LES PORTES DU SANCTUAIRE DE L'EGLISE DE LA VISITATION DU SAULT-AU-RECOLLET, MONTREAL by Marie-Andrée Glen-Groarke B.A., Université de Montréal, 1975 A THESIS SUBMITTED IN PARTIAL FULFILMENT OF THE REQUIREMENTS FOR THE DEGREE OF ' ' MASTER OF ARTS in the Department of FINE ARTS IN THE FACULTY OF GRADUATE STTJDIES We accept this thesis as conforming to the required standard THE UNIVERSITY OF BRITISH COLUMBIÀ February 1979 Marie-Andree Glen-Groarke, 1979 In p r e s e n t i n g t h i s t h e s i s in p a r t i a l f u l f i l m e n t o f the requirements for an advanced degree at the U n i v e r s i t y of B r i t i s h Columbia, I agree that the L i b r a r y s h a l l make i t f r e e l y a v a i l a b l e for reference and study. I f u r the r agree t h a t pe rm i s s i on for e x t e n s i v e copy ing o f t h i s t h e s i s fo r s c h o l a r l y purposes may be g ran ted by the Head of my Department or by h i s r e p r é s e n t a t i v e s . I t i s understood that copy ing or p u b l i c a t i o n o f t h i s t h e s i s f o r f i n a n c i a l g a i n s h a l l not be a l lowed wi thout my w r i t t e n p e r m i s s i o n . Department of FINE ARTS The U n i v e r s i t y o f B r i t i s h Columbia 2075 Wesbrook Place Vancouver, Canada V6T 1W5 Date February lst, 1979 EXTRAIT L'église de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie du Sault-au~Récollet, érigée en 1751, demeure actuellement la plus ancienne église de l'île de Montréal. Classée "Monument Historique" par le Ministère des Affaires Culturelles le 13 février 1975, elle attire de plus en plus l'attention des historiens de l'art par l'abondance des oeuvres façonnées par des artistes locaux. Au cours de ce mémoire, nous présenterons dans un premier chapitre un court historique de la paroisse du Sault-au-Récollet pour montrer l'importance de ce secteur de la ville dans l'évolution de la colonie; ensuite nous survolerons rapidement le développement architectural du bâtiment et reviserons sa décoration intérieure. En un second chapitre, nous procéderons â une description détaillée des portes du sanctuaire. Suivra leur étude iconographique qui tentera entre autres d'ex-pliquer le symbolisme des bas-reliefs y figurant et cherchera la source des sujets représentés, Samson tuant le lion de Thamna et Samson emportant les portes de Gaza. Les portes du sanctuaire de La Visitation n'ont pas, jusqu'à ce jour, attiré plus que de raison l'attention des chercheurs. Depuis leur attribution â Philippe Liébert par Ramsay Traquair en 1927 et à la suite du livre de Gérard Morisset (1943) traitant de cet artiste, personne n'a pensé questionner l'auteur de ces pièces. C'est de ce problème que discutera le troisième chapitre. Ainsi â la lumière du style du sculpteur montréalais François Guernon dit Belleville que nous analyserons dans les bas-reliefs du Calvaire d'Oka et de l'église de Saint-Martin (île Jésus), nous étudierons en détail la manière de travailler se déga-geant des panneaux des portes du choeur de La Visitation. De plus une courte comparaison avec deux oeuvres de Liébert aidera à exposer les raisons pour lesquelles nous croyons que François Guernon dit Belleville et non Philippe Liébert exécuta ces portes. TABLE DES MATIERES LISTE DES ILLUSTRATIONS v Chapitre I. LA VISITATION DU SAULT-AU-RECOLLET . . 1 A: Survol architectural 2 B: Décoration intérieure . 11 Illustrations 39 II. LES PORTES DU SANCTUAIRE 74 A: Description . 75 B: Iconographie . 79 Illustrations 97 III. ATTRIBUTION 133 A: François Guernon dit Bélleville . . 134 Le Calvaire d'Oka 136 Saint Martin Donnant son Manteau à un Pauvre . ^ l T~ 145 B: Attribution proprement dite . . . . 155 Portes du sanctuaire 155 Cadres 192 La Dernière Cène de Liébert . . . 196 Tabernacles de La Visitation et de Varennes 207 Illustrations 210 NOTES ET CITATIONS 247 BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE . . 259 LISTE DES ILLUSTRATIONS Page Figure Chapitre I 39 1. Carte de ITîle de Montréal et des environs, au temps de Jacques Cartier. Dressée et dessinée par A. Beaugrand-Champagne, 1923. 40 2. Ecriteau apposé sur la façade de l'église. 41 3. Ecriteau apposé sur la façade de l'église. 42 4- Plan de l'ancien fort du Sault, selon E.M. Faillon. 43 5. Plan de l'église, modèle dit. "à la récol-lette". * ~ 44 6. Reconstitution de l'ancienne façade trans-portée à la.chapelle des Saints-Anges (détruite). 45 7. Jonction de la nouvelle façàde ét'de la nef. 46 8. Façade de John Ostell, 1Ô50. 47 9. Clocher. 48 10. Eglise de Saint-Rose. 49 11. Eglise de l'Assomption. 50 12. Plan de la façade de La Visitation. De Ramsay Traquair, 1924. 51 13. Plan de l'Elévation, coté est. De Traquair. 52 14. Plan au sol. De Traquair. 53 15. Vue en angle, côté ouest de l'église. 54 16. Vue d'ensemble, intérieur de l'église. Photo tirée de Marthe Beaudouin, La plus Ancienne Eglise de Montréal. 55 17. Maître-autel de Philippe Liébert et Louis Quévillon. 56 18. Autël latéral de Louis Quévillon. 57 19. Corne d'abondance située au-dessus des re-tables des chapelles, de David Fleury David. Photo de M. Beaudouin. 58 20. Chaire de Vincent Chartrand. 59 21. Tableau de Saint Michel (anonyme). 60 22. Tableau de Sainte Anne (anonyme). 61 23. Porte gauche du sanctuaire. 62 24. Porte droite du sanctuaire. 63 25. Porte droite, détail. 64 26. Porte gauche détail. 65 27. Dessin des portes côte à côte. De Traquair. 66 28. Arrangement des portes inversées. 67 29. Armoire, fin XVIIIe siècle. Tiré de Jean Palardy, Les Meubles Anciens du Canada Français, 1971. Illustration 38. 68 30. Buffet deux-corps, fin XVIIIe siècle. Tiré du même auteur, illustration 115. 69 31. Tableau de "La Visitation". Copie de Mi-gnard. 70 32. Tableau de Sainte Catherine d'Alexandrie. {anonyme). 71 33- Tableau de Sainte Agnès (anonyme) 72 34- Contrat avec Louis Quévillon, 13 février 1789. Copie conservée aux Archives de la Chancellerie de l'Archidiocèse de Montréal. 73 35. Chandelier pascal, auteur incertain. Chapitre II 97 36. Porte gauche. 98 37. Porte droite. 99 38. Porte gauche, panneau supérieur. 100 39. Porte gauche, panneau inférieur. 101 40. Porte droite, panneau supérieur. 102 41. Porte droite, panneau inférieur. 103 42. Gravure "The Birth of Samson". Tiré de l'Histoire de la Bible, édition anglaise de 1701. 104 43. Gravure "The Gates of Gaza". Ibid. 105 44. "Samson et le Lion". Bible Allemande, 1638. 106 45. "Samson et le Lion". Bible du Maistre de Sacy, 1717. 107 46. "Samson et le Lion". Bible du Maistre de Sacy, 1857. 108 47. "Samson et le Lion". Bible de O'Leary, 1673. 109 48. "La Fuite en Egypte". ^ Gravure tirée de l'Histoire de la Bible, édition anglaise de 1701. 110 49. "La Cannanéenne". Ibid. 111 50. "La Punition d'Adam". Ibid. 112 51. "Naissance de Samson". Bible du Maistre de Sacy, 1686, p. 170. 113 52. "Les Portes de Gaza". Ibid., p. 175. 114 53. "Samson abat les Philistins". Histoire de la Bible, édition anglaise de 1701. 115 54. "La Mort de Samson". Ibid. 116 55. "La Défaite des Philistins". Bible de Sacy, 1686, p. 173. 117 56. "La Mort de Samson". Ibid., p. 177. 118 57. Porte gauche, panneau inférieur. 119 50. "Construction de la Tour de Babel". Histoire de la Bible, édition anglaise de 1701. 120 59. "Ismael chassé". Ibid. 121 60. Porte gauche, panneau inférieur, détail. 122 ' 61. Porte droite panneau inférieur. 123 62. Idem., détail. 124 63. "Le Méchant Roi Ahaz". Histoire de la Bible , édition anglaise de 1701. 125 64. Porte droite, panneau supérieur, détail. 126 65. Porte droite, panneau inférieur, détail. 127 66. "La Guérison des Dix Lépreux". Histoire de la Bible, édition anglaise de 1701. 128 67. Porte droite, panneau inférieur, détail. 129 68. "Ruth suit Noémi". Histoire de la Bible, édition anglaise de 1701. 130 69. Carte de la région de Montréal au début du régime anglais. Tiré de Marcel Tru-del, Atlas Historique, p. 7&. 131 70. "La Visitation de la Vierge Marie". His-toire de la Bible, édition anglaise de 1701. 132 71. Deux pages titres de la Bible de 1701. Chapitre III 210 72. Carte du Calvaire d'Oka. Tiré de J. Por-ter et J. Trudel, Le Calvaire d'Oka, p. 26. 211 73. "Agonie au Jardin des Oliviers". Bas-relief du Calvaire d'Oka, par François Guernon dit Belleville, vers 1775-1776. Tiré de J. Porter et J. Trudel, Le 212 74. "La Flagellation". Idem. 213 75. "Ecce Homo". Idem. 214 76. "La Rencontre de Sainte Véronique". 215 77. "Le Crucifiement". Idem. 216 l è . "La Crucifixion". Idem. 217 79. "La Déposition de Croix". Idem. 218 80. "Saint Martin Donnant son Manteau à . Pauvre". Attribué â Liébert. Ibid 219 81. Porte gauche, panneau supérieur. 220 82. Idem., détail. 221 83. Idem. 222 84. Idem. 223 85. Idem. 224 86. Idem. 225 67. Autel latéral dit "Du Bon Pasteur". un de Saint-Martin (île Jésus), détruit. 226 88. Autel latéral dit "De La Vierge". Egli-se de Saint-Martin (île Jésus), détruit. 227 89. Porte gauche, panneau inférieur. 228 90. Idem., détail. 229 91. Idem. 230 92. Porte droite, panneau supérieur. 231 93- Idem., détail. 232 94» Porte droite, panneau supérieur. 233 95. Idem, détail. 234 96. Porte droite, panneau inférieur. 235 97. Idem., détail. 236 98. Idem. 237 99. Porte gauche, cadre, détail. 238 100. a) Porte gauche, cadre, détail. b) Porte droite, cadre, détail. 239 101. Porte gauche, cadre, détail. 240 102. Tabernacle du maître-autel. Eglise de Sainte-Rose. 241 103. Porte du tabernacle. Eglise de Sainte-Rose. Tiré de l'Inventaire des Biens Culturels (Centre de Documentation). 242 104. Porte du tabernacle, détail. Ibid. 243 105. Idem. 244 106. Idem. 245 107. Tabernacle du maître-autel. Par Liébert. Eglise de La Visitation.. 246 108. Tabernacle de l'autel latéral. Eglise de Varennes. Tiré de l'Inventaire des Biens Culturels (Centre de Documenta-tion) . CHAPITRE I LA VISITATION DU SAULT-AU-RECOLLET / A: SURVOL ARCHITECTURAL DE L'EGLISE La Visitation du Sault-au-Récollet étant la plus vieille église de l'île de Montréal, en fait, la seule à dater du régime français, et se classant dix-septième par ordre d'ancienneté au Québec, nous la considérons comme suffisamment importante dans l'évolution architecturale de Montréal pour s'y attarder et découvrir les problèmes qu'elle pose. Elle reflète bien l'esprit de travail communautaire des colons français, puisque seuls les pa-roissiens contribuèrent â la conception et â la réalisa-tion de ce projet d'envergure et que les curés mirent à profit les talents régionaux pour construire et décorer tant l'extérieur que l'intérieur de leur église parois-siale. Ainsi, avant d'entreprendre l'étude proprement dite des portes du choeur de l'église et afin de mieux situer historiquement le quartier du Sault-au-Récollet dans Montréal, nous reviserons sommairement l'histoire de la paroisse puis survolerons le développement archi-tectural de l'église et, finalement, nous passerons en revue sa décoration intérieure. La "découverte" du Sault-au-Récollet, sis au nord de lTîle de Montréal â deux pas de la rivière Des Prairies (Fig. 1) date possiblement de 1535. Selon une 1 2 théorie soumise en 1923 puis en 1947 par l'historien Aristide Beaugrand-Champagne, Jacques Cartier en attei-gnant Hochelaga (Montréal) à son deuxième voyage au Ca-nada, abandonna ses barques sur les rives de la rivière Des Prairies plutôt que sur celles communément reconnues du fleuve Saint-Laurent car il ne put franchir un saut 3 "le plus impétueux qu'il soit possible de voir" . Cer-tains historiens réfutèrent à l'époque cette théorie, mais le bien-fondé des multiples preuves appuyant les dires de monsieur Beaugrand-Champagne semble avoir con-vaincu la génération présente. On comprendra que les plus fervents adeptes de cette hypothèse, les paroissiens, le curé et la Société Saint-Jean-Baptiste du Sault-au-Récollet, adoptèrent cette idée qu'ils commémorèrent dès 1926 par une plaque apposée sur la façadè extérieure de l'église et qui se lit comme suit : Ici, au pied du dernier sault de la Rivière des Prairies, le 2 octobre 1535 est débarqué Jacques Cartier en route pour Hochelaga.(Fig. 2) Comme cette théorie relativement récente accorde au quartier un certain rôle dans l'histoire de la décou-verte du pays, on comprendra que ses citoyens en aient ressenti de la fierté. Cependant, avant l'article de monsieur Beaugrand-Champagne, soit pendant les dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, les ha-bitants de cette région portaient en estime un autre événement survenu en 1625 cette fois: la mort du pre-mier martyr canadien, le père récollet Nicolas Viel(1590-1625), et de son disciple indien, Ahuntsic. Selon l'his-4 toire qui s'amplifie au cours des diverses relations , alors que le religieux et son néophyte se rendaient en canot de leur mission des Grans Lacs vers Québec, les indiens avec lesquels les deux catholiques voyageaient les jetèrent par dessus bord au dernier saut de la ri-vière Des Prairies. Une plaque commémorâtive indique même le nombre exact d'indiens qui perpétrèrent le meur-tre: "Trois indiens scélérats" (Fig. 3). Cette épisode de notre petite histoire donna un nom au quartier où l'affaire eut probablement lieu, le Sault-au-Récollet, et au district électoral environnant, Ahuntsic. A la suite de vérifications déjà effectuées con-cernant la date d'établissement de la mission sulpicienne 5 au Sault-au-Récollet , on peut affirmer que le transfert . de la mission indienne du Mont-Royal sur les rives de la rivière Des Prairies s'effectua en 1696 sous la direction 6 de monsieur l'abbé Robert Gay . Bien que nous n'ayons toujours pas retracé les vestiges du fort établi au Sault-au-Récollet, on suppose que les Sulpiciens ne se conten-têrent pas d'ériger une simple chapelle de bois, ils bâtirent également un fort â trois bastions aux coins d'un grand carré de fortes palissades; la chapelle fut construite à l'angle de l'est, sur le plan de Notre-Dame de Lorette en Italie.7 Une reconstitution des lieux par monsieur Etienne ê Michel Faillon dans sa Vie de la Soeur Bourgeoys laisse entrevoir la disposition probable des divers bâtiments â l'intérieur de l'enceinte du fort (Fig. 4). 9 En 1698 Benjamin Suite dénombre 113 indiens ré-sidant en permanence â la mission du Sault-au-Récollet. Parce que les Français de la région refusent de coexis-ter avec les autochtones, l'abbé Gay déplace à nouveau la mission et l'installe cette fois sur les rives du lac des Deux-Montagnes, une vingtaine de milles à l'ouest de 10 Montréal Comme les Registres de la paroisse commencent en 1736, c'est en cette année que débute notre survol archi-tectural proprement dit des églises du Sault-au-Récollèt alors que les paroissiens se rassemblent pour discuter 11 des "travaux qu'on devoit faire pour l'église" , comme le certifie le plus vieux document conservé au presbytè-re. Il ne s'agit pas d'une assemblée visant â, la cons-truction d'une nouvelle église puisque onze ans plus tard, le 30 juin 1747, monsieur de Pontbriand, évêque de Québec constate l'état lamentable de la première chapelle et recommande dans une lettre au curé Chambon l'érection d'un édifice plus adéquat: Votre édifice, nos très chers enfants,^ menace une ruine si prochaine et par là même est si peu décente que nous aurions été obligés de défendre dTy célébrer les Saints Mystères si on ne nous avoit pas assuré qu'elle pourroit durer encore une année. Nous vous ordonnons de profiter de ce terme pour bâtir une nouvelle église au-delà du fort.12 Les commentaires d'un géologue suédois, Pier Kalm, de passage au Sault en 1749, nous permettent d' affirmer qu'il vit l'église dont parle monseigneur de Pontbriand: Celle du Sault-au-Récollet est un vieil édifice en bois, d'apparence décrépite; mais l'intérieur en vaut mieux que le dehors et les Français y suivent les of-fices religieux. D'ailleurs on ne tarde-ra pas â bâtir une église neuve; la pier-re qui devra entrer dans sa construction est déjà rendue sur les lieux.13 Ainsi, en 1749, les paroissiens du Sault-au-Récol-let sont prêts â ériger une église hors de l'enceinte du fort. Une assemblée du 27 juillet 1749 éclaircit le mode de paiement utilisé: Tous les habitants susnommés sont con-venus que chaque habitant demeurant sur terre de trois arpans fourniroit par chaque année tant que la bâtisse dure-roit: pour la première année, chacun une toise de pierre de maçonne, chacun deux voyages de pierre de carrière, soit pour les écoincont, chacun une pistole en argens scavoir cent sols dès le quin-ze de janvier prochain et cent sols au quinze de juin pour tout terme et tout délai ; la seconde année pareillement une pistole payable dans les mêmes termes, une semaine de leur temps et une pièce de bois de pins carrés pour estre faite au moulin, en planche ou madrier de douze pouces déchantilion; la troisième année pareille et ainsi d'année en année jus-qu'à la perfection de l'ouvrage.14 La plupart des paroissiens participèrent â la construction de leur église et une légende veut que le curé Chambon ne trouvant pas assez de main d'oeuvre sur place "força le diable au travail sous la forme d'un 15 cheval blanc qu'il brida avec la plus grande dextérité" Les habitants fournirent les matériaux nécessaires â l'érection des châssis, portes, planchers et meubles indispensables au culte. Selon une coutume québécoise chaque famille sculpte et décore son propre banc qu'elle laisse en permanence à l'église. Monsieur le curé Cham-bon, Sulpicien, contribue de sa fortune personnelle pour payer une partie des dépenses totales qui s'élevèrent â 16 11 656 livres 10 sols Ainsi la construction débute à l'automne 1749. 17 Charles Guilbault se chargea de la maçonnerie et un autre paroissien, Joseph Valade, de la charpente. Com-me modèle de base pour l'église ils utilisent le plan l ê â la récollette qui élimine les transepts et place un sanctuaire plus petit â l'extrémité nord de la nef (Fig. 5). L'édifice, orienté sud-nord, est construit en pierres des champs et de taille. A cette époque, avant les divers ajouts de sacristies subséquentes, l'église mesure 101 pieds de long par 43 pieds de large pour la nef et 20 pour le sanctuaire. Elle possède une façade â un seul clocher semblable à celles des bâtiments de l'époque et, à l'avant, sa porte était surmontée d'un cintre élégant, ornée d'une corniche avec châssis rond dont les vitres rayon-naient avec symétrie pour aboutir au même point au-dessus du centre de la porte. Deux jolis pilastres corinthiens supportaient le cintre et la corniche et ornaient la porte sur toute sa longueur.19 Tous firent si bien qu'en 1751 l'intérieur possède un ameublement rudimentaire mais suffisant pour y célébrer les offices divins. L'année suivante, le 12 juin 1752, monseigneur Henri-Dubreuil de Pontbriand con-sacre l'église en l'honneur de La Visitation de la Bien-heureuse Vierge Marie, mystère cher au fondateur de la communauté des Messieurs de Saint-Sulpice, monsieur Olier. Pendant les années subséquentes, on allongera l'ensemble. Une sacristie de 36 pieds de long sur 20 de large sera construite de 1761 â 1773, puis rallongée en 1844 et augmentée de nouveau en 1852 par un confessionnal pour paroissiens sourds. 20 En 1851 l'architecte montréalais John Ostell refait le portique afin d'agrandir l'église. Après avoir fait transporter l'ancienne façade â quelques rues de là, â la chapelle des Saints Anges aujourd'hui démolie (Fig. 6), il dote la nouvelle devanture de deux clochers et la partie intérieure d'un jubé surplombant quelques rangées de bancs supplémentaires. Cette transformation obligera à condamner définitivement les portes latérales arrière (Fig. 7). Un rapide coup d'oeil sur la façade (Fig. 8) nous permet d'y remarquer des incisions creuses prati-quées dans la pierre et la rendant extrêmement vivante entre autre par l'irrégularité dans la longueur des pier-res qui encadrent les clochers (Fig. 9). De cette maniè-re l'architecte crée un frontispice calquant le genre qui fleurit dans la région de Montréal â cette époque comme le démontrent l'église de Sainte-Rose (Fig. 10) et celle de l'Assomption (Fig. 11). Malheureusement cette impo-sante construction empêche de voir le corps de l'église érigé en 1751. Les plans de Ramsay Traquair conservés â l'Uni-versité McGill représentent successivement la façade (Fig. 12), l'élévation du côté est (Fig. 13) et le plan au sol de l'église où sont inscrites les diverses modi-fications effectuées de 1749 à 1852 (Fig. 14). Comme nous venons de le voir, l'église de la Visitation n'innove pas tellement sur le plan architec-tural puisqu'elle suit le modèle â la récollette puis celui du dix-neuvième siècle. Les constructeurs régio-naux dotèrent leur paroisse d'un bâtiment solide, confortable en hiver et agréable â regarder. Mal-heureusement les contre-forts ajoutés en 1964 rom-pent l'harmonie et le rythme de la nef originale (Fig. 15). B: DECORATION INTERIEURE La richesse de la décoration intérieure (Fig. 16) contraste avec la sobriété de 1Tarchitecture extérieure de l'église. Des artistes locaux et régionaux ont habi-lement façonné les statues, meubles et boiseries du sanc-tuaire et de la nef de l'édifice. Même si les Registres remontent â 1736, nous ne pouvons affirmer avec certitude quels sont les auteurs de chaque pièce du décor parce que les descriptions sont parfois très vagues et qu'ils ne mentionnent pas en général à quel moment la paroisse se défait de certains morceaux du mobilier. Avant de passer en revue de façon systématique chaque pièce et son auteur éventuel, nous allons relever 21 telles qu'inscrites dans les Registres les dépenses pour les oeuvres d'art de l'église entre 1738 et 1830. Ainsi le lecteur pourra recourir â ce tableau lorsque, par la suite, nous attribuerons certains morceaux du décor qui portent â discussion. 1738 ...d'une quette pour les augmentations du tabernacle 24 Livres Depance 1740 - donné aux soeurs pour avoir doré le tabernacle 40 L. - pour avoir fait faire un bénitier carré et raccomoder un vieux 10 L. 1741 - pour façon de chandelier 24 L. - pour un ornement 38 L. 1742 - à Delorme pour payer LaBrosse sculpteur 24 L. 1744 - seize chandeliers tournés 30 L. 1746 - pour deux ornements refaits et la croix neufve avec son voile et la bourse ivoire 48 L 15 S, 1748 - pour un encensoir de cuivre doré 96 L. - une clochette de cuivre jaune 6 L. - deux livre d'or 3 L. 1749 - pour vingt de cire au comte de Mde. Youville et du conte drapes 110 L. - pour raccoraodage d'un pied de ci-boire chez Delquoin 5 L. - pour façon de cire et raccomodage d'ornement au conte de Mde Youville 38 L. - pour façon de cierge pascal et les louches - pour deux processionnaux 12 L. - pour 6 vases dorés 18 L. 1752 - pour fourniture pour Mde Youville 37 L. - pour un devant d'autel cuir dorés 45 L. - pour deux cadres de devant d'autel 3 L. 12 S. - pour six autres vases dorés 45 L. - pour une croix en diamt et couronne 12 L. - pour un cierge pascal et les lou-ches y compris la cire 28 L. 1753 - pour 12 chandeliers de fer 24 L. - pour bénitier de cuivre argenté 49 L. 1754 - payés pour trois crucifix 44 L. - payés une fontaine de cuivre rouge 36 L. - pour 4 chandeliers de bois 10 L. - Reçu pour un tableau de Saint Michel 54 L. Recette 1755 - plus pour un tableau de Sainte Anne 54 L. 1756 - pour le chapelle Sainte Anne de Pier-re Delorme 30 L. Depanee - payés â Jacques Valade pour façon de banc et coffre des devants d'autel I64 L. - plus au même pour larmoire dans la sacristie 60 L. - plus â Joseph Valade pour placage de cheminée et armoires et la niche 70 L. - ouvrages en France en argent 330 L. Recette 1757 - pour la chapelle Sainte Anne 26 L. Depanee 1759 - pour 14 pièces de noyer 36 L. 1760 - pour 12 madriers pour le catafalque 1+8 L. 1762 - un gabarit pour le reposoir du Jeudi Saint 11 L. - pour la petite sacristie, menuisiers, couvreur, serrurier et doux 76 L. 1764 - pour une tapisserie dindienne perse 45 aulne â neuf livre laune 405 L. - sculpture pour le retable du grand autel 220 L. - un tapis pour le grand autel 16 L. 1765 - pour un tabernacle cadre 250 L. 1769 - pour un ornement complet de velours cramoisi galons d'or, double dentelle d'or, fourniture 300 L. 1772 - pour rétablissement de la voûte - cent cinquante livres pour achat de noyer pour le retable 1773-75 - pour payement de journées de Liébert, exculpteur, 1420 L. que Mr Montgolfier a payé â la dite fabrique sur le comp-te de Mr Chambon dont quitte 1420 L. - pour or pinture 400 L„ - pour compagnons pour le retable 300 L. - pour rétablir la voûte menuisies Planches 200 L. - pour une sacristie pavée plafonnée porte contrevent de fer couverte en bardeau 600 L. Recette 1776 - de la peinture pour une croix à David 18 L. Depense - au maçon pour une porte et raccomo-dage 54 L. - payé â M» Delisle marchand, pour or 228 L. 1777 - pour deux pièces de tapisserie 6 L. - pour un autel et autres ouvrages 15 L. - pour achat de bois de noyer et 17 bancs 203 L» 4 S, 1776 - pour raccomodage du banc des chantres 12 L. 1779 - pour vitres 24 L. 15 - pour 3/4 de dentelle d'or 4 L„ 16 1783 - pour 4 chandeliers argenté double 112 L. - pour deux bancs neufs le bois et façon 20 L. - pour un lustre 46 L. 1786 - pour un bénitier 14 L. - payé à Bertrand pour raccomodage des chênes de l'église 30 L. 10 - payé â Valade, maçon, pour la chemi-née de la sacristie 118 L. 1788 Janv. - pour encensoir et navette d'argent 492 L» 4 - pour des boîtes aux sainxtes huiles, pour baptême et Extrême-Onction 42 L. - un ciboire, Porte-Dieu, un aiguere - pour baptême, pour la communion, une piscine ablution, le tout d'argent 105 L. - deux portes de custode dans la sacris-tie 12. L. - deux bassins d'étain pour les fonds baptismaux 16 L. 1788 mai - quatre douzaines de chandeliers de bois tournés 48 L0 1788 nov. - des vitres et du mastique pour l'égli-se et sacristie 9 L. 1788 juin - pour marche-pied, prie-Dieu, et balus-trade des fonds 24 L. 1789 - la façon d'un fauteuil tourné 9 L. - la garniture de la commode de la sa-cristie avec 3 anneaux 23 L„ 19 - pour la porte de l'église et la com-mode 245 L. 1791 - pour la chaire et la ferrure de la dite 999 L. 6 - pour couronne de l'ostensoir 24 L» - pour escalier â la chaire et papier épingle 13 L. 4 - pour raccomodage d'un banc et confes-sionnal 2 L. 1793 - pris dans le coffre pour tabernacle 1000 L. 1794 - pour transport du tabernacle et des chandeliers 38 L. - armoire pour les fonds baptismaux 14 L. - pour couverture des chandeliers 18 L. 6 - tirer du coffre pour payer la dorure du tabernacle 810 L„ 3 1795 - pour grands chandeliers et la croix argentée 366 L« 1 1796 - pour calice 509 L. 1798 - pour chandelier pascal 446 L. - pour faire le marche-pieds d'autel 84 L. 1799 - a Jos. Martineau pour boucher la peti-te porte de l'église du côté du cime-tière - â Jos. Corbeille pour ouvrage dans la sacristie 1800 - pour un banc d'oeuvre 1801 - pour ouvrage à la voûte et au clocher - pour enfant Jésus et niche 1803 - pour deux tabernacles pour les cha-pelles - pour achat d'or - pour garniture de chandeliers et Christs - pour argenter les dits chandeliers et Christs 1806 - â Mr Louis Quevillon pour des zoutels 1808 - un confessionnale 1816 - payé au sculpteur pour la voûte de l'église â compte 1817 - do au sculpteur - do au même 1818 - do au sculpte LIT 1819 - payé au sculpteur pour l'ornement intérieur de cette église - on observera que l'on a pris au dit coffre pendant l'année 1819, pour le payment des ornements intérieurs de X2 L* o 4 L. 450 L. 223 L. 19 67 L. 1507 L. 13 700 L. 240 L. 126 L. 2380 L» 132 L. 2000 L. 288 L. 222 L. 1200 L. 488 L. 14 cette église, la somme de $996 Li-vres un sol, ancien cours, au cof-fre excepté un certain nombre de copres... 1820 - do au sculpteur 495 L. 1821 - do au sculpteur pour la voûte 338 L. 15 1822 - do pour 7 encensoirs de fer blanc 88 L. 4 1823 - payé au sculpteur pour les entre-prises concernant l'intérieur de cette église 3366 L. - toile pour l'autel et couverture de la pierre du grand autel 10 L. 7 - marche pieds d'autel et raccomo-dage d'un banc 39 L. 10 1825 - do au sculpteur 168 L. 1826 - payé au sculpteur pour boisure de l'intérieur de cette église 3924 L. 14 1827 - Contrat pour les bancs et le plan-cher â David Fleury David 1829 - â Mr Fleuri David pour sculpture 1980 L» 12 1830 - payé à Fleuri David sculpteur 3014 L. 11 - pour balustrade du choeur 60 L. - ferrures de portes et armoires de la sacristie 56 L. - un sculpteur payé â compte 2550 L. 19 Alors que le relevé précédent présente un très grand nombre d'objets achetés de 1736 à 1630, le résumé 22 suivant, traduit de l'article de Ramsay Traquair , offre une chronologie présentant le développement his-torique, architectural et décoratif de la paroisse et de lféglise du Sault-au-Récollet. 1696 - Mission déplacée au Sault-au-Récollet0 - Première église "La Nouvelle Lorette" cons-truite. 1720-21 - Mission déplacée â Oka. 1749-51 - Eglise construite sur le nouveau site, 1761 - Sacristie commencée. 1764 - Retable pour le maître-autel. 1765 - Acquisition d'un "tabernacle cadre". 1772-73 - Construction de la voûte de l'église. 1773 - "Hébert esculteur" est payé 1420 livres pour du travail de décoration. 1789 - Porte ouest et commode de tiroirs exécutés par L. Quévillon. 1791 - Chaire par Liébert. 1792 - Tabernacle pour le maître-autel par Liébert. 1800 - Banc d'oeuvre par Quévillon. 1802 - Deux tabernacles (pour les autels latéraux) par Quévillon. 1806 - Trois tombeaux d'autel pour le maître-autel et les autels latéraux par Quévillon. 1813-14 - Nouveau toit pour l'église. 1816-20 - Voûte par David Fleury David. 1820-23 - Retables par David. Corniche du choeur et nef décorés par David. 1827 - Porte ouest par David. 1836 - Chaire par Vincent Chartrand* 1850-52 - Façade actuelle par John Ostell. 1863 - Clochers par François Dutrisac. Grâce aux divers contrats qui complètent les Registres, nous pouvons mieux dater et attribuer les pièces décoratives actuelles* Certains éléments du dé-cor peuvent être datés et attribués avec assurance tan-dis que d'autres pièces présentent des incertitudes. Revisons tout d'abord les morceaux ne posant pas de pro-blêmes. Le maître-autel (Fig. 17) est l'oeuvre de deux sculpteurs renommés de la région montréalaise. En 1793 Philippe Liébert (1732-1804) exécute le tabernacle et en 1806 Louis Quévillon (1749-1823) travaille au tombeau. Par le contrat et les paiements de 1802 nous savons que les deux autels latéraux (Fig. 18) furent également fa-çonnés par Quévillon. La voûte du sanctuaire (Fig. 16) fut exécutée par David Fleury David (1742-c. 1835) â partir de 1816 selon le contrat du 10 mars de cette année et présente une multitude d'hexagones décorés un peu à la manière de ceux de la voûte de l'église de la Sainte Famille de l'Ile d'Orléans qu'il façonna avec son père Louis-Basile,, Dans un marché passé le 2 mars 1816, les mar-guilliers indiquent que lors de la construction de la voûte du choeur Fleury David ne devra pas toucher au retable exécuté par Liébert de 1764 à 1773 environ: Une corniche selon l'ordre Corinthien qui régnera tout autour de la dite Eglise, excepté que dans le cas que le Retable actuel demeure: il y aura une corniche dans le choeur selon l'ordre comporté qui s'étendra d'un Angle ren-trant d'une Chapelle â l'autre.23 Le 21 septembre 1817, le sculpteur reçoit la permission de commencer la voûte de la nef en demi-ellipse alors que des planches bouchent l'espace en-tre la voûte et le haut du mur "en attendant qu'il y eut par la suite une corniche reignant autour de 1' 24 Eglise laquelle cachera le dit espace" . David tra-vaillera ce plafond selon le style Percier et Fontaine 25 prévalant au dix-neuvième siècle „ Le 6 septembre 1818, David reçoit l'ordre de "sculpter, dorer et poser deux cornes d'abondances fort 26 riches au-dessus des retables des chapelles" (Fig<, 19). La chaire actuelle (Fig. 20), oeuvre de Vincent Chartrand ( - 1863) de la paroisse de Saint-Vincent-de-Paul, date de 1836 et remplace celle que Liébert avait exécutée quelque quarante ans plus tôt» Ici se termine notre revue des pièces indiscuta-blement façonnées par les artistes mentionnés. A partir de maintenant, nous suggérerons des hypothèses que le lecteur pourra confirmer ou infirmer tout en s'aidant c i e s Registres et contrats déjà répertoriés. Si nous retraçons chronologiquement l'évolution de la décoration de la Visitation, on note qu'en 1752 la fabrique paie 45 livres pour un devant d'autel cuir doré et 3 livres 12 sols pour deux cadres de devant d' autel. Ces montants nous laissent supposer qu'une table d'autel servait à célébrer les offices divins dès l'ou-verture de l'église. En 1754, la paroisse reçoit le tableau de Saint Michel (Fig. 21) qui sera placé dans la chapelle de ce nom et en 1755, celui de Sainte Anne (Fig. 22) ornant la seconde chapelle de cette église. Ainsi, trois ans après la complétion de l'édifice, la Visitation possède deux grands morceaux qui agrémentent les murs nus de l'époque. En 1756 la paroisse aurait fait venir de Pa-ris le tableau du retable central, La Visitation (Fig. 31). Le retable actuel du sanctuaire pose un 27 intéressant problème d'attribution» Pierre-George Rov 28 et Gérard Morisset considèrent que ce retable fut exé-29 cuté par Philippe Liébert tandis que Ramsay Traquair l'attribue à David Fleury David et que R„-H0 Hubbard accorde toute la décoration intérieure de l'église à Louis Quévillon,, En 1764 des paiements sont effectués pour une sculpture pour le retable du grand autel; en 1765 pour un "tabernacle cadre"; en 1772 pour l'achat de noyer pour le retable et en 1773 on paie 1420 livres au sculpteur Liébert pour des journées de travail. Ces divers paiements portent à croire que Liébert exécu-ta un retable en noyer pour le sanctuaire entre 1764 et 1773» Naturellement les termes "tabernacle cadre" portent à confusion et sortent de l'habitude des marguilliers de mentionner explicitement les paiements faits au retable. Il s'agirait peut-être d'un tabernacle rudimentaire per-mettant, entre autre, de placer les saintes espèces qui devaient probablement être apportées de la résidence des prêtres à chaque office et non laissées en permanence sur la table d'autel. Les paiements de 1772-73 pour la voûte ne peu-vent que suggérer du travail de menuiserie sur ce pla-fond, car on mentionne tout d'abord "pour rétablisse-ment de la voûte" puis "pour rétablir la voûte, menui-series planches". Ainsi une suggestion de tout genre de sculpture par Liébert sur ce plafond est fort impro-31 bable Toujours entre 1773 et 1775 la mention d'une dépense de 300 livres pour "compagnons pour le retable" présente une confusion dans la signification des termes» Nous avons tendance à croire que ces "compagnons", achetés pour une somme importante après la complétion du retable par Liébert, seraient peut-être les deux por-tes du sanctuaire (Fig. 23 - 24) dont le moment exact d'acquisition demeure toujours inconnu» La somme de 54 livres reçue en 1776 par un maçon pour "une porte et raccomodage" nous laisse croire qu'il s'agirait du paiement effectué pour les diverses répara-tions qu'ont subissles portes actuelles pour être insérées dans le retable, bien que nous ne considérions pas le ter-me porte au singulier comme le terme utilisé pour les portes du sanctuaire. Cette appellation pourrait se ré-férer à un quelconque ouvrage mineur sur une autre porte de l'église. De plus, en 1776, le second déboursé de 228 livres "â Mr. Delisle marchand pour or", tend â confirmer notre hypothèse qu'après avoir retravaillé les portes en y ajoutant les planches du bas (Fig. 25) et du haut (Fig. 26) et aminci les côtés, l'on y posa de l'or sur les bordures. Trois raisons nous portent à croire que les por-tes furent achetées complètes et non sculptées par Lié-bert comme la majorité des auteurs supposent. Tout d'abord le terme "raccomodage" signifiait 32 au dix-huitième siècle: "Remettre en état, réparer" » Il serait logique que ce maçon ait placé des planches au bas pour "remettre en état" ces parties des portes qui, éventuellement, présentaient des sections soit brisées, soit moisies. La coupure des côtés et l'ajout de la pièce en arche correspondent bien au terme "ré-parer" ou "raccomoder". De plus, si un simple maçon a pu"raccomoder"les portes, il est tout probable qu'il n'a pas eu â incor-porer les quatre panneaux dans les bordures très tra-vaillées qu'il aurait dû lui-même ciseler» Et comme Liébert ne revient que vingt ans plus tard pour effec-tuer le tabernacle et que le style de ces décorations rococo ne concorde absolument pas avec la manière clas-sique de Liébert, il est improbable qu'il ait travaillé â ces bordures en 1776. Egalement, le terme "compagnons", inscrit au pluriel dans les Registres, indique plutôt l'achat d' objets dispendieux déjà complétés servant â accompagner ou compléter le retable que l'acquisition de panneaux en relief n'ayant pu servir de compagnons au retable s'ils n'avaient déjà été inclus dans les portes. Si les portes furent achetées à l'extérieur et non façonnées au départ pour l'église même, on comprend mieux que leur sujet, les exploits de Samson, ne cor-responde en rien au thème principal de la consécration de cette église, La Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie". Ceci expliquerait également que les lisières séparant les panneaux supérieurs et inférieurs des por-tes tendent â descendre vers le maître-autel (Fig. 27) plutôt qu'à monter vers ce point de rencontre, comme le présente l'arrangement suivant (Fig. 28) qui suit le style des armoires des dix-huitième et dix-neuvième siè-cles dont voici quelques exemples (Fig. 29, 30). Si un simple maçon qui ne connaissait probablement pas les "règles de l'art" a raccommodé les portes, on comprend qu'il les ait inversées et placées dans un ordre qui va à 1'encontre de toute une tradition solidement établie, suggérant une rencontre de la ligne médiane dans un sens ascendant et non descendant comme l'on retrouve â la Vi-sitation. On peut toutefois se poser la question suivante: l'église aurait-elle permis une telle inversion? Si oui, alors le clergé local ignorait peut-être également les notions de style du dix-huitième siècle. Si non, on ten-drait â croire que les portes ne furent placées à la Vi-sitation que beaucoup plus tard, à la fin du dix-neuvième siècle par exemple, alors que l'on avait passablement per-du le sens esthétique des siècles précédents. Il est na-turellement possible que le maçon ait réparé les portes sans consulter les autorités religieuses de la paroisse. Cependant dans l'ordre où l'éventuel menuisier les présente, les exploits de Samson suivent l'ordre chronologique dans lequel ils surviennent dans l'Ancien Testament, soit l'égorgement du lion â gauche avant 1' enlèvement des portes de Gaza figurant sur la porte de droite. Alors que toutes les pièces décorant l'intérieur de cette église sont mentionnées d'une façon ou d'une autre dans les Registres, comment se fait-il que ces por-tes, morceaux importants et originaux du décor, n'auraient fait l'objet d'aucune mention tant lors de leur exécu-tion (à supposer qu'elles soient de Liébert) que de leur achat? Cette omission concernant des bas-reliefs haute-ment travaillés nous semble presqueimpossible â moins qu'elles n'aient été données par un paroissien. Il se-rait donc possible qu'on les ait inscrites aux Regis-tres sous le vocable "compagnons pour le retable". Alors que les années 1773 et 1775 figurent sur la même feuille des Registres, on peut aisément supposer que le paiement de 1420 livres â Liébert, qui vient en tête de page, précède non seulement sur le papier mais également au cours des ans l'achat des "compagnons" qui apparaissent plus bas sur la page. Il serait logique que les marguilliers aient inscrit les dépenses les plus anciennes (1773) au début, c'est-â-dire les paiements à Liébert pour ses journées d'ouvrage vraisemblablement sur le retable, et les achats les plus récents (1774-75) plus bas sur cette feuille traitant indistinctement les les trois années. Finalement si l'on essaie de retracer rapide-ment l'auteur de ces portes, on peut suggérer l'hypothè-se suivante. Comme l'indiquent les Registres de l'église de l'Assomption située â une vingtaine de milles de Mont-réal, Liébert avait travaillé en compagnie d'un autre sculpteur, François Guernon dit Belleville, de 1760 à 1774. Donc ces deux individus devaient se connaître passablement bien après un travail commun de quatorze ans. Il ne serait donc pas surprenant que Liébert ait vu ces portes (ou panneaux) sculptées éventuellement par Guernon soit chez le sculpteur même, soit ailleurs, et qu'il ait suggéré â la fabrique de les incorporer à son retable terminé, même si elles devaient subir quelques modifications. Pour ces diverses raisons, basées principalement sur les Registres de la Visitation, nous croyons que les portes du sanctuaire . ne furent pas ciselées par Philip-pe Liébert lorsqu'il exécuta son retable de 1764 à 1773, mais furent achetées pour la somme importante de 300 li-vres vers 1774-75, puis réparées en 1776, soit trois ans après le dernier paiement effectué par la fabrique à Liébert. Si le terme "compagnons" ne représente pas les portes très habilement ciselées, comment peut-on expli-quer la dépense d'une telle somme pour l'acquisition de pièces accompagnatrices du retable? Il ne peut s'agir des tableaux du choeur puisque "La Visitation" (Fig. 31), au-dessus du maître-autel est une copie d'un des deux 33 peintres Mignard et fut acheté à Paris en 1756 , et que "Sainte Catherine d'Alexandrie" (Fig. 32), au-dessus de la porte gauche, paraît au deuxième volume des Regis-tres de 1834 avec son pendant "Sainte Agnès" (Fig. 33), et que ces deux tableaux furent payés 408 livres. D'ail-leurs dès 1755 les marguilliers inscrivent le terme "tableau" pour les représentations de Saint Michel et de Sainte Anne ; il serait surprenant que vingt ans plus tard (en 1775-6) ils aient soudainement changé d'appella-tion pour des pièces aussi faciles d'identification. L'on comprend mieux l'utilisation d'un terme pour le moins original et vague, "compagnons pour le retable", pour identifier les portes sculptées du sanctuaire. Si nous récapitulons l'évolution du décor mural, en 1773 on possède un retable pour le maître-autel exé-cuté vraisemblablement par Philippe Liébert de 1764 à 1773, selon la mention du nom,de cet artiste à la page des Registres incluant les années 1773 à 1775. Sur cet-te même page, mais un peu plus bas, la fabrique dépense 300 livres pour l'achat de "compagnons pour le retable" et en 1776 elle paie 54 livres à un maçon ?pour une por-te et raccomodage" et dépense également 228 livres pour acheter de l'or. Ici nous avons longuement expliqué précédemment pour quelles raisons nous croyons que cet achat serait celui des portes du sanctuaire Comme nous l'avons mentionné au début, David Fleury David passe un contrat le 25 février 1816 où il promet d'exécuter une voûte suivant un plan, actuel-lement perdu, pour la somme de 14 000 francs et accepte également de faire une corniche corinthienne tout autour de l'église sans rien demander au-delà des quatorze mille francs susdits.35 Ce n'est que quarante ans plus tard que l'on retouche au retable. Le contrat du 2 mars 1816 confir-me le plan de la voûte et accepte la notion d'une cor-niche d'ordre corinthien autour de l'église, sauf au retable du maître-autel. Cependant un texte du 25 juil-let 1824 présenté par Marthe Baudouin indique qu'à ce moment les marguilliers prient le curé de vendre le grand re-table, lequel va être remplacé par un neuf, s'il trouve à le vendre, comme 36 il en a trouvé l'occasion dernièrement. Nous ne pouvons actuellement pas confirmer si la vente eut vraiment lieu, mais il est bon de se souvenir qu'à cette époque la fabrique pense â remplacer cet ancien retable par un morceau de David Fleury David qui refait à ce moment-là tout l'intérieur de l'église. Ainsi, à partir de 1816 et pour les quinze an-nées à venir, David reçoit régulièrement des sommes imposantes pour travailler â la décoration de l'édifice. En 1816 il reçoit 2 000 L., en 1817, 510 L., en 1818, 1 200 L., 1819, 4S8 L. 14 sols et 5 990 L. un sol, 1820, 495 L., 1821, 336 L.15 sols, 1823, 3 366 L,, 1825, 168 L., 1826, 3 924 L. 14 sols, 1829, 1 980 L. 12 sols et 1830, 3 014 L. 11 sols puis 2 550 L. 19 sols. A divers moments ces paiements sont complétés dans les Registres par des contrats spécifiant le tra-vail effectué. Par exemple, le 10 mars 1816, David pré-sente un plan de voûte plus simple que celui qu'il avait proposé le 25 février de la même année et promet de mener à terme cette oeuvre ainsi que la réfection du jubé dans les quatre années subséquentes. En 1818, il incorpore les cornes d'abondance â son décor. De plus, le 25 janvier 1831 David reconnaît "avoir été déchargé de l'obligation de dorer les sculp-37" tures des trois retables" . Cet indice nous laisse songeuse une fois de plus en ce qui concerne l'attribu-tion du retable du maître-autel. Le 1er novembre 1836, un contrat passé avec Joseph Labelle, sculpteur â la Pointe-aux-Trembles (de cinq à huit milles du Sault-au-Récollet), donne quelques réparations â exécuter â la sainte table, aux retables des petits autels et l'engage à agrandir 2 cadres de tableaux, de manière à y poser les tableaux qui se trouvent dans le choeur au-dessus des portes qui vont à la sacristie. Cette réparation implique évidemment une altération à apporter au grand retable qu'il soit de Liébert ou de David. Apres avoir discuté le problème du retable et de la nef, retournons au survol des autres pièces dé-corant l'intérieur de l'église. En 1777, la paroisse dépense 15 livres "pour un autel et autres ouvrages". Cette somme minime laisse supposer qu'il s'agit de la confection d'une table très simple ou de la réparation du "devant d'autel" de 1752. Pendant les dix années suivantes aucun travail d'importance n'est effectué au corps de l'église. Ain-si en 1789 on paie 245 livres "pour la porte de l'église et la commode". Un contrat que nous présentons en Figu-re 34 fut alors signé entre la fabrique et Louis Quévil-lon qui fera: une grande porte semblable à celle de Saint-Martin de l'isle Jésus excep-té l'évantail qu'il ne fera pas en vi-trage mais avec une coquille au centre, de plus une commode pour mettre les or-nements de six pieds de long en noyer tendre â cinq tiroirs â chaque bout...39 A noter que nulle part nous n'avons trouvé mention d'une 40 porte ouest comme le laisse entendre Traquair . Sans le contrat qui décrit passablement bien cette porte qui semble plutôt un morceau donnant accès â l'extérieur de l'édifice qu'une pièce intérieure hautement décorée, on pourrait croire que Quévillon serait l'auteur des portes du sanctuaire. Mais un trait de caractère du maître de "l'école de Saint-Vincent-de-Paul" n'a pu changer uni-quement lors de la confection des panneaux sculptés, c' • est que Quévillon a l'habitude de faire signer des con-trats pour chacun des ouvrages qu'il entreprend. Gomme on le sait déjà les Registres demeurent muets sur ces morceaux du décor. De plus on ne possède pas de sculp-ture ou de bas-reliefs clairement identifiés, par con^V trat, de sa main. Ce sculpteur se spécialisa surtout dans la décoration de tombeaux d'autels qui, tout en de-mandant une certaine aptitude, ne réclame pas la dexté-rité nécessaire pour ciseler des membres de personnages et présenter les individus dans une perspective aussi bien réussie qu'au Sault-au-Récollet. En 1791,Liébert reçoit 800 livres pour une chai-re (remplacée par celle de Vincent Chartrand en 1836), tandis qu'en 1793 il reçoit 1 000 livres pour un taber-nacle du grand autel. Cinq ans plus tard, en 1798, la fabrique dé-bourse 446 livres pour un chandelier pascal. Ce der-nier (Fig. 35) pourrait provenir autant de la main de Liébert que de celle de Quévillon, bien que l'absence de contrat nous laisse supposer que le premier sculp-teur l'exécuta. En 1799, Joseph Martineau reçoit 12 livres "pour boucher la petite porte de l'église du côté cime-tière". Nous pensons que les Registres parlent ici de la porte close présente dans le mur de la chapelle Sainte Anne et non de celle que Quévillon façonna et qui devait fermer l'ouverture donnant dans la chapelle Saint Mi-chel. En 1800, Quévillon collecte 450 livres, promises par contrat le 29 décembre 1799 par les marguilliers, pour un banc d'oeuvre aujourd'hui disparu. Le contrat passé le 10 octobre 1802 mentionne que ce même sculpteur s'offre pour exécuter les deux tabernacles des chapelles Sainte Anne et Saint Michel et sera payé 700 livres le 19 décembre. A la même date (10 octobre) on remarque une note â la suite de la men^ tion de la somme â payer par la fabrique.: "et de plus 41 l'ancien tabernacle de l'autel Saint Michel" . Nous pouvons donc supposer que pour payer un peu moins cher les nouveaux autels, la fabrique donnera à Quévillon une pièce déjà existante du mobilier. Ce même contrat indique également que les mar-guilliers. lui ont en outre promis la préférence pour les autres ouvrages de sculpture qu'ils pourront faire faire par la suite.42 Ainsi, une fois de plus, l'esprit d'affaire de Quévil-Ion ressort dans cette entente lui donnant par écrit l'autorisation de travailler à la décoration de la Vi-sitation dans le futur. Quatre ans plus tard, eii 1806, un nouveau contrat annonce qu'il a été résolu de faire faire un autel à la Romaine pour le grand autel et deux autres pour les Petites chapelles de ste anne et de st michel... par dessus le marché deux croisées pour le choeur.43 On paya 2 380 livres pour l'ensemble. Les croisées que l'on pourrait toujours suggérer comme syponymes pour les portes du sanctuaire se réfèrent plutôt au "châssis vitré, ordinairement à battant, qui ferme 44 . une fenêtre" , et n'a donc rien â voir avec les por-tes en question. De 1816 â 1830, David Fleury David travaille â la décoration murale de l'ensemble comme nous l'avons vu précédemment. Pour compléter cette décoration, Vincent Char-trand sculpte la chaire en 1836 et un autel en 1844 comme l'attestent les Registres. Nous n'avons pas idée de la situation de ce meuble et ne croyons pas qu'il s'agisse de la table d'autel qui a été placée à l'avant du choeur depuis le renouveau liturgique, . car selon les dires de monsieur le curé Pelletier ce morceau fut acheté au cours des années soixante. Mais ce contrat est assez spécifique concernant l'appa-rence de l'ensemble: Vincent Chartrand sculpteur ... s'oblige ... faire un autel avec les gradins et le tabernacle semblable à celui du collège de Montréal, pinturé et doré de la même manière finie et achevée le vingt quatre Décembre mil huit cent quarante quatre, pour le prix et la somme de vingt une livre coiorant. 45 En résumé, si l'on se fie aux contrats et notes des Registres, Fleury David aurait décoré les murs et la voûte de la nef, les retables des autels latéraux, les murs de côté et la voûte du sanctuaire mais aurait possiblement respecté le retable du maître-autel qui ne comprendrait plus actuellement, selon nous, que les quatre colonnes corinthiennes encadrant les portes du sanctuaire et le maître-autel. Les portes auraient été incorporées à ce retable de Liébert vers 1776, soit en-viron trois ans après sa complétion par ce sculpteur et les tableaux au-dessus des portes furent insérés, après quelques retouches au cadre, en 1836. Quant au tableau de "La Visitation", nous n'avons pu trouver â quel mo-ment il pénétra dans l'église mais nous croyons qu'il était partie intégrante du retable de Liébert et qu'il siégea tout à fait visible de la nef avant l'ajout d' un genre de baldaquin illuminé effectué en 1925. Seuls les plans attachés aux Registres, et perdus, permettraient de dater avec certitude ce grand retable où figurent les portes que nous allons mainte-nant étudier. Fig. 1 m p sa t»|îtftEa *mt i Nte LA mût pis FMV! ?s.fc»J LÉ 4 èCT^BiE . ;-£7ïiïâ-n: nr, >rwhwjsè\rik^ v i U Lé 24-JIN 1S-5 P 4 Z7S-W!A#n 'jlA MC-iSF n r m i k e v ^ u a m p l a i w \H7-AU-RF.C> : JrBV. T 1 9 2 S Fig. 2. Ecriteau apposé sur la façade de l'église. Ajy PIED DU DERNIER Ut LA RIVIEÙE DES PK^ IR^ S L E 2 5 J U I N Î G 2 5 OMttTE MASSACRES E~ NOYES PAR TROIS MURONS SCELERATS H" US HEIIX'PREMIERS MART/^ W CANAOA LE P.NICOLAS VIEL j ET SB» NEOPHYTE AH U N I SIC. i UCTWH SÂULT iU-tffCOLLET or LA société srj. 3™ * li ,saéi • Fig. 3. Ecriteau apposé sur la façade de l'église. Rivicre des Prairies. A Eglise de Solrc-liante de Lo-rclle. B Maison des mis-sionnaires. C M aison des sœurs de la Con-grégation. D M aison des fer-miers. E Bastions. ' F Entrée dit fort. PUS VE LASCIES FORT Dl SAl'LT au Récollet. Fig. 4-Fig. 5. Plan de l'église sur le mo-dèle dit "â la récollette". Fig. 6. Reconstitution de l'ancienne façade de l'église transportée â la chapelle des Saints Anges, aujourd'hui démolie. Fig. 7. Jonction de la nouvel-le façade et de la nef. Noter la porte latérale condamnée. Fig. Façade de John Ostell construite en I85Ô. Fig. 10. Eglise de Sainte Rose. / Fig. 11. Eglise de l'Assomption. tJront >aiion Sra/f of i/ëtf o /e io 30 43 so to 70 eo po too Fig. 12. . Hic, CrliuKCh. O r li hr, Vu Sa jiAI 11 O N AT SAULT AU RECOLLET THE ÇHURCH OF THE VISITATION AT SAULT AU RE COLLET J'cafe of tTttf 40 50 s» Jid* 6fevatiorx Fig. 13. i sOfA^ y ' .k&rr VJ1 M I THE CHURCH OF THE VISITATION AT SAULT AU RECOLLET Jfoor Wan. Fig. 14. Fig. 15. Angle ouest de l'église. Noter les contre-forts. Fig. 16. Intérieur de l'église. Fig. 18. Autel latéral. Fig. 19. Corne d'abondance au-dessus du retable d' une chapelle latérale. Fig. 20. Chaire. Fig. 21. Tableau de Saint Michel terrassant le dragon (anony-me ). Fig. 22. Tableau de Sainte Anne. Fig. 23. Porte gauche du sanc-tuaire . Figo 24. Porte droite du sanc-tuaire 0 Fig. 25. Porte gauche, détail. Fig. 26. Porte droite, détail. Fig. 27. Fig. 28. Portes inversées Fig. 29. Armoire, fin lôe siècle. Fig. 30. Buffet deux-corps, fin 18e siècle. wpsrw 31. Tableau de "La Visitation". Fig. 32. Tableau de Sainte Catherine d'Alexandrie (anonyme). Registres des Actes de Fabrique vol. I 1736-1824 "3me f, (13 fév. 1789) (note en marge:) Marché fait entre Louis Quévillon et la Fabrique pour acheter une porte d'Eglise et une commode. Le Treize février mil sept cent quatre vingt neuf Louis Cuvillon s'est obligé et s'oblige par le présent acte, marché passé entre lui et nous et le marguiller en charge de l'Oeu-vre et fabrique du Sault au recollet amable thibeau dit L'éveillé, de faire pour l'Eglise de la ditte paroisse une grande porte sembla-ble à celle de St Martin de l'isle jesus ex-cepté l'évantail qu'il ne fera pas en vitrage mais en panneau avec une coquille au centre, de plus une commode pour mettre les ornements de six pieds de long en noyer tendre à cinq tiroirs à chaque bout, tous chaque tiroir sé-paré par des planches emboufetés, en outre deux bâtons de fanaux, le tout moyennant la somme de deux cens quarante cinq livres ou Shelings ancien cours de la province, promet-tant la commode dans quinze jours et la porte en mai de la dite année. Louis quévillon marque de amable thibeau dit Leveillé Esp. Chenet ptre § AHC.1 y ES L i, U Af-.'CZLLERIE : '.iC.-JTREW-v Fig. 34-CHAPITRE II LES PORTES DU SANCTUAIRE A : DESCRIPTION Les portes du sanctuaire de l'église (Fig. 23, 24, 36, 37), situées de chaque côté du maître-autel et faisant face à la nef, sont de bois polychrome sculpté et mesurent 2.21 mètres de haut par 0.91 mètre de lar-ge. Chacune se subdivise en deux panneaux inégalement taillés et représentant, dans la partie supérieure, des scènes de la vie de Samson et, dans la portion in-férieure, de la vie courante. Des cadres inégaux,mais symétriques aux lisières dorées décorées de rinceaux cintrés et de feuilles repliées suivant le style rocail-le, entourent les quatre sujets. La scène supérieure de la porte de' gauche (Fig. 38) présentant "Samson tuant le lion de Thamna" provient de la chronique du Livre des Juges de la Bible, au chapitre 14, versets 5 et 6, qui se lit comme suit dans l'édition des moines de Maredsous: Samson descendit avec son père et sa mère â Thamna. Comme ils ar-rivaient aux vignes de Thamna, su-bitement un lion bondit â sa rencon-tre en rugissant. L'Esprit du Seigneur empoigna Samson qui, sans rien avoir.à la main, déchira le lion comme on dé-r chire un chevreau. Mais il se garda de raconter à ses parents son exploit. (1) Certains détails du récit varient selon les versions. Ainsi dans le texte de la biblè> anglaise The Holy Bible Containing the Old and New Testament in Con-fraternity and Douai Text, le père et la mère de Samson l'accompagnent également: "So Samson went to Thamna (2) with his father and mother" . Certaines traductions, telle celle de l'Ecole Biblique de Jérusalem, omettent la présence des parents du jeune homme: "Samson descen-(3) dit â Timna..." Le panneau supérieur présente trois personnages. En avant-plan, Samson tue de ses mains nues le lionceau et à gauche, sur une colline en arrière-plan, un homme et une femme discutent devant deux petites maisons vi-sibles dans le lointain. Manifestement le sculpteur a transposé une version de l'histoire où les parents accompagnent leur rejeton. La scène est flanquée de deux arbres, puis surplombée par deux nuages et dis-posée sur le sol oû poussent des touffes d'herbe et une fleur tandis qu'un tronc d'arbre et des pierres enrichissent le paysage. Un cadre fortement décoré enserre le tout. Dans la portion inférieure de cette porte (Fig. 39), un prêtre lisant (probablement son bré-/ viaire) se dirige vers une église de pierre surmontée d'un coq. Selon Ramsay Traquair: stone churches must have been very rare in Canada before about 1730. (4) Cette remarque, un peu générale d'ailleurs, permet de penser que les portes furent sculptées au moins après cette date. Pour compléter la scène, un arbre fait pendant â l'église tandis qu'une colline, deux maisons et quelques nuages se dessinent en arrière-plan. Le panneau supérieur de la porte de droite (Fig. 40) rapporte un autre moment de la vie de Samson, "L'arrachement des portes de Gaza", décrit au chapitre 16, versets 1 â 3 (inclus) de la Bible de Marédsous: Samson se rendit â Gaza où il vit une prostituée et il alla la trouver. Le bruit courut dans Gaza: "Samson est ici". Ils se mirent en embuscade aux alentours, toute la nuit, près des por-tes de la ville. Toute la nuit ilssse tinrent cois en disant: "Au point du jour nous le tuerons". Samson resta couché jusqu'à minuit. Vers minuit il se leva. Saisissant les battants de la porte de Gaza avec les deux poteaux, il les arracha y compris le verrou les chargea sur ses épaules et les porta jusqu'au sommet de la montagne qui fait face â Hébron. (5) Ici le héros gravit une colline rocailleuse emportant sur son épaule les deux portes de la ville perceptible dans le lointain. Un arbre, de l'herbe, une fleur, des rochers et des nuages équilibrent et agrémentent la composition. - N -Dans la partie inférieure de cette même porte (Fig. 41), un personnage en longue robe noire accompa-gné d'un chien se dirige vers une maison de pierre de taille à deux étages. Comme pour les scènes précéden-tes, le sculpteur utilise un arbre pour balancer le premier plan. Au second plan deux maisons disposées en L, séparées par une tour, placées près d'une clô-ture et d'un champ en culture, orientent notre regard vers un moulin â vent sis sur une butte de l'arriêre-plan. Considérant que nous sommes assez familiers avec ces oeuvres nous passerons maintenant à l'étude plus approfondie de leur contexte iconographique. B : ICONOGRAPHIE Le problême le plus apparent posé par les portes du sanctuaire se situe au niveau même du sujet qu'elles présentent et de leur insertion dans (cette église* On se demande presque automatiquement quel est le rapport entre l'histoire de Samson et celle de la Visitation de la Vierge Marie à sa cousine Elizabeth. Après un rapide coup d'oeil à l'Iconographie (6) de l'Art Chrétien de Louis Réau on pourra peut-être un peu mieux expliquer la présence de ces sujets à La Visitation du Sault-au-Récollet. Selon l'interprétation chrétienne, le personnage (7) même de Samson préfigure le Christ . Dans les scènes qui nous occupent la signification semble claire. En premier lieu, Samson ouvrant la gueule du lion est le symbole du Christ triomphant de Satan. (Ô) En deuxième lieu, l'enlèvement des portes de Gaza est le symbole de la Résurrection. (9) Ici, Samson se réveillant vers minuit et s'évadant de Gaza aux portes fermées et gardées, préfigure le Sauveur se réveillant dans son tombeau qui, tout en évinçant les barrières physiques posées par le rocher du sépulc re - ÔO -et les soldats de garde, s'en retourne victorieux vers le Père après avoir subjugué la mort. Ce même exploit préfigurerait également le portement de croix du Christ lors de sa passion. Si l'on tente de relier ces exploits bibliques à la vie de la Vierge, on pourrait toujours penser que Marie, enceinte de Jésus, visite sa cousine Elizabeth, enceinte de Jean-Baptiste, ce dernier étant précurseur du Christ au même titre que Samson était précurseur du Sauveur. Toutefois une telle relation semble hautement improbable. Naturellement en retraçant la localisation ori-ginale des portes, on pourrait mieux comprendre pour quelle raison une telle iconographie fut utilisée au Sault-au-Récollet. Si elles faisaient partie du décor original, alors leur sujet semble vraiment incongru dans cette église. Par contre si elles furent placées après la consécration de l'église, il devient plus nor-mal qu'elles ne correspondent pas au thème de cet en-semble. Avant de poser notre propre hypothèse, revisons les théories des auteurs ayant écrit sur ce sujet. Sans jamais questionner l'étrar^té de leur ico-nographie â La Visitation, Ramsay Traquair croit qu' elles ne peuvent que provenir de l'église même: They were évidently not separately purchased but formed"part of some older scheme of décoration. (10) - Si -Selon lui, elles pourraient provenir de la première église du Sault-au-Récollet: The old mission chapel was decorated Kalm says: "l'intérieur en vaut mieux que le dehors", and we have accounts for sculpture work previous to the rebuilding of 1751. (11) Comme les Registres ne sont pas très clairs concernant la décoration qu'effectua Liébert, Traquair laisse sup-poser que les portes auraient fait partie de ce travail: Again from 1764 to 1772 considérable sums were paid for a "retable", a "tabernacle cadre", vaulting and other works, whilst in 1773 Hebert the sculptor was paid 1420 livres for some work undefined. (12) Tout en assumant qu'elles proviennent de l'un de ces décors, "The doors were probably made for one or other tie permanente n'apparaît pas avant 1761: ...but it must be remembered that we have no evidence of a stone sacristy before 1761. It seems hardly likely that these doors were made to enter a temporary sacristy, and the later date is therefore more probable. (14) On peut supposer qu'il réfère au sujet même des portes lorsqu'il déclare: "They are unique in their kind in Canada" , mais en fait jamais Traquair ne parle de l'étrangeté de cette iconographie au Sault-au-Récollet. Quelque trente ans plus tard ce même auteur ne 15) considère toujours pas l'incongruité de leur icono-graphie dans le décor actuel; il termine son paragra-phe de la façon suivante : These doors are nowhere mentioned in the church accounts and we may assume that they formed part of an earlier retable. (16) Ainsi, tout en discutant le lieu éventuel d'origine des portes, Traquair ne mentionne jamais leur symbolisme. En effet, il s'en tient surtout à une description détaillée de ces oeuvres comme le fera (17) Gérard Morisset en 1943 C'est chez R.H. Hubbard que l'on retrouve une explication du rapport entre les scènes supérieures et inférieures. En plus de les attribuer à Liébert, il décrit et interprète avec fermeté ces pièces de la manière suivante : The upper panels of each door represent scenes from the story of Samson; the lower are scenes from the early his-* tory of the parish. Thus on the right door at the top is Samson ca-rrying off the gâtes of hostile Gaza, while at the bottom is a view of the first mission tô the heathen Indians at Sault-au-Récollet, with a curé who has just corne from celebrating mass in the church. By an old convention of the Christian art the scene at the top is probably a biblical préfig-uration of the victory recorded at ) the bottom. (1B) Hubbard non plus ne tente pas de les situer dans leur environnement, soit â l'intérieur d'une église dédiée à la Vierge. Sans connaître la source exacte des renseigne-ments de Marthe Baudouin, nous supposons que son inter-prétation se rapproche passablement de celle de Hubbard. Elle décrit et commente la porte gauche de la manière suivante : Au panneau supérieur Samson déchire le lion de Thamnota; dans le panneau inférieur le prêtre récite son bré-viaire: la puissance du ciel lutte contre le mal et opère la rédemption de l'homme. (19) Elle parle de celle de droite comme suit: Dans la partie supérieure Samson enlève les portes de Gaza; au-dessous, un prêtre apporte le viatique: deux évocations de la délivrance assurée par le Christ ressucité. (20) Si nous résumons ces extraits, on constate qu' en général tous les auteurs trouvent une certaine fa-cilité à décrire les portes alors que quelques-uns 6 s'aventurent à spécifier le sens de l'iconographie principalement du Samson lui-même et expliquent parfois le rapport entre les scènes supérieures et inférieures des portes. Mais aucun ne signale l'incongruité de leur sujet même dans cette église. L'hypothèse que nous proposons est toute sim-ple. Nous croyons que les panneaux décorés n'ont pas été sculptés pour orner le choeur de La Visitation. Ils furent probablement transformés en portes de sanc-tuaire après leur achat par la paroisse, ou leur don â celle-ci, durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Donc il n'est pas surprenant que l'iconographie tran-che dans cet ensemble consacré à la Vierge et dominé par le tableau de "La Visitation". La trop grande complexité des figures de Samson nous a ensuite portée à nous interroger sur l'inspiration même des sujets exécutés. Comme plusieurs bouquins circulaient vers le milieu du XVIIIe siècle en Nouvelle-France catholique, on peut s'attendre, après la prise de possesssion du pays par l'Angleterre en 1760, â ce que des volumes anglais apparaissent sur les rayons des bibliothèques privées ou publiques. Pour trouver une représenta-tion de Samson, un sculpteur aura tout naturellement recours a une bible illustrée. Ainsi, après maintes recherches, nous avons découvert une Histoire de l'Ancien et du Nouveau Tes-(21) : tament illustrée, de 1701, et possédant de multi-ples gravures de dimensions imposantes. Au livre des Juges, ce volume reproduit l'histoire de Samson et présente le héros terrassant l'animal (Fig. 42) et em-portant les portes de Gaza (Fig. 43), et ce dans une position trop similaire à celle que présentent les personnages des portes pour ne pas èn être le modèle. Regardons rapidement la représentation de "Samson et le lion" (Fig. 42). Un jeune homme musclé, vêtu â la romaine et dont la cape vole au vent en un i cercle vigoureux, empoigne de ses deux mains la gueule du lion renversé sur le dos et maintenu dans cette po-sition par la jambe droite du héros. La scène se déroule en plein bois tandis que les parents de Samson s'apprêtent à traverser une rivière sur un pont rudi-mentaire de l'arrière-plan. Cette représentation n'innove pas dans la tra-dition des figurations de cet exploit. Selon Louis Réau, Samson enfourche presque toujours le lion... Chevauchant le fauve ou lui immobili-sant le cou avec sa jambe gauche repliée, il saisit des deux mains les mâchoires , de l'animal pour les écarter. (22) Un rapide survol de quelques bibles illustrées, nous montrera cette position fréquemment répétée. Ainsi (23) une Bible allemande de 1638 (Fig. 44) présente pas-sablement la même position que celle de La Visitation du Sault-au-Récollet. Ici Samson ouvre la gueule du li lion à la langue sortie et voyant son corps renversé sur le dos alors que sa queue est disposée relativement en cercle. Dans le volume IV de l'édition de 1717 de la (24) Bible du Maistre de Sacy , on note des rapprochements intéressants entre le paysage, le couple de l'arrière-plan et le décor végétal de l'avant^plan (Fig. 45). Seulement le héros central diffère de celui de la bible de 1701 car il est debout pour ouvrir la mâ-choire du lion soumis, coudié sur le côté dans une po-se relativement inactive comparée â celle du lion des portes de La Visitation et de la bible anglaise ci-haut mentionnée (Fig. 38,42). Dans l'édition de 1857 de la Bible du Maistre (25) de Sacy ,une autre gravure présente le jeune homme presqueassis sur un lion couché â plat ventre et re-tournant la tête sous l'effort de son agresseur (Fig. 46). (26) O'Leary présente un Samson cape au vent qui agresse l'animal de face (Fig. 47). Le paysage environnant offre des palmiers, une ville dans le loin-tain et quelques arbres imprécis â gauche. Alors que le groupe de Samson, celui des pa-rents et l'arbre de gauche (avec ses trois "niveaux" de feuillage) des portes du sanctuaire sont clairement co§> piés de l'illustration 68 du volume I de l'édition an-glaise de 1701 de L'Histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament, on se demande où le sculpteur aurait pu prendre un modèle pour le palmier de droite de ce même panneau supérieur de la porte de gauche. Comme il pos-sédait éventuellement les deux volumes de cette bible, il est facile de penser que le maître québécois ait pigé ailleurs dans cet ouvrage un patron pour cet arbre exo-tique. C'est ainsi que l'on retrouve un palmier pré-sentant également un tronc couvert de languettes dans l'illustration 12 du volume II, et intitulée The Flight Into Egypt (Fig. 48), ainsi que dans l'illustration 31 nommée The Canaanite Woman (Fig. 49). Dans les deux cas les rameaux du feuillage sont travaillés en longues bandes mouvementées retombant en courbes simples de part et d'autre du tronc. Dans la première gravure mention-née un arbre, au fond â droite, au tronc arqué et aux branches coupées aurait également pu servir de prototy-pe aux nombreux arbres tordus que l'on rencontrera dans chacune des scènes des portes. Les brins d'herbe de l'avant-plan présentent quelque peu la manière utilisée par le sculpteur canadien dans ses décors végétaux que nous étudierons dans la dernière section du chapitre III. Dans l'illustration 4 du volume I (Fig. 50), exé-(27) cutée par le graveur P. P. Bouché et intitulée The Punishment of Adam, ces brins pointent de derrière un caillou dans le style de ce que nous voyons au Sault-au-Récollet. Pour l'évocation de l'enlèvement des portes de Gaza, Réau remarque que l'art du Moyen-Age représente souvent les portes de Gaza enlevées par Samson avec leurs battants entrecroisés afin d'évoquer l'image de la croix. (28) - ÔÔ -Le graveur de la bible de 1701 tout en les plaçant dans un certain angle n'accentue pas outre mesure cette notion de la croix(Fig. 43). Dans cette gravure, la ressemblance avec le panneau supérieur de la porte de droite de l'église de La Visitation (Fig. 40) est indiscutable. Samson, habillé notamment d'une jupe et d'une cape volant au vent, les portes à pentures décorées chargées sur son épaule, gravit le mont Hébron en renversant la tête vers l'arrière tandis que Gaza,dont l'arche d'entrée est vide, apparaît au fond â droite. Pour ce qui est de la représentation de cette scène dans les bibles de l'époque, elle ne semble pas tellement intéresser les graveurs. Dans le coin droit d'une illustration â plusieurs subdivisions d'une bi-(29) ble hollandaise apparaît un petit Samson escaladant la montagne,"les portes sur l'épaule et regardant en arrière vers la gauche. Mais en général cet exploit du héros demeure dans l'ombre. Après ce rapide survol des diverses représen-tations de Samson tuant le lion et de Samson emportant les portes de Gaza â partir de quelques bibles des dix-huitième et dix-neuvième siècles, nous désirons retracer l'histoire de la bible anglaise de 1701, car il semble étrange malgré tout qu'un sculpteur français ait copié son sujet d'un ouvrage anglais. La meilleure explication que nous concevons tient au fait que cette bible est une traduction an-glaise d'une bible française publiée a diverses re-prises au cours des dix-septième et dix-huitième siècles, sous la direction de monsieur Nicolas Fon-taine, Sieur de Royaumont, Prieur de Sombreval. Malheureusement nous n'avons pas trouvé cette Histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament illustrée tant française qu'anglaise dans les principales biblio-thèques de Montréal soit, la Bibliothèque Nationale, la Bibliothèque Municipale, celle de l'Université Me Gill et celle du Grand Séminaire de Montréal. Toutefois le Grand Séminaire possède un exemplaire non illustré (3) de cet ouvrage paru en 1804 En contactant l'Université Harvard nous avons constaté qu'elle possède une édition française de (31) 1686 de cette bible. Après une étude attentive des pauvres reproductions reçues, nous constatons que les deux gravures (Fig. 51> 52) présentent les deux exploits de la même manière que dans la bible anglaise (Fig. 42, 43) seulement avec la particularité suivante:, les il-lustrations de la bible anglaise sont inversées par rapport â celles de l'ouvrage français, et/ou vice versa. Cette inversion nous laisse supposer que le graveur de la bible anglophone publiée après l'ouvra-ge du Sieur de Royaumont, a presque intégralement copié et agrandi les petites images de l'oeuvre francophone. Naturellement, lors de l'impression les copies apparu-rent inversées par rapport aux originaux. Il est tou-tefois intéressant de noter que le graveur Pierre Paul Bouché n'aipas reproduit avec autant de similitude ces deux scènes de la vie de Samson alors que La Défaite des Philistins (Fig. 53) et La Mort de Samson (Fig. 54) semblent présenter (dans le volume anglais) les mêmes sujets que dans la bible française (Fig. 55, 56), mais sans inversion cette fois. Nous ne suggérerons pas de solution pour ce dernier problème car ceci nous condui-rait hors de notre sujet. \ Dans cette copie des exploits du héros biblique, on remarquera que le graveur n'a pas pris son sujet dans une autre traduction anglaise de la bible de Royau-(32) mont, parue en 1691 puisque celles-ci, presqueiden-tiques en format à celles de la bible française, ap-paraissent dans le même sens que les grandes pièces gravées de 1701. Si nous revenons aux pièces de La Visitation, nous croyons que le sculpteur a fort probablement copié ses sujets â partir de la bible de 1701 pour les deux raisons suivantes. Tout d'abord les scènes sont placées exactement dans le même sens que celui des gravures. On serait surpris de voir un sculpteur québécois, même doué, entreprendre une transposition non seulement agrandie mais inversée de ces deux pe-tites gravures de la bible de 1686 sur des panneaux dont le format s'apparente énormément â celui des grandes pièces de la bible de 1701. Ensuite nous croyons que les dimensions mêmes de cette bible anglaise ont pu impressionner le sculpteur et que, conséquemment, il a transposé dans un sens et des dimensions presque semblables les illustrations de l'ouvrage anglophone de 1701 sur les portes du sanc-tuaire de l'église du Sault-au-Récollet. Naturellement la question de l'acquisition de ces volumes par un artiste canadien français de-meure ouverte. Mais on peut toujours présumer qu'a-près 1760 des éditions de bibles ou d'histoires de la bible circulaient librement au pays. Cette forte possibilité de copie dans un ouvrage anglais permettrait, à la rigueur, de décla-rer que les portes furent exécutées après 1760. Bien sûr le sculpteur a pu rencontrer des Anglais avant cette date mais nous en doutons. Quant à la copie à partir de bouquins ou bien de pièces existant dans d'au-tres villages, elle était pratique courante dans le (33) Québec du dix-huitième siècle . Il est malheureux toutefois que nous n'ayons pas, jusqu'à ce jour, ren-contré cette Histoire de l'Ancien et du Nouveau Testa-ment (édition française ou anglaise) à Montréal. L'Université de Colombie-Britannique possède un exem-plaire des versions anglaises de 1691 et 1701 de l'ouvrage du Sieur de Royaumont. Quant aux scènes inférieures représentant des historiettes locales selon Traquair, nous n'avons pas trouvé d'illustration qui aurait pu servir de modèle parfait. Seulement, divers éléments des nombreuses gravures de la bible de 1701 se retrouvent ici et là dans ces bas-reliefs. En fait peu de détails apparentent le "Curé se dirigeant vers l'église" â ceux de cette bible (Fig. 57). On retrouve malgré tout plusieurs maisons i d'arrière-plan avec un oeil-de-boeuf sous le pignon dans la gravure 10 du volume I, intitulée The Building of the Tower of Babel (Fig. 5$) et signée par M Vander f _ T GuOat . On pourrait toujours rapprocher l'accen-tuation du tour des fenêtres et des portes par un (35) rebord massif â la figure 19 du volume I, de J. Kip et dénommée Ishmael Driven Put (Fig. 59) où les ou-vertures des bâtiments se présentent de la même ma-nière qu'à la Visitation. Dans ce panneau inférieur de la porte de gauche, on note que la moitié apparente de l'église possède des lignes des premières églises de pierre taillée de la colonie (Fig. 60). Mais â part ces notes très générales nous n'avons pas trouvé d'illustration identique en tout point au bas-relief. Quant à la présence des oeil-de-boeuf, nous doutons qu'ils soient d'inspiration locale car les maisons québécoises que nous avons vues â diverses reprises dans différents volumes sur l'architecture québécoise ne présentent jamais cette particularité. Il en est de même pour la forme et les dimensions des fenêtres qui sont très vastes pour un climat aussi rigoureux que celui dont jouit le Québec. De cette illustration 19, Ishmael Driven Put, (Fig. 59) le sculpteur aurait puisé plusieurs éléments pour son panneau inférieur de la porte de droite où un prêtre, accompagné d'un chien, se dirige vers une maison (Fig. 61). Ainsi la localisation et, jusqu'à un certain point, l'angle de la maison en premier plan â gauche présentant une vaste porte bordée et un bal-con au deuxième étage (Fig. 62) s'apparente quelque peu à la situation et au style de maison que l'on voit dans la bible, sauf le balcon. Ici le graveur a cise-lé (Fig. 59) l'ouverture du rez-de-chaussée et les pierres taillées, surtout dans le coin de l'édifice, de la manière que l'on retrouve au Sault-au-Récollet. Quant au balcon, ajout quasi inexistant au Canada au dix-huitième siècle, on peut en voir un tout petit sur la maison à droite de l'illustration 125 du volume I, intitulée Ahaz The Wicked King (Fig. 63) exécutée par P.P. Bouché, la vigne grimpant sur la maison de cette illustration 125 aurait pu donner une idée pour cette même plante qui monte après l'arbre du relief de Samson emportant les portes de Gaza (Fig. 64). En baissant les yeux sur la gravure d'Ish-mael (Fig. 59), on remarque un petit chien posté sur ses pattes arrières, les pattes avant relevées et la queue recourbée, ce qui équivaut exactement â la pos-ture du chien accompagnant le prêtre (Fig. 62). Ce-pendant les directions des deux animaux s'opposent. Comme ce détail ne présente pas tellement de difficul-tés de reproduction pour le sculpteur, nous croyons qu'il a facilement inversé son sujet animalier pour mieux l'intégrer à la scène "au prêtre". Pour le groupe de maisons du second plan (Fig. 65), on retrouve cet agencement dans la disposi-tion des maisons de 1'illustration 34 du volume II, (36) intitulée The Ten Lepers Healed, du graveur Van Hove (Fig. 66), où le sommet d'une cheminée possède un rebord tandis qu'une petite maison sans fenêtres ap-paraît à gauche du groupe, et qu'une sorte de tour à oeil-de-boeuf sous le pignon et aux fenêtres allongées s'élève à gauche de l'ensemble surplombé par quelques arbres perçant derrière les toits. Une clôture à la-quelle quelques planches manquent ferme l'espace réservé pour la cour et rappelle également le traitement du bois pour ces détails au Sault-au-Récollet. Quant aux épis de blé allongés simplement entail-lés dans le bois de la porte (Fig. 67) , on peut le re-lier à ceux du champ de blé que moissonnent quelques ouvriers dans l'illustration 74 du volume I et nommée Ruth Followeth Naomi de P. P. Bouché (Fig. 68). Le moulin â vent de l'arrière-plan surprend au premier abord mais on croit y voir un reflet de l'in-dustrie montréalaise de l'époque. En consultant diver-ses gravures et cartes, nous avons détecté la présence de ces tours sur l'île de Montréal â trois endroits: près du Sault-au-Récollet dans la paroisse de Saint Joseph, à la Pointe-aux-Trembles dans la paroisse de L'Enfant-Jésus et enfin à Lachine, au sud de Montréal, près du Sault-Saint-Louis (Fig. 69). On pourrait encore discuter de l'origine des panneaux inférieurs des portes du sanctuaire de la Visitation, mais nous croyons assez bien résumer leur iconographie en disant qu'ils présentent des éléments empruntés tant aux gravures de l'Histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament qu'au paysage local. Dans son choix d'illustrations on note que le sculpteur a tendance à copier principalement P. P. Bouché bien qu'il emploiera â l'occasion des détails d'autres graveurs. Pour l'instant, nous n'avons pu qu'assembler des éléments pris à divers endroits dans ces deux volu-mes de l'Histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament de 1701^ que nous considérons comme la source des sujets travaillés en bas-relief sur les portes du sanctuaire de La Visitation. Finalement, après avoir constaté combien le sculpteur a copié à divers endroits dans cette bible, on ne peut que conclure qu'il n'a pas exécuté les por-tes dans le but primordial de décorer l'église de La Visitation car s'il avait voulu suivre l'iconographie offerte par l'église même il aurait tout naturellement copié la scène de La Visitation disponible dans la bible anglaise de 1701 (Fig. 70, 71). Pour expliquer les sujets religieux de ces décors, nous proposons que les panneaux auraient éventuellement été travaillés pour orner un meuble religieux, telle une armoire de presbytère par exemple. Naturellement ces propos demeurent hypothétiques et % pourraient être discutés ou approfondis. Fig. 36. Porte gauche. Fig. 37. Porte droite. Fig. 38. Porte gauche, par-tie supérieure. Fig. 39. Porte gauche, par-tie inférieure. Fig. 40. Porte droite, par-tie supérieure. Fig. 41. Porte droite, partie inférieure. Fig. 42. Gravure intitulée "La Naissance de Samson"» Fig. 43. Gravure intitulée "Les Portes de Gaza". Fig. 44. Bible allemande, 1638. Samson tue le lion. Figc 45. Bible du Maistre de Sacy, 1717. Samson et le lion. Fig. 46. Bible du Maistre de Sacy, 1857. Samson déchire un lion. \ Fig. 47. Bible de O'Learjr. Samson et le lion. Fig. „ Gravure, La fuite en Egypte. • '•Amis/uncnt of^ laa m. Fig. 50. Gravure, La Puni-tion d'Adam. JNaifance JtSamftn. Juges 14. Fig. 51. Histoire de la Bi-ble du Sieur de Royaumont, 1686. Fortes dt Gaza. Juges 16. Fig. 52. Histoire de la Bi-ble du Sieur de Royaumon-fc, 1686. Fig. 53. Gravure, Samson et les Philistins. Fig. 54. Gravure, La Mort de Samson. Fig. 55. Histoire de la Bible du Sieur de Royaumont, 1686. La défaite des Philis-tins. Fig» 56. Histoire de la Bible du Sieur de Royaumont, 1686. La Mort de Samson. y Fig. 58. Gravure, La Cons-truction de la Tour de Babel. Fig. 59. Gravure, Ismael chassé. Fig. 60. Porte gauche, par-tie inférieure, détail. Fig. 61. Porte droite, partie inférieure. Fig» 62. Porte droite, par-tie inférieure, détail. Fig. 63. Gravure, Le Mé-chant Roi Ahaz. Fig. 64. Porte droite, par-tie supérieure, détail. Fig. 65. Porte droite, par-tie inférieure, détail. Fig. 66. Gravure, La Guéri-son des Dix Lépreux. Fig. 67. Porte droite tie inférieure, détail. Fig. 68. Gravure, Ruth suit Noemi. H -o ^ p i . ^ JTsles OF \ f M O N T R E A L . (jrj~/7iry /i/irr /ir/t Su/T'tyè/ B r d i e l r e n c I i E u g i i i e e r s . JaOïfna' trAXiac-S:lrtt i Ll ftefèul S'Juachiui JïGnurùi* I H" 0 1 Fig. 70. Gravure, La Visitation. H I S T O R Y O F T H E OLD •»< NEW T E S T A M E N T . Extra^led eut of S A C R E D SCRIPTURE, A N D W R I T I N G S of the F A T H E R S . TsiIUMIW T h e L i r a , Travels and Sulferingj ot the A P O S T L E S ; with a Large and E x a d Htfioricjl Cbronology o f ail the AfFairs and A â i o r a rdatcd in the B I B L E . llic Wbolc aiuflmtd wrth Two hundred and forty S C U L P T U R E S , AND Five Scriptural Maps. De/ineated and Engraved by Good Artifls. Tranllatcd from the Sirm D i K o i i l a i n , by fevenl Handi : Supcrvifcdand Rccommendid bjr Dr Hornetk. ard other Orthudox Divines. The Second Edition Corre&cd and EnlargeJ. L 0 N D O N, f Pnntcd for *. Blom. £ and 7 ' S fini, JJm NiMfc and M " at the foj. tlK Kiwgi-Aimi.wd the^nusin Uttle-Brilêh, Aflîgns of the faid R. Bhme. 1701. T H E H I S T O R Y N E W T E S T A M E N T , B E I N G A N . p Hiitorical Account < ' O F T H E Incarnation, Nativity, Life, Actions, Desé, and Pafiion, Refurredion and Alccnfion, of OurVa^ "' ïojD antj â>atoiour 3Wus € l)ztft : W I T H A SumiTury of His Dilcourfes or Sermons, His Miraculous Cures, &-c. W IT H THE LIVES of the APOSTLES, SACRED S C R I P T U RES W R I T I N G S o f the F A T H E R S , FOR THE Government of our Actions in ail Conditions. ILLUSTRATED WITH S C U L P T U R E S , Aptly and accurately Delineatcd and Engraven by Skilful Artifts, for the better and more livcly Reprcfcntation thcrcof. Tranllatcd from the W O R K S of the Learncd Le S n u * DI ROT AU MONT, By JOSEPH RATNOR B.D. And Supcrvifcd by Dr. AST HOST HORNF.CK, HEURT W H ART OS B. P. 89). Tout d'abord le curé en second plan semble passablement grand comparé au format de l'église de l'avant-plan. Ensuite on ne peut s'empêcher de noter l'immensité de la roche et de sa verdure au centre du tableau. Et fi-nalement, si l'on en croit les proportions accusées ici, la clôture qui unit les deux maisons semble plutôt de l'ordre d'une barricade puisqu'elle égale la hauteur de la maison de gauche aux fenêtres déjà plus grandes que la porte (Fig. 90). Malgré ces anomalies le dessin se tient bien et l'arbre énorme, tortueux et branchu balance la composition qui aurait tendance â s'affaisser vers la droite où se situent tellement d'éléments. En général on ne retrouve pas dans cette scène la tri-dimensionnalité qui régnait dans Samson et le lion. De la section de droite comprenant le curé et les trois bâtiments émanent paix et stabilité tandis que de celle de gauche et du sol on retire une impression de vivacité et de turbulence. Malgré ces différences notables l'ensemble forme un tout aux divers éléments bien intégrés. En abordant le panneau supérieur de la porte de droite, on reconnaît plus facilement maintenant la manié re de travailler de son auteur. Par conséquent nous ne nous attarderons pas outre mesure â analyser minutieu-sement chacun des détails du tableau où Samson gravit une colline en emportant sur son épaule les deux portes de la ville de Gaza, visible dans le lointain (Fig. 92) Examinons Samson de plus près. Ses cheveux lé-gendaires et sa barbe sont incrustés de traits profonds précis et ondulés (Fig. 93) correspondant â la manière utilisée