o i t , f a i t encore en 1739 exception ii l a r e g l dans l a l i t e r a t u r e serieuse. Green signale toutefois que dis 1700 avec un roman anonyme, Mylord ou l e paysan de q u a l i t e , 117 \u00E2\u0080\u00A2\u00C2\u00BB par M.. , l e theme de l'ascension sociale du r o t u r i e r est dej - 292 -amorce. Lesage e t Marivaux e x p l o i t e n t l e meme theme dans r e s -p ect ivement, G i l B i a s e t l e Paysan Parvenu, mais i l s s ' a t t a r d e n t peu sur l e s debuts p o p u l a i r e s de l e u r heros pour passer t o u t de s u i t e ci l e u r s experiences dans l e grand monde. A u s s i a cause de l e u r e s p r i t e t de l e u r e d u c a t i o n , G i l e t Jacob se comportent comme des gens de q u a l i t y e t non comme des gens du peuple. I I f a u t a t t e n d r e l e c h e v a l i e r de Mouhy ( l a Paysanne Parvenue, 1735, c o n t r e - p a r t i e du roman de Marivaux) e t Caylus avec l e s Ecosseu-ses ou l e s oeufs de Pasques e t 1 ' H i s t o i r e de Guillaume cocher, parus dans l e s deux cas en 1739, pour t r o u v e r une r e p r e s e n t a t i o n s i r i e u s e de l a v i e q u o t i d i e n n e du peuple. Caylus pousse sa p e i n t u r e p l u s l o i n que Mouhy en observant p l u s scrupuleusement, notamment dans c e r t a i n s r i c i t s p o i s s a r d s , l e langage des m i l i e u x auxquels ses personnages a p p a r t i e n n e n t . Un des premiers, i l a compris que l e m e i l l e u r moyen de c r i e r des personnages authen-tiquement p o p u l a i r e s , e s t de l e u r f a i r e p a r l e r l e u r propre l a n -gue. E t c e l a demande, i l va sans d i r e , une o b s e r v a t i o n a t t e n -t i v e du peuple e t de son m i l i e u . P a r l a n t des Ecosseuses e t des oeufs de Pasques, N i s a r d , ii ce s u j e t remarque: Personne, pas meme V a d i , n'a copie avec p l u s de f i d e l i t i e t de n a t u r e l , l e s tableaux q u ' i l a eus sous l e s yeux, e t , s ' i l n'y met pas to u j o u r s autant de d i l i c a t e s s e que Vade, i l y d e p l o i e autant d ' a r t e t n'y montre pas moins - 293 -d'expedience. Mais i l a sur Vade\" c e t avantage, q u ' i l a e d r i t e t publie\" avant l u i : i l e t a i t done un modele, i l m o n t r a i t du moins l e chemin. Rien ne l u i edhappe de c e t e s p r i t badaud, goguenard e t sale\" de l a p o p u l a t i o n p a r i s i e n n e q u ' i l f a i t a g i r e t p a r l e r , e t q u i a v a i t encore de son temps, une physionomie s i tranchee e t s i o r i g i n a l e . C ' est a\" c r o i r e q u ' i l p a s s a i t p l u s de temps aux H a l l e s , dans l e s marched e t sur l e s p o r t s que dans l e s a t e l i e r s e t a l'Academie, e t que, pour l e moins, i l r e g a r d a i t comme igalement digne de sa c u r i o s i t i , une harangere e t une me-d a i l l e , un p o r t e f a i x e t une p i e r r e g r a v e \" e ^ 8 . George May, cependant, e s t de l ' a v i s c o n t r a i r e : toute l a l i t e -r a t u r e p o i s s a r d e , s e l o n l u i , \"sent son a r t i f i c e d'une l i e u e \" e t l e s t y l e ne \"medite sans doute pas p l u s d ' e t r e appele\" r e d l i s t e 119 que ceux de C r e d i l l o n e t de Predost\" . Ce que May semble r e p r o c h e r aux r e d i t s p o i s s a r d s , c ' e s t 1 ' a r t i f i c e de l a t e c h n i -que p l u t o t que l a j u s t e s s e du langage. Car i l f a u t conceder q u ' i l e s t t r e d peu probable qu'un paysan p a t o i s a n t sache e c r i r e ou a supposer q u ' i l l e sache, q u ' i l a i t e d r i t en p o i s s a r d q u i n'a pas de forme e c r i t e . De p l u s 1'approximation phonedique d'un p a t o i s presuppose une bonne connaissance des symboles de l a langue e d r i t e u s u e l l e . Malgre\" c e t t e rederve q u i concerne l a technique p l u t o t que l e r e d l i s m e l i n g u i s t i q u e , i l f a u t ad-mettre avec N i s a r d que l a langue des edosseuses de Caylus a une redonnance t o u t e p o p u l a i r e e t q u ' e l l e semble a v o i r ede t r a n s -- 294 -c r i t e sur l e v i f . Caylus a l'avantage, c i c e t egard, sur Vad6 e t Cous-t e l i e r , l e s deux grands m a i t r e s du p o i s s a r d au d i x - h u i t i e m e s i e c l e . Vad6 a compose\" un grand nombre de p i e c e s d'un a c t e , des p a r o d i e s , des parades e t des operas comiques mais i l e s t 120 c i l e b r e s u r t o u t pour La Pipe cassee e t Les L e t t r e s de l a 121 G r e n o u i l l e r e . Le premier ouvrage, e d r i t dans un s t y l e h e r o l -comique r a p p e l a n t l e L u t r i n de B o i l e a u , raconte l e s aventu-r e s de t r o i s \" f o r t s de l a H a l l e \" e t l e u r s Spouses. S i l e po-eme o f f r e un t a b l e a u s a i s i s s a n t des moeurs p o i s s a r d e s , l e s v e r s quelque peu b u r l e s q u e s , sentent l e u r a r t i f i c e . P l u s i n t e r e s -sant e s t l e deuxieme ouvrage, Les L e t t r e s de l a G r e n o u i l l e r e . Dans ce r e d i t i p i s t o l a i r e e c r i t en prose, Vade\" r e l a t e l e s edhanges sentimentaux, n a l f s e t f r a n c s , entre Gedome Dubois, pecheur e t Nanette Dubut, b l a n c h i s s e u s e . L'auteur, lui-meme f i l s du peuple, donne k ses r e d i t s p o i s s a r d s , un ton s e n t i m e n t a l , p a r f o i s i d y l l i q u e , q u i e s t l o i n de 1'observation dedached de 1 ' a r i s t o c r a t e C a y l u s . Dans un sens Vad6, mieux que Caylus, a capte l'ame simple du peuple dans sa r e p r e s e n t a t i o n sympathi-que des moeurs p o i s s a r d e s mais on sent que ces r e d i t s p o i s s a r d s sont p l u s romances, que c e r t a i n s tableaux s a i l l a n t s de 1 ' a r i s -t o c r a t e . Les p o i s s a r d e r i e s de Vade, a i n s i que c e l l e s de ses - 295 -s u c c e s s e u r s , De l ' E c l u s e e t C a i l l e a u ont c o n t r i b u i a\" donner un ton s e n t i m e n t a l \u00C2\u00A3 l a l i t e r a t u r e p eignant l a v i e du peuple, dans l a deuxieme m o i t i i du d i x - h u i t i i m e s i e c l e . Avec Caylus e t Vad6, C o u s t e l i e r e s t sans doute un des p l u s douis parmi l e s i c r i v a i n s p o i s s a r d s . Ses L e t t r e s de Mont- martre datant de 1753, done p o s t e r i e u r e s aux oeuvres p o i s s a r d e s de Caylus, p r e s e n t e n t l e r i c i t , n a i f e t g a i , d'un meunier q u i abandonne son m e t i e r pour chercher f o r t u n e a\" P a r i s . I I i c r i t ses impressions e t r a c o n t e ses aventures, dans des l e t t r e s a d r e s s i e s a\" son pere, et sa f i a n c e e e t a son cure\". E l l e s abon-dent en remarques nai v e s e t p l a i s a n t e s sur son propre comporte-ment e t sur c e l u i des p a r i s i e n s q u ' i l f e i n t de ne pas comprendre. S i C o u s t e l i e r a b i e n observe\" l e s moeurs e t l e langage du peuple, i l tombe dans l a c a r i c a t u r e en p r e t a n t a\" son personnage une n a i v e t i e t une s i m p l i c i t y e x c e s s i v e s , appretees pour p r o d u i r e des c o n t r a s t e s h u m o r i s t i q u e s . A i n s i l e s L e t t r e s de Montmartre n'ont pas l a p o r t y e r e a l i s t e des m e i l l e u r e s s e i n e s des Ecos-seuses ou l e s oeufs de Pasques. Le Jeannot de C o u s t e l i e r r a p -p e l l e l e s gros Guillaume des comydies de Caylus - personnages t o u t a f a i t c o n v e n t i o n n e l s e t c a r i c a t u r a u x . Les ycosseuses, l e s b l a n c h i s s e u s e s e t l e s ravaudeuses que Caylus met en s e i n e sont des i n d i v i d u s authentiquement p o i s s a r d s , croques sur l e v i f - 296 -comme l ' a f a i t Bouchardon dans ses C r i s de P a r i s . A ce su-j e t , Moore, dans son etude de l a l i t e r a t u r e p o i s s a r d e a pu i c r i r e : C aylus, i n h i s s u c c e s s i v e tableaux, shows, i n comparison w i t h the average p r o d u c t i o n o f the genre p o i s s a r d , a g r e a t d e a l o f r e s t r a i n t . Both i n language and i n p r e -s e n t a t i o n , he does not abuse the easy d e v i c e o f the f i s h w i f e ' s s c o l d i n g s , o f which L e c l u s e , f o r example, was t o f a l l v i c t i m . He views the p o i s s a r d s not as c a -r i c a t u r e s , but almost e x c l u s i v e l y on the plane o f r e a l i t y . He does not reduce t o types, but t r e a t s them as i n d i v i d u a l s -a procedure i n which he stands almost alone i n the e i g h t e e n t h c e n t u r y 1 2 4 . C'est en p a r t i e , ce q u i e x p l i q u e l ' i l o g e un peu p a r t i a l des Goncourts q u i ont vu en Caylus un p r i c u r s e u r du r e a l i s m e , t e l \u00C2\u00AB> 125 qu'on l ' e n t e n d a i t au dix-neuvieme s i e c l e . Sans a l l e r s i l o i n que l e s Goncourts, reconnaissons que Caylus, d e f i c i e n t dans l a c a p a c i t y de c r i e r un monde romanesque, a des dons s o l i -des en ce q u i concerne 1'observation du peuple. A n t i q u a i r e competent, h i s t o r i e n d ' a r t a v e r t i , i l a p p l i q u e ei ses tableaux p o p u l a i r e s l e meme re g a r d p e r s p i c a c e q u i l u i p e r m e t t a i t d ' i d e n -t i f i e r une m e d a i l l e , une s t a t u e ou une p e i n t u r e . I I a s u r t o u t l e sens du p i t t o r e s q u e , du r e l i e f e t du mouvement. Mais man-quant d' i m a g i n a t i o n romanesque, i l n'a cree qu'une s i r i e de - 297 -tableaux et aucune oeuvre d'envergure u n i v e r s e l l e . II l u i reste l e m i r i t e d'avoir l a n c e les r i c i t s poissards et d'avoir f a i t figure de maitre dans un genre qui a connu une grande popularite jusqu ' S l a revolution. CONCLUSION Un jugement Equitable de l'oeuvre romanesque de Caylus doit t e n i r compte du f a i t que Caylus fut un ecr i v a i n amateur et que ses e c r i t s ne sont, pour l a plupart, que des ebauches rapides, composees pour tromper 1'ennui ou igayer ses compagnons de p l a i s i r . Comme nous l'avons vu, une grande par-t i e de son oeuvre est rested inedite dont des comedies, des romans, des contes et des essais. Les comedies furent edrites dans les anneds trente et quarante, pediode ou Caylus friquen-t a i t l a sociedeV dramatique de M o r v i l l e . Pour l e reste de l'oeu-vre inedite, aucune date sur les manuscrits ne nous permet de l a situer predisedient dans l a c a r r i e r e de Caylus mais, comme nous l'avons expliqui, les essais semblent etre des oeuvres de jeunesse de meme que les oeuvres pornographiques. Ecrivant pour se dedasser, Caylus ne semble pas avoir cherche\" 1' o r i g i n a l i t e : tant par l a forme que par l e fond (mis a part les e c r i t s poissards) i l ne s'edarte guere des tr a d i t i o n s et reste a l ' a f f u t des vogues l i t t e d a i r e s , meme s i parfois i l - 299 -f a i t preuve d'un e s p r i t quelque peu archaique en v o u l a n t r e s -s u s c i t e r des modes moribondes ou r e v o l u e s . En 1741, i l e c r i t des contes de f i e s s e l o n l a formule de l a Comtesse de Murat a l o r s que l e conte l i c e n c i e u x o r i e n t a l i s a n t a t t e i g n a i t son apogee. En 1745, a l o r s que 1 ' o r i e n t a l i s m e n ' i t a i t p l u s qu'un cadre commode ci d i v e r s deVeloppements p h i l o s o p h i q u e s ou l i c e n -c i e u x , i l adapte en f r a n g a i s des contes arabes marquant a i n s i son i n t e n t i o n de r e t o u r n e r aux sources de l a l i t e r a t u r e arabe. Grand admirateur du moyen age, i l adapte des f a b l i a u x et t r a d u i t des romans chevaleresques a l o r s que l a l i t e r a t u r e m i d i i v a l e ne commencait qu'a se r e l e v e r de ses cendres. S i Caylus e s t de son s i e c l e par l e contenu et l a forme de ses oeuvres, c e l a ne l'empeche pas de declamer c o n t r e l e b e i e s p r i t , l e ton f r i v o l e e t l e b r i l l a n t , q u i s e l o n l u i , c a r a c t i -r i s e n t l a l i t e r a t u r e de son ipoque. En t h i o r i e , s i n o n en p r a -t i q u e , Caylus e s t reste\" un c l a s s i q u e . Nous avons vu, qu'en a r t , i l p r i c o n i s e l e p r i n c i p e de l ' a u t o r i t e \" des anciens parce que ce sont eux q u i ont l e mieux i m i t e l a n a t u r e . En l i t e r a t u r e , i l r egarde l'epoque de Racine e t de M o l i e r e comme l ' a p o g i e de l a p e r f e c t i o n l i t t e r a i r e e t doute f o r t q u ' e l l e s o i t jamais i g a -l i e . A i n s i dans ses oeuvres moins badines ( e s s a i s , comedies e t n o u v e l l e s ^ i l se montre c l a s s i q u e par un c e r t a i n depouillement - 300 -dans l e st y l e et par une tendance el peindre des types et ci par-seraer sa f i c t i o n de commentaires moraux d'ordre general. Les oeuvres marquees au sceau du clacissisme sont toutefois les moins or i g i n a l e s et c e l l e s qui ont l e plus v i e i l l i . Ses meilleures oeuvres sont c e l l e s ou 1'intention l i t t i r a i r e est moins manifeste et ou l a creation d'un monde f i c t i f cede l a place a 1'observation directe de l a r e d l i t e . C'est l e cas particulierement des Ecosseuses ou les oeufs de Pasques et de 1'Histoire de Guillaume cocher. On peut voir dans cette demarche r e a l i s t e , 1'influence du graveur et de 1'antiquai-re. Un peu comme Bouchardon qui f i x a i t dans ses dessins (que Caylus gravait), les diverses manifestations de l a v i e populaire, Caylus s a i s i t dans ses Merits l e mouvement et l a vie p i t t o r e s -que du peuple. Historien et archeologue,il est conscient que ses enregistrements de l a vie populaire serviront un jour a de futurs h i s t o r i e n s . I l affirme a plusieurs reprises dans ses prefaces que les tableaux dedrivant les moeurs des basses c l a s -ses ont l a meme u t i l i t y morale et historique que ceux peignant l a v i e galante des gens de condition. Cette p r e d i l e c t i o n chez Caylus pour l a vie populaire, s ' i n s c r i t , comme nous l'avons vu, dans l a mode d'encanaillement - 301 -dont l a l i t e r a t u r e p o i s s a r d e e s t 1 ' a t t e s t a t i o n . I I e s t s i g n i -f i c a t i f de noter que l e s premieres oeuvres e d i t i e s de Caylus, datant des annees t r e n t e , e t d e s t i n i e s ii 1'amusement des so-c i i t i s badines, sont dans c e t t e v e i n e r i a l i s t e . L i b r e de toute t r a d i t i o n l i t t i r a i r e , Caylus a pu mettre en v a l e u r son e s p r i t d ' o b s e r v a t i o n , sa c u r i o s i t i n a t u r e l l e pour l ' i n s o l i t e e t donner l i b r e cours a sa f a n t a i s i e f a c i t i e u s e . Caylus f u t a i n s i un i n i t i a t e u r dans l e genre p o i s s a r d e t son P o r t e u r d'eau e t l e s amours de l a Ravaudeuse se c l a s s e parmi l e s m e i l l e u r s i c r i t s p o i s s a r d s e t s ' i l e v e au dessus des p r o c i d i s c a r i c a t u r a u x dans l e s q u e l s tomberont l a p l u p a r t des auteurs de parades e t l e s successeurs de V a d i . Caylus semble montrer une c e r t a i n e p r e d i l e c t i o n pour l a r i a l i t i crue q u ' i l exprime p a r f o i s dans des termes brutaux. Grand admirateur des f a b l i a u x , de Boccace, de R a b e l a i s e t de La Fontaine, i l a f f i c h e dans ses oeuvres p o i s s a r d e s une c r u d i t i de langage q u i d i p a s s e souvent l e s l i m i t e s de l a b i e n s i a n c e com-mune d'un p u b l i c q u i p r e f e r e l e s a l l u s i o n s i r o t i q u e s v o i l i e s par une i l i g a n c e d ' e x p r e s s i o n . Dans ses i c r i t s i r o t i q u e s , Caylus opte c a r f i m e n t pour l ' o b s c i n i t i sans i q u i v o q u e s . Dans l a p r e -face d'une oeuvre i n i d i t e , L ' H i s t o i r e physique e t morale par l a q u e l l e on rend r a i s o n de ce qu'on ne trouve p l u s de gros v i t s - 302 -et de beaux cons , i l condamne 1'hypocrisie contemporaine qui empeche de noramer les choses par leur nom. II constate que cette pudeur l i n g u i s t i q u e n ' e x i s t a i t pas chez les anciens. A 1'exem-ple de Juvenal,de M a r t i a l et de St-Jerome, i l revendique l e d r o i t de dire franchement \"con, c u l , v i s et foutre\". Mais on sent que ce redlisme l i n g u i s t i q u e chez Caylus, vient autant d'un dedir de choquer une mentality pudibonde que d'un p a r t i - p r i s d o c t r i n a i r e . Caylus cherche l e redlisme non pas dans l a multi-p l i c i t y des experiences de types humains mais plutot dans l e d e t a i l concret, l e f a i t s a i l l a n t de quelque nature q u ' i l s o i t . C'est un redlisme de miniature: q u ' i l nous fasse pededrer dans un bordel, dans un cabaret; q u ' i l nous fasse entendre les propos g a i l l a r d s que deditent des edosseuses au coin d'une rue, c'est surtout pour peindre des tableaux imaged dont l a couleur et l e r e l i e f etaient susceptibles de d i v e r t i r un public o i s i f ci l a recherche de l a nouveaute.\u00E2\u0080\u00A2 La representation de l a vie populaire n'est qu'une partie du redlisme de Caylus. Ses contes de feds, ses comedies, ses nouvelles et ses romans inedits, sont des oeuvres de monda-nite qui redledhissent les moeurs et les preoccupations morales de l a classe aised. Parmi c e l l e s - c i , l e probleme de 1'Evaluation de l'homme dans l a sociede\" est l e plus fondamental. Dans quelle - 303 -mesure l ' i n d i v i d u p e u t - i l etre lui-meme, se developper pleine-ment dans l a s o c i e t i , s o c i i t e qui se trouve etre en 1'occurence, corrompue et r e f r a c t a i r e a l a vertu. Comme nous l'avons vu, Caylus comme l a plupart des i c r i v a i n s de son ipoque, fustige i n -lassablement cette s o c i i t i dans presque toutes ses oeuvres. Mais c r i t i q u e r cette s o c i i t i corrompue n'apporte au-cune solution au probleme immidiat et concret confrontant l ' i n -d ividu: c e l u i de survivre moralement sans se f a i r e ermite ou devenir misanthrope. C'est dans cette perspective que Caylus aborde l e thime commun aux Egarements du coeur et de 1'esprit, Les confessions du comte de *** et l a Vie de Marianne: c e l u i de 1\"apprentissage moral de l a v i e en s o c i i t i . On retrouve ce theme notamment dans ses Mimoires du comte de ***, ses contes de f i e s et ses comidies et dans 1'Histoire de Guillaume cocher. La premiere tache du jeune homme faisant son entrie dans l a bonne s o c i i t i est de v o i r c l a i r et de d i c e l e r les micanismes secrets du rouage s o c i a l . Les hiros de Caylus suivent al peu pres tous l a meme demarche dans leur i n i t i a t i o n au monde: d'abord i b l o u i s par un raffinement apparent dans les manieres et le l a n -gage, i l s ne songent qu 'ai singer les gens les plus at l a mode -les petits-maitres et dans l e cas des femmes, les coquettes. I l s adoptent par l e f a i t meme tous leurs defauts: i l s deviennent - 304 -vaniteux, f r i v o l e s , mechants, medisants et etourdis: i l s ap-prennent ai masquer leurs sentiments et \u00C2\u00A3 ne jamais etre profonds de peur de passer pour ennuyeux, pedants et r i d i c u l e s . A i n s i l a bonne sociede, dans l e monde romanesque de Caylus, revet 1'image d'un theatre oil chacun joue son role f i x e par une con-jonction de rapports sociaux tres complexes que seuls les i n i -t i o s peuvent percevoir. C e l u i qui joue mal son role est juge\" r i d i c u l e et relegue\" au bas de l a hiedarchie s o c i a l e . Mais ce monde d ' a r t i f i c e f i n i t par lasser l e neophyte qui apres un 6garement passager prend ses distances vis-ai-vis eje l a vie mondaine pour l i m i t e r son a c t i v i t e s o ciale c i un cercle d'amis intimes ou pour se r e t i r e r a l a campagne, l i e u plus sur pour l a vertu. T e l est l e cheminement gededal des personnages de Caylus dans leur apprentissage de l a v i e en socieded L'hom-me et l a femme r e t i r e s du monde, l e prince et l a princesse sieved ai l a campagne par une sage personne, sont des themes frequents dans les contes de feds et les comedies de Caylus. Ses person-nages heureux pratiquent ce que Mauzi appelle l a sagesse de 2 chateau , un s t y l e de vie qui recherche l ' \u00E2\u0082\u00AC q u i l i b r e entre l a solitude et l a s o c i a b i l i t y . La dichotomie nature-sociede\" est redolue par un compromis qui conduit a un s t y l e de vie Epicurien oii l e bonheur est cherche\" dans l a moderation. Ce bonheur de - 305 -moderation e s t r e s e r v e aux vertueux: l e s personnages l e s p l u s heureux dans 1'oeuvre de Caylus, ne sont n i l e s p e t i t s - m a x t r e s , n i l e s peres e g o i s t e s , n i l e s medhantes feds, mais l e s bonnes fees q u i p r a t i q u e n t l a b i e n f a i s a n c e , l e s t a n t e s q u i se consa-c r e n t a\" 1*education de l e u r s n i e c e s , 1 'honnete-homme q u i apporte c o n s o l a t i o n a\" un ami i p r o u v i e t 1'amant q u i aime d'un amour tendre e t s i n c e r e . Ceux q u i o u b l i e n t t o u t e moderation pour s'embarquer dans l e t o u r b i l l o n de l a v i e mondaine, sont d e s t i -nes ii 1 * ennui par v o i e de l a satiede\" comme 1 * i l l u s t r e une comedie consacred a ce probleme, l'Humeur. Le v r a i bonheur, t r i b u t a i r e de l a v e r t u , a c e t avantage q u ' i l depend moins des c i r c o n s t a n c e s e x t e r i e u r e s que des d i s p o s i t i o n s a f f e c t i y e s e t morales de l ' i n -d i v i d u . Dans un conte de feds, Les Dons, i l p r e d i s e que l a q u a l i t e morale l a p l u s propre ii donner l e bonheur e s t \" 1 ' e s p r i t paresseux\", v e r t u q u i permet a l'homme de gouter tous l e s p l a i -s i r s de l a v i e avec moderation. A i n s i on peut v o i r que l a p a r t i e mondaine de 1'oeuvre de Caylus, par l e fondsmoral e t s o c i a l , cadre t o u t ii f a i t avec l a p r o d u c t i o n romanesque des e d r i v a i n s de son ipoque, Marivaux, C r e d i l l o n f i l s , Duclos, Predost e t une f o u l e d ' e d r i v a i n s mi-3 neurs . Nous avons a u s s i c o n s t a t e que l a c r i t i q u e des moeurs chez Caylus f a i t p a r t i e des p o n c i f s l i t t e r a i r e s de l a premiere - 306 -moitie du dix-huitieme s i e c l e , et sur lesquels i l s e r a i t fas-tidieux de revenir. Caylus est aussi de son epoque par son attitude am-bivalente a l ' i g a r d de l a f i c t i o n . Ses diverses prefaces sont a cet Egard r e v E l a t r i c e s : Caylus y emploie d'une fagon desin-volte, plusieurs subterfuges auxquels les romanciers ont recours pour j u s t i f i e r leur f i c t i o n : declaration d'etre simple editeur ou traducteur d'un manuscrit tr o u v i , affirmation de veracity historique, et j u s t i f i c a t i o n morale. A l'i n t e d i e u r meme des oeuvres, Caylus u t i l i s e egalement d'autres ruses communes des-t i n i e s a f a i r e accepter l a f i c t i o n : 1'incorporation de f a i t s historiques et giographiques dans 1'intrigue, l a fausse d i s s i -mulation des noms des personnages pour f a i r e c r o i r e q u ' i l s sont reels et enfin 1 ' u t i l i s a t i o n des mEmoires comme forme n a r r a t i v e 4 . Cette ambivalence romanesque se manifeste aussi par une certaine distance ironique que Caylus adopte dans sa narra-t i o n . Ce p r o c i d i , comme nous l'avons vu, est particulierement marque\" dans les contes de f i e s mais on l e retrouve dans les nou-v e l l e s , les romans, les oeuvres badines et meme dans les c o m 6 -5 dies . II s'agit, dans l a plupart des cas d'un dedoublement ovi l e narrateur s'observe a. l'oeuvre et met en cause 1 ' i l l u s i o n - 307 -f i c t i v e q u ' i l cherche et c r i e r . Caylus u t i l i s e S c e t e f f e t d i v e r s moyens dont l e s p l u s communs sont, l a p r i s e a p a r t i e du l e c t e u r , l e rapprochement incongru avec l a r e a l i t i contem-p o r a i n e , l a m y s t i f i c a t i o n e t l a pa r o d i e l i t t i r a i r e . Ce sont l a des procedes empruntes a l a t r a d i t i o n b u rlesque e t que des conteurs comme Hamilton, C r e b i l l o n f i l s , Voisenon e t p l u s t a r d D i d e r o t dans Jacques l e F a t a l i s t e , e x p l o i t e n t encore. Ce p a r t i - p r i s legerement i r o n i q u e , donne a ses oeuvres l e g e r e s , un ton d i f f i c i l e a d e c r i r e mais q u i a une parente ma-n i f e s t e au ton \" s p i r i t u e l \" p a r t i c u l i e r a des auteurs comme Hamilton, Lesage, Montesquieu, V o l t a i r e , Duclos e t Voisenon. C'est un ton de s o u r i r e dans l a composition duquel, o u t r e 1 ' i -r o n i e e t l a pa r o d i e , entre un milange assez p a r t i c u l i e r de r a p -prochements i n a t t e n d u s , de f a i t s p i quants, de remarques s a t i r i -ques, de t r a i t s b r i l l a n t s , de sous-entendus s u b t i l s y de n a i v e t e s f e i n t e s e t de l i t o t e s dont l e sens profond e s t a n c r i dans l e contexte s o c i a l e t l i t t i r a i r e de l'epoque. Dans ses oeuvres p l u s s e r i e u s e s , notamment dans ses es s a i s , ses romans e t ses n o u v e l l e s , l e s t y l e de Caylus e s t l o u r d : l e s p r o p o s i t i o n s sont lachement l i i e s par des p o i n t s -v i r g u l e s e t des c o n j o n c t i o n s ; i l abuse des pronoms d e m o n s t r a t i f s , - 308 -ses verbes manquent de vigueur et ses a d j e c t i f s de couleur. Le depouillement excessif dans 1'expression rend sa langue ab-s t r a i t e et pauvre en charge Emotive dans les scenes q u ' i l a voulues touchantes. II est s i g n i f i c a t i f de noter ai cet Egard que Caylus u t i l i s e l e procede\" du p o r t r a i t dans presque toutes ses oeuvres, jusque dans ses comedies oii les personnages se dedrivent les uns l e s autres. La caractedisation dans les con-tes de feds depend presque exclusivement de ce procede\" statique. Dans Les Soireds du bois de Boulogne les p o r t r a i t s sont r e l a t i -vement moins nombreux parce que l e s personnages se definissent plus ou moins nettement par leurs expediences et leur comporte-ment. Pour 1'aspect physique du p o r t r a i t , Caylus se contente l e plus souvent d'expressions hyperboliques comme \"tout ce que l a nature avait produit de plus beau\". Tout cela contribue el rendre ses personnages a b s t r a i t s , statiques et a releguer dans 1'ombre tout l e cote\" i n s t i n c t i f et Emotif de l a personne. Mais i l s'agit l a d'une faiblesse de caractedisation commune ai un grand nombre d'auteurs dans l a premiere moitie\" du dix-huitieme s i e c l e . Les nombreuses faiblesses de s t y l e et de technique que nous avons releveds dans les contes, les comedies et l e s nouvelles, sont l e partage d'un bon, nombre. d'auteurs mineurs -- 309 -les Voisenon / l e s Moncrif,,, l e s Chevrier^. les Godard d'Aucourt et d'autres encore. L'oeuvre romanesque de Caylus a subi l e sort des centaines d ' e c r i t s de l'ipoque qui dorment aujourd'hui dans l a poussiere des bibliotheques. E l l e a connu une certaine vogue au dix-huitieme s i e c l e parce qu'elle f a i s a i t revivre les preoccupations morales et i n t e l l e c t u e l l e s , les modes et les gouts l i t t e d a i r e s de ses contemporains. Mais pour l e lecteur moderne 1'oeuvre de Caylus o f f r e peu d'intedet: l e contenu mo-r a l a perdu son a c t u a l i t y et l e support romanesque a v i e i l l i . L'intedet p r i n c i p a l reside dans l a ported historique de 1'oeu-vre: miroir des preoccupations i n t e l l e c t u e l l e s et des gouts d'un public, e l l e reste un document vivant sur l a v i e dans l a premiere m o i t i i du dix-huitieme s i e d l e . NOTES Avant-propos e t C h a p i t r e I 1. Goncourt, E. e t J . de \"Caylus\", P o r t r a i t s i n t i m e s , XVIIIe s i e c l e ( P a r i s , 1848), v o l . I, pp. 167-96; v o l . I I , pp. 10-42. 2. H e n r i o t , Entile, \"Le Conte de Caylus\", Les l i v r e s du. second rayon ( P a r i s , 1926), pp. 133-50. 3. F l e u r e t , Ferdinand, \"Le Conte de Caylus\", De Ronsard a B a u d e l a i r e ( P a r i s , 1935), pp. 167-87. 4. Godenne, Rene, \"AgrEable d i v e r site\" des Oeuvres Badines du Comte de Cayl u s \" , Dix-huitieme s i e c l e , No. 1 (1969), pp. 252-66. 5. Rocheblave, Samuel, E s s a i sur l e Comte de Caylus ( P a r i s , 1889). V o i r a u s s i : Zadoks-Josephus J i t t a , A.N., \"De comte de Caylus a l s archae-l o o g \" , T u j d s c h r i f t voor G e s c h i e d e n i s , LVI (1941), pp. 290-97. Clement de R i s , L., \"Le Comte de Caylus\", Les Amateurs d ' a u t r e f o i s ( P a r i s , 1872), pp. 253-86. 6. Rocheblave, Samuel, op. c i t . , p. X I . 7. Caylus, Comte de, H i s t o i r e de Guillaume, cocher. ( P a r i s , 1737), 2 v o l . 8. Caylus, Comte de, Contes o r i e n t a u x , t i r E s des manuscrits de l a b i b l i o t h e q u e du R o i de France (La Haye, 1743), 2 v o l . 9. Pour l e s d e t a i l s b i b l i o g r a p h i q u e s , v o i r l e c h a p i t r e V de c e t ouvrage. - 311 -10. V o i r Epinay, Madame de, Mimoires, ed. P a u l B o i l e a u ( P a r i s , 1863), p. 210. V o i r a u s s i C h a p i t r e V. 11. On l u i d o i t un bon nombre d ' i c r i t s i r o t i q u e s dont Le B o r d e l e s t l e mieux connu. Le manuscrit No. 6713 de l ' A r s e n a l c o n t i e n t l e s oeuvres i r o t i q u e s s u i v a n t e s de C a y l u s : - L ' A p a r e i l l e u s e , comidie en un acte en prose 1739 par M. de Quelus, auteur de l a comidie du B o r d e l . - Les Cons q u i p a r l e n t . - N o u v e l l e t i r i e de l a c*** - Un groupe de femmes o r g a n i -se une ambassade aupres de J u p i t e r pour se p l a i n d r e de l a p e t i t e s s e du membre de l'homme, r o i des animaux -l e t o u t raconte dans un s t y l e epique. - H i s t o i r e physique e t morale par l a q u e l l e on rend r a i s o n de ce qu'on ne trouve p l u s de gros v i t s e t de beaux cons. Le s u j e t de c e t t e f a c i t i e e s t resume\" dans une s o r t e de priambule epique: \"Je v a i s chanter l e s guerres t e r r i b l e s , l e s a c t i o n s c r u e l l e s , l e s vengeances, l e meurtre e t l a rage que l ' o r g u e i l e t 1'ambition ont cause\" avant l a c r e a t i o n du monde e t contre l e s v i t s , l e s c u l s e t l e s cons, non sans f a i r e beaucoup de mal aux c o u i l l o n s \" . - L ' H i s t o i r e p a r t i c u l i e r e d'une Odalisque du s i r a i l du grand s e i g n e u r . Selon Bonnard, dans sa p r e f a c e de La F i e P a i l l a r d i n e , c e t t e h i s t o i r e a i t i i c r i t e par Caylus, vraisemblablement en 1717 apres son voyage en O r i e n t . Parmi ses oeuvres i r o t i q u e s imprimies, on r e t i e n t l e s s u i v a n t e s : - Le D i f i amoureux de Ligdame e t C h l o r i s . V o i r R a d e v i l l e Deschamps, Oeuvres Badines e t g a l a n t e s de Caylus ( P a r i s , B i b l i o t h e q u e des c u r i e u x 1920). L ' h i s t o i r e commence avec un p a r i : une jeune f i l l e nue p e u t - e l l e r i s i s t e r aux attaques d'un homme igalement nu! - 312 -- Le B... ou l e J . . . F... puni, comedie en prose en t r o i s a c t e s (1., 1736). La f o r n i c a t i o n sur scene rend l a p i e c e i n j o u a b l e . - La Fee P a i l l a r d i n e ou l a P r i n c e s s e r a t e d ( P a r i s , C e r c l e du l i v r e predieux, 1962). C'est un conte . obscene e x p l o i t a n t t o u t e s l e s r e s s o u r c e s de l a f e e r i e . 12. Pour l a l i s t e complete de ses memoires, v o i r Fontaine, Andre, V i e d ' a r t i s t e s au XVIIIe s i e c l e ( P a r i s , 1910). 13. S e r i e y s , A., L e t t r e s i n e d i t e s de H e n r i IV e t de p l u s i e u r s personnages cElebres ( P a r i s , 1802), c i t e par Rocheblave Samuel, E s s a i sur l e Comte de Caylus, op. c i t . , p. 50. 14. Correspondance i n e d i t e du Comte de Caylus avec l e P\u00E2\u0080\u00A2 P a c i a u d i , t h e d t i n (1757-1765) , s u i v i e de c e l l e de l'abbe\" Barthelemey e t du P. M a r i e t t e avec l e meme, p u b l i e d s par Ch. N i s a r d ( P a r i s , 1877), v o l . I, p. 237. 15. Marmontel, Medtoires d'un pere a ses enfants, ed. Tourneux ( P a r i s , 1891), v o l . VI, pp. 104-06. 16. Le Beau, C h a r l e s , \"Eloge du Comte de Caylus\", Memoires de 1 'Acadediie des I n s c r i p t i o n s , XXXIV, p. 222. 17. Caylus, Comte de, R e c u e i l d ' a n t i q u i t e d edyptiennes, e t r u s - que, grecques e t romaines ( P a r i s , 1752-67), v o l . V, p r e f a c e . 18. Correspondance i n e d i t e avec l e P. P a c i a u d i . . . op. c i t . , p. 9. 19. R e c u e i l d ' a n t i q u i t e d . . . op. c i t . , v o l . V, p r e f a c e . 20. V o i r Seznec, Jean, D i d e r o t e t l ' a n t i q u i t e (Oxford 1957). 21. Grimm, Correspondance 1765, ed. Tourneux ( P a r i s , 1877-1882), v o l . VI, p. 366. 22. I b i d . , 23. I b i d . - 313 -24. Voisenon, Claude-Henri de F u z i e , abbe\" de, Anecdote l i t t e -r a i r e ( P a r i s , 1880) , p. 148. On a t t r i b u e a\" Caylus l a L e t t r e du P u b l i c a\" l ' a u t e u r d'Acajou q u i e s t un modele de p e r s i f l a g e e t d ' i r o n i e en meme temps qu'une c r i t i q u e acerbe de 1'empire du b e i e s p r i t dans l e s l e t t r e s . Mais e l l e e s t en verite\" de F r i r o n . V o i r M e i s t e r , P a u l , C h a r l e s Duclos (Geneve, 1956). 25. V o i r L e t t r e de S t - D i z i e r , l e 12 septembre, 1733, manuscrit No. 1136 de l a Sorbonne. 26. Le Beau, C h a r l e s , op. c i t . , p. 222. 27. Cochin, C h a r l e s , Memoires i n i d i t s ( P a r i s , 1880). 28. N i s a r d , C h a r l e s , Correspondance i n i d i t e . . . op. c i t . , P r e f a c e . 29. L * i n f l u e n c e j a n s i n i s t e q u ' i l a subie aupres de sa mere e t aupres de son o n c l e , 1'eVeque d'Auxerre, ne semble pas 1'avoir marque\" profondiment. Caylus a f f i c h e r a ouvertement son atheisme jusqu'a\" sa mort. T o u t e f o i s , comme nous l e v e r r o n s , sa p e n s i e c o n t i e n t une f o r t e dose de moralisme t r a d i t i o n n e l q u i e s t p e u t - e t r e redevable a\" son m i l i e u e t son E d u c a t i o n . 30. Le Beau, C h a r l e s , op. c i t . , nous d i t que son e d u c a t i o n f u t s o l i d e . I I f a u t b i e n l e c r o i r e car son e r u d i t i o n e s t t o u t a\" f a i t remarquable. 31. La p l u p a r t des biographes r a p p o r t e n t q u ' a p r i s s ' e t r e d i s -t i n g u e dans une campagne m i l i t a i r e , l e r o i l u i a u r a i t d i t : \"Voyez mon p e t i t Caylus, i l a d e j a t u e un de mes ennemis\". C i t e par Rocheblave, op. c i t . , p. 8. 32. I I e x i s t e c e r t e s l e s l e t t r e s de Mme de Caylus adressOes a son f i l s , l o r s de son voyage en I t a l i e . E l l e s peignent s u r t o u t l'ame d'une mire i n q u i e t e par l e c a r a c t e r e v i f e t impetueux du f i l s q u i se s o u c i e peu de son propre b i e n -e t r e . V o i r Raunie E., Souvenirs e t correspondance de Mme Caylus ( P a r i s , 1881). 3 3 \u00E2\u0080\u00A2 I b i d . , l e t t r e L V I I I , p. 265. - 314 -34. Bonhomme, HonorE, Madame de Maintenon et sa f a m i l l e . Lettres et documents i n i d i t s (Paris, 1863), p. 195. 35. Caylus, Comte de, Voyage d ' l t a l i e , 1714-1715, ed. A. A. Pons (Paris, 1914) . 36. Schatzmann, Paul-Emile, \"Voyage de Constantinople par l e Comte de Caylus\", Gazette des Beaux Arts (mai, 1938), pp. 273-92, 309-22. 37. \"Mon f i l s me mande q u ' i l q u i t t e r a i t sa p a t r i e , q u ' i l por-t e r o i t sa tete sur un Echafaud plutot que de continuer ci s e r v i r . . . Voir RauniE, op. c i t . , l e t t r e LVI. 38. Dans une l e t t r e cependant i l l i v r e son ame a nu: c'est pour pleurer l a mort de sa mere. Voir Bonhomme, op. c i t . , l e t t r e du 15 a v r i l , 1729. 39. Voyage d ' l t a l i e , op. c i t . , preface de Pons, p. LXIII. 40. Par exemple: \" I l s ont commence un batiment pour leurs Ecoles qui sera beau\". Le Beau affirme que Caylus se r e l i s a i t rarement. 41. Voyage d ' l t a l i e , op. c i t . , p. 114. 42. Ibid., p. 114. 43. Ibid., p. 128. 44. Caylus, Comte de, Memoires et reflexions (Paris, 1874). 45. Voyage d ' l t a l i e , op. c i t . pp. 129-30. 46. Ibid., p. 238. 47. Ibid., pp. 202-03. 48. Ibid., p. 96. 49. Ibid., p. 132. 50. Ibid., p. 54. - 315 -Voyage d ' l t a l i e , op. c i t . , preface, p. 2. Voir l a note 36 de ce chapitre. Voyage de Constantinople, op. c i t . , p. 290. Ibid., p. 291. Ibid., preface. Ibid., p. 319. Voir Le Beau... op. c i t . , p. 235. Blanc, Charles, TrEsor de l a c u r i o s i t e . Preface de Ad. Thibaudeau, p. CXXI,(Paris, 1857). MEmoires et reflexions du Comte de Caylus, imprimes pour l a premiere f o i s sur l e manuscrit autographe, s u i v i s de 1'Histoire de M. Guillaume, cocher (Paris, 1874). Le contenu assez varie des Reflexions et memoires, appartient a plusieurs epoques de l a vie de Caylus. Les anecdotes pol i t i q u e s sur l e rigne de Louis XIV viennent vraisembla-blement de sa mere, decedEe en 1729. Quant aux remarques sur l a l i t e r a t u r e contemporaine et sur 1'anglomanie, e l l e s remontent au moins aux annEes trente et quarante. 60. Ibid., p. 30. 61. Ibid., p. 300. 62. Voir son mEmoire: De l a nEcessite des conferences, manus-c r i t No. 1155 de l a Sorbonne. 63. Voir Rocheblave... op. c i t . , pp. 167-98. 64. Caylus, Comte de, Vies des premiers peintres du Roi (Paris, 1752), 2 v o l s . 65. Voir Maury, L.F., L'ancienne Academie des Inscriptions et Belles-Lettres (Paris, 1864). 51. 52. 53. 54. 55. 56. 57. 58. 59. - 316 -66. Lu at l'Academie en 1724, publie\" en 1732. V o i r , Gossman, L i o n e l , Medievalism and the I d e o l o g i e s o f the E n l i g h - tenment: the World and Work o f La Curne de S a i n t e - P a l a y e (Baltimore, 1968), pp. 153 e t seq. 67. R e g i s t r e de l'Academie du 3 decembre, 1768. C i t e par Gossman... op. c i t . , p. 159. 68. Pourtant l e s v i e i l l e s t r a d i t i o n s ont l a v i e dure. En 1761 Caylus d e p l o r e encore l a s u r v i v a n c e de l ' a n c i e n n e e r u d i t i o n : \" E l l e charge, e l l e r e p e t e , e n f i n , e l l e veut b r i l l e r par des i n u t i l i t y sans nombre, t a n d i s que 1'es-p r i t d'ordre e t de g i o m i t r i e ne se permet que l e n i c e s -s a i r e \" . N i s a r d , C h a r l e s , Correspondance i n i d i t e du Comte de Caylus, op. c i t . , v o l . I, p. 277. 69. R e c u e i l d ' A n t i q u i t i s \u00E2\u0080\u00A2 . . op. c i t . , v o l . V, p r e f a c e . 70. V o i r \" E c l a i r c i s s e m e n t s sur quelques passages de P l i n e \" , Memoires de l'Acadimie des I n s c r i p t i o n s , XIX, pp. 255-56. 71. \" R e f l e x i o n s sur l e s H i s t o r i e n s anciens en g i n i r a l , e t sur Diodore S i c i l e en p a r t i c u l i e r \" , Memoires de l'Acadimie des I n s c r i p t i o n s , XXVII, pp. 55-58. 72. R e c u e i l d ' A n t i q u i t i s . . . op. c i t . , v o l . I, p r e f a c e . 73. V o i r Gros, H. e t Henry, C h a r l e s , L'Encaustique, L i b r a i r i e de l ' A r t ( P a r i s , 1884), e t D i d e r o t , L ' H i s t o i r e e t l e s e c r e t de l a p e i n t u r e en c i r e , s . l . n . d . (1756). 74. Rocheblave... op. c i t . , p. 288. 75. R e c u e i l d ' A n t i q u i t i s . . . op. c i t . 76. I b i d . , v o l . I, p. V I . 77. I b i d . , v o l . I l l , p. 100. 78. V o i r Rocheblave... op. c i t . , pp. 342 e t seq. 79. B r i q u i g n y 62, f o l . 203, c i t e par Gossman... op. c i t . , p. 168. - 317 -80. H i s t o i r e du v a i l l a n t chevalier Tiran Le Blanc, traduite de l'Espagnol \u00C2\u00A3 Londres (Paris,1737). Le Coloandre f i d e l e , t r a d u i t de l ' l t a l i e n d'Ambrosio Marini - Amsterdam (Paris, 1740). 81. \"MEmoire sur l e s Fabliaux\", Memoires de l'Academie des Inscriptions, XX. 82. Nykrog, Per, Les Fabliaux; etude d' h i s t o i r e l i t t E r a i r e et de s t y l i s t i q u e mEdiEvale (Copenhague, 1957), p. VII. 83. Ibid., p. LX. 84. Lacurne de Sainte-Palaye, nE en 1697, mort en 1781, a passe\" presque cinquante ans a\" Etudier l e s origines de l a langue et de l ' h i s t o i r e frangaise. Son oeuvre p r i n c i p a l e reste l e monumental Dictionnaire historique de l'ancien langage francais\u00E2\u0080\u00A2 85. Le Grand d'Aussy, Fabliaux et contes, nouvelle E d i t i o n (Paris, 1781), v o l . I, pp. XCV-XCVI. Cite\" par Gossman... op. c i t . , p. 329. 86. MEmoire sur l e s Fabliaux... op. c i t . , p. 352. 87. Ibid., P- 355. 88. Ibid., P- 356. 89. Ibid., P. 357. 90. Ibid., P- 360. 91. Ibid., P- 361. 92. Ibid., P- 376. 93. Le B. . . ou l e des nombreuses oeuvres pornographiques que Caylus a i t E c r i t e s . Voir l a note 11 de ce chapitre. 94. Ibid., p. 373. 95. Ibid., p. 376. - 318 -96. \"Memoires sur Guillaume de Machaut, poete e t m u s i c i e n dans l e XVe s i i c l e , avec une n o t i c e de ses p r i n c i p a u x ouvrages\", Mimoires de l'Acadimie des I n s c r i p t i o n s , XX, pp. 299-439. 97. I b i d . , p. 416. 98. I b i d . , p. 401. 99. \"Mimoire sur l ' o r i g i n e de l a c h e v a l e r i e e t des anciens romans\", Mimoires de l'Acadimie des I n s c r i p t i o n s , XXV. 100. V o i r Gossman... op. c i t . , pp. 273-74 101. I b i d . , l o c . c i t . 102. \"Mimoire sur l ' o r i g i n e de l a c h e v a l e r i e . . . \" , op. c i t . , p. 5. 103. Gossman... op. c i t . , p. 275. 104. Rocheblave... op. c i t . , p. 142. C h a p i t r e I I 1. N i s a r d , C h a r l e s , Correspondance i n e d i t e du Comte de Cay-l u s ... op. c i t . , v o l . I I , p. 207. 2. V o i r l e s manuscrits Nos. 1161 e t 1162 de l a Sorbonne. 3. \" R e c u e i l de ces Messi e u r s \" , Oeuvres Badines ( P a r i s , 1787), tome V, p r e f a c e . 4. V o i r l a note 2 c i - d e s s u s . 5. V o i r l e C h a p i t r e V. 6. M a n u s c r i t No. 1162 de l a Sorbonne. 7. M a n u s c r i t No. 653 de l a Sorbonne. 8. Epimenides, h i s t o i r e grecque, manuscrit No. 653 de l a 9. I b i d . 10. M a n u s c r i t No. 1148 de l a Sorbonne. V o i r a u s s i l e s manus-c r i t s Nos. 1146 e t 1147. 11. I b i d . , p. 46a. 12. M a n u s c r i t No. 1155 de l a Sorbonne, f o l . 104. 13. I b i d . 14. I b i d . 15. M a n u s c r i t No. 1149 de l a Sorbonne. 16. M a n u s c r i t No. 654 de l a Sorbonne. - 320 -17. M a n u s c r i t No. 654 de l a Sorbonne. 18. I b i d . 19. I b i d . 20. I b i d . V o i r a u s s i l e manuscrit No. 1155, f o l . 118. Caylus a i l l u s t r i , d'une maniere cocasse, c e t t e f l a t t e r i e des c o u r t i s a n s dans un conte de f i e s : B e l i n e t t e ou l a jeune v i e i l l e . 21. M a n u s c r i t No. 1149 de l a Sorbonne. 22. Cite\" par M e r c i e r , Roger, La R e h a b i l i t a t i o n de l a nature humaine, 1700-1750 ( P a r i s , 1962), p. 237. 23. I b i d . 24. M a n u s c r i t No. 1155 de l a Sorbonne, f o l . 130. 25. I b i d . 26. V o i r M e r c i e r , Roger, op. c i t . , p. 57. 27. Montesquieu, Oeuvres completes, e d i t i o n La PLsiade, tome I, pp. 4-5. 28. L e t t r e s Persanes, XXXIV, Oeuvres completes, tome I, p. 180. 29. M a n u s c r i t No. 1149 de l a Sorbonne. 30. I b i d . 31. M a n u s c r i t No. 654 de l a Sorbonne. 32. Mauzi, Robert, op. c i t . , p. 14 e t seq. 33. I b i d . , p. 16. 34. M a n u s c r i t No. 654 de l a Sorbonne. 35. I b i d . - 321 -36. M a n u s c r i t No. 654 de l a Sorbonne. 37. I b i d . 38. V o i r Correspondance avec l e P. P a c i a u d i . . . op. c i t . , v o l . I, p. 190 e t v o l . I I , p. 110. 39. M a n u s c r i t No. 654 de l a Sorbonne. Toutes l e s c i t a t i o n s se r a p p o r t a n t a c e t e s s a i sont t i r e e s de ce man u s c r i t . 40. M a n u s c r i t No. 654 de l a Sorbonne. 41. I b i d . 42. I b i d . 43. La Comidie bourqeoise, manuscrit f r a n c a i s No. 24345 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 4. 44. M a n u s c r i t No.'654 de l a Sorbonne. 45. I b i d . 46. I b i d . 47. I b i d . 48. D'Almiras, H., e t D ' E s t r i e , P., Les Theatres l i b e r t i n s au XVIIIe s i e c l e ( P a r i s , 1906), V o i r a u s s i : Dinaux, A., Les S o c i i t e s badines, bachiques, l i t t i r a i r e s , l e u r h i s t o i r e e t l e u r travaux ( P a r i s , 1867), 2 v o l . 49. Tressan, Comte de, Oeuvres d i v e r s e s ( P a r i s , 1825), tome X, pp. 208-09. 50. Pour l a l i s t e complete, v o i r l a B i b l i o g r a p h i e du p r e s e n t t r a v a i l . - 322 -51. V o i r Brunet, C h a r l e s , Table des p i e c e s de t h e a t r e d E c r i t e s dans l e c a t a l o g u e de l a b i b l i o t h e q u e de Monsieur de S o l e i n e (Morgan, 1914). 52. Le J a r d i n i e r de C h a i l l o t , Prologue, manuscrit f r a n g a i s No. 24348 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 9. 53. Prologue pour l a comedie de l a R e p e t i t i o n , manuscrit f r a n g a i s No. 24351 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 2. 54. Prologue de l ' E c o l e du monde et de l a Fausse n i a i s e , manuscrit f r a n g a i s No. 24346 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 12. 55. M a n u s c r i t f r a n g a i s No. 24350 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 1. 56. Le V a l e t a deux maitreg, comedie en t r o i s a c t e s , manuscrit f r a n g a i s No. 24351 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 13. 57. V o i r par exemple: Le C o n f i a n t ou l e f a t , manuscrit f r a n g a i s No. 24345 de l a Bibliotheque N a t i o n a l e , f o l . 8 e t 9. 58. L ' E s p r i t de p r o p r i e t e , comedie en un a c t e en prose, manus-c r i t f r a n g a i s No. 24386 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 11. 59. La Haine i n u t i l e , comedie en t r o i s a c t e s en prose, 1744, manuscrit f r a n g a i s No. 24348 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 1. 60. Le V a l e t a deux m a i t r e s , comedie en t r o i s a c t e s , manuscrit f r a n g a i s No. 243 51 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 13. 61\u00E2\u0080\u00A2 La Comedie bourqeoise, en un a c t e , 1731, manuscrit f r a n g a i s No. 24345 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 4. 62. S i l v i e ou l a fausse n i a i s e , comedie en un a c t e en prose avec un d i v e r t i s s e m e n t , manuscrit f r a n g a i s No. 24351 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 8. 63. La Comedie impromptue, comedie en t r o i s a c t e s en prose, 1739, manuscrit f r a n g a i s No. 24345 de l a B i b l i o t h e q u e Na-t i o n a l e , f o l . 2. - 323 -64. L ' O f f i c i e u x i n t e d e s s g , manuscrit f r a n g a i s No. 24350 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 8 ( l a p i e c e c o n t i e n t quelques scenes e d r i t e s d'une aut r e main). 65. Le C o n f i a n t ou l e f a t , comedie en c i n q a c t e s en prose, 1733, manuscrit f r a n c a i s No. 24345 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 7. Le C o n f i a n t ou l e f a t , comEdie en prose f a i t e en c i n q mauvais a c t e s en 1733 e t remise par ordre en t r o i s mauvais a c t e s en 1741, manuscrit f r a n c a i s No. 24345 de l a B i b l i o -theque N a t i o n a l e , f o l . 8. 66. La Femme honnete-homme, comedie en c i n q a c t e s en prose, manuscrit f r a n c a i s No. 24347 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a -l e , f o l . 5. 67. La Soubrette maxtresse, comedie en t r o i s a c t e s en prose, manuscrit f r a n g a i s No. 24351 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 3. 68. Le Depot, comedie en t r o i s a c t e s en prose t i r e d du Trinumnus de P l a n t e , 1742, manuscrit f r a n g a i s No. 24346 de l a B i b l i o -theque N a t i o n a l e , f o l . 4. 69. L'Humeur, comedie en prose en c i n q a c t e s , manuscrit f r a n g a i s No. 24348 de l a B i b l i o t h l q u e N a t i o n a l e , f o l . 8. 70. Le Mariage par c o n t r e - l e t t r e , manuscrit f r a n g a i s No. 24350 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l 2. 71. L'Amante aimable, comedie, manuscrit f r a n g a i s No. 24344 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 4. V o i r a u s s i : f o l . 8 du meme manuscrit pour l a premiere r e d a c t i o n . 72. La Maison c u l b u t e d , comedie en un acte e t en prose, avec un d i v e r t i s s e m e n t , r e p r e s e n t e d pour l a premiere f o i s 1 M o r v i l l e , l e 13 septembre, 1738, manuscrit f r a n g a i s No. 24350 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 1. 73. Les Ages de l a fee du Loreau, comedie en prose en un a c t e , 1739, manuscrit f r a n g a i s No. 24343 de l a B i b l i o t h e q u e Na-t i o n a l e , f o l . 1. Deux a u t r e s exemplaires de l a p i e c e se tr o u v e n t \u00C2\u00A3 1'Arsenal. V o i r manuscrit No. 2748 (38 b i s . B.F.), f o l . 1 e t 22. - 324 -74. V o i r l a note 11 du premier c h a p i t r e . 75. La Chauve-souris du sentiment, comgdie en un a c t e (Guyot, 1748). 76. Clement, Les Cinq annges l i t t i r a i r e s , tome I, pp. 70-71. 77. Grimm, Correspondance\u00E2\u0080\u00A2.\u00E2\u0080\u00A2 op. c i t . , tome I, p. 168. 78. L ' I s l e de l a c o q u e t t e r i e , manuscrit f r a n c a i s No. 24349 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 9. 79. Canevas de 1 ' O f f i c i e r int\u00C2\u00A3ress\u00C2\u00A3, manuscrit f r a n c a i s No. 24350 de l a B i b l i o t h e q u e N a t i o n a l e , f o l . 8. Chapitre III 1. Faeries Nouvelles (La Haye, 1741), 2 v o l . REimprimEes dans les Oeuvres Badines, op. c i t . , tome VIII et IX. Toutes les references qui suivront se rapporteront ei cette derniere e d i t i o n . 2. Cinq contes de fEes (Paris, 1745), REimprimEs dans les Oeuvres Badines, op. c i t . , tome IX. 3. V o i r : Storer, M.E., Un Episode l i t t E r a i r e de l a f i n du XVIIIe s i e c l e ; l a mode des contes de fEes (1685-1700) Paris, 1928). 4 * Les Contes orientaux, t i r E s des Mss de l a Bibliotheque du Roi (La Haye, 1743), 2 v o l . ReimprimEs dans les Oeuvres Badines, op. c i t . , tome VII et VIII. 5. Les Manteaux, r e c u e i l (La Haye, 1746). REimprimE dans les Oeuvres Badines, op. c i t . , tome VI et VII. 6. Tout vient c i point qui peut attendre ou Cadichon (La Haye, 1775), REimprimE dans les Oeuvres Badines, op. c i t . , tome IX. 7. Ibid., p. 389. 8. Ibid., p. 390 9. Ibid., pp. 390-91 10. V o i r : Storer, M.E., Un Episode l i t t E r a i r e . . . op. c i t . 11. Vo i r : May, George, Le dilemme du roman au XVIIIe s i e c l e . Etude sur les rapports du roman et de l a c r i t i q u e , 1715-1761 (Paris, 1963), pp. 106-136. - 326 -12. Cadichon... op. c i t . 13. Ibid., p. 391. 14. Ibid . Le succis est confirme par les nombreuses editions, quatre Editions pour les Feeries Nouvelles. 15. FrEron, \"Nouveaux contes orientaux par M. de Comte de Caylus\", AnnEe l i t t E r a i r e , tome VII (1780), pp. 335-51. 16. Cadichon... op. c i t . 17. Pour les sociEtEs badines voir Chapitre V. 18. CitE par Storer, M.E., Un Episode l i t t E r a i r e . . . op. c i t . p. 13. 19. Idem. 20. CitE dans P e t i t de J u l l e v i l l e , H i s t o i r e de l a lanque et de l a l i t t E r a t u r e frangaise des oriqines li 1900 (Paris, 1896-99), tome VI, p. 477. 21. V o i r : Barchilon, J . , \"Le Cabinet des fEes et 1'imagination romanesque\", Etudes l i t t E r a i r e s , v o l . I, No. 2 (aout, 1968). 22. Cadichon... op. c i t . 23. V o i r : Godenne, R., \"AgrEable d i v e r s i t E des Oeuvres Badines du Comte de Caylus\", Dix-huitieme s i e c l e , No. 1 (1968), p. 261. 24. FEeries Nouvelles, op. c i t . 25. I b i d . Toutes les rEfErences se rapporteront a l ' E d i t i o n des Oeuvres Badines, op. c i t . 26. Mignonette, tome IX, pp. 115-144 27. Ibid., p. 144. 28. Le Prince Courtebotte et l a Princesse Zib e l i n e , tome VIII, pp. 203-74. - 327 -29. La P r i n c e s s e P i m p r e n e l l e e t l e P r i n c e Romarin, tome V I I I , pp. 343-81. 30. T o u r l o u e t R i r e t t e , tome V I I I , pp. 325-42. 31. L'Enchantement i m p o s s i b l e , tome IX, pp. 145-81. 32. La P r i n c e s s e Lumineuse, tome IX, pp. 63-92. 33. I b i d . , p. 88. 34. I b i d . 35. La P r i n c e s s e M i n u t i e e t l e r o i F l o r i d o r , tome IX, pp. 182-93. 36. I b i d . , p. 183. 37. La B e l l e Hermine e t C o l i b r i , fragment, tome IX, pp. 194-210. 38. V o i r p. 155 e t seq. du presen t t r a v a i l . 39. L a B e l l e Hermine e t C o l i b r i , tome IX, p. 210. 40. Le P r i n c e Muguet e t l a p r i n c e s s e Zaza, tome V I I I , pp. 289-324. 41. Rosanie, tome V I I I , pp. 275-88. 42. Le P a l a i s des i d e e s , tome IX, pp. 47-62. 43. Les Dons, tome V I I I , pp. 388-98. 44. I b i d . , p. 392. 45. I b i d . , p. 395. 46. Nonchalante e t P a p i l l o n , tome IX, pp. 7-46. 47. B l e u e t t e e t C o q u e l i c o t , tome IX, pp. 93-114. 48. C i n q contes de feds, op. c i t . Toutes l e s r e f e r e n c e s se r a p p o r t e r o n t \u00C2\u00A3 1 * e d i t i o n des Oeuvres Badines, op. c i t . - 328 -49. Le Loup qalleux, tome IX, pp. 309-331. 50. Une e d i t i o n de 1744 porte l e nom d'auteur \"Mme de V. Leyde\". II existe une version manuscrite, autographe de Caylus, ce qui prouve que l e conte appartient H ce der-n i e r . Voir manuscrit No. 1154 de l a Sorbonne. 51. Le Prince des coeurs et l a princesse Grenadine, tome IX, pp. 213-42. 52. La Princesse A z e r o l l e ou l ' e x c i s de l a Constance, tome IX, pp. 243-302. 53. Fleurette et Abricot, tome IX, pp. 303-08. 54. Ibid., pp. 307-08. 55. Le Loup galeux, op. c i t . 56. Belinette ou l a Jeune V i e i l l e , tome IX, pp. 332-^88. 57. Cadichon, ou tout vient a point qui peut attendre, tome IX, pp. 389-454. 58. Jeanette ou 1'indiscretion, tome IX, pp. 455-67. 59. Cadichon, op. c i t . pp. 393-94. 60. Grimm en f a i t 1'appreciation suivante: \"C'est un rabachage d'enfant, imagine, s ' i l en faut c r o i r e l a preface, pour corriger deux enfants dont l'un e t a i t n& f o r t impatient, 1'autre f o r t i n d i s c r e t . II y a plus de morale dans l e projet de l'auteur q u ' i l n'y a d'imagination dans l a ma-niere dont i l l ' a execute\" (Correspondance, 1775, I XI, p.89) . 61. Les Dons, op. c i t . pp. 388-89. 62. Mauzi, R., L'idee du bonheur au XVIIIe s i e c l e , op. c i t . , pp. 330-34. 63. La Princesse A z e r o l l e ou 1'exces de l a Constance, op. c i t . , pp. 243-44. - 329 -64. Cadichon, op. c i t . , p. 390. 65. Rosanie, op. c i t . , p. 276. 66. Le P a l a i s des i d e e s , op. c i t . , pp. 55-56. 67. La P r i n c e s s e Lumineuse, op. c i t . , pp. 84-85 68. V o i r : S t o r e r , M.E., L a mode des contes de fEes... op. c i t . 69. Rosanie, op. c i t . , pp. 281-82. 70. Le P r i n c e Muguet e t l a p r i n c e s s e Zaza, op. c i t . , p. 303. 71. V o i r p l u s hdut p. 137 e t seq. 72. B l e u e t t e e t C o q u e l i c o t , op. c i t . , p. 109. 73. I b i d . , pp. 108-09. 74. I b i d . 75. Le P r i n c e des coeurs e t l a P r i n c e s s e Grenadine, op. c i t . , p. 224. 76. I b i d . , pp. 227-28. 77. B e l i n e t t e e t l a jeune v i e i l l e , op. c i t . , p. 340. 78. I b i d . , pp. 341-43. 79. L a P r i n c e s s e P i m p r e n e l l e e t l e P r i n c e Romarin, op. c i t . , p. 343. 80. La P r i n c e s s e Lumineuse, op. c i t . , p. 64. 81. Le P r i n c e C o u r t e b o t t e e t l a P r i n c e s s e Z i b e l i n e , op. c i t . , pp. 328-29. 82. T o u r l o u e t R i r e t t e , op. c i t . , pp. 328-29. 83. B l e u e t t e e t C o q u e l i c o t , op. c i t . , pp. 98-99. 84. La p r i n c e s s e A z e r o l l e . . . op. c i t . , pp. 247-48. - 330 -85. Mornet, D a n i e l , Le Sentiment de l a nature en France de J . J . Rousseau k Bernadin de S a i n t - P i e r r e (Hachette, 1907). 86. La P r i n c e s s e P i m p r e n e l l e e t l e P r i n c e Romarin, op. c i t . , p. 348. 87. B e l i n e t t e ou l a jeune v i e i l l e , op. c i t . , pp. 364-65. 88. A t k i n s o n , G e o f f r o y , The E x t r a o r d i n a r y Voyage i n French l i t e r a t u r e from 1700 t o 1720 (Champion, 1922). 89. L a B e l l e Hermine e t C o l i b r i , op. c i t . , pp. 201-02. 90. I b i d . , p. 202. 91. I b i d . , p. 205. 92. I b i d . , p. 201. Caylus attaque l e gouvernement r E p u b l i c a i n d'une a u t r e l i e ou r i g n e 1 ' a v a r i c e . 93. V o i r : L a u f e r , Roger, S t y l e rococco, s t y l e des lumieres ( P a r i s , 1963). 94. I b i d . , p. 25 e t seq. 95. La P r i n c e s s e P i m p r e n e l l e e t l e P r i n c e Romarin, op. c i t . , pp. 345-46. 96. Le P r i n c e C o u r t e b o t t e e t l a P r i n c e s s e Z i b e l i n e , op. c i t . , p. 216. 97. V o i r : Dufrenoy, M.L., L ' O r i e n t romanesque en France (Montreal, 1946), tableaux 11, pp. 344-45. 98. I b i d . 99. V o i r : C l a r k , Ruth, Anthony Hamilton (author o f Memoirs o f Grammont), h i s l i f e and works and h i s f a m i l y (London, 1921). 100. Dufrenoy, M.L., op. c i t . , pp. 41-42. 101. I b i d . , p. 54. - 331 -102. Frir o n affirme q u ' i l s'agit d'une oeuvre de jeunesse. Voir l a note 15. D'autre part, selon Martino, les contes orientaux furent traduits par des \"jeunes de langues\". Ce qui est f o r t probable parce que Caylus ne l i s a i t pas l'arabe et l e persan (Martino,P., L'Orient dans l a l i t t e -rature francaise au XVIIe et au XVIII s i e c l e Paris 1906) p. 153. 103. Contes Orientaux, op. c i t . , tome VIII, p. 198. 104. L'Histoire de Dakignos et des sept dormans, tome VII, pp. 300-47. 105. H i s t o i r e de l a naissance de Mahomet, tome VII, pp. 348-406. 106. L'Histoire de Naour, r o i de Cachemire, tome VII, pp. 407-58. 107. H i s t o i r e de Nourqehan et de Damaki, ou des quatre talismans, tome VIII, pp. 7-99. 108. H i s t o i r e de Jahia et de Mgimoun6, tome VIII. 109. H i s t o i r e de l a C o r b e i l l e , tome VIII, pp. 100-74. 110. H i s t o i r e du Porte-faix, tome VIII, pp. 175-98. 111. H i s t o i r e de Diakanos... op. c i t . , pp. 304-05. 112. Ibid., pp.317-18. 113. H i s t o i r e de l a C o r b e i l l e , op. c i t . , pp. 111-112. 114. H i s t o i r e de Naour, r o i de Cachemire, op. c i t . , p. 452. 115. Ibid., p. 456. 116. H i s t o i r e de Dakianos... op. c i t . , p. 311. 117. p. 452, tome VII. - 332 -118. p. 300, tome VII. c f . \"Les chroniques des Sassaniens, anciens r o i s de Perse, qui avaient Etendu leur empire dans les Indes, dans les grandes et petites l i e s qui en depen-dent, et bien l o i n aujourd'hui du Gange, jusqu'S l a Chine, rapportent qu * i l y avait autrefois un r o i de cette puis-sante maison qui E t a i t l e plus excellent prince de son temps\" (Les M i l l e s et une nuits, traduction d'Antoine Galland (Garnier-Flammarion, 1965), p. 23. 119. C r E b i l l o n , Claude-Prosper J o l y o t de, Le Sopha, ed. Flam-mar ion (Paris, 1961) , p. 24. 120. V o i r : Barchilon, J . , \"Uses of the Fairy t a l e i n the eigh-teenth century\", Studies on V o l t a i r e and the eighteenth century, XXIV, tl963iX 121. Les Manteaux, op. c i t . , tome VI et VII. 122. Voir notre Chapitre V. 123. Le Manteau de l i t , tome VI, pp. 417-24. 124. Le Manteau troussE, tome VI, pp. 425-34. 125. pp. 422-23, tome VI. 126. Caylus, comme nous l'avons souligne, s'est fortement intEresse & l a l i t t E r a t u r e du Moyen Age. On l u i attribue aussi Nocrion, une adaptation d'un fabli a u , ayant pour t i t r e , \"Le Chevalier qui f a i s a i t parler les c u l s \" . Voir Chapitre V, l a note 60. 127. Oeuvres Badines, op. c i t . , tome VI. Voir aussi \"Notice sur l e court Mantel, a 1'occasion du conte du Manteau mal t a i l l E \" . O.B., op. c i t . , tome VII, p. 75. Caylus y ana-lyse l e conte et en compare les diffErentes versions. 128. Gay, Jules, op. c i t . , attribue H Caylus un autre ouvrage dans l e genre licencieux: Le Nouvelliste aErien ou l e Silphe amoureux publie\" en 1734. Le cadre est c e l u i des r e c u e i l s de nouvelles: une dame rassemble des h i s t o r i e t t e s et des anecdotes pour s a t i s f a i r e l a demande de son amant. L ' h i s t o i r e p r i n c i p a l e r e l a t e l e s aventures amoureuses de - 333 -Madame de Persac avec un Sylphe. Cette s i t u a t i o n s i n g u l i e -re donne l i e u a de piquantes remarques sur 1*amour et les moeurs en g\u00C2\u00A3n6ral. .Omniscient, l e Sylphe devoile el sa martresse tout ce qui se passe dans l a soci6t6, un peu a\" l a facon d'Asmoded dans l e Diable boiteux. Le reste du r e c u e i l est constitue\" par des h i s t o r i e t t e s et des anec-dotes que l e Sylphe racontait pour d i v e r t i r sa maxtresse. E l l e s sont pour l a plupart de nature g r i v o i s e et e l l e s ont comme pr^texte, 1 ' i l l u s t r a t i o n d'un axionAmoral. En cela e l l e s rappellent les Cent Nouvelles nouvelles. Une autre influence possible est l e Sylphe ou songe de Madame de R***, de C r e b i l l o n f i l s , publie\" en 1730 s o i t quatre ans avant l'ouvrage de Caylus. (Je n'ai pas pu analyser en d e t a i l cet ouvrage parce que l a Bibliotheque Nationale refuse, si cause de l a f r a g i l i t y de l a r e l i u r e , l a repro-duction sur micro-film). 129. C r e b i l l o n , Claude-Prosper, Jolyot de, Oeuvres, I I , p. 119. 130. Ce qui p l a i t aux dames (M.X. 19) cite\" par Barchilon, Uses of the Fairy t a l e i n the Eighteenth century, op. c i t . , pp. 112-13. Chapitre IV 1. Les SoirEes du Bois de Boulogne, ou nouvelles francaises et anglaises, rEdigEes par M. l e Comte de *** (La Haye, J . Neaulme, 1742), 2 v o l . 2. Jones, S.P., A l i s t of French prose f i c t i o n from 1700 to 1750 (New York, 1939), signale les editions suivantes: 1754; 1763; 1776; 1782. 3. Godenne, RenE, H i s t o i r e de l a Nouvelle Francaise au XVIIe et XVIIIe s i e c l e s (Geneve, 1970), p. 130. 4. Berg-op-zoom 1747. Deux autres Editions parurent en 1774 et 1779. Gay mentionne Caylus, C r e b i l l o n f i l s et Fanny de Beaucharnais comme auteurs probables. Le s t y l e n'est pas uniforme dans les diffErentes parties et 1'attribution nous a paru trop incertaine pour etudier 1'ouvrage en d E t a i l dans l e prEsent t r a v a i l . 5. V o i r : Deloffre, FrEdEric, La Nouvelle en France a l'age classique (Paris, 1967), pp. 83-98. 6. SoirEes du Bois de Boulogne... op. c i t . , pp. 325-26, Oeuvres Badines, op. c i t . , tome V. Toutes les rEfErences se rap-porteront H cette E d i t i o n . 7. Ibid., p. 27. 8. Ibid., p. 114. 9. Ibid., pp. 190-91 10. Ibid., p. 193. 11. V o i r : May, Georges, Le dilemme du roman au dix-huitieme s i i c l e (Paris, 1963), pp. 139 et seq. - 335 -12. V o i r : May, Georges, Le Dilemme du roman au dix-huitieme s i e c l e (Paris, 1963), pp. 139 et seq. 13. I l faut souligner a ce sujet que l a plupart des romanciers, etant donne\" l e d i s c r e d i t associe\" au roman, synonyme de mensonge, dedlarent hautement d'une fagon ou d'une autre, q u ' i l s'agit d'histoires authentiques. (Voir Stuart, P h i l i p , Imitation and I l l u s i o n i n the French Memoir Novel, 1700-1750 (New Haven, 1969). 14. Soireds du Bois de Boulogne... op. c i t . , pp. 9-10. 15. V o i r : May, Georges, Le Dilemme... op. c i t . , pp. 47-68. 16. Soireds du Bois de Boulogne..\u00E2\u0080\u00A2 op. c i t . , p. 13. 17. I b i d . 18. Ibid., p. 71. 19. V o i r : Godenne, op. c i t . , pp. 131-72. 20. Lectures amusantes, I, p. 9. Cite par Godenne, op. c i t . , p. 145. 21. Soirees du Bois de Boulogne... op. c i t . , p. 26. 22. Ibid., p. 180. 23. V o i r : Mauzi, Robert, L'ldOe du bonheur... op. c i t . , p. 458 et 509. 24. Duclos, Les Confessions du Comte de ***. C r e b i l l o n , f i l s , Les Egarements du coeur et de 1'esprit. 25. ChaJles exploite l e meme theme dans l a cinquieme h i s t o i r e des I l l u s t r e s francaises. 26. La Comedie bourgeoise... op. c i t . 27. Soirees du Bois de Boulogne... op. c i t . , pp. 276-77. 28. Ibid., p. 281. - 336 -29. Soirees du Bois de Boulogne... op. c i t . p. 281. 30. Ibid., p. 113. 31. Ibid., p. 29. 32. Ibid., pp. 31-32. 33. Ibid., p. 38. 34. On pense particulierement at l a Religieuse de Diderot. 35. Les SoirEes du Bois de Boulogne... op. c i t . pp. 267-68. 36. Sorel, Charles, Nouvelles choisies (Paris, 1645). Le meme re c u e i l avait paru en 1623 sous l e t i t r e , Les Nouvelles francaises. 37. Par exemple: Un pere rompt un projet de mariage ai cause d'une l e t t r e anonyme dont on ignore l e contenu. Qui a envoyE l a l e t t r e ? Et pourquoi? Pour quelles raisons l e pere a - t - i l rEagi s i violemment a l a l e t t r e . Tous les facteurs psychologiques restent dans 1'ombre et on ne v o i t dans l a l e t t r e qu'un expEdient romanesque (4ime h i s t o i r e ) . 38. Godenne, RenE, H i s t o i r e de l a Nouvelle Francaise... op. c i t . , p. 150 et seq. Chapitre V 1. Dinaux, A., Les s o c i e t e s badines, bachiques, l i t t e r a i r e s et chantantes (Paris, 1867), v o l . I et I I . 2. Sur les diners du bout du banc, v o i r : Voisenon, F. de, Anecdotes l i t t e r a i r e s (Paris, 1780). Dinaux, Arthur, op. c i t . , I, pp. 121-22. Bertaut, Jules, La Vie l i t t e r a i r e au XVIIIe s i e c l e (Paris, 1954), pp. 80-86. 3. Voir Les Memoires de Mme d'Epinay (Paris, 1863), tome I, p. 373 et seq. E l l e y dee r i t sa premiere v i s i t e et rap-porte une conversation typique de ces fameux diners. 4. Dinaux, Arthur, op. c i t . , pp. 121-22. 5. Les Etrennes de l a Saint-Jean (Troyes, Oudot, 1742). Autres editions en 1750 et 1751. L'ouvrage a e t e imprime dans Les Oeuvres Badines, op. c i t . , tome X. Toutes les references, a moins d*indications contraires, se rapporte-ront a\" cette derniere e d i t i o n . 6. Les Ecosseuses ou les oeufs de Pasques (Troyes, Oudot, 1739). Autres e d i t i o n s : 1744, 1745, 1749, 1751, 1757 et 1758. Imprimees dans les Oeuvres badines, tome X. 7. Le Recueil de ces messieurs (Amsterdam, Westein freres, 1745). Imprime dans les Oeuvres Badines de Caylus, tome V et VI. 8. Le Recueil de ces dames (Bruxelles, 1745). L'auteur de ce r e c u e i l est Chevrier. 9. Le Pot-pourri, ouvrage nouveau de ces dames et de ces mes- sieurs (Amsterdam, aux depens de l a compagnie, 1748). Imprime dans l e s Oeuvres Badines, tome VII. - 338 -10. Anecdotes l i t t e r a i r e s , op. c i t . , p. 69 e t seq. 11. V o i r , Gazette b i b l i o g r a p h i q u e , annees 1868-69 ( P a r i s , Alphonse Lemerre). 12. Memoires de 1'acadEmie des c o l p o r t e u r s (de l ' i m p r i m e r i e o r d i n a i r e de l'Academie, 1748). ImprimE dans l e s Oeuvres Badines, tome X. 13. P u b l i e e s e n t r e 1450 e t 1452. L'auteur e t a i t s e c r e t a i r e de l a c u r i e romaine. 14. P u b l i e e s de 1550 ei 1554. A noter qu'une h i s t o i r e des Memoires de l'academie des c o l p o r t e u r s , a comme s o u s - t i t r e \"Nouvelle n u i t de S t r a p a r o l e \" , tome X, p. 305. 15. G u i r a g o s s i a n , Diana, V o l t a i r e ' s F a c e t i e s (Geneve, 1963) , p. 20. 16. On designe sous ce nom l e s pamphlets d i r i g e s c o n t r e Mazarin q u i p a r u r e n t e n t r e 1648 e t 1600. On en compte p l u s de s i x m i l l e . 17. T r o i s i e m e e d i t i o n , D a f f i s 1872-79. 18. V o i r , Jones S.P.... op. c i t . 19. Les auteurs sont l e s s u i v a n t s : Caylus, La Chaussee, D'Armenonville, Voisenon, M o n c r i f , Le Grand P r i e u r , Duclos, S a l l e y e t C r e b i l l o n f i l s . V o i r l a note 11 du c h a p i t r e I . 20. Oeuvres Badines, op. c i t . , tome X, p. 397. 21. I b i d . , tome V I I , pp. 81-92. 22. R e c u e i l de ces messieurs, op. c i t . 23. Les Etrennes de l a S a i n t - J e a n , op. c i t . , tome X, pp. 466-67. 24. I b i d . , p. 399. 25. R e c u e i l de ces messieurs, op. c i t . , tome VI, p. 7. - 339 -26. Les Etrennes de l a Saint-Jean, op. c i t . , tome X, p. 463. 27. Ibid., p. 411. 28. Ibid., pp. 401-02. 29. Ibid., pp. 425-26. 30. Recueil de ces messieurs, op. c i t . , tome V, p. 331. II existe une redaction legerement d i f f i r e n t e dans les papiers de Caylus. Voir manuscrit No. 1157 de l a Sorbonne. 31 Etrennes de l a Saint-Jean, op. c i t . , tome X, p. 412. 32. Ibid., p. 433. 33. Recueil de ces messieurs, op. c i t . , tome VI, p. 83. 34. Ibid., p. 84. 35. Etrennes de l a Saint-Jean, op. c i t . , tome X, p. 429. 36. Ibid., p. 429. 37. Recueil de ces messieurs, op. c i t . , tome V, p. 97. 38. Ibid., p. 407. 39. Oeuvres Badines, tome X, p. i . 40. Quelques aventures des bals de bois (G. Didon, 1745). Imprimi dans les Oeuvres Badines, tome X. 41. Les Fetes roulantes et l e s regrets des petites rues. (Paris, 1747). Imprimies dans les Oeuvres Badines, tome X. 42. Memoires de l'academie des colporteurs (de l'imprimerie ordinaire de l'Academie, 1748). Imprints dans les Oeuvres Badines, tome X. 43. Les Ecosseuses ou les oeufs de Pasques, op. c i t . 44. Tome X, p. 89. - 340 -45. Tome X, p. 131. 46. Ibid., pp. 135-36. 47. V o i r : Dinaux, Arthur, op. c i t . , I, pp. 4-7. 48. Le r e c u e i l comprend quelques dissertations burlesques, d'autres mi-sErieuses, mi-parodiques et un bon nombre d'essais moraux sur 1*amour et les moeurs contemporaines. On trouve aussi des anecdotes galantes mais en general l e ton est plus sErieux que c e l u i des Etrennes de l a Saint-Jean et des autres r e c u e i l s badins de Caylus. 49. (Amsterdam, par l a SociEtE, 1746). 50. (Troyes, 1731). Voir Dinaux A., op. c i t . , I I , p. 206. 51. Oeuvres Badines, tome X, p. 177. 52. MEmoires de 1'acadEmie des colporteurs, op. c i t . , tome X, p. 174 \u00E2\u0080\u00A2 53. Ibid., pp. 237-38. 54. Ibid., p. 241. 55. Ibid., p. 277. 56. Ibid., p. 278. 57. Ibid., p. 283. 58. Ibid., pp. 285-86 59. Ibid., p. 305. Le s t y l e ne semble pas Le ton est plus enjouE, l e vocabulaire syntaxe plus sophistiquEe. etre c e l u i de Caylus. plus precis et l a 60. Nocrion, conte allobroqe\u00C2\u00BB (Paris, 1747) Ce conte est en r E a l i t e une traduction d'un f a b l i a u , l e Chevalier qui f a i s a i t p arler les c u l s . (Voir l e manuscrit No. 6713 de de 1'Arsenal). On attribue l e conte ei Bernis et i Gueullette. Voisenon dans ses Anecdotes l i t t E r a i r e s (p. 168) explique que 1'ouvrage appartient H Caylus et que Diderot l u i a vole - 341 -l e fond p r i n c i p a l des Bijoux Indiscrets. L'incertitude en ce qui concerne 1'attribution de Hocrion vient du f a i t q u ' i l y a plus d'une version. Dans un r e c u e i l de pieces galantes, depose\" a l'Arsenal (manuscrit No. 6713), Les Cons qui parlent figurent parmi d'autres ebauches pornogra-phiques de Caylus, L'Odalisque et 1'Histoire naturelle des cons... Cette version est en prose ordinaire et on y r e -connait l a narration desinvolte de Caylus. L'autre version (manuscrit No. 21510 de l'Arsenal) est e c r i t e en vieux frangais et l e mot cul est remplace\" par \" f o l z \" . Une note precise que \"ce l i v r e est de M. Gueuellette, substitut du Procureur du Roi\". Dans l a preface l'auteur donne les r a i -sons qui l'ont amene c i transformer l e conte et ii 1'adapter en vieux frangais. Cette version est plus longue que l a traduction presque l i t t e d a l e de Caylus. C'est cette version de Gueuellette qui a &t& imprimee sous l e mom de Nocrion. 61. Mercier, Sibastien, Tableaux de Paris (Paris, 1782-1783). 62. V o i r : Mandrou, Robert, De l a culture populaire au 17e et 18e s i e c l e s (Paris, 1964). Montbas, H. de, \"La l i t t e r a t u r e clandestine au XVIIIe s i e c l e \" Revue des deux mondes ( j u i l l e t - a o u t , 1951), pp. 313-30. 63. A noter que les oeuvres poissardes de Caylus sont censies avoir 6 t 6 imprimees ai Troyes. 64. V o i r : Nisard, Charles, Etude sur l e langage populaire ou patois de Paris et de sa banlieue (Paris, 1872). 65. Voir l a note 16 de ce chapitre. 66. Les Sarcelles dedignent les diverses harangues adressies a l'Archeveque de P a r i s . L'auteur est Nicolas Jouin (1684-1757). Les premieres harangues parues en 1731 s ' i n t i t u l e n t : Les Deux harangues des habitans de l a paroisse de Sarcelles ti Mgr. 1 'Archeveque de Paris, et Philotanus (Aix-1731) . 67. 68. Sainedn, L. L'argot ancien, 1455-1850 (Paris, 1907). (Paris, 1644). - 342 -69. Houssaye, Arsene, P o r t r a i t s du dix-huitieme s i e c l e (Paris, 1854). En 1747, l a comtesse de Chateau-Renaud, voulut cE-lEbrer l e retour du comte de Caylus par un bal masque. E l l e avait conviE au bal, des a r t i s t e s et des gens de l e t -tres, dont Duclos, Boucher, Vanloo, Piron et Moncrif. Vers minuit une poissarde g a i l l a r d e traverse les anticham-bres, malgrE l a defense de tous les valets, rudoyant tout l e monde. E l l e reconnait Caylus: une conversation poissarde s'engage I c ' E t a i t VadE dEguisE en poissarde. 70. L E r i s , A., Le Dictionnaire p o r t a t i f des theatres contenant l ' o r i g i n e des d i f f E r e n t s theatres de Paris, l e nom de tou- tes l e s pieces (Paris, 1754). 71. PubliE par H. Bonhomme, dans Correspondance inEdite (Paris, 1864), pp. 379-384. 72. V o i r : N i c o l l i , H. Thomas, \"Simon Gueullette et les parades au XVIIIe s i e c l e \" , Revue de France ( j u i n - j u i l l e t , 1874). 73. Barbier attribue La Confiance des cocus a Caylus. La piece figure dans un r e c u e i l de parades', sous l e nom de Caylus. Cependant, Georges d'Heyllie dans Theatre des boulevards ou r e c u e i l de parades (Paris, , tome I, montre en c i t a n t une l e t t r e de Gueullette que l a piece appartient ei. ce der-n i e r . C'est une parade typique: des Equivoques grivoises, un langage truculent et un jeu de scene l i b r e et gai, tiennent l i e u d'action dramatique et d.'analyse psychologi-que. On y retrouve les personnages habituels (zEzayant et bre d o u i l l a n t ) : G i l l e s , Isabelle et Cassandre. La piece r e l a t e comment un mari n i a i s est trompE par sa femme rusEe. 74. Moore, A.P., The Genre Poissard and the French Stage of the eighteenth century (New York, 1935), p. 92. 75. Jaubert, AbbE Pierre, Dictionnaire raisonnE universel des arts et mEtiers (Paris, 1773) . 76. Ibid., p. 62. 77. Tome X, pp. 547r-50 - 343 -78. Tome X, pp. 558-59. 79. Ibid., p. 562. 80. La premiere e d i t i o n date de 1736 et a comme t i t r e , Le B... ou l e J . . . F... puni t comedie en prose et en 3 actes. 81. L'Apareilleuse, comedie en un acte en prose, 1739, manus-c r i t No. 6713 de l'Arsenal. 82. Gay, Jules, Bibliographie des ouvrages r e l a t i f s & 1'amour, aux femmes, au mariage, et des l i v r e s facedieux, pantagrue-liques, seatologiques, satyriques, etc.. (Paris, 1893-1900). 4eme ed i t i o n , tome X, p. 509. 83. Les Ecosseuses ou les oeufs de Pasques, op. c i t . , preface. 84. Ibid., p. 511. 8 5 \u00E2\u0080\u00A2 Ibid., pp. 511-12. 86. Ibid., p. 519. 87. Ibid., pp. 520-21 88. Ibid., p. 523. 89. Ibid., p. 526. 90. H i s t o i r e de Guillaume, cocher (Paris, 1737) . Imprinted dans Oeuvres Badines, tome X. 91. Tome X, p. v x i i . 92. I b i d . 93. Ibid., p. 11. 94. Ibid., p. 16. 95. Ibid., pp. 17-18. 96. Ibid., pp. 21r-22 - 344 -97. Tome X , PP . 23-24 98. Ibi d . P- 26. 99. I b i d . P- 32. 100. Ibi d . pp. 41-42. 101. I b i d . pp. 42-43. 102. Ib i d . PP- 56^57. 103. Ib i d . PP- 57-58. 104. Ib i d . pp. 60-61. 105. Ibi d . pp. 67-68. 106. Ibi d . P- 68. 107. V o i r : Leduc, Jean, \"Le clerge dans l e roman Erotique frangais du XVIIIe s i e c l e \" , Roman et lumieres au 18e s i i c l e . Centre d'etudes et de recherches marxistes (Paris, 1970), p. 341. 108. CitE par Green Frederick, C , La peinture des moeurs de l a bonne sociEtE dans l e roman frangais de 1715 a 1761 (Paris, 1924), p. 112. 109. Voir en p a r t i c u l i e r \"L'Histoire de Catherine Cuisson qui c o l p o r t a i t \" , MEmoires de 1'AcadEmie des colporteurs, op. c i t . Voir aussi L'Humeur, op. c i t . \u00E2\u0080\u00A2 110. Tome X, p. 60. 111. Ibid., p. 82. 112. CitE par Pitsch, Marguerite, La vie populaire It Paris au XVIIIe s i l c l e (Paris, 1949), tome I, p. 84. 113. Etudes prises dans l e bas peuple ou les c r i s de Paris (Paris, 1746). - 345 -114. Cite par Henriot, \u00C2\u00A3., Les l i v r e s du. second rayon\u00C2\u00AB i r r e d u -l i e r s et l i b e r t i n s (Paris, 1948), p. 147. 115. Cite par May, George, Le dilemme du roman... op. c i t . , p. 200. 116. Tome X, p. v i i . 117. Green, Frederick, C , \"Realism i n the French novel i n the f i r s t h a l f of the XVIIIth century\", M L N XXXVIII (1923), pp. 331-^9. 118. Nisard, Charles, Etude sur l e langage populaire... op. c i t . , p. 407. 119. Goncourt de, Jules et Edmond, P o r t r a i t s intimes du dix-huitieme s i i c l e (Paris, 1880), tome I, pp. 167-95. 120. (Paris, s.l.n.d.). 121. (Paris,1749). 122. De L'Ecluse (1711-1792) connu notamment pour Ledlusade ou les dejeuners de l a Raped (1748). 123. C a i l l e a u , A. C , (1731-1798). Sa meilleure poissarderie est Le goute\" des porcherons ou nouveau discours des Halles et des Portes (1759). 124. 125. Moore, A. P., op. c i t . , p. 115. P o r t r a i t s intimes du dix-huitieme s i e c l e , op. c i t . - 346 -Conclusion 1. Voir l a note 11 du premier chapitre. 2. Mauzi, Robert, L'Id4e du bonheur au XVIIIe s i e c l e , op. c i t . , chapitre XIII. 3. V o i r : Brooks, Peter, The Novel of Wordliness: C r e b i l l o n , Marivaux, Laclos, Stendhal (Princeton, 1969). 4. Dans sa preface de Tyran l e Blanc, op. c i t . , Caylus examine longuement les rapports du roman avec l ' h i s t o i r e et conclut que l e s romans peuvent etre une bonne source de rensei-gnements sur l e s moeurs d'une 6poque. 5. Timoin les propos de l a Soubrette Francon, qui voyant tout l e monde desempare\" devant 1'opposition du baron au mariage de L u c i l l e avec l e Vicomte, decide sur l e champ, de prendre l a s i t u a t i o n en main: \"Je vois bien que tout c e c i me regarde et que je dois agir comme toutes l e s soubrettes des comedies que j'ay lues. I I faut que j'ayes plus d'esprit que vous tous, que je me mele despotiquement de vos a f f a i r e s , tandis qu'oc-cuped de votre amour et de vos d i f f i r e n t s intedets, sans vous donner l e moindre mouve-ment, vous pleurez, vous attendez l e c i e l ( E sprit de propriety, acte I, seine 8). BIBLIOGRAPHIE PREMIERE PARTIE - Les Travaux d'Erudition de Caylus Je ne raentionne i c i que les plus importants: pour une l i s -te complete v o i r 1'index bibliographique de Fontaine, Andre, Vie d ' a r t i s t e s au XVIIIe s i e c l e (Paris, 1910). - Recueil d'antiquites Egyptiennes, etrusques, grecques et romaine (Paris, 1752-67), 7 v o l . ~ Vies des premiers peintres du Roi, depuis Lebrun jusqu'a prEsent (Paris, 1752), 2 v o l . (L'ouvrage est E c r i t en c o l l a boration avec Perpoles, Coypel et Wattelet). - \"MEmoire sur l e s fabliaux\", MEmoires de 1'AcadEmie des Inscriptions, XX (1753), p. 352. - 'Guillaume de Machaut, poete et musicien du quatorzieme s i e -c l e , contenant des recherches sur sa v i e , avec une notice de ses principaux ouvrages\", MEmoires de 1'AcadEmie des Inscriptions, XX (1753), p. 399. - \"Sur l ' o r i g i n e de l'ancienne chevalerie et des anciens romans\", MEmoires de 1'AcadEmie des Inscriptions, XXIII (1756) , p. 236. - \"Sur l a fE e r i e des anciens comparEe ci c e l l e des modernes\", MEmoires de 1'AcadEmie des Inscriptions, XXIII (1756), p. 144. - 348 -DEUXIEME PARTIE - Les Oeuvres li.tt4rai.res de Caylus I. L'oeuvre i n i d i t e A. Manuscrits de l a Sorbonne P u i s q u ' i l s e r a i t trop long de f a i r e l e catalogue de tous les manuscrits provenant de Caylus et deposed ci l a Sorbonne, je me bornerai ei en decrire l e contenu general et ci en relever les oeuvres analysies ou mentionnies dans l e present t r a v a i l . Pour f a c i l i t e r l e classement, j ' a i groupe\" les manuscrits sous des rubriques indiquant leur contenu general. 1) Anecdotes et vers badins - Manuscrit No. 1162: Des anecdotes et des vers legers de meme nature que ceux publics par Caylus dans les Etrennes de l a Saint-Jean et l e Recueil de ces messieurs. Quelques contes g r i v o i s en vers comme L'Amant Pendule et l e cafe ripandu. 2) Chansons - Manuscrit No. 1162: P l a i s a n t e r i e s , anecdotes amusantes sur des a i r s connus de l'epoque. 3) Romans a. Manuscrit No. 1148: Memoires du comte de *** Merits par l u i -meme contenu aussi dans les manuscrits Nos. 1146 et 1147. b. Manuscrit No. 653: F o l . 1 - Le jeune Alc i b i a d e aux ecoles F o l . 20 - La F ^ l i c i t e \" F o l . 35 - Epimedide, h i s t o i r e grecque. Un autre exemplaire se trouve dans l e manuscrit No. 1143. 4) Contes, nouvelles et a l l e g o r i e s a. Manuscrit No. 1163: Trop est trop, conte terriblement moral. b. Manuscrit No. 1157: L i r a d i ou les inconvenients de l'humeur. Redaction d i f f e r e n t e de c e l l e contenue dans l e Recueil de ces messieurs. - 349 -Manuscrit No. 1142: - Fragment des douze volumes de l ' h i s t o i r e de Rosanie. - H i s t o i r e de CElamire et d'Amelise? fragment. ~ E x t r a i t d'un manuscrit de Candgi, docteur arabe, auteur d'un l i v r e nommE Ossul. Manuscrit No. 1154: \"Recueil de plusieurs contes de fEes t i r E s de d i f f E r e n t s auteurs\". Ce r e c u e i l contient aussi les contes suivants de Caylus, imprimEs dans les Oeuvres Badines - Le loup galleux ( f o l . 39). - B e l l i n e t t e ou l a jeune v i e i l l e ( f o l . 47). - La Princesse Lumineuse ( f o l . 19). On y trouve aussi des l e t t r e s en vers. Manuscrit No. 1164: \"Nouveaux contes de fEes par l e comte de Caylus\". Le manuscrit contient les contes suivants imprimEs dans les Oeuvres Badines\u00E2\u0080\u00A2 p. 1. La Princesse Pimprenelle et l e Prince Romarin. p. 87. Rosanie. p. 113. La Princesse Lumineuse p. 219. Le Palais des idEes ou l e Prince Constant. p. 343. Tourlou et R i r e t t e . p. 385. Courtebotte. p. 519. L'Enchantement impossible. Un seul est restE i n E d i t : Rosindor ou l a F E l i c i t E , p. 259. 5) PoEsies diverses Manuscrit No. 1139 et No. 1145: Deux volumes dont l e second est une copie p a r t i e l l e du premier. La plupart des morceaux sont des l e t t r e s v e r s i f i E e s et des Epitres adressEs ci diver-ses personnes. E c r i t s entre 1745 et 1750. 6) Oeuvres morales Manuscrit No. 654: REflexions - REflexions sur Alexandre et CEsar. - REflexions sur l ' o r i g i n e et l e s avantages des d i f f E r e n t s gouvernements. - REflexions sur l a f l a t t e r i e . - REflexions sur l a s u p e r s t i t i o n . - 350 -- Reflexions sur l a s o c i e t e . - L'Ambition et 1'avarice. - Di s s e r t a t i o n sur l e s Epicuriens et les St o i c i e n s . - Sur l a s i n g u l a r i t y . b. Manuscrit No. 1149: Discours - Sur l ' o r g u e i l , l a vanite et 1'amour-propre. - Sur l e precepte:\"ne f a i t e s a autrui que ce que vous voudriez qu'on vous f i t \" . - Sur 1'ambition et 1'avarice. - Discours sur l a probite. Le manuscrit contient aussi des epitres en vers. c. Manuscrit No. 1144: Ce manuscrit contient t r o i s essais qui figurent dans l e manuscrit No. 654. d. Manuscrit No. 1155: Ce manuscrit contient des essais, des con-ferences et des l e t t r e s sur des sujets archeologiques adres-sees a Caylus, entre 1750 et 1762 (par De V i l l i e r s , La Tour, d'Aigues, Courtivron, Carrey, de Montrichard, d'Hamps, Duchesne. - F o l . 57: Discours prononce & l'Academie des Beaux-Arts: Jusqu'a\" quel point i l convient de m u l t i p l i e r les s o c i e t i s l i t t e r a i r e s \u00E2\u0080\u00A2 - F o l . 84: De l a necessite des conferences (3 copies dont une autographe). - F o l . 102: De L'Amateur. - F o l . 104: T r a i t e de morale et refl e x i o n s sur l e s passions. - f o l . 118: De l a f l a t t e r i e (redaction diffOrente de 1'essai sur l e meme sujet dans l e manuscrit No. 654. - F o l . 130: De l a reconnaissance. - F o l . 152: Sur les conferences. 7) Melanges - Manuscrit No. 1136: Ce manuscrit contient quelques fragments de contes, a i n s i que des epitres et des l e t t r e s adressOs a diverses personnes dont une a\" Caylus: E p i t r e a M. de Caylus sur les malheurs de l a guerre. 8) Comedies - Manuscrit No. 1140: Le manuscrit contient deux comedies qui - 351 -figurent egalement dans les manuscrits Nos. 24344 et 24348, fonds frangais de l a Bibliotheque Nationale. - L'Humeur, comedie en prose en cinq actes, 1739 par Caylus, represented \u00C2\u00A3 M a r s e i l l e . - L'Avantage de 1'esprit, comedie en prose en t r o i s actes, t i r e e du canevas en 1 acte, donne aux I t a l i e n s par Coypel en 1728. B. Manuscrits de l a Bibliotheque Nationale, fonds francais, Nos. 24343 a 24351. Les comedies de Caylus font partie du P o r t e f e u i l l e La V a l l i e r e , reunissant une centaine de pieces de theatre. Je ne releve i c i que les pieces autographes de Caylus que j ' a i mentionnees dans mon etude. 1) Manuscrit frangais No. 24343 - F o l . 1: Les ages de l a fee du Loreau, comedie en proses en un acte, 1739 (19 f e u i l l e t s numerotes par pages - autogra-phe de Caylus. 2) Manuscrit frangais No. 24344 - F o l . 4: L'amante aimable, 31 f e u i l l e t s , autographe de Caylus. - F o l . 7: Canevas des Bergers, 1 f e u i l l e t . Le f o l . 2 contient l a piece, mais e l l e n'est pas autographe de Caylus. - F o l . 8: Premiere redaction de 1'Amante aimable, 18 f e u i l l e t s , autographe de Caylus. 3) Manuscrit frangais No. 24345 - F o l . 2: La Comedie impromptue, comedie en t r o i s actes en prose (par M. de Caylus), 1739, representee l a premiere f o i s a M o r v i l l e l e l e r septembre, 1740, 31 f e u i l l e t s , autographe de Caylus. - F o l . 4: La Comedie bourgeoise, en un acte, 1731, 60 pages, non autographe. - F o l . 5: La Comedie bourgeoise en un acte, 1731, 36 pages, autographe de Caylus. - F o l . 7: Le Confiant ou l e f a t , comedie en cinq actes en prose, 1733, 10 f e u i l l e t s . Representee a M o r v i l l e en 1740, non autographe. - 352 -- F o l . 8: Le Confiant ou l e fat, comedie en prose f a i t e en cinq mauvais actes en 17 33 et remise par ordre en t r o i s mauvais actes en 1741, 30 f e u i l l e t s , autographe de Caylus. - F o l . 9: Le Confident intEresse, comEdie en un acte en prose avec un divertissement. \"Representee pour l a premiere f o i s ai M o r v i l l e , l e 7 septembre, 1740\". Corrections auto-graphes de Caylus i La piece est inachevEe. 4) Manuscrit frangais No. 24346 - F o l . 1: La double intrigue, comEdie en un acte, en prose \"Comme M. de Sades me l ' a donnee\", 47 f e u i l l e t s numerotEs, corrections de l a main de Caylus. - F o l . 2: La meme piece, mais \"T e l l e que je l'ay rendue ii M. de Sades en 1740\", 64 pages numErotEes. - F o l . 4: Le DEpot, comedie en t r o i s actes en prose, t i r E e du Trinunum de Plante, 1742, 40 f e u i l l e t s , autographe de Caylus. La piece est une adaptation de l a comEdie de Plaute. - F o l . 5: La double intrigue, comEdie en un acte en prose, 1740, 19 f e u i l l e t s , y compris l e canevas de l a piece. Autographe de Caylue (Voir Manuscrit frangais No. 2434, f o l . 1 et 2. - F o l . 6: Les divertissements, comEdie en t r o i s actes en prose, 18 f e u i l l e t s numErotes. Autographe de Caylus. F o l . 11: L ' e s p r i t de propriEtE, comEdie en un acte en prose, 20 f e u i l l e t s . Autographe de Caylus. - F o l . 12: Prologue de l'Ecole du monde et de l a Fausse ni a i s e , 7 pages autographes de Caylus. 5) Manuscrit frangais No. 24347 F o l . 5: La femme honnete-homme, comEdie en cinq actes en prose, 50 pages autographes de Caylus. 6) Manuscrit frangais No. 24348 - F o l . 1: La Haine i n u t i l e comedie en t r o i s actes en prose, 1744, 50 f e u i l l e t s y compris ceux d'un troisieme double avec des changements. Autographe de Caylus. - F o l . 8: L*Humeur, comedie en prose en cinq actes, 127 pages numErotees. Autographe, de Caylus. - F o l . 9: Le J a r d i n i e r de C h a i l l o t , Prologue, 10 f e u i l l e t s numErotes. Autographe de Caylus. - 353 -7) Manuscrit francais No. 24349 - F o l . 9: L ' l l e de l a coquetterie, 12 f e u i l l e t s non nume-r o u s . Autographe de Caylus. Piece inachevee. 8) Manuscrit frangais No. 24350 - F o l . 1: La Maison culbutee, comedie en un acte et en prose, avec un divertissement, represented pour l a premiere f o i s \u00C2\u00A7 M o r v i l l e , l e 13 septembre 1738. Corrections auto-graphes de Caylus. F o l . 2: Le Mariage par co n t r e - l e t t r e , 18 f e u i l l e t s non numexotes. Autographe de Caylus. - F o l . 8: L'Officieux intedesse. 2e et 3e scenes de l a main de Caylus, a i n s i que les scenes 10, 11, 12, 14, 15, 16 et 17. 9) Manuscrit frangais No. 24351 - F o l . 2: Prologue pour l a comedie de l a r e p e t i t i o n . F o l . 3: La Soubrette maitresse, comedie en t r o i s actes en prose. Autographe de Caylus. F o l . 8: S i l v i e ou l a fausse n i a i s e , comedie en un acte en prose avec un divertissement. 40 f e u i l l e t s non numerotes avec quelques corrections de Caylus. Un autre f e u i l l e t (le 32e) est e c r i t recto et verso par Caylus. - F o l . 13: Le Valet a deux maitres, comedie en t r o i s actes. Autographe de Caylus. C. Manuscrits de l a Bibliotheque de l'Arsenal 1) Manuscrit No. 6713 Recueil de pieces qalantes et autres' - F o l . 113: Le B... ou l e J . . . F... puni, comedie en t r o i s actes, par M.F. tenc... A. Ancore, l a Veuve Grossen..., aux d e s i r s . \"Cette piece est du comte de Caylus\". - F o l . 173: L'Apareilleuse, comedie en un acte en prose \"par l e comte de Caylus\". 2) Manuscrit No. 2748 (38 b i s . B.F.). Recueil de pieces de theatre. F o l . 1: Les ages ou l a Fee du Loreau, comedie en prose en - 354 -un acte, 1739. F o l . 17: Le B a l l e t des porcelaines ou l e Prince pot-ct- the, b a l l e t pantomine \"par De Caylus, musique de Grandval\". - F o l . 22: Les ages ou l a Fee du Loreau, comedie en prose en un acte, 1739, \"representee S M o r v i l l e pour l a premiere f o i s l e 20 septembre de l a meme annee\". On trouve dans cet exemplaire, les noms des personnes qui ont rempli l e s - roles de l a piece. D. Manuscrits d'autres bibliotheques - La Bibliotheque d'Agen 17 Caylus. Conte des fees. \"XVIIIe s i e c l e \" . 3 volumes de 177, 185 et 176 f e u i l l e t s respectivement. - La Bibliotheque de Chateauroux 17 (B. 204), Fabliaux, contes et romans, \" E x t r a i t general d'un manuscrit de l'Abbaye Saint-Germain-des-Pr6s, cotte 1830\" (Aujourd'hui No. 19152 fond frangais de l a B i b l i o -theque Nationale. I I . L'oeuvre imprimee (par ordre chronologique) 1734 Le Nouvelliste aerien ou l e Silphe amoureux (P a r i s ) . 1736 Le B... ou l e J . . . F... puni, comedie en prose et en 3 actes ( P a r i s ) . 1737 H i s t o i r e de M. Guillaume, cocher (Paris) s.l.n.d. Impri-me dans les Oeuvres Badines, tome X. H i s t o i r e du v a i l l a n t chevalier Tiran l e Blanc, traduite de l'espaqnol a Londres, aux depens de l a compagnie, 2 v o l . Imprime dans les tomes I et II des Oeuvres Badines. 1739 Les Ecosseuses ou les oeufs de Pasques (Troyes, Ve Oudot), 1 v o l . Autres e d i t i o n s : 1742, 1744, 1745, 1749, 1751, 17 57, 1758. Imprimes dans les Oeuvres Badines, tome X. 1740 Le Caloandre f i d e l e , t r a d u i t de l ' i t a l i e n d'Aimbrosio Marini, (Amsterdam),, 3 v o l . Reimprime en 1760. Contenu dans les tomes III et IV des Oeuvres Badines. - 355 -1741 Faeries nouvelles (La Haye), 2 v o l . Autre e d i t i o n en 1763. Reimprimees dans les Oeuvres Badines, tome IX. 1742 Les Soirees du Bois de Boulogne ou Nouvelles francaises et anglaises (La Haye), 2 v o l . Autres e d i t i o n s : 1754, 1763, 1776, 1782. Reimprimees dans l e s Oeuvres Badines, tome V. Les Etrennes de l a Saint-Jean (Troyes, Oudot). Autres Editions en 1750 et 1751. Reimprimees dans les Oeuvres Badines, tome X. 1743 Contes Orientaux, t i r e d des Mss de l a Bibliotheque du Roi, par de Caylus (La Haye), 2 v o l . Autres editions en 1747, 1779 et 1780. Imprints dans Le Cabinet des fees, 1785, v o l . 5. Figurent aussi dans l e tome VII des Oeuvres Badines. 1744 Le Loup galeux et l a jeune v i e i l l e , par Mme de V., (Leyde), 1 v o l . Imprime dans les Oeuvres Badines, tome IX. 1745 Recueil de ces messieurs (Amsterdam, chez les freres Westein), 1 v o l . Imprime dans l e s Oeuvres Badines, tomes V et VI. Hi s t o i r e s nouvelles et memoires ramasses (A Londres), 1 v o l . Ce sont des h i s t o r i e t t e s que Caylus a empruntees du Mercure de l'Abbe Buchet. Imprimees dans les Oeuvres Badines, tome VI. Quelques aventures curieuses et galantes des bals de Bois, donnees \u00C2\u00A3 Paris (chez Guillaume Dindon), 1 v o l . Reimpri-mees dans les Oeuvres Badines, tome V, a i n s i que dans les Oeuvres completes de Voisenon. Cinq contes de fees, par l e comte de Caylus (Paris), 1 v o l . Reimprimes dans les Oeuvres Badines, tome IX. 1746 Les Manteaux, Recueil (La Haye), 1 v o l . II existe deux autres editions (Londres et P a r i s ) , de 1775. Reimprimes dans les Oeuvres Badines, tome VI. 1747 Les Fetes roulantes et les regrets des petites rues, 1 v o l . Reimprimees dans les Oeuvres Badines,tome X, a i n s i que les Oeuvres completes de Voisenon. - 356 -1747 Les Confidences reciproques ou anecdotes de l a societe de Madame l a comtesse de B*** (Berg-op-Zoom), 3 v o l . Autres Editions en 1774 et 1779. Gay mentionne Caylus, C r E b i l l o n f i l s et Fanny de Beaucharnais comme auteurs probables. Barbier 1*attribue a Caylus. Nocrion, conte allobrage, (Paris), 1 v o l . (Voir l a note 56 du chapitre V). 1748 Le Pot-pourri, ouvrage nouveau de ces dames et de ces messieurs (Amsterdam, au depens de l a compagnie), 1 v o l . REimprimE dans les Oeuvres Badines, tome VII. MEmoires de 1'AcadEmie des colporteurs (de l'imprimerie ordinaire de 1'AcadEmie), 1 v o l . REimprimEs dans les Oeuvres Badines, tome X. 1775 Tout vient Ii point ei qui peut attendre ou Cadichon (La Haye), 1 v o l . REimprimE dans les Oeuvres Badines, tome IX. 1787 Oeuvres Badines completes du comte de Caylus, avec figures (Amsterdam), 12 v o l . 1805 Les Souvenirs de M. l e comte de Caylus, de 1'AcadEmie des Inscriptions et b e l l e s - l e t t r e s , imprimEs sur les originaux in E d i t s , pour f a i r e suite aux Souvenirs de Mme de Caylus, sa mere, avec des l e t t r e s Egalement inEdites de cette comtesse ei son f i l s , prEcEdEs d'une notice historique sur l a vie et les ouvrages de cet acadEmicien (Paris, chez Hubert et Cie an XIII), 1 v o l . Bien que l a plupart des morceaux soient authentiques, i l s'agit d'une supercherie de Serieys. Le t i t r e est abusif, l a compilation mal f a i t e . 1874\u00E2\u0080\u009E MEmoires et rEflexions du comte de Caylus, imprimEs pour l a premiere f o i s sur l e manuscrit autographe, s u i v i s de 1'Histoire de M. Guillaume, cocher (Paris, P. Rouguette), 1 v o l . 1962 La FEe P a i l l a r d i n e ou l a Princesse ratEe par l e comte de Caylus (Paris, cercle du l i v r e de France, 1962). - 357 -TROISIEME PARTIE - Ouvrages mentionnant Caylus et oeuvres consultees Atkinson, Geoffroy. The Extraordinary Voyage i n French L i t e -rature from 1700 to 1720 (Champion, 1922). . Le sentiment de l a nature et l e retour a l a v i e simple (1690-1740) (Geneve, 1960). Barbier, Antoine, A. Dictionnaire des ouvrages anonymes, 3 ed. (Daffis, 1872-79). Barchilon, J . \"Le Cabinet des fees et 1 * imagination romanesque\", Etudes l i t t e d a i r e s , I, No. 2 (aout, 1968). . \"Uses of the Fairy t a l e i n the eighteenth century\", Studies on V o l t a i r e and the eighteenth century, XXIV (1963). Belin, J.P. Le commerce des l i v r e s prohibed a Paris de 1750 a\" 1789 (Paris, 1913). Bertaut, J u l e s . La Vie l i t t e r a i r e au XVIIIe s i e c l e (Paris, 1954). Blanc, Charles. Tr\u00C2\u00A3sor de l a c u r i o s i t y . Preface de Ad. Thibau-deau, p. cxxi (Paris, 1857). Bonhomme, Honored Correspondance inedite (Paris, 1864), pp. 379-384. . Madame de Maintenon et sa f a m i l l e . Lettres et documents inedits (Paris, 1863). Borgerhoff, E.B.O. The Evolution of l i b e r a l theory and practice i n the French theater, 1680-1757 (Princeton, 1936). Brochon, P i e r r e . Le l i v r e de colportage en France depuis l e XVIe s i e c l e . Sa l i t t e d a t u r e , ses lecteurs (Paris, 1954). Brooks, Peter. 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